Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 mars 2018, 16-15.423, Inédit

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 21 mars 2018, n° 16-15.423
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 16-15.423
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 23 février 2016, N° 14/11266
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000036779672
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:CO00242
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Texte intégral

COMM.

JL

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 21 mars 2018

Rejet

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 242 F-D

Pourvoi n° V 16-15.423

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

1°/ le Syndicat national des dermatologues-vénérologues (SNDV), dont le siège est Domus Medica […] ,

2°/ la société Guinot, société par actions simplifiée,

3°/ la société Mary Cohr, société par actions simplifiée,

ayant toutes deux leur siège […] ,

contre l’arrêt rendu le 24 février 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige les opposant :

1°/ à M. Philippe X…, domicilié […] , pris en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Max Maryne, domicilié […] ,

2°/ à la société MFB Provence, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

3°/ à la Confédération nationale de l’esthétique parfumerie (CNEP), dont le siège est […] , syndicat professionnel d’employeurs,

4°/ à l’Union des marques du matériel (UMM), dont le siège est […] , syndicat professionnel d’employeurs,

5°/ à la société Beauty Tech, société à responsabilité limitée à associé unique, dont le siège est […] ,

6°/ à la société Oxann, société à responsabilité limitée à associé unique, dont le siège est […] ,

7°/ à la société ADL Esthétique, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

8°/ à la société Corpoderm, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

9°/ à la société Eurofeedback, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

10°/ à la société Derma Scientifics, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] , prise en la personne de son liquidateur M. Pascal Y…, domicilié […] ,

11°/ à la société Mondial beauté, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,

12°/ à la société Dermeo, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

13°/ à la société Leo’s distribution Talabi, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] , ayant pour nom commercial Active 512,

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 30 janvier 2018, où étaient présentes : Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Darbois , conseiller, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat du Syndicat national des dermatologues vénérologues, de la société Guinot et de la société Mary Cohr, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la Confédération nationale de l’esthétique parfumerie, de l’Union des marques du matériel et de la société Eurofeedback, de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société Beauty Tech, de la société ADL Esthétique, de la société Mondial beauté et de la société Leo’s distribution Talabi, l’avis de Mme Beaudonnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 24 février 2016), tel que rectifié par deux arrêts du 13 avril 2016, que la société Guinot, qui approvisionne des esthéticiennes indépendantes en méthodes, produits et machines destinés à l’épilation, reprochant aux sociétés Dermeo, Derma Scientifics, Corpoderm, MFB Provence (MFB), Léo’s distribution Talabi (Léo’s distribution), Beauty Tech, ADL Esthétique, Eurofeedback, Oxann Esthefrance (Oxann) et Mondial beauté, ainsi qu’à M. X…, en sa qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Max Maryne, de vendre du matériel d’épilation à lumière pulsée permettant aux instituts d’user de méthodes illégales et désorganisant le marché de l’épilation, les a assignés en concurrence déloyale ; que la société Mary Cohr, filiale de la société Guinot, est intervenue volontairement à l’instance, de même que le Syndicat national des dermatologues-vénérologues (le SNDV), qui, soutenant que la commercialisation à des personnels non médecins de ces appareils constituait une faute à l’égard de la profession qu’il représente, a demandé réparation de son propre préjudice ; que la Confédération nationale de l’esthétique-parfumerie (la CNEP) et l’Union des marques du matériel (l’UMM) sont intervenues volontairement à l’instance ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Guinot et Mary Cohr et le SNDV font grief à l’arrêt de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen :

