Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 17 février 2022, n° 19/04696

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRET DU 17 FÉVRIER 2022

(n° 2022/ , 14 pages)


Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/04696 – N° Portalis 35L7-V-B7D-B7YBT


Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Juin 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/08125


APPELANTE

SA SOCIETE GENERALE

[…]

[…]


Représentée par Me Bruno REGNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050


INTIMEES

Madame C X

[…]

[…]


Représentée par Me Agnès CITTADINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

ASSOCIATION […]

[…]

[…]


Représentée par Me Agnès CITTADINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2185

COMPOSITION DE LA COUR :


En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Novembre 2021, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, en double rapporteur devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport et devant Madame Nelly CAYOT, Conseillère.


Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :


- contradictoire,


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,


- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE


Par contrat à durée indéterminée du 2 septembre 2003, Mme C X a été engagée par la Société générale en qualité de conseillère clientèle. Elle occupait en dernier lieu le poste de technicienne moyen de paiement international et percevait une rémunération mensuelle brute de 2 986, 47 euros pour une durée de travail à temps plein.

Mme X a sollicité un entretien auprès du directeur du pôle services clients de Lille, M. Y qui s’est tenu le 28 septembre 2015 au cours duquel elle a dénoncé les agissements de harcèlement moral et sexuel dont elle s’estimait victime, qu’elle a confirmés dans un courrier du 12 octobre 2015 adressé à l’employeur par lettre recommandée. La Société générale a enclenché la procédure interne de prévention de harcèlement moral le 2 décembre 2015 dont les conclusions déposées le 27 juin 2016 n’ont révélé aucun agissement de harcèlement sexuel ou moral.

Mme X a été placée en arrêt de travail à compter du 29 septembre 2015, arrêt prescrit au titre d’une maladie ultérieurement reconnue comme maladie professionnelle. La première visite de reprise s’est tenue le 1er décembre 2016; la seconde le 20 décembre 2016, à l’issue de laquelle elle a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail avec possibilité de reclassement à un autre poste de travail dans une structure autre que le pôle service clients de Lille, mais dans le périmètre géographique Lillois. Par courrier du 17 février 2017, l’employeur a adressé une proposition de reclassement à la salariée sur un poste d’assistant service client au sein du pôle GTPS de Lille, qu’elle a refusée par courrier recommandé du 23 février 2017.


Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 mars 2017 Mme X a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement fixé au 30 mars 2017 puis s’est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier adressé sous la même forme le 7 avril 2017.


La convention collective applicable à la relation de travail est celle de la banque et la Société générale emploie habituellement au moins onze salariés.


Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris le 29 septembre 2017 afin d’obtenir, dans le dernier état de sa demande, la condamnation de l’employeur à lui payer diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail. L’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) est intervenue volontairement à l’instance. Par jugement du 4 juin 2018 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris, section commerce, a :


- reçu l’AVFT en son intervention volontaire ;


- condamné la Société générale à verser à l’AVFT la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- débouté l’AVFT de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;


- condamné la Société générale à verser à Mme X les sommes suivantes :

* 10 000 euros en réparation du préjudice moral lié au harcèlement moral ;

* 20 000 euros en réparation du préjudice moral lié au harcèlement sexuel ;

* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat, le tout avec intérêts de droit à compter du jour du prononcé du jugement et jusqu’au jour du paiement ;

* 3 327, 08 euros à titre de solde d’indemnité compensatrice de congés payés ;

* 1 297, 80 euros à titre de solde de prime de 13ème mois ;

* 239, 32 euros à titre de solde d’indemnité de RTT ;

* 23, 93 euros à titre de congés payés afférents, le tout avec intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu’au jour du paiement ;


- rappelé l’exécution provisoire de droit et fixé la moyenne de salaire à la somme de 2 986, 47 euros ;


- condamné la Société générale à verser à Mme X la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- débouté Mme X du surplus de ses demandes ;


- débouté la Société générale de ses demandes reconventionnelles formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre de Mme X et de l’AVFT et l’a condamnée aux entiers dépens.


La Société générale a régulièrement relevé appel du jugement le 29 avril 2019. Mme X et l’AVFT ont régulièrement relevé appel du jugement le 19 avril 2019. Toute les procédures enregistrées à la suite de ces appels ont été jointes par ordonnance du 26 septembre 2019, la procédure se poursuivant dans le cadre du dossier faisant apparaître la Société générale comme appelante dont l’enregistrement est intervenu en premier.


