Cour d'appel de Pau, 7 septembre 2016, n° 16/03259

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

XXX

Numéro 16/3259

COUR D’APPEL DE PAU

1re Chambre

ARRET DU 07/09/2016

Dossier : 16/01539

Nature affaire :

Demande relative à la désignation, au mandat ou la rémunération d’un expert

Affaire :

C X

C/

E Y Q R

Q A D’OC

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R E T

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 07 septembre 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l’audience publique tenue le 28 juin 2016, devant :

Madame SARTRAND, Président, magistrat chargé du rapport conformément à l’article 785 du code de procédure civile

Monsieur CASTAGNE, Conseiller

Madame NICOLAS, Conseiller

assistés de Madame VICENTE, Greffier, présente à l’appel des causes.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l’affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur C X

né le XXX à XXX

de nationalité française

XXX

XXX

XXX

représentée par Maître Thierry SAGARDOYTHO, avocat au barreau de PAU

assistée de la SELARL PROXIMA, avocats au barreau de TOULON

INTIMEES :

Madame E Y

XXX

XXX

Q R

XXX

XXX

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentées et assistées de la SCP DOMERCQ – LHOMY, avocats au barreau de PAU

Q A D’OC

XXX

XXX

XXX

représentée et assistée de la SCP COUDEVYLLE – LABAT – BERNAL, avocats au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 29 MARS 2016

rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PAU

Faits et procédure

Le 24 novembre 2009, M. C X, alors qu’il était âgé de 17 ans, a été victime d’un accident de la circulation alors qu’il conduisait un cyclomoteur.

Par une ordonnance du 26 janvier 2011 le juge des référés a ordonné une expertise médicale confiée au docteur M-N qui a déposé son rapport le 17 avril 2012 concluant à l’absence de consolidation, proposant une première orientation médico-légale, et indiquant que la détermination du recours à une tierce personne et des répercussions sur les activités professionnelles et d’agrément seraient à réévaluer à la consolidation en tenant compte du bilan réalisé par l’U.E.R.O.S..

Par actes des 2 et 3 mars 2015, M. C X a assigné devant la juridiction des référés, Mme E Y et son assureur la R, la Q A d’Oc aux fins de voir désigner à nouveau ce même médecin expert afin qu’il poursuive et clôture la mission qui lui a été impartie par l’ordonnance de référé précitée.

Par une ordonnance du 13 mai 2015, le juge des référés a fait droit à la demande et accordé un délai de neuf mois à l’expert pour achever sa mission, et ordonné le versement d’une consignation supplémentaire.

Par un courrier reçu le 16 février 2016, le conseil d’C X a sollicité auprès du juge chargé du contrôle des expertises le remplacement de l’expert, remettant en cause sa neutralité notamment eu égard au fait qu’il a appris que cet expert n’était pas inscrit sur la liste de la cour d’appel en qualité d’expert, contrairement à ce que le juge des référés avait mentionné dans son ordonnance lors de sa désignation, ni n’avait prêté serment, alors qu’il s’est révélé par ailleurs, qu’il est médecin conseil de compagnies d’assurances, dont la R, adversaire de M. X dans la présente procédure.

Enfin, il reproche aussi plus généralement à cet expert la paralysie des opérations d’expertise débutées en 2011, soit en sollicitant des avis de sapiteurs, et en dernier lieu, et à la date à laquelle il devait déposer son rapport, un avis psychiatrique en s’appuyant sur un bilan U.E.R.O.S. afin de trouver des antécédents psychiatriques qui n’existent pas, et qui ne ressortent d’aucun élément du dossier, ou encore, en exigeant la production de pièces médicales que M. C X ne possède pas (pièces MSA), ou que l’expert possède déjà, notamment, un rapport toxicologique alors qu’il a déjà été produit un rapport du centre d’addictologie de 2012 et des analyses sanguines en novembre 2014, qui démontrent qu’il ne consomme pas de cannabis.

L’expert par un courrier du 1er mars 2016 s’est tout d’abord étonné que la demande tendant à ce qu’il soit dessaisi de l’expertise intervienne après les opérations d’expertise alors que l’avocat d’C X savait depuis le 19 mai 2015 qu’il n’était plus inscrit sur la liste de la cour d’appel de Pau.

