Cour de cassation, Chambre civile 1, 29 octobre 2014, 13-19.729, Publié au bulletin

  • Absence d'influence protection des droits de la personne·
  • Contrat d'assurance en cas d'annulation de l'exposition·
  • Préexistence à l'entrée en vigueur de l'article 16·
  • Exposition de cadavres à des fins commerciales·
  • Contrats et obligations conventionnelles·
  • Atteinte au respect du corps humain·
  • Absence de cessation avec la mort·
  • Date de conclusion du contrat·
  • Contrariété à l'ordre public·
  • Responsabilité contractuelle

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le principe d’ordre public, selon lequel le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, préexistait à la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, d’où est issu l’article 16-1-1 du code civil.

Dès lors, une cour d’appel, qui a relevé qu’un contrat d’assurance avait pour objet de garantir les conséquences de l’annulation d’une exposition utilisant des dépouilles et organes de personnes humaines à des fins commerciales, en a exactement déduit que, bien qu’ayant été conclu avant l’entrée en vigueur de l’article 16-1-1 du code civil, ce contrat avait une cause illicite et, partant, qu’il était nul L’assureur est tenu d’attirer l’attention de la société organisatrice sur le risque d’annulation d’une exposition utilisant des dépouilles et organes de personnes humaines à des fins commerciales

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’à la suite de l’interdiction qui lui a été faite de poursuivre l’exposition de cadavres humains « Our Body / A corps ouvert » organisée à Paris à partir du 12 février 2009, la société Encore Events a assigné les sociétés Groupe Pont Neuf, Areas, Cameic et Liberty Syndicate, ses assureurs, en garantie ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Encore Events fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité du contrat d’assurance conclu le 7 novembre 2008 pour illicéité de sa cause, alors, selon le moyen :

1°/ que les conditions de validité d’une convention s’apprécient au regard du droit applicable le jour de sa formation ; qu’en estimant néanmoins que le contrat d’assurance conclu le 7 novembre 2008 a une cause illicite quand l’illicéité de l’exposition « Our Body / A corps ouvert » et donc celle du contrat d’assurance ne résultent, au regard de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 septembre 2010 (pourvoi n° 09-67.456), que de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 qui a créé l’article 16-1-1 du code civil et qui est postérieure à la date de formation du contrat d’assurance litigieux, la cour d’appel a violé les articles 2 et 1131 du code civil ;

2°/ que la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif ; qu’en estimant néanmoins que la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, qui ne comportait aucune disposition transitoire relativement à l’entrée en vigueur du nouvel article 16-1-1 du code civil, pouvait être considérée comme rétroactive, la cour d’appel a violé l’article 2 du code civil ;

Mais attendu que le principe d’ordre public, selon lequel le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort, préexistait à la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 d’où est issu l’article 16-1-1 du code civil ; qu’ayant relevé que le contrat d’assurance souscrit le 7 novembre 2008 par la société Encore Events avait pour objet de garantir les conséquences de l’annulation d’une exposition utilisant des dépouilles et organes de personnes humaines à des fins commerciales, la cour d’appel en a exactement déduit que, bien qu’ayant été conclu avant l’entrée en vigueur de l’article 16-1- 1 précité, le contrat litigieux avait une cause illicite et, partant, qu’il était nul ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l’article 1147 du code civil ;

Attendu que pour rejeter la demande de la société Encore Events, tendant à faire juger que les sociétés Groupe Pont Neuf, Areas, Cameic et Liberty Syndicate avaient manqué à leur devoir de conseil à son égard quant au caractère assurable de l’exposition litigieuse, l’arrêt retient que la société Encore Events est un professionnel de « l’événementiel », laquelle était de surcroît assistée pour la souscription du contrat litigieux, de son propre courtier d’assurances ; qu’il énonce ensuite que la société organisatrice n’ignorait pas les risques de l’exposition projetée dont elle seule pouvait connaître les caractéristiques ; qu’il constate enfin qu’avant la conclusion du contrat, la société Groupe Pont Neuf avait interrogé le courtier de la société Encore Events qui lui avait répondu que, présentée depuis 1995 dans le monde entier, ladite exposition n’avait jamais rencontré de refus d’installation ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ne résulte pas de ces constatations et énonciations que les assureurs avaient attiré l’attention de la société Encore Events sur le risque d’annulation de l’exposition litigieuse, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il déboute la société Encore Events de sa demande de dommages-intérêts pour manquement des assureurs à leur devoir d’information et de conseil, l’arrêt rendu le 5 février 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Versailles ;