Aux termes de ses dernières conclusions d’appelante récapitulatives n° 4, transmises par voie électronique le 19 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, la Société générale prie la cour de :


- infirmer le jugement en ce qu’il l’a :
* condamnée au paiement, au profit de Mme X des sommes suivantes :

* 10 000 euros en réparation du préjudice moral lié au harcèlement moral ;

* 20 000 euros en réparation du préjudice moral lié au harcèlement sexuel ;

* 10 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

* 3 327,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

* 1 297,80 euros à titre de solde de prime de 13ème mois ;

* 239,32 euros à titre de solde d’indemnité de RTT ;

* 23,93 euros à titre de congés payés afférents ;

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

* condamnée au paiement, au profit de l’AVFT, de la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

* déboutée de ses demandes reconventionnelles en remboursement des indemnités de rupture versées sur le fondement de l’article L.1226-14 du code du travail, et en application de l’article de l’article 700 du code de procédure civile, à l’encontre de Mme X et condamnée aux dépens.


- confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X de ses demandes de :

* reconnaissance du caractère nul de son licenciement et dommages-intérêts afférents,

* reconnaissance du caractère sans cause réelle et sérieuse du licenciement,

* dommages-intérêts pour délivrance tardive des documents de fin de contrat,

* rappel de la participation et d’intéressement formulée au titre des années 2014 à 2016,


- confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’AVFT de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.

Et statuant à nouveau,


- débouter Mme X de ses demandes de dommages-intérêts formulées au titre du harcèlement moral et sexuel, du manquement à l’obligation de sécurité,


- si la cour devait entrer en voie de condamnation, limiter l’indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse à une somme équivalent à 6 mois de salaire, soit la somme de 13 176,90 euros, réduire les dommages-intérêts à de plus justes proportions,


- dire et juger qu’elle est redevable d’un reliquat au titre de la prime de 13 ème mois due au titre de l’année 2017, d’un montant de 14,51 euros et débouter Mme X du surplus de sa demande formulée à ce titre,


- condamner Mme X au remboursement des sommes versées en application de l’article L. 1226-14, en raison de l’origine non professionnelle de sa maladie et à tout le moins du refus abusif opposé à son reclassement, à savoir :
* 7 610 euros correspondant à 50 % de l’indemnité spéciale de licenciement ;

* 4 392,30 euros correspondant à l’indemnité équivalente à l’indemnité compensatrice de préavis ;


- débouter Mme X de sa demande d’astreinte ou à tout le moins, juger que l’astreinte ne pourrait être accordée qu’à l’issue d’un délai de 15 jours suivant la notification de l’arrêt ;


- débouter Mme X et l’AVFT de leurs demandes formulées en application de l’article 700 du code de procédure civile ;


- condamner Mme X au paiement de la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;


- condamner l’AVFT au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;


- débouter Madame X de ses demandes, fins et conclusions ;


- débouter l’AVFT de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.


Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée, transmises par voie électronique le 15 septembre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, Mme X prie la cour de :


- confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la Société générale à lui verser les sommes de :

* 20 000 euros en réparation du préjudice moral lié au harcèlement sexuel ;

* 10 000 euros de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;

* 3 327,08 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

* 1 297,80 euros à titre de solde de prime de 13ème mois ;

* 239,39 euros à titre de solde de prime de RTT ;

* 23,93 euros au titre des congés payés afférents ;

* 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;


- confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Société générale de sa demande reconventionnelle tendant au remboursement des sommes qui lui ont été versées au moment de la rupture de son contrat de travail sur le fondement de l’article L. 1226-14 du code du travail ;


- la dire et juger bien fondée en son appel ;

Et statuant à nouveau,


- infirmer le jugement en ce qu’il a considéré que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour remise tardive de ses documents de rupture et de rappel de prime de participation et d’intéressement pour les années 2014 à 2016 ;


- dire et juger son licenciement nul par application des dispositions des articles L. 1153-4 et L.
1152-3, et en tout état de cause dépourvu de motif réel et sérieux par application des dispositions de l’article L. 1226-15 du code du travail ;


- condamner la Société générale à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et à tout le moins dépourvu de cause réelle et sérieuse et en tout état de cause sur le fondement de l’article L. 1226-15 du code du travail ;


- porter le montant des dommages et intérêts alloués en réparation du harcèlement moral dont elle a été victime à la somme de 20 000 euros ;


- condamner la Société générale à lui payer les sommes de :

* 5 000 euros de dommages et intérêts pour la remise tardive des documents de rupture,

* 2 741,68 euros à titre de rappel de prime de participation et d’intéressement pour les années 2014 à 2016, conformément au décompte versé aux débats ;


- ordonner la remise d’un certificat de travail, d’une attestation destinée au Pôle Emploi et d’un bulletin de paie récapitulatif conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;


- dire que la cour se réservera le droit de liquider l’astreinte ;


- condamner la Société générale à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel ;


- condamner la Société générale aux entiers dépens ;


- dire que les intérêts courront à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;


- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil.


Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée, transmises par voie électronique le 4 octobre 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l’article 455 du code de procédure civile, l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail prie la cour de :


- infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,


- condamner la Société générale à lui verser les sommes de 3 500 euros en réparation de ses préjudices et 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 code de procédure civile, en cause d’appel,


- faire droit aux demandes de Mme X,


- débouter la Société générale de son appel incident et confirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,


- déclarer irrecevable et en tout état de cause débouter la Société générale de sa demande reconventionnelle de la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.


L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 novembre 2021.
MOTIVATION :

Sur les conditions d’exécution du contrat de travail :


Sur le harcèlement sexuel :


Aux termes de l’article L. 1153-1 du code du travail dans sa version en vigueur du 8 août 2012 au 31 mars 2022, applicable au litige, 'Aucun salarié ne doit subir des faits :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.'


L’article L.1154-1 du même code dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016 prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers qui y sont étrangers.


En l’espèce, Mme X invoque les faits suivants :


- elle subissait des questions récurrentes sur sa vie privée et des remarques, reproches et allusions permanentes à son statut de femme célibataire sans enfant, son style vestimentaire et son physique, ainsi que des moqueries, des invectives, des propos à caractère dégradant ou sexuel,


- elle faisait l’objet de surveillance et de remarques à propos de ses activités extra professionnelles,


- elle subissait des remarques sur la gestion de ses horaires de travail, son comportement silencieux au travail et faisait l’objet d’une surveillance accrue de la part de son supérieur hiérarchique,


- ses demandes de congé étaient systématiquement refusées au profit de ses collègues parents d’enfants,


- elle était exclue de repas clients,


- son téléphone portable a été utilisé à son insu pour réaliser des photos et vidéos comportant des termes grossiers ou à caractère sexuel,


- son image a été utilisée sans son autorisation pour réaliser un photomontage,


- ses collègues utilisaient l’acronyme DTCAD signifiant 'dans ton cul C X'.


Elle fait valoir qu’elle a toujours fait un récit constant, précis et circonstancié des agissements dont elle a été victime et produit un constat d’huissier pour justifier du contenu de son téléphone portable vidéo et photo, ainsi que le photomontage dans lequel elle a figuré sans son autorisation avant que son visage posé sur le corps d’une femme nue dans la boue ne soit remplacé par celui d’une autre collègue et souligne que lors de l’enquête diligentée par l’employeur, son supérieur M. Z a reconnu les faits. Elle ajoute qu’elle a fait de nombreuses démarches pour signaler la gravité de la situation et la faire cesser et produit des attestations des personnes à qui elle s’est confiée ainsi que des pièces médicales étant rappelé que la CPAM a reconnu le caractère professionnel de sa dépression.


L’employeur s’oppose à la demande et conclut au débouté en faisant valoir que :


- la plainte pénale de Mme X a été classée sans suite, l’infraction n’étant pas caractérisée tant à l’encontre de M. Z qu’à l’encontre de la Société générale,


- le constat d’huissier n’établit pas, sauf pour la première vidéo, des éléments à connotation sexuelle,


- le photomontage ne concernait pas exclusivement Mme X mais plusieurs de ses collègues,


- l’utilisation de l’acronyme était le fait de M. Z qui a reçu un avertissement sur ce point.


- un seul fait peut donc être retenu consistant dans le photomontage et à lui seul, il ne peut laisser supposer des agissements répétés de harcèlement sexuel.


La cour observe qu’il est établi par le procès-verbal d’huissier dressé le 8 décembre 2015 par Me E F, huissier de justice que dans le cadre d’une vidéo prise avec le téléphone de Mme X, son supérieur hiérarchique a tenu à son égard des propos à connotation sexuelle parfaitement grossiers et inappropriés, qu’il a reconnus et pour lesquels il a été sanctionné par la notification d’un avertissement le 5 novembre 2015.


