Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre a, 21 février 2012, n° 11/02758
Chronologie de l’affaire
Sur la décision
Référence : | CA Rennes, 6e ch. a, 21 févr. 2012, n° 11/02758 |
Juridiction : | Cour d'appel de Rennes |
Numéro(s) : | 11/02758 |
Sur les personnes
- Avocat(s) :
- Parties : MINISTERE PUBLIC
Texte intégral
6e Chambre A
ARRÊT N° 434
R.G : 11/02758
MINISTERE PUBLIC
C/
M. A B
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l’égard de toutes les parties au recours
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 FEVRIER 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Pierre DILLANGE, Président,
Monsieur Marc JANIN, Conseiller,
Madame Geneviève SOCHACKI, Conseiller,
GREFFIER :
Mme E F, lors des débats, et Mme Catherine DEAN, lors du prononcé,
MINISTERE PUBLIC :
Monsieur François-René AUBRY, Substitut Général, auquel l’affaire a été régulièrement communiquée et Monsieur C D, Substitut Général, entendu en ses réquisitions lors des débats.
DÉBATS :
A l’audience publique du 09 Janvier 2012
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Février 2012 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
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APPELANT :
MINISTERE PUBLIC
représenté par Monsieur François-René AUBRY, Substitut Général
et Monsieur C D, Substitut Général
Cour d’appel de RENNES
XXX
XXX
INTIMÉ :
Monsieur A B
XXX
XXX
représenté par la SCP BREBION CHAUDET, avocats postulants,
assisté de Me Caroline MECARY, avocat plaidant
FAITS ET PROCÉDURE
Par jugement du 17 mars 2011, le tribunal de grande instance de NANTES a :
— ordonné la transcription sur les registres consulaires et du service central de l’état civil du ministère des affaires étrangères des actes de naissance d’Adrien Jay et de G H B, nés le XXX à XXX, de A B et de Y Z, ce avec exécution provisoire,
— condamné le Trésor Public à payer 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Cette décision était motivée sur le fait que les enfants en cause étaient le fruit d’un contrat de gestation ou de procréation pour autrui, mais que leur intérêt supérieur, au sens de l’article 3-1 de la CEDH était de n’être pas tributaires des conséquences de cette violation de la loi française.
Le Parquet de NANTES relevait appel de cette décision par déclaration du 14 avril 2011, reçue le 19 avril 2011. Par conclusions du 10 novembre 2011, le Parquet Général de RENNES a demandé l’infirmation de ce jugement, rappelant que l’exécution provisoire de celui-ci a été arrêtée par ordonnance du premier président de cette cour en date du 28 juin 2011.
Dans le dernier état de ses écritures du 15 septembre 2011 A B sollicite la confirmation de cette même décision et la condamnation du Trésor Public à lui payer 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Le premier juge rappelait en premier lieu les dispositions de l’article 47 du code civil qui pose le principe d’une présomption de validité, et donc d’opposabilité en France, des actes de l’état civil étranger dressés dans les formes du pays considéré ; cette présomption cédant face à la preuve de leur irrégularité intrinsèque ou bien en regard d’éléments extrinsèques établissant qu’ils ne sauraient être conformes à la réalité. Il constatait qu’en l’espèce, ces dispositions avaient été respectées.
En deuxième lieu, le tribunal, éludant le débat sur la preuve, a estimé qu’à supposer établi que les enfants en cause aient été le fruit d’un contrat de gestation pour autrui frappé d’une nullité d’ordre public par application des dispositions de l’article 16-7 du code civil, cette violation de l’ordre public ne justifiait pas que ces enfants soient privés en France d’un état civil qui reflète une filiation incontestable et incontestée. Le premier juge estimait encore qu’une décision contraire serait opposée à l’intérêt supérieur de ces enfants au sens de l’article 3-1 de la CEDH ; qu’ainsi, la fraude de leur auteur, à la supposer avérée, ne saurait leur nuire.
Le Ministère Public rappelle qu’une enquête menée par les services de police de LYON a établi la réalité des faits relatifs au contrat frauduleux passé par l’intimé, lui-même pacsé avec un homme ayant eu recours à la même filière pour se retrouver père de deux autres jumeaux d’origine indienne. Il relève encore que figure au dossier un courrier des services de l’hôpital de X indiquant précisément que les enfants sont nés d’une « mère porteuse ». Il considère que les actes dont la transcription est sollicitée sont le produit d’un contrat prohibé, ainsi qu’il a été constaté par le tribunal, et doivent donc ne pas produire en France de conséquences juridiques.
La Cour constatera tout d’abord que A B, dans ses conclusions de confirmation, se contente d’adhérer à la motivation du jugement déféré, sans se donner la peine de contester la fraude à l’ordre public français à l’origine de la paternité qu’il revendique. Elle retiendra encore que les éléments réunis par le Ministère Public établissent effectivement l’existence d’un contrat prohibé par les dispositions de l’article 16-7 du code civil.
Il sera observé que les jurisprudences de la 1re chambre de la Cour de Cassation du 6 avril 2011 versées aux débats par le Ministère Public, si elles rappellent effectivement les dispositions d’ordre public relatives à la gestation pour autrui, intéressent cependant des cas d’espèces différents en ce que l’état civil des enfants en cause était mensonger quant à leur filiation maternelle et que le contentieux portait sur l’exequatur d’actes étrangers.
Enfin, la Cour relèvera qu’elle n’est pas saisie de la validité d’un contrat de gestation pour autrui, mais de la transcription d’un acte de l’état civil dont ne sont contestées ni la régularité formelle, ni la conformité à la réalité de ses énonciations.
Dès lors que cet acte satisfait aux exigences de l’article 47 du code civil, sans qu’il y ait lieu d’opposer ou de hiérarchiser des notions d’ordre public tel l’intérêt supérieur de l’enfant ou l’indisponibilité du corps humain, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
Les dépens demeureront à la charge du Trésor Public.
DECISION
PAR CES MOTIFS
La Cour, après rapport à l’audience,
Confirme le jugement du 17 mars 2011,
Dit que le Trésor Public supportera la charge des dépens.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,