Condamne les sociétés Groupe Pont Neuf, Areas, Cameic et Liberty Syndicate Management aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Encore Events

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir prononcé la nullité du contrat d’assurance n° S 205.124 conclu le 7 novembre 2008 entre la société ENCORE EVENTS et, d’une part, la compagnie LE GROUPE PONT NEUF représentant les sociétés AREAS et CAMEIC et, d’autre part, la société LIBERTY SYNDICATES pour illicéité de sa cause ;

Aux motifs que, «Sur la licéité du contrat d’assurance N° S 205.124 et la garantie

Considérant qu’au soutien de son appel, la société ENCORE EVENTS prétend que la cause et l’objet du contrat du 7 novembre 2008 sont licites et que si l’ordonnance de référé du 21 avril 2009, l’arrêt de la cour d’appel du 30 avril 2009 et l’arrêt de la Cour de cassation du 16 septembre 2010 ont considéré que l’ exposition était contraire aux dispositions de l’article 16-1-1 du Code civil, ce texte, issu de la loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008, ne figurait pas dans le Code civil lors de la conclusion du contrat, tandis que les articles 16 et suivants du même Code ne concernaient alors que les personnes vivantes ; qu’elle ajoute que la Cour de cassation énonce dans son arrêt du 16 septembre 2010 que l’illicéité provient non pas de l’exposition elle-même mais de son caractère commercial, que la police d’assurance n’avait pas vocation à couvrir ;

Considérant que les intimées font valoir que l’objet du contrat d’assurance, portant sur l’exposition sans autorisation de cadavres, dont la Cour de cassation a définitivement retenu qu’elle était illégale, est illicite et immorale de sorte que le contrat est nul ; qu’elle développent qu’avant même l’entrée en vigueur de l’article 16-1-1 du Code civil, le droit positif protégeait le corps humain sur le fondement de l’article 16 de ce Code, y compris après le décès de la personne, la loi du 19 février 2008, d’ordre public et tendant à la protection d’intérêts majeurs, pouvant du reste être considérée comme rétroactive, et que même si l’on devait considérer que l’illicéité du contrat n’est apparue qu’à compter de cette loi, le contrat devrait en tout état de cause être annulé dès lors que c’est en raison de cet objet ou de cette cause immoral(e) ou illicite que les parties se sont engagées ;

Considérant que selon l’article 1128 du Code civil, l’objet des conventions doit être « dans le commerce », c’est à dire licite ; qu’aux termes des articles 1131 et 1133 du même Code, « l’obligation sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet », la cause étant illicite « quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l’ordre public » ;

Considérant que dans le contrat synallagmatique, l’obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l’objet de l’obligation de l’autre ; que l’illicéité ou l’immoralité de l’objet de l’une des obligations emporte celle de la cause de l’obligation corrélative ;

Considérant, en l’espèce, que l’objet de l’obligation de la société ENCORE EVENTS, à savoir le paiement de la prime, avait pour cause l’objet de l’obligation des coassureurs de la garantir, selon les termes et conditions du contrat, de toute perte financière subie par suite notamment de l’annulation, de l’ajournement ou de l’abandon de l’exposition « Our Body/The universe within » objet de l’assurance, survenant indépendamment de sa volonté ;

Or considérant que cette exposition a été définitivement jugée illicite par l’arrêt confirmatif rendu le 16 septembre 2010 par la Cour de cassation, qui a retenu que l’exposition de cadavres à des fins commerciales méconnaissait l’exigence posée par l’article 16-1-1, alinéa 2, du Code civil ;

Considérant, certes, que l’article 16-1-1 du Code civil, qui énonce en son alinéa 1er que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort » et en son alinéa 2 que « les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence », issu de la loi du 19 décembre 2008, n’était pas en vigueur à la date de conclusion du contrat en litige, le 7 novembre 2008 ;