Contrairement à ce que soutient la Société générale, Mme X présente d’autres faits dont un montage photographique faisant apparaître plusieurs visages féminin de ses collègues de service sur des corps de femmes en maillot de bains suggestifs et visages masculins d’autres salariés plaqués sur des corps de joueurs de rugby en tenue sportive, étant observé qu’il ressort de l’enquête que le visage de Mme X avait initialement été plaqué sur le corps d’une femme nue couverte de boue puis que devant son refus son visage avait été remplacé par celui d’une autre salariée.


Par ailleurs Mme X fait état de l’utilisation par ses collègues de travail d’un acronyme pour la désigner parfaitement grossier dont une des salariés a reconnu l’usage lors de l’enquête diligentée par la Société générale et en raison duquel le chef de service, M. Z, a reçu un avertissement


Ces faits pris dans leur ensemble laissent supposer des agissements de harcèlement sexuel et il appartient à l’employeur de démontrer qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.


La Société générale échoue à le démontrer en se contentant d’indiquer que M. Z a été sanctionné ou que l’acronyme utilisé ainsi que le reconnaît Mme A dans le cadre de l’enquête diligentée ne concernait pas AD 'C X' mais voulait seulement dire AD 'à droite' et que tout cela ne ressortait finalement que de l’ambiance qui régnait dans le service auquel Mme X était intégrée. Mme X justifie par le biais de ses démarches auprès de l’employeur, du parquet de Lille, de la CPAM, du CHSCT, et en produisant de nombreux certificats médicaux et attestations de ses proches qu’elle a été profondément affectée par ces agissements.


Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a reconnu que Mme X était victime d’agissements de harcèlement sexuel.


Sur le harcèlement moral :


Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

Mme X présente les mêmes faits que ceux dont elle faisait état pour caractériser le harcèlement sexuel et que la cour a rappelé dans ses développements antérieurs.


La Société générale de son côté conclut au débouté en faisant valoir que les faits présentés par Mme X ne reposent que sur ses seules allégations, que les attestations de ses proches qu’elle produit sont dépourvues de toute objectivité et que les attestations médicales ne sont que le reflet de ses propres déclarations, le médecin du travail n’ayant pour sa part procédé à aucune constatation. Elle fait enfin valoir que les alertes de Mme X sont tardives, imprécises quant aux dates et ne répondent en réalité qu’au constat qu’elle a fait que l’employeur ne pouvait répondre à ses aspirations d’évolution professionnelle.


La cour observe toutefois qu’au delà des écrits précis, détaillés et concordants établis par Mme X et de ses déclarations corroborant ses écrits dans le cadre de la procédure interne diligentée par la Société générale, il est établi par les conclusions de cette procédure à l’issue des auditions des salariés que :


- Mme X a été exclue d’un déjeuner de l’équipe avec des collaborateurs du client Auchan,


- M. Z lui faisait des réflexions sur sa gestion de son temps de travail alors que les salariés étaient libres de leurs horaires sous réserve d’accomplir leur temps de travail hebdomadaire englobant un créneau déterminé,


- la réalité des échanges sur la vie privée de Mme X est confirmée,


- le téléphone portable de Mme X a été subtilisé à deux reprises avant et après son départ en congé pour y enregistrer un message injurieux et grossier et des photos,


- la réalité du montage photographique avec le visage de Mme X sur un corps de femme nue puis son effacement lorsqu’elle a exprimé son refus sont confirmés,


- il y avait des 'petites blagues ' au travail mais 'jamais trop osées',


- il y a eu des différends pour les congés avec Mme X.


Par ailleurs, l’inspecteur du travail dans son rapport adressé au procureur de la République dans le cadre de la plainte déposée par Mme X indique que l’une des salariées a reconnu que M. Z s’était, au moins une fois, adressé publiquement à Mme X en lui disant 'pipi’ avant de commencer une réunion.


Dés lors la cour retient que les faits présentés par Mme X, pris dans leur ensemble, laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l’employeur de démontrer qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.


L’employeur échoue dans cette démonstration comme il a été vu précédemment, n’étant pas en mesure de justifier que l’isolement de Mme X, la subtitilisation de son téléphone portable, l’utilisation de son image sans son accord, les commentaires sur sa vie privée, les références publiques à ses besoins corporels étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout agissement de harcèlement moral.
Les répercussions de cette situation sur la dignité et l’état de santé de la salariée sont justifiés comme il a été dit plus haut.