Plus généralement cet expert s’est opposé à son dessaisissement en indiquant que ces diligences étaient nécessaires pour répondre à la mission qui lui avait été impartie notamment la recherche d’un état antérieur susceptible d’interférer sur les séquelles cognitives d’un traumatisme crânien, de renseignements sur les modalités les conditions de vie du blessé entre sa sortie d’hôpital et le jour d’expertise notamment, eu égard au fait qu’il est décrit par son entourage comme étant dépendant, alors que certains éléments biographiques laissent penser qu’il a repris une autonomie complète, que le suivi psychologique préconisé, ce qui a motivé la demande d’un sapiteur médecin psychiatre.

Par une ordonnance en date du 29 mars 2016, le juge chargé du contrôle des expertises au tribunal de grande instance de Pau a débouté C X de sa demande de changement d’expert, et ordonné une consignation complémentaire de 1 080 € avant le 29 avril 2016.

M. C X a interjeté appel de cette décision, et par conclusions notifiées le 16 juin 2016, il sollicite voir infirmer la décision et ordonner un changement d’expert.

Sur l’irrecevabilité de l’appel opposée par A d’oc, M. C X fait valoir que dans un arrêt du 9 septembre 2010, la Cour de cassation a jugé que lorsque la mesure d’expertise a été ordonnée à titre principal en référé sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, la décision du juge chargé du contrôle de la mesure statuant sur une demande relative à l’exécution de celle-ci est susceptible d’appel immédiat.

Ensuite il a fait valoir, que contrairement à ce qu’affirme le premier juge sans le moindre commencement de preuve, il n’avait pas connaissance de la perte de qualité d’expert du docteur M-N, l’ordonnance de référé du 26 janvier 2011 le désignant expressément comme étant expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Pau, de sorte qu’en sa qualité d’expert non inscrit, ce médecin devait prêter serment conformément à l’article 6 alinéa 3 de la loi du 29 juin 1971, et que n’y ayant pas satisfait, ce que reconnaît le premier juge qui indique à cet égard, que M. C X n’invoque aucun grief de ce chef, analysant ainsi cette omission comme une nullité de forme, contrairement à la jurisprudence, qui analyse le défaut de prestation de serment comme une irrégularité de fond et une absence d’actes entraînant la nullité du rapport déposé.

En outre il fait observer que le juge, lorsqu’il nomme un technicien non inscrit sur la liste de la cour d’appel, doit motiver ce choix, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

En tout état de cause, et si par extraordinaire la Cour considérait qu’il s’agissait d’une nullité de forme M. X invoque plusieurs griefs à l’encontre de cet expert tel que développé déjà devant le premier juge, insistant plus particulièrement sur l’absence d’indépendance de ce médecin qui travaille pour le compte d’une ou plusieurs sociétés d’assurances.

En conséquence il sollicite voir dessaisir le docteur M-N de la mission qui lui a été confiée.

Par conclusions notifiées le 17 juin 2016 auxquelles il est puis amplement est expressément référé, A d’Oc sollicite voir déclarer l’appel de M. X irrecevable, et en tout cas mal fondé et l’en débouter.

Il sollicite en outre, voir condamner toutes parties succombantes, outre aux dépens, à lui verser la somme de 1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’irrecevabilité de l’appel invoqué, A d’Oc fait valoir qu’il s’agit d’une mesure d’administration judiciaire et que la récusation d’un technicien est une mesure d’administration judiciaire.

Par conclusions notifiées le 16 juin 2016, Mme E Y et la R sollicite la confirmation de l’ordonnance déférée et la condamnation de M. X, outre aux dépens à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la recevabilité de l’appel

Attendu que selon l’article 170 du code de procédure civile : 'Les décisions relatives à l’exécution d’une mesure d’instruction ne sont pas susceptibles d’opposition ; elles ne peuvent être frappées d’appel ou de pourvoi en cassation qu’en même temps que le jugement sur le fond.