Mais considérant que comme l’a à juste titre jugé le tribunal, ces dispositions nouvelles, d’ordre public, n’ont fait qu’étendre explicitement au cadavre humain la protection de la dignité et du respect dus à l’être humain découlant de l’article 16 du Code civil, étant observé qu’au moment de la formation du contrat, les articles 16-1 et 16-5 prohibaient déjà la patrimonialisation du corps humain et l’article 16-3 l’atteinte à l’intégrité du corps humain, sans distinguer entre le corps des personnes vivantes et celui des morts ;

Qu’ainsi le Conseil d’Etat, dans un arrêt N° 124960 du 2 juillet 1993, a jugé que les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine ne cessaient pas de s’appliquer avec la mort de celle-ci ;

Considérant que l’utilisation à des fins commerciales de dépouilles et organes de personnes humaines dont il n’a pu être démontré qu’elles y avaient personnellement consenti avant leur décès ou que des personnes autorisées l’avaient fait postérieurement, se heurtaient dès lors aux principes fondamentaux d’ordre public relatifs à la dignité et au respect de l’être humain, qui ne cessent pas avec sa mort et s’attachent donc à son cadavre ;

Considérant qu’il s’ensuit que le contrat d’assurance souscrit pour garantir la tenue de l’exposition organisée par la société ENCORE EVENTS, qui était illicite dès la formation du contrat, est nul pour illicéité de sa cause en vertu de l’article 1131 du Code civil ;

Qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef ;

Considérant qu’en conséquence de la nullité du contrat, les assureurs doivent restituer les primes réglées, soit 15 263 euros, aucun élément justificatif du montant des commissions prétendument versées à la société GPN et au courtier ASSUREVENTS n’étant produit ;

Que par application de la convention de coassurance annexée au contrat, stipulant l’absence de solidarité entre les assureurs membres de la coassurance pour l’exécution de leurs obligations, la société LIBERTY SYNDICATES, dont la part dans la coassurance est de 50 %, est ainsi débitrice de la somme de 7 631,50 euros, et les sociétés AREAS et CAMEIC représentées par la société GPN, dont la part dans la coassurance est également de 50 %, sans autre répartition entre elles, à la même somme, la société GPN, qui n’a pas la qualité d’assureur, n’étant en revanche personnellement tenue à aucune restitution ;

Que le jugement sera réformé sur ce point ;

Considérant que le contrat d’assurance étant nul, il n’est pas nécessaire de rechercher si les conditions de la garantie étaient réunies ou encore si une clause d’exclusion de garantie était susceptible d’être valablement opposée à la société ENCORE EVENTS » ;

Alors, d’une part, que les conditions de validité d’une convention s’apprécient au regard du droit applicable le jour de sa formation ; qu’en estimant néanmoins que le contrat d’assurance conclu le 7 novembre 2008 a une cause illicite quand l’illicéité de l’exposition « Our Body / A corps ouvert » et donc celle du contrat d’assurance ne résultent, au regard de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 septembre 2010 (pourvoi n°09-67456), que de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 qui a créé l’article 16-1-1 du Code civil et qui est postérieure à la date de formation du contrat d’assurance litigieux, la Cour d’appel a violé l’article 2 et 1131 du Code civil ;

Alors, d’autre part, que la loi ne dispose que pour l’avenir et n’a point d’effet rétroactif ; qu’en estimant néanmoins que la loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008, qui ne comportait aucune disposition transitoire relativement à l’entrée en vigueur du nouvel article 16-1-1 du Code civil, pouvait être considérée comme rétroactive, la Cour d’appel a violé l’article 2 du Code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la demande indemnitaire de la société ENCORE EVENTS formée à l’encontre des sociétés AREAS, CAMEIC, GROUPE PONT NEUF et LIBERTY SYNDICATES pour non-respect de leur obligation de conseil.