1°/ que commet une faute qui engage sa responsabilité l’opérateur économique qui ne respecte pas la réglementation applicable ; qu’en application de l’article 2-5° de l’arrêté ministériel du 6 janvier 1962 et de l’article L. 4161-1 du code de la santé publique, la pratique de l’épilation par lumière pulsée est, pour des impératifs de santé publique, interdite à toute personne autre que les docteurs en médecine ; que commet donc une faute engageant sa responsabilité le fabricant ou distributeur qui vend, à des esthéticiennes et des instituts de beauté, des appareils permettant l’épilation par lumière pulsée, en sachant que, même si ces appareils peuvent servir à un autre usage, ils vont être utilisés par leurs acquéreurs pour pratiquer illégalement des épilations ; qu’en retenant au contraire que, dès lors que les lampes à lumière pulsée n’ont pas pour seul usage la pratique de l’épilation mais également des soins de rajeunissement et que la vente de tels appareils est libre et peut s’adresser à tous, particuliers, professionnels non médecins et médecins, les sociétés Dermeo, Derma Scientifics, Corpoderm, MFB, Léo’s distribution, Beauty Tech, ADL Esthétique, Eurofeedback, Oxann et Mondial beauté, ainsi que la société Max Maryne, représentée par M. X…, ès qualités, ne commettent aucune faute en vendant lesdits appareils à des personnes dont elles « n’ignorent pas les activités » et ne s’octroient aucun avantage commercial illicite au détriment des sociétés Guinot et Mary Cohr à l’égard desquelles elles n’ont pas à répondre de l’utilisation des appareils faite par leurs acquéreurs en violation de la réglementation en vigueur, sans constater que ces sociétés ignoraient, lorsqu’elles vendaient les appareils litigieux, que ceux-ci seraient utilisés par leurs acquéreurs non médecins à des fins illicites, contraires à des impératifs de santé publique, constatant même au contraire qu’elles n’ignoraient pas les activités des acquéreurs, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;

2°/ que l’existence d’une situation de concurrence directe et effective n’est pas une condition de l’action en concurrence déloyale qui exige seulement l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice ; qu’en retenant en l’espèce que les appareils « multifonctions », qui permettent à la fois l’épilation et la « réjuvénation », commercialisés par les sociétés Dermeo, Derma Scientifics, Corpoderm, MFB, Léo’s distribution, Beauty Tech, ADL Esthétique, Eurofeedback, Oxann et Mondial beauté, ainsi que la société Max Maryne, représentée par M. X…, ès qualités, n’assurent pas exactement les mêmes services que les cires mises en vente par les sociétés Guinot et Mary Cohr, que ces sociétés n’évoluent donc pas sur le même marché et ne sont donc pas en situation de concurrence, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, en violation de l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu que l’arrêt relève, d’abord, que la vente des appareils à lumière pulsée est libre et s’adresse tant aux particuliers et professionnels non médecins qu’aux médecins ; qu’il relève, ensuite, que les dispositions de l’arrêté du 6 janvier 1962 et des articles L. 1152-1, L. 1151-3 et L. 4161-1 du code de la santé publique ne s’appliquant pas à ces ventes, les sociétés poursuivies ne méconnaissent aucune contrainte réglementaire ni ne s’octroient d’avantage concurrentiel illicite au détriment des sociétés Guinot et Mary Cohr ; qu’il retient, en outre, que les sociétés venderesses des appareils aux fins d’épilation à lumière pulsée n’ont pas à répondre envers les sociétés Guinot et Mary Cohr de leur utilisation par des acquéreurs professionnels non titulaires du diplôme de médecin ; qu’il retient, enfin, s’agissant des actes invoqués par le SNDV, que, même si les fournisseurs n’ignorent pas l’activité exercée par les acquéreurs, la vente des appareils en question ne peut être fautive, dans la mesure où il appartient aux instituts et esthéticiens professionnels de connaître les limites à leur utilisation, notamment la prohibition de procéder à des actes que seul un médecin peut faire en application de l’article 5-2 de l’arrêté du 6 janvier 1962, compte tenu des risques que ces pratiques épilatoires peuvent faire courir pour la santé ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit l’absence de faute commise par les vendeurs du matériel litigieux, la cour d’appel, qui n’a pas fait de l’absence de concurrence directe ou effective des parties une condition de l’action en concurrence déloyale, a pu considérer que, même si les sociétés poursuivies mettent sur le marché de l’épilation des appareils qui sont utilisés en violation de la réglementation, elles ne commettent pas d’actes de concurrence déloyale au détriment tant des sociétés Guinot et Mary Cohr que du SNDV ; que le moyen, qui manque en fait en sa seconde branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen :

Attendu que les sociétés Guinot et Mary Cohr et le SNDV font grief à l’arrêt de condamner la société Guinot à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive et les sociétés Guinot et Mary Cohr ainsi que le SNDV à payer des dommages-intérêts pour appel abusif alors, selon le moyen :