La cour retient donc que Mme X a été victime d’agissements de harcèlement moral.

Sur la nullité du licenciement :


Sur la validité du licenciement :

Mme X soutient que son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement doit être annulé dès lors que l’inaptitude trouve son origine dans les agissements de harcèlement moral et sexuel dont elle a été victime et que la procédure prévue par l’article L. 1226-10 du code du travail n’a pas été respectée et sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a déboutée de cette demande.


La Société générale s’oppose à la demande en faisant valoir qu’ il importe peu que le tribunal aux affaires de sécurité sociale ait reconnu que les arrêts de travail de Mme X avaient pour origine une maladie professionnelle et que le lien entre les arrêts de travail et l’inaptitude n’a pas été indiscutablement établi par le CRRMP, ni par le médecin du travail.


La cour considère cependant que les agissements de harcèlement moral et sexuel qu’elle a retenus sont bien à l’origine des arrêts de travail présentés par Mme X dans la mesure où :


- contrairement à ce que soutient la Société générale, les agissements subis n’ont pas consisté en un fait unique dénoncé tardivement par la salariée, mais la cour a retenu des faits multiples et répétés, qui se sont poursuivis au moins jusqu’au 22 septembre 2015,


- si la salariée a pu souhaiter changer de service le harcèlement qu’elle y subissait est de nature à expliquer son voeu de sorte que la Société générale ne peut valablement prétendre que la dépression de la salariée n’est que la conséquence de l’impossibilité de l’employeur de lui trouver un emploi qui lui convienne en ignorant les motifs de la demande de la salariée,


- il résulte de l’enquête menée par le CRRMP que les éléments du sossier mettent en évidence 'des faits avérés de contraintes psychosociales avec violences psychologiques et certains faits étant f o r t e m e n t é v o c a t e u r s d ' u n h a r c è l e m e n t s e x u e l . I l n ' e x i s t e p a r a i l l e u r s a u c u n f a c t e u r extra-professionnel pouvant expliquer l’apparition de la pathologie',


- le médecin du travail a préconisé un reclassement dans un service autre que celui où travaillait la saalriée de sorte qu’il s’en déduit que les conditions de travail qui y régnaient étaient à proscrire dans l’hypothèse d’une reprise du travail,


- les nombreux certificats médicaux s’ils ne reflètent pas les constatations de leurs auteurs sur le lieu de travail et retracent le discours de la patiente, établissent cependant le constat médical d’une altération de l’état de santé de Mme X et son ressenti et sont corroborées par les proches, amis et famille de la salariée qui décrivent une dégradation de son état de santé et de son humeur.


La cour prononce en conséquence la nullité du licenciement de la salariée dont l’inaptitude est en lien direct avec les agissements de harcèlement moral et sexuel qu’elle a subis, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés.


Sur l’indemnité pour licenciement nul :


Le salarié dont le licenciement est annulé et qui ne réclame pas sa réintégration dans l’entreprise peut prétendre en sus des indemnités de rupture à une indemnité qui ne peut être inférieure à sa rémunération des six derniers mois. Mme X fait valoir qu’elle n’a toujours pas retrouvé d’emploi, que son arrêt de travail se prolonge, qu’elle connait une baisse de son niveau de vie, un préjudice moral important et un préjudice pour sa retraite et sollicite la condamnation de l’employeur à lui payer une somme de 100 000 euros à titre d’indemnité pour nullité du licenciement. Eu égard à son ancienneté dans l’entreprise, son âge au moment du licenciement, sa rémunération des six derniers mois, aux circonstances de la rupture, à ce qu’elle justifie de sa situation postérieure au licenciement, la cour condamne la Société générale à verser à Mme X la somme de 50 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de demande.

Sur les demandes financières :


Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement sexuel :


La cour ayant retenu que les faits sont caractérisés condamne la Société générale à verser à Mme X la somme réclamée de 20 000 euros de dommages-intérêts suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est confirmé de ce chef.


Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral :


La cour ayant retenu que les faits sont caractérisés condamne la Société générale à verser à Mme X la somme réclamée de 20 000 euros de dommages-intérêts suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé de ce chef.


Sur les dommages-intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et de prévention des agissements de harcèlement moral :


Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs . Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° Des actions d’information et de prévention,

3° la mise en place d’une organisation et de moyens adaptée.