Aux motifs que, «Sur la licéité du contrat d’assurance N° S 205.124 et la garantie

Considérant qu’au soutien de son appel, la société ENCORE EVENTS prétend que la cause et l’objet du contrat du 7 novembre 2008 sont licites et que si l’ordonnance de référé du 21 avril 2009, l’arrêt de la cour d’appel du 30 avril 2009 et l’arrêt de la Cour de cassation du 16 septembre 2010 ont considéré que l’ exposition était contraire aux dispositions de l’article 16-1-1 du Code civil, ce texte, issu de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008, ne figurait pas dans le Code civil lors de la conclusion du contrat, tandis que les articles 16 et suivants du même Code ne concernaient alors que les personnes vivantes ; qu’elle ajoute que la Cour de cassation énonce dans son arrêt du 16 septembre 2010 que l’illicéité provient non pas de l’exposition elle-même mais de son caractère commercial, que la police d’assurance n’avait pas vocation à couvrir ;

Considérant que les intimées font valoir que l’objet du contrat d’assurance, portant sur l’exposition sans autorisation de cadavres, dont la Cour de cassation a définitivement retenu qu’elle était illégale, est illicite et immorale de sorte que le contrat est nul ; qu’elle développent qu’avant même l’entrée en vigueur de l’article 16-1-1 du Code civil, le droit positif protégeait le corps humain sur le fondement de l’article 16 de ce Code, y compris après le décès de la personne, la loi du 19 février 2008, d’ordre public et tendant à la protection d’intérêts majeurs, pouvant du reste être considérée comme rétroactive, et que même si l’on devait considérer que l’illicéité du contrat n’est apparue qu’à compter de cette loi, le contrat devrait en tout état de cause être annulé dès lors que c’est en raison de cet objet ou de cette cause immoral(e) ou illicite que les parties se sont engagées ;

Considérant que selon l’article 1128 du Code civil, l’objet des conventions doit être « dans le commerce », c’est à dire licite ; qu’aux termes des articles 1131 et 1133 du même Code, « l’obligation sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet », la cause étant illicite « quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l’ordre public » ;

Considérant que dans le contrat synallagmatique, l’obligation de chaque contractant trouve sa cause dans l’objet de l’obligation de l’autre ; que l’illicéité ou l’immoralité de l’objet de l’une des obligations emporte celle de la cause de l’obligation corrélative ;

Considérant, en l’espèce, que l’objet de l’obligation de la société ENCORE EVENTS, à savoir le paiement de la prime, avait pour cause l’objet de l’obligation des coassureurs de la garantir, selon les termes et conditions du contrat, de toute perte financière subie par suite notamment de l’annulation, de l’ajournement ou de l’abandon de l’exposition « Our Body/The universe within » objet de l’assurance, survenant indépendamment de sa volonté ;

Or considérant que cette exposition a été définitivement jugée illicite par l’arrêt confirmatif rendu le 16 septembre 2010 par la Cour de cassation, qui a retenu que l’exposition de cadavres à des fins commerciales méconnaissait l’exigence posée par l’article 16-1-1, alinéa 2, du Code civil ;

Considérant, certes, que l’article 16-1-1 du Code civil, qui énonce en son alinéa 1er que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort » et en son alinéa 2 que « les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence », issu de la loi du 19 décembre 2008, n’était pas en vigueur à la date de conclusion du contrat en litige, le 7 novembre 2008 ;

Mais considérant que comme l’a à juste titre jugé le tribunal, ces dispositions nouvelles, d’ordre public, n’ont fait qu’étendre explicitement au cadavre humain la protection de la dignité et du respect dus à l’être humain découlant de l’article 16 du Code civil, étant observé qu’au moment de la formation du contrat, les articles 16-1 et 16-5 prohibaient déjà la patrimonialisation du corps humain et l’article 16-3 l’atteinte à l’intégrité du corps humain, sans distinguer entre le corps des personnes vivantes et celui des morts ;

Qu’ainsi le Conseil d’Etat, dans un arrêt N° 124960 du 2 juillet 1993, a jugé que les principes déontologiques fondamentaux relatifs au respect de la personne humaine ne cessaient pas de s’appliquer avec la mort de celle-ci ;

Considérant que l’utilisation à des fins commerciales de dépouilles et organes de personnes humaines dont il n’a pu être démontré qu’elles y avaient personnellement consenti avant leur décès ou que des personnes autorisées l’avaient fait postérieurement, se heurtaient dès lors aux principes fondamentaux d’ordre public relatifs à la dignité et au respect de l’être humain, qui ne cessent pas avec sa mort et s’attachent donc à son cadavre ;

Considérant qu’il s’ensuit que le contrat d’assurance souscrit pour garantir la tenue de l’exposition organisée par la société ENCORE EVENTS, qui était illicite dès la formation du contrat, est nul pour illicéité de sa cause en vertu de l’article 1131 du Code civil ;

Qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris de ce chef ;

Considérant qu’en conséquence de la nullité du contrat, les assureurs doivent restituer les primes réglées, soit 15 263 euros, aucun élément justificatif du montant des commissions prétendument versées à la société GPN et au courtier ASSUREVENTS n’étant produit ;

Que par application de la convention de coassurance annexée au contrat, stipulant l’absence de solidarité entre les assureurs membres de la coassurance pour l’exécution de leurs obligations, la société LIBERTY SYNDICATES, dont la part dans la coassurance est de 50 %, est ainsi débitrice de la somme de 7 631,50 euros, et les sociétés AREAS et CAMEIC représentées par la société GPN, dont la part dans la coassurance est également de 50 %, sans autre répartition entre elles, à la même somme, la société GPN, qui n’a pas la qualité d’assureur, n’étant en revanche personnellement tenue à aucune restitution ;

Que le jugement sera réformé sur ce point ;

Considérant que le contrat d’assurance étant nul, il n’est pas nécessaire de rechercher si les conditions de la garantie étaient réunies ou encore si une clause d’exclusion de garantie était susceptible d’être valablement opposée à la société ENCORE EVENTS

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation des obligations d’information et de conseil

Considérant qu’à titre subsidiaire, la société ENCORE EVENTS reproche aux intimées une violation de leurs devoirs de conseil et d’information, notamment quant à « l’assurabilité » de l’événement, invoquant en outre la déloyauté de la société GPN qui, consultée en 2006 par la société de courtage GRAS SAVOYE, avait opposé alors un refus de couverture ;

Considérant que les intimées font valoir que la société ENCORE EVENTS était directement conseillée par un courtier, la société ASSUREVENTS, qu’elles n’avaient pas connaissance du caractère illicite de l’événement et qu’il appartenait à l’intéressée de s’assurer de la licéité de l’exposition qu’elle projetait de réaliser ;

Considérant qu’il incombait effectivement à la société ENCORE EVENTS, professionnel de l’événementiel, de surcroît assistée pour la souscription du contrat de son propre courtier, de s’assurer de la licéité de l’exposition projetée dont elle seule pouvait connaître précisément les caractéristiques ;

Qu’au demeurant elle n’en ignorait pas les risques, ainsi qu’il ressort notamment du courriel de la société GRAS SAVOYE du 12 octobre 2012 relatant les circonstances dans lesquelles une première recherche de couverture avait été envisagée en 2006, à laquelle la société GPN avait opposé un refus ;

Que ce refus était toutefois essentiellement motivé à l’époque par le fait que « les autorisations pour le bon déroulement d’une telle manifestation n’avaient pas encore été réclamées/obtenues » ;

Considérant que l’exposition de restes humains n’étant pas en soi prohibée, les intimées, dont il n’est pas démontré qu’elles avaient connaissance des modalités pratiques de celle organisée par la société ENCORE EVENTS la rendant illicite, l’absence de consentement autorisé n’ayant été révélé qu’à l’occasion de la procédure de référé, alors qu’interrogé par la société GPN le 12 juillet 2007, le courtier de la société ENCORE EVENTS avait répondu le 13 suivant que cette exposition, présentée depuis 1995 dans le monde entier, n’avait jamais rencontré de refus d’installation, ne peuvent se voir imputer un manquement à leurs obligations d’information et de conseil cause du préjudice subi par l’appelante ;

Que le jugement entrepris doit donc être également confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires de la société ENCORE EVENTS » ;

Alors que nul n’est censé ignorer la loi ; qu’un professionnel du droit ne saurait arguer de l’incertitude quant à l’état réel du droit positif pour se dispenser d’exécuter valablement son devoir d’information et de conseil ; qu’en rejetant néanmoins l’action indemnitaire de la société ENCORE EVENTS pour manquement des assureurs à leur devoir de conseil, après avoir pourtant considéré que le droit antérieur à la loi du 19 décembre 2008 interdisait déjà l’exposition de cadavres à des fins commerciales, état du droit que les assureurs étaient censés connaître, ce dont il résultait nécessairement qu’ils avaient manqué à leur devoir de conseil envers la société ENCORE EVENTS quant au caractère assurable de l’exposition litigieuse, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constations et a ainsi violé l’article 1147 du Code civil.

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