Elles revêtent la forme, soit d’une simple mention au dossier ou au registre d’audience, soit, en cas de nécessité, d’une ordonnance d’un jugement’ ;

Qu’après avoir admis les voies de recours contre la décision refusant le remplacement d’un expert ou accueillant cette demande, en considérant que les dispositions de l’article 170 du code de procédure civile qui concernent l’exécution d’une mesure d’instruction n’étaient pas applicables aux décisions qui se prononcent sur une demande de changement d’expert (cassation 2e ch. civile – 18 octobre 2001), la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence notamment dans son arrêt du 17 avril 2008 prononcé par la deuxième chambre civile, considérant désormais que la décision statuant sur le remplacement du technicien dès lors qu’elle ne tranche aucune partie du principal et ne met pas fin à l’instance, n’est susceptible, ni d’appel, ni de pourvoi en cassation, indépendamment du jugement sur le fond, et cette fin de non-recevoir devrait être relevée d’office en application de l’article 125 du code de procédure civile, sauf dans l’hypothèse où le technicien a été désigné sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile car dans ce cas, l’instance ayant pris fin par l’ordonnance qui le désignait, la décision statuant sur la demande de remplacement est alors susceptible de recours ;

Que par suite, l’appel dirigé contre l’ordonnance du juge chargé du contrôle des expertises en ce qu’il a statué le 29 mars 2016, sur des demandes portant sur cet expert désigné une première fois, par une ordonnance de référé en date du 26 janvier 2011, puis une deuxième fois par une ordonnance du juge des référés le 16 février 2015, est donc recevable ;

Sur la demande de dessaisissement de l’expert

Attendu que ce médecin expert a été à deux reprises désigné par le juge des référés une première fois le 26 janvier 2011, en qualité d’expert inscrit sur la liste de la cour d’appel de Pau, puis, une deuxième fois, en qualité d’expert judiciaire, le 13 mai 2015 ;

Or attendu qu’il s’avère, et tel que l’admet d’ailleurs, le premier juge, dans son ordonnance déférée à la Cour, que cet expert inscrit de 2009 à 2010 sur la liste des experts de la cour d’appel de Pau, ne l’a plus été à compter du 1er janvier 2011 sans que l’on connaisse les motifs de sa radiation, ce dont il résulte qu’il a ainsi diligenté par deux fois ses opérations expertales, non seulement, sans être inscrit en qualité d’expert et par voie de conséquences, sans être assermenté, mais encore, sans que le magistrat lui ait fait prêté le serment requis préalablement à sa mission conformément à l’article 6 dernier alinéa de la loi n° 2004-130 du 11 février 2004 (article 50) qui a abrogé et remplacé la loi du 29 juin 1971 et le décret n° 74-1184 du 31 décembre 1974 ;

Attendu que pour rejeter la demande de M. X, tendant au dessaisissement de l’expert, le premier juge a relevé que c’est ce dernier qui avait sollicité lui-même, la désignation de cet expert qui avait présidé à son ordonnance du 13 mai 2015, que M. X aurait eu connaissance que cet expert n’était pas assermenté par son inscription sur la liste des experts de la cour d’appel, ce que conteste ce dernier, et enfin, qu’il ne justifiait d’aucun grief ;

Mais attendu qu’aucun élément dans le dossier ne permet d’affirmer que M. X aurait eu connaissance de la situation non assermentée de cet expert, de sorte qu’il ne saurait lui être fait reproche d’avoir sollicité la désignation de ce même expert en 2015, dès lors d’une part, que dans l’ordonnance du 26 janvier 2011, cet expert y était expressément mentionné comme étant inscrit sur la liste de la cour d’appel de Pau, ce qui ne mettait pas M. X ou son conseil, en situation de douter et donc, de s’interroger sur l’assermentation de cet expert et de la vérifier, et que d’autre part, il a considéré que cet expert, déjà au fait de sa situation depuis 2011, représentait un gage prometteur de célérité dans ses opérations ;

Qu’il convient de relever qu’à supposer que M. X aurait eu connaissance le 19 mai 2015 de ce fait, tel que le prétend l’expert, ce qui n’est pas prouvé, il en résulterait en tout état de cause, que cette connaissance serait postérieure à la deuxième désignation de cet expert ;