1°/ qu’en condamnant la société Guinot pour procédure abusive et appel abusif, motif pris que celle-ci savait parfaitement quel était l’état du droit en la matière et que la vente de ces appareils est libre ; qu’elle a agi témérairement et abusivement en engageant la procédure actuelle dont elle ne pouvait ignorer l’issue et que cette procédure n’a eu pour seul objectif que de chercher à nuire aux sociétés Léo’s distribution, MFB Provence, Dermeo, ADL Esthétique, Beauty tech, Mondial beauté, Eurofeedback, à la CNEP et à l’UMM, tout en constatant que « la pratique de l’épilation grâce à un appareil à lumière pulsée par des non médecins pose une problématique de santé publique et relève d’enjeux économiques importants ; que des décisions judiciaires condamnent les esthéticiennes pour exercice illégal de la médecine [

] ; que des décisions judiciaires annulent la vente des appareils à lumière pulsée consentie à des professionnels non médecins ; que des réflexions sont en cours depuis de nombreuses années ; que la société Guinot, qui n’approuvait pas la position de la CNEP-UME, a démissionné de cette Confédération et de cette Union selon courrier du 5 octobre 2011 » ; que dans le cadre de l’instance ayant abouti à l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 28 mars 2013, « le rapporteur public indiquait qu’il appartiendrait, s’il le jugeait utile, au ministre de la santé de procéder aux modifications nécessaires ; que, plus récemment encore, le 18 septembre 2014, le président de la Commission de sécurité des consommateurs faisait savoir au président du SNDV : « S’agissant des prestations d’épilation par des professionnels, la Commission recommande aux pouvoirs publics de mettre fin à l’incohérence consistant à tolérer, de fait, l’usage par des personnes non titulaires du diplôme de médecine, d’appareils d’épilation à lumière pulsée alors que cette pratique est interdite par la loi » et expliquait le 3 décembre à la présidente de la CNEP que « la décision dans un sens ou dans un autre relève du politique et de l’administration » », constatations dont il résulte que la vente d’appareils d’épilation à lumière pulsée à des professionnels non médecins posait un sérieux problème, notamment de santé publique, dont il n’apparaissait pas anormal ou illégitime de saisir le juge judiciaire, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à caractériser une faute de la société Guinot de nature à faire dégénérer en abus son droit d’ester en justice et d’exercer une voie de recours et a, par là même, violé l’article 1382 du code civil ;

2°/ que l’appel de la société Mary Cohr et du SNDV étant ainsi jugé abusif à raison du caractère prétendument abusif de l’action de la société Guinot, la cassation du chef de l’arrêt jugeant abusive l’action de la société Guinot entraînera par voie de conséquence, en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation de ses chefs jugeant abusif l’appel de la société Mary Cohr et du SNDV qui sont dans sa dépendance ;

Mais attendu, d’une part, qu’ayant relevé que la société Guinot, qui savait parfaitement quel était l’état du droit en la matière et que la vente des appareils à lumière pulsée était libre, avait obtenu l’autorisation de saisir des documents comptables des sociétés, avant qu’elle ne lui soit retirée, puis engagé la procédure de façon téméraire, qu’elle avait assigné la société Mondial beauté, qui ne vendait pas le matériel dont elle dénonçait l’utilisation, et, enfin, qu’elle avait démontré un acharnement, y compris en poursuivant la procédure en appel sans développer d’autres moyens, la cour d’appel, nonobstant les considérations d’ordre général faites sur la problématique de santé publique tenant à la pratique de l’épilation par un appareil à lumière pulsée par des personnes non titulaires du diplôme de docteur en médecine, a pu en déduire que la société Guinot avait abusé du droit d’agir en justice et de faire appel ;

Et attendu, d’autre part, que le rejet du premier moyen rend le moyen, pris en sa seconde branche, tiré d’une cassation par voie de conséquence, sans portée ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Guinot et Mary Cohr et le Syndicat national des dermatologues-vénérologues aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux sociétés ADL Esthétique, Beauty tech, Mondial beauté et Léo’s distribution Talabi, celle, globale, de 3 000 euros à la Confédération nationale de l’esthétique-parfumerie et l’Union des marques du matériel et celle, globale, de 3 000 euros à la société Eurofeedback ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour le Syndicat national des dermatologues vénéréologues, la société Guinot et la société Mary Cohr