L’employeur veille à l’adapatation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des mesures existentes.'


Aux termes de l’article L. 4121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'


L’article L. 1152-4 prévoit quant à lui que 'l’employeur prend toutes dipositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.'


La cour rappelle que ne méconnaît pas l’obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

Mme X ssoutient que l’employeur a manqué à son obligation de sécurité en faisant valoir qu’il n’a déclenché la procédure interne que plusieurs semaines après qu’elle a dénoncé les agissements de harcèlement moral et sexuel qu’elle subissait. L’employeur s’oppose à la demande en faisant valoir que sous couvert d’une action en responsabilité contre l’employeur pour manquement à l’obligation de sécurité, Mme X ne peut demander la réparation d’un préjudice résultant de son accident ou de sa maladie professionnelle devant la juridiction prud’homale.


La cour rappelle que la législation sur les accidents du travail et maladies professionnelles ne fait pas obstacle à l’attribution de dommages-intérêts au salarié en réparation du préjudice que lui a causé le harcèlement moral ou en l’espèce la violation de l’obligation de sécurité dont il a été victime antérieurement à la prise en charge de son accident du travail par la sécurité sociale. La demande est donc recevable. En l’espèce, il est constant que Mme X a dénoncé par écrit la situation de harcèlement qu’elle subissait à M. Y le 12 octobre 2015. Il en a accusé réception le 16 et lui a proposé de la déplacer à titre temporaire dans un autre service, précisant qu’elle l’avait informé verbalement de la situation lors d’un entretien qui s’était tenu le 28 septembre 2017. La procédure interne n’a été déclenchée que le 2 décembre 2015, la Société générale a donc attendu plus de deux mois pour le faire et ne justifie pas, de ce fait, avoir pris toute les mesures nécessaires pour assurer la protection de la santé et de la sécurité de Mme X et de prévenir les agissements de harcèlement moral. Il en est résulté un préjudice distinct pour Mme X qui en a subi les conséquences et l’absence de prise au sérieux de sa situation plusieurs mois durant. La cour condamne la Société générale à lui verser la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice. Le jugement est confirmé de ce chef.


Sur le rappel de prime de participation pour les années 2014 à 2016 :

Mme X fait valoir qu’elle aurait dû percevoir une prime de participation et d’intéressement dès lors que son arrêt de travail avait une origine professionnelle et courvrait donc une période assimilée à du temps de travail effectif.


La Société générale s’oppose à la demande et justifie s’être partiellement libérée de son obligation de paiement en produisant des courriers de notification à Mme X en date du 22 avril 2015 du montant brut de son intéressement et de sa participation au titre de l’année 2014 et du 20 avril 2016 s’agissant de l’année 2015. Pour l’année 2016, en revanche, Mme X qui justifie que son arrêt de travail est en lien avec ses conditions de travail et que l’employeur en avait connaissance aurait dû bénéficier de sa prime d’intéressement et de participation pendant la période de suspension de son contrat de travail.


La Société générale ne justifie pas s’être libérée de son obligation de paiement ni de ce que le calcul de la salariée est erroné et ne procède pour sa part à aucune évaluation. La cour fait donc droit à la demande de la salariée non utilement critiquée à hauteur de la somme de 571,01 euros pour l’année 2016. La Société générale est condamnée au paiement de cette somme et le jugement infirmé en ce qu’il a débouté la salariée de ce chef de demande.


Sur le solde du treizième mois :

Mme X sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il lui a alloué la somme de 1 297,80 euros en faisant valoir que la période couverte par son arrêt de travail pris en charge au titre des risques professionnels doit être considérée comme du temps de travail effectif et ouvre droit à la perception de la prime de treizième mois.


La Société générale s’oppose à la demande en faisant valoir que le maintien du salaire tel que prévu par l’article 54 de la convention collective cesse au bout de 8 mois soit en l’espèce le 29 mai 2016 de sorte que Mme X ne peut valablement prétendre au bénéfice de l’intégralité du 13ème mois pour l’année 2016, admettant toutefois que lui reste due une somme de 14,51 euros.


L’article 54 -1 de la convention collective prévoit que :

'En cas d’absence pour accident, maladie ou cure thermale agréée donnant lieu au versement d’indemnités journalières de la sécurité sociale, les salariés ayant au moins 1 an d’ancienneté dans l’entreprise (1) bénéficient d’une indemnisation égale à 100 % ou à 50 % du salaire mensuel de base (2), versée par l’employeur ou par un tiers mandaté, dans les conditions définies ci-après. […].