Attendu par ailleurs, que le premier juge a estimé que cette absence d’assermentation de l’expert ne lui causerait aucun grief ;

Que toutefois, et alors que M. X a été victime de son accident le 24 novembre 2009, on ne sait toujours pas à ce jour, si son état est consolidé ou pas, alors que les séquelles de son traumatisme crânien qualifiées de graves et de 'handicap invisible’ décelées dès le 6 juillet 2010 (CH de Pau – service de neurologie) et en juin 2012 (CHU Bordeaux, service d’ergothérapie et celui de neurologie) révèlent : impact sur la mémoire du travail, lenteur idélatoire qui ralentit l’accès au lexique et l’initiation d’activités (notamment, la prise de décision – a besoin d’être questionné pour produire), anxieux, inquiet, en grande souffrance par rapport à la réalité de la vie, humeur fluctuante, irritabilité, perturbation de l’apprentissage, des fonctions exécutives (mémoire du travail particulièrement déficitaire), altération des capacités d’organisation, etc… ;

Que les investigations les plus récentes, notamment le bilan neuropsychologique effectué le 20 février 2014.., révèle que les séquelles déjà constatées paraissent identiques à celles relevées dès 2010, s’agissant en outre, d’un traumatisé crânien (grave) dont les séquelles sont classiques et communément connues, de sorte qu’il est permis légitimement de douter de l’intérêt et de l’opportunité du recours à un sapiteur psychiatre en 2016 pour faire examiner M. Z à nouveau, soit une année après seulement le dernier rapport qui est conforme au précédent de 2012, mais surtout une année après la désignation de cet expert, précisément à la date que lui avait impartie le juge des référés pour clôturer et déposer son rapport ;

Or attendu que le temps que l’expert ne déterminera pas sa date de consolidation, M. B ne sera pas indemnisé de ses préjudices de sorte que la manière dont cet expert mène ses opérations lui cause donc un grief certain dès lors que l’accident remonte à 2009, sans qu’il puisse par ailleurs, être reproché à M. B de ne pas produire des pièces (ex : rapport U.E.R.O.S. daté des 20 et 26 juin invoqué par le médecin expert qui date de 2012) que l’expert possède déjà, ou d’autres pièces que ce dernier demande qu’il aurait pu se procurer auprès des professionnels dans le cadre de sa mission, ou que M. B ne possède pas ;

Attendu enfin, qu’il s’est avéré que cet expert non assermenté, est médecin conseil pour des compagnies d’assurances, dont notamment la Q la R, adversaire de M. B, et ce, sans que cet expert désigné n’en fasse état dès sa première désignation auprès du juge en se récusant ;

Attendu qu’il s’évince de l’ensemble de ce qui précède, que s’il appartient au juge du fond de se prononcer sur la nullité des opérations d’expertise si elle était éventuellement soulevée, il convient, en l’état de l’appel d’une ordonnance du juge chargé du contrôle de l’expertise, de l’infirmer et de faire droit à la demande de dessaisissement de cet expert eu égard au doute légitime de neutralité qui peut être porté sur cet expert non assermenté dont la façon d’opérer retarde l’indemnisation de M. X par la R, adversaire du demandeur, mais encore, pour qui ce technicien a travaillé en qualité de médecin conseil, ainsi que plus généralement, sur les qualités professionnelles et déontologiques requises de tout expert pour mener à bien sa mission, et qui sont précisément appréciées lors d’une demande d’inscription d’un professionnel sur la liste des experts.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

DECLARE l’appel formé par M. C B recevable,

INFIRME l’ordonnance entreprise,

Et STATUANT à nouveau,

ORDONNE le dessaisissement de Mme M-N en qualité d’expert et lui impartit un délai de 15 jours à compter de la date de signification de la présente décision pour clôturer en l’état son rapport et le déposer.

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE in solidum A d’Oc et Mme Y in solidum avec son assureur la R, aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Mme Sartrand, Président, et par Mme Vicente, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Sandra VICENTE Christine SARTRAND

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