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté les sociétés Guinot et Mary Cohr ainsi que le Syndicat National des Dermatologues et Vénérologues (SNDV) de leurs demandes à l’encontre des défenderesses, d’avoir condamné la société Guinot à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive, et les sociétés Guinot et Mary Cohr ainsi que le SNDV à payer des dommages-intérêts pour appel abusif ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, « sur l’existence d’une concurrence déloyale, [

] mais, pour prospérer, l’action en responsabilité pour concurrence déloyale doit répondre aux dispositions de l’article 1382 du code civil et il appartient aux appelants de démontrer la faute des intimées, le préjudice et le lien de causalité ;

Concurrence déloyale à l’égard des sociétés Mary Cohr et Guinot ; que c’est la vente d’appareils permettant l’épilation par lumière pulsée aux esthéticiennes et instituts de beauté qui est reprochée aux intimées ; que la vente porte sur des appareils « multifonctions » qui permettent à la fois l’épilation, la réjuvénation et n’assurent par conséquent pas exactement les mêmes services que les cires mises en vente par les sociétés appelantes ; que les sociétés appelantes et intimées n’évoluent pas sur le même marché ;

que la vente de ces appareils est libre et s’adresse à tous, particuliers, professionnels non médecins et médecins ; qu’il n’y a pas d’abus de droit (la société Guinot et la société Mary Cohr font état de l’ « abus de liberté de vendre ») à procéder à leur vente auprès de qui que ce soit, notamment des professionnels de l’esthétique ; que les dispositions de l’arrêté du 6 janvier 1962 et des articles L.1152-1, L. 1151-3 et L. 4161-1 du code de la santé publique ne s’appliquent pas à ces ventes ; que ne méconnaissant aucune contrainte réglementaire, les intimées ne s’octroient aucun avantage concurrentiel illicite au détriment des sociétés Guinot et Mary Cohr ; que, par ailleurs, les intimées n’ont pas à répondre envers la société Guinot et la société Mary Cohr de l’utilisation de ces appareils aux fins d’épilation par les acquéreurs professionnels non titulaires du diplôme de médecin, et il est observé que la conformité de ces appareils aux normes d’utilisation applicables relève de la responsabilité du vendeur à l’égard de l’acquéreur ;

qu’en l’état du droit, si les intimées, fabricants et distributeurs, mettent sur le marché de l’épilation des matériels qui sont utilisés en violation de la réglementation, ils ne commettent pour autant pas des actes de concurrence déloyale au détriment des sociétés Guinot et Mary Cohr et ne désorganisent pas le marché de l’épilation ;

Concurrence déloyale à l’égard du SNDV

que, de même, la vente de ces appareils, qui permettent de réaliser une épilation, est libre ; que la vente à des personnes dont les fournisseurs n’ignorent pas les activités ne peut être fautive et il appartient aux professionnels instituts et esthéticiens de connaître les limites à leur utilisation, notamment la prohibition de procéder à des actes que seul un médecin peut faire en application de l’article 5-2 de l’arrêté du 6 janvier 1962 compte tenu des risques que ces pratiques épilatoires peuvent faire courir pour la santé et, si bon semble à ces professionnels, d’engager toute action contre le vendeur ;

qu’en l’état du droit, les intimées ne commettent pas d’actes de concurrence déloyale ; que les demandes du SNDV ne sont pas fondées ;

que le jugement doit être confirmé » (cf. arrêt p. 17-18) ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « sur les demandes de Guinot :

que Guinot se prétend victime d’acte de concurrence déloyale de la part de fabricants de lampes à lumière pulsée (IPL) sur le marché de l’épilation ; qu’il n’est pas démontré que le marché de produits consommables, telles les cires destinées à l’épilation que Guinot utilise, participent du même marché pertinent que les lampes ou machines électromagnétiques émettant un rayonnement optique susceptible d’entraîner une destruction tissulaire ou cellulaire ; qu’en l’état, les produits en concurrence n’apparaissent au tribunal ni similaires, ni substituables et que les parties ne sont donc pas en situation de concurrence ;

que plus précisément, Guinot reproche aux défenderesses de vendre des lampes à lumière pulsée (IPL) à des esthéticiennes ou à des sociétés prodiguant des soins esthétiques hors la surveillance réelle d’un médecin sur le territoire français ; que ces lampes à lumière pulsée n’ont pas pour seul usage la pratique de l’épilation mais peuvent aussi être utilisées pour des soins de « photorajeunissement » ;