L’indemnisation s’effectue dès le premier jour d’absence pour les 1er et 2e arrêt et dès le 4e jour d’absence pour les arrêts suivants. Pour les absences résultant d’accident de travail, de trajet ou de maladie professionnelle, le salaire est maintenu dès le 1er jour d’absence dans tous les cas.


La durée et les modalités d’indemnisation de l’arrêt sont appréciées sur une période de 12 mois glissants. Pour le calcul de cette période, les absences ne sont pas prises en compte. Toutefois, les absences rémunérées pour accident, maladie ou cures thermales agréées et pour congé de maternité ou d’adoption, y compris le congé supplémentaire et le congé parental d’éducation rémunéré, visé à l’article 53. 1, alinéa 3, s’ils ont été pris, sont quant à elles incluses dans le calcul de cette période.


La durée d’indemnisation s’apprécie au premier jour de l’arrêt de travail considéré.S’imputent sur cette durée d’indemnisation les périodes d’absence rémunérées pour accident, maladie ou cures thermales agréées dont le salarié a déjà bénéficié durant les 12 mois consécutifs précédant cette date.

(1) Outre les périodes de présence effective au travail, sont validées les périodes d’absence qui, en application des dispositions légales, sont prises en compte pour les droits à l’ancienneté ainsi que les périodes d’absence ayant donné droit à un maintien de salaire total ou partiel pour les durées prévues par la convention collective. (2) 1 / 13ème du salaire de base annuel contractuel défini à l’article 39 ou 1 / 12ème si le salaire est versé sur 12 mois.


L’article 39 dispose quant à lui que :


Les salaires de base annuels sont versés en treize mensualités égales (1).
La treizième mensualité, calculée prorata temporis, est versée en même temps que le salaire du mois de décembre, sauf dispositions différentes d’entreprise.


Le salaire de base annuel est le salaire y compris le treizième mois visé ci-dessus mais à l’exclusion de toute prime fixe ou exceptionnelle ainsi que de tout élément variable.


Au 1er janvier 2000, les points définitivement acquis (coefficient, diplôme, ancienneté, langue, points personnels, points personnels garantis) avant cette date sont intégrés pour leur valeur annuelle en totalité dans le salaire de base désormais exprimé en francs ou en euros.


NOTA : (1) Egales sauf si la situation du salarié a été modifiée en cours d’année en raison de mesures collectives ou individuelles'.


Le salaire mensuel de base de Mme B inclut le 13ème mois. A ce titre le maintien de salaire jusqu’au 29 mai 2016 devait donc inclure sa prime de 13ème mois jusqu’à cette date. Il lui est dû la somme de 14,01 euros à ce titre. La Société générale est condamnée à verser cette somme à Mme X et le jugement est infirmé de ce chef.


Sur le solde des journées de RTT :

Mme X soutient qu’il lui restait dû un solde de 9,5 jours de RTT ce qui aurait dû conduire à une indemnisation de 695,44 euros alors qu’elle n’a perçu que 456,12 euros et réclame donc la différence et la confirmation du jugement en ce qu’il a condamné la Société générale à lui verser la somme de 239,32 euros à titre de rappel de journée de RTT outre celle de 23,93 euros au titre des congés payés afférents.


La Société générale soutient que Mme X ne peut prétendre au solde de RTT au titre de l’année 2015, faute d’avoir pris ce solde dans l’année en application de l’article L. 3122-20 du code du travail de sorte que sa demande doit être rejetée et précise que la somme perçue par Mme X lors de la rupture du contrat de travail correspond au solde dû pour l’année 2017 et correspondant à 4,5 jours acquis.


La cour rappelle que l’absence de prise de jours de RTT n’ouvre pas droit à indemnité sauf si cette situation est imputable à l’employeur ou si un accord collectif le prévoit. En l’espèce, la cour ayant retenu que l’origine de l’inaptitude de Mme X résultait du harcèlement moral et sexuel subi et que son arrêt de travail était lié à ses conditions de travail, l’absence de prise des jours de RTT en 2015 est imputable à l’employeur de sorte qu’il est fait droit à la demande présentée par la salariée.


La Société générale est donc condamnée à lui verser la somme de 239,32 euros à titre d’indemnité pour jours de RTT non pris. Le jugement est confirmé de ce chef et infirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de congés payés afférente s’agissant d’une indemnité, la salariée étant déboutée de ce chef.