qu’il n’appartient pas au tribunal de céans d’apprécier la compatibilité avec le code de la santé publique de l’usage, au demeurant non prouvé et non soumis à débat, réalisé par les utilisateurs dudit matériel ;

que ces appareils sont libres à la vente et qu’il n’est apporté au cours des débats aucune preuve qu’ils ne seraient pas conformes aux normes de production et de commercialisation qui leurs sont applicables ;

qu’il est allégué que ces appareils pourraient permettre, dans certaines conditions d’utilisation, des pratiques qui relèveraient de l’article L. 4161-1 du code de la santé publique, mais que cette allégation est sans intérêt du fait qu’aucune des défenderesses à la présente instance n’exerce l’activité d’esthéticienne, ne pratique des soins d’esthétique corporelle ni ne pratique d’actes d’épilation ;

que le tribunal dira que Guinot ne caractérise pas et ne qualifie pas la faute et, partant, le préjudice moral ou matériel allégué et la déboutera de l’ensemble de ses demandes ;

sur les demandes du SNDV

qu’aucune des défenderesses n’exerce d’activité, ni ne pratique des soins d’esthétique corporelle, ni encore d’actes d’épilation ; que le SNDV ne démontre pas que les défenderesses, le CNEP et l’UMM, ont eu un comportement directement fautif à son égard ou à l’encontre de ses membres ; que le désir de faire évoluer les matériels, pratiques et protocoles de l’exercice professionnel de leurs membres ne constitue pas une faute à l’encontre du SNDV pour autant qu’il s’inscrive dans le cadre réglementaire de la profession concernée, le tribunal le déboutera de ses demandes » (cf. jugement p. 13) ;

1°/ ALORS QUE commet une faute qui engage sa responsabilité l’opérateur économique qui ne respecte pas la réglementation applicable ; qu’en application de l’article 2-5° de l’arrêté ministériel du 6 janvier 1962 et de l’article L. 4161-1 du code de la santé publique, la pratique de l’épilation par lumière pulsée est, pour des impératifs de santé publique, interdite à toute personne autre que les docteurs en médecine ; que commet donc une faute engageant sa responsabilité le fabricant ou distributeur qui vend, à des esthéticiennes et des instituts de beauté, des appareils permettant l’épilation par lumière pulsée, en sachant que, même si ces appareils peuvent servir à un autre usage, ils vont être utilisés par leurs acquéreurs pour pratiquer illégalement des épilations ; qu’en retenant au contraire que, dès lors que les lampes à lumière pulsée n’ont pas pour seul usage la pratique de l’épilation mais également des soins de rajeunissement et que la vente de tels appareils est libre et peut s’adresser à tous, particuliers, professionnels non médecins et médecins, les sociétés intimées ne commettent aucune faute en vendant lesdits appareils à des personnes dont elles « n’ignorent pas les activités » et ne s’octroient aucun avantage commercial illicite au détriment des sociétés Guinot et Mary Cohr à l’égard desquelles elles n’ont pas à répondre de l’utilisation des appareils faite par leurs acquéreurs en violation de la réglementation en vigueur, sans constater que les sociétés intimées ignoraient, lorsqu’elles vendaient les appareils litigieux, que ceux-ci seraient utilisés par leurs acquéreurs non médecins à des fins illicites, contraires à des impératifs de santé publique, constatant même au contraire qu’elles n’ignoraient pas les activités des acquéreurs, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;

2°/ ALORS QUE l’existence d’une situation de concurrence directe et effective n’est pas une condition de l’action en concurrence déloyale qui exige seulement l’existence de faits fautifs générateurs d’un préjudice ; qu’en retenant en l’espèce que les appareils « multifonctions », qui permettent à la fois l’épilation et la « réjuvénation », commercialisés par les sociétés intimées n’assurent pas exactement les mêmes services que les cires mises en vente par les sociétés appelantes, que ces sociétés n’évoluent donc pas sur le même marché et ne sont donc pas en situation de concurrence, la cour d’appel a statué par un motif inopérant, en violation de l’article 1382 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société Guinot à payer des dommages-intérêts pour procédure abusive et les sociétés Guinot et Mary Cohr ainsi que le SNDV à payer des dommages-intérêts pour appel abusif ;

AUX MOTIFS PROPRES « contre Guinot et Mary Cohr : sur la procédure abusive ; que les intimées expliquent que l’acharnement procédural de Guinot et Mary Cohr (saisies, procédure injustifiée, appel du jugement critiqué injustifié), le dénigrement par l’instrumentalisation de la presse, démontrent la mauvaise foi et la volonté de nuire des deux appelantes, qu’elles demandent toutes en cause d’appel la condamnation des sociétés Guinot et Mary Cohr pour procédure abusive par la confirmation du jugement critiqué, ou demandent la modification du quantum alloué ; que les intimées contestent la condamnation du premier juge, et expliquent qu’elles n’ont fait que défendre leurs intérêts et n’ont pas eu, comme l’a jugé le tribunal de commerce, pour seul objectif de chercher à leur nuire ;

mais, selon les pièces versées par les parties, que la pratique de l’épilation grâce à un appareil à lumière pulsée par des non médecins pose une problématique de santé publique et relève d’enjeux économiques importants ; que des décisions judiciaires condamnent les esthéticiennes pour exercice illégal de la médecine, qu’une décision sanctionne un médecin pour avoir fait procéder à ce type d’épilation par des assistants non médecins dans son cabinet, que des décisions judiciaires annulent la vente des appareils à lumière pulsée consentie à des professionnels non médecins ; que les réflexions sont en cours depuis de nombreuses années ; que la société Guinot, qui n’approuvait pas la position de la CNEP-UME, a démissionné de cette Confédération et de cette Union selon courrier du 5 octobre 2011 ; que dans les conclusions qu’il avait prises dans la procédure disciplinaire concernant le Docteur Alain C… (arrêt Conseil d’Etat du 28 mars 2013), le rapporteur public indiquait qu’il appartiendrait, s’il le jugeait utile, au ministre de la santé de procéder aux modifications nécessaires ; que plus récemment encore, le 18 septembre 2014, le Président de la Commission de Sécurité des Consommateurs faisait savoir au Président du SNDV que « s’agissant des prestations d’épilation par des professionnels, la Commission recommande aux pouvoirs publics de mettre fin à l’incohérence consistant à tolérer, de fait, l’usage par des personnes non titulaires du diplôme de médecine, d’appareils d’épilation à lumière pulsée alors que cette pratique est interdite par la loi » et expliquait le 3 décembre à la présidente de la CNEP que « la décision dans un sens ou dans un autre relève du politique et de l’administration » ;

que la société Guinot savait parfaitement quel était l’état du droit en la matière et que la vente de ces appareils est libre ; qu’en agissant comme elle l’a fait dès 2011, en obtenant l’autorisation de saisir des documents comptables des sociétés qui lui a ensuite été retirée, puis en engageant la procédure actuelle, elle a agi témérairement et abusivement ; qu’elle a, par des déclarations publiques dans les journaux, par Internet, donné un retentissement médiatique important à ce litige, invoquant notamment l’intérêt des esthéticiennes dont elle n’est pas le défenseur et qu’elle ne pouvait ignorer l’issue de ce litige ; qu’elle a assigné la société Mondial Beauté qui ne vendait pas le matériel dont elle dénonce l’utilisation ; qu’elle a démontré un acharnement qu’il y a lieu de sanctionner toutefois dans des proportions moindres qu’en première instance, en allouant à chacune des intimées, les sociétés Leo’s Distribution, MFB Provence, Dermeo, ADL Esthétique, Beauty Tech, Mondial Beauté, Eurofeedback, à la CNEP et à l’UMM, la somme de 3 000 euros ; que le jugement sera infirmé sur ce point sur le quantum » (cf. arrêt p. 18) ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES « sur la procédure abusive ;

que Guinot a délibérément choisi d’orienter son action vers les défenderesses alors qu’elle ne pouvait ignorer qu’elles ne pratiquent pas d’activité ou de soins d’esthétique corporelle ; que, par contre, une lettre circulaire du président directeur général de Guinot (pièce 21 du CNEP), adressée aux esthéticiennes en leur qualité de « Chère cliente », indiquait ne pas vouloir engager de procédure à leur encontre ;

que la procédure ainsi engagée n’a eu pour seul objectif que de chercher à nuire aux défenderesses, le tribunal dira que Guinot a fait un usage abusif de son droit d’agir en justice » (cf. jugement p. 14) ;