Sur le solde de l’indemnité compensatrice de congés payés :

Mme X fait valoir que lui reste due une somme de 3 327,08 euros au titre du solde de l’indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 24 jours non pris. La Société générale s’oppose à la demande en faisant valoir que la salariée ne peut prétendre à des jours de congés en raison de l’absence de caractère professionnel de son arrêt maladie. La cour toutefois considère que la Société générale avait connaissance par la dénonciation par Mme X des agissements de harcèlement subi, de l’origine professionnelle au moins partiellement de son arrêt maladie de sorte que les jours de congés payés acquis pendant la suspension du contrat de travail devaient être comptabilisés pour l’évaluation de l’indemnité compensatrice de congés payés. Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a condamné la Société générale à payer à Mme X une somme de 3 327,08 euros de ce chef.
Sur les dommages-intérêts pour remise tardive des documents sociux :


M m e D e l a t t r e n e j u s t i f i a n t p a s d u p r é j u d i c e a l l é g u é e s t d é b o u t é e d e s a d e m a n d e d e dommages-intérêts. Le jugement est confirmé de ce chef.


Sur les intérêts au taux légal :


Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation soit le 4 octobre 2017. Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.


La capitalisation des intérêts dus pour une année entière est ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.

Sur la demande reconventionnelle de la Société générale :


La Société générale sollicite le rembousement des indemnités de rupture versées sur le fondement de l’article L. 1226-14 du code du travail en raison de l’absence de caractère professionnel de la maladie de la salariée mais la cour a retenu que l’employeur ne pouvait ignorer l’origine professionnelle des arrêts maladie de Mme X de sorte que sa demande est rejetée.


Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la Société générale le refus par Mme X de son reclassement au sein du service comptabilité n’était pas abusif dès lors qu’elle n’était pas tenue d’accepter un emploi qui entraînait une modification de son contrat de travail.


La demande reconventionnelle est rejetée et la Société générale déboutée de ces chefs de demande.

Sur les demandes de l’AVFT :


L’AVFT sollicite la condamnation de la Société générale à lui verser la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral et matériel et la cour observant que l’objet social de l’association est le soutien et la défense de victimes de violences sexuelles et sexistes dans le milieu du travail considère que les faits caractérisent une atteinte aux intérêts qu’elle représente et condamne la Société générale à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation de son préjudice. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :


La cour ordonne à la Société générale de remettre à Mme X un certificat de travail, une attstation pour Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette décision d’une astreinte. La demande en ce sens est rejetée.


La Société générale, partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser Mme X et l’AVFT des frais exposés par elles devant la cour et non compris dans les dépens à hauteur des sommes respectives de 3 000 euros et 1 500 euros, sa propre demande – dont l’irrecevabilité ne peut valablement être soulevée devant la cour par l’AVFT, étant rejetée l’égard de Mme X comme de l’AVFT. Le jugement est confirmé en ce qu’il a statué sur les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :


La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement sauf sur le quantum des dommages-intérêts alloués pour harcèlement moral, en ce qu’il a débouté Mme X de sa demande de nullité du licenciement, d’indemnité pour licenciement nul et de rappel de prime de participation et d’intéressement, et condamné la Société générale à lui payer la somme de 23,93 euros à titre de congés payés sur l’indemnité pour jours de RTT non pris et la somme de 1 297,80 euros au titre du solde de prime de treizième mois, et sauf en ce qu’il a débouté L’Association contre les violences faites aux femmes au travail de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,


Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :


CONDAMNE la Société générale à payer à Mme C X la somme de 14,01 euros à titre de solde de prime de treizième mois,


PRONONCE la nullité du licenciement,


CONDAMNE la Société générale à verser à Mme C X les sommes de :

* 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

* 20 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral,

* 571,01 euros à titre de rappel de participation pour l’année 2016,


CONDAMNE la Société générale à verser à l’Association contre les violences faites aux femmes au travail la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts en réparation de ses préjudices matériel et moral,


DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter du 4 octobre 2017, et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,


ORDONNE à la Société générale de remettre à Mme C X un certificat de travail, une attestation pour Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la présente décision,


DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,


CONDAMNE la Société générale à verser à Mme C X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à L’Association contre les violences faites aux femmes au travail la somme de 1 000 euros sur ce même fondement,


CONDAMNE la Société générale aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 17 février 2022, n° 19/04696