ALORS QU’en condamnant la société Guinot pour procédure abusive et appel abusif, motif pris que celle-ci savait parfaitement quel était l’état du droit en la matière et que la vente de ces appareils est libre ; qu’elle a agi témérairement et abusivement en engageant la procédure actuelle dont elle ne pouvait ignorer l’issue et que cette procédure n’a eu pour seul objectif que de chercher à nuire aux défenderesses, tout en constatant que « la pratique de l’épilation grâce à un appareil à lumière pulsée par des non médecins pose une problématique de santé publique et relève d’enjeux économiques importants ; que des décisions judiciaires condamnent les esthéticiennes pour exercice illégal de la médecine [

] ; que des décisions judiciaires annulent la vente des appareils à lumière pulsée consentie à des professionnels non médecins ; que des réflexions sont en cours depuis de nombreuses années ; que la société Guinot, qui n’approuvait pas la position de la CNEP-UME, a démissionné de cette Confédération et de cette Union selon courrier du 5 octobre 2011 » ; que dans le cadre de l’instance ayant abouti à l’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 28 mars 2013, « le rapporteur public indiquait qu’il appartiendrait, s’il le jugeait utile, au ministre de la santé de procéder aux modifications nécessaires ; que, plus récemment encore, le 18 septembre 2014, le Président de la Commission de Sécurité des Consommateurs faisait savoir au Président du SNDV : « S’agissant des prestations d’épilation par des professionnels, la Commission recommande aux pouvoirs publics de mettre fin à l’incohérence consistant à tolérer, de fait, l’usage par des personnes non titulaires du diplôme de médecine, d’appareils d’épilation à lumière pulsée alors que cette pratique est interdite par la loi » et expliquait le 3 décembre à la présidente de la CNEP que « la décision dans un sens ou dans un autre relève du politique et de l’administration » », constatations dont il résulte que la vente d’appareils d’épilation à lumière pulsée à des professionnels non médecins posait un sérieux problème, notamment de santé publique, dont il n’apparaissait pas anormal ou illégitime de saisir le juge judiciaire, la cour d’appel a statué par des motifs impropres à caractériser une faute de la société Guinot de nature à faire dégénérer en abus son droit d’ester en justice et d’exercer une voie de recours et a, par là même, violé l’article 1382 du code civil ;

ET AUX MOTIFS PROPRES ENCORE QUE « contre Guinot et Mary Cohr, sur l’appel abusif :

que les intimées Corpoderm, Derma Scientific, ADL Esthétique, Mondial Beauté demandent la condamnation pour appel abusif des appelantes ; que Derma Scientific explique notamment qu’elle a fait les « frais » de ces procédures et a perdu son entreprise ;

mais que la relation de causalité entre l’abus d’appel et la perte de son entreprise n’est pas établie par Derma Scientific ; qu’en revanche, toutes ces sociétés peuvent à juste raison demander réparation du préjudice qui résulte pour elles de poursuivre en appel la procédure engagée abusivement par la société Guinot alors que leurs écritures d’appel ne développent rien de plus qu’en première instance ; que pour ces motifs, il y a lieu d’allouer à chacune de ces sociétés une somme de 3 000 euros à ce titre, et de condamner les sociétés Guinot et Mary Cohr au paiement de ces sommes in solidum [

]

sur les condamnations pour appel abusif demandées par les sociétés Derma Scientific, ADL Esthétique, Beauty Tech, Mondial Beauté ;

que le SNDV fait valoir que les demandes faites au titre d’un appel « abusif » sont injustifiées, dès lors que la faute n’est pas démontrée ;

mais toutefois que l’appel interjeté s’avère abusif alors que les conclusions développées n’apportent rien de nouveau pour l’examen en appel ; que l’état du droit rappelé par le premier juge était parfaitement connu du SNDV ; que le SNDV sera condamné à payer la somme de 3 000 euros à chacune de ces sociétés » (cf. arrêt p. 19 et 20) ;

ALORS QUE l’appel de la société Mary Cohr et du SNDV étant ainsi jugé abusif à raison du caractère prétendument abusif de l’action de la société Guinot, la cassation du chef de l’arrêt jugeant abusive l’action de la société Guinot entraînera par voie de conséquence, en application de l’article 624 du code de procédure civile, la cassation de ses chefs jugeant abusif l’appel de la société Mary Cohr et du SNDV qui sont dans sa dépendance.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 mars 2018, 16-15.423, Inédit