Cour de cassation, Chambre sociale, 13 juin 2019, n° 18-15.442

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Sur la décision

Texte intégral

SOC. / ELECT

LG

COUR DE CASSATION

______________________

Audience publique du 13 juin 2019

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen

faisant fonction de président

Arrêt n° 965 F-D

Pourvoi n° H 18-15.442

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Metro Cash & Carry France, société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,

contre les jugements rendus les 7 novembre 2017 et 10 avril 2018 par le tribunal d’instance de Saint-Etienne (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. T… F…, domicilié […] ,

2°/ au syndicat CFDT Services 42-43, dont le siège est […] ,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 15 mai 2019, où étaient présents : M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Basset, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Metro Cash & Carry France, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. F… et du syndicat CFDT Services 42-43, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Vu l’article L. 2142-1-1 du code du travail ;

Attendu, selon le jugement attaqué, que, le 6 juillet 2017, le syndicat CFDT Services 42/43 (le syndicat) a désigné M. F… comme représentant de section syndicale au sein de la société Metro Cash & Carry France (la société) ; que par requête enregistrée le 20 juillet 2017, la société a saisi le tribunal d’instance pour demander l’annulation de cette désignation ;

Attendu que, pour débouter la société de sa demande d’annulation de la désignation de M. F… comme représentant de section syndicale, le tribunal d’instance a retenu que le syndicat, qui n’avait pas exclu de ses adhérents une salariée de la société, ne disposait à la date du 6 juillet 2017 d’aucun élément pour interpréter les motifs de l’absence de paiement de cotisations par cette salariée depuis seulement deux mois, une négligence ou l’existence de difficultés financières ne pouvant pas être exclues, que le syndicat était ainsi fondé à considérer que la salariée était toujours adhérente et que les conditions pour que la section syndicale soit formée de deux membres était remplie ;

Qu’en statuant ainsi, alors qu’il avait constaté qu’au jour de la désignation du représentant de la section syndicale le 6 juillet 2017, la salariée ne s’était pas acquittée de ses cotisations trimestrielles depuis février 2017, le tribunal d’instance a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il déboute M. F… et le syndicat CFDT Services 42/43 de leur demande de dommages-intérêts, le jugement rendu le 10 avril 2018, entre les parties, par le tribunal d’instance de Saint-Etienne ; remet, en conséquence, sur les points restant en litige, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d’instance de Lyon ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Metro Cash & Carry France

Il est fait grief au jugement attaqué (10 avril 2018) d’AVOIR débouté la société Metro Cash & Carry France de l’intégralité de ses prétentions et d’AVOIR condamné la société Metro Cash & Carry France à payer à M. F… et au syndicat CFDT Services 42/43 la somme de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Selon l’article L. 2142-1 du code du travail, dès lors qu’ils ont plusieurs adhérents dans l’entreprise ou dans l’établissement, chaque syndicat qui y est représentatif, chaque syndicat affilié à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ou chaque organisation syndicale qui satisfait aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance et est légalement constituée depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise concernée peut constituer au sein de l’entreprise ou de l’établissement une section syndicale qui assure la représentation des intérêts matériels et moraux de ses membres conformément à l’article L. 2131-1.

Selon l’article L. 2142-1-1 du même code, chaque syndicat qui constitue, conformément à l’article L. 2142-1, une section syndicale au sein de l’entreprise ou de l’établissement d’au moins cinquante salariés peut, s’il n’est pas représentatif dans l’entreprise ou l’établissement, désigner un représentant de la section pour le représenter au sein de l’entreprise ou de l’établissement.

Le représentant de la section syndicale exerce ses fonctions dans le cadre des dispositions du présent chapitre. Il bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l’exception du pouvoir de négocier des accords collectifs.

Le mandat du représentant de la section syndicale prend fin, à l’issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l’a désigné n’est pas reconnu représentatif dans l’entreprise. Le salarié qui perd ainsi son mandat de représentant syndical ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d’une section jusqu’aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l’entreprise.

Il résulte des dispositions de l’article L. 2142-1-2 du Code du travail et d’une jurisprudence établie (Cass. Soc. 14 décembre 2010, n° 10-60.221) que le cadre et les formalités de la désignation du représentant de section syndicale sont les mêmes que pour le délégué syndical.

Sur le caractère frauduleux de la désignation

Est considérée comme frauduleuse la désignation faite dans l’unique but d’apporter au salarié désigné une protection individuelle contre une décision de l’employeur dont il s’estime menacé, sans aucune velléité d’utiliser ce mandat pour exercer une activité en faveur de la communauté des travailleurs.

La bonne foi étant toujours présumée, la preuve de la fraude incombe à celui qui l’allègue.

En l’espèce, la société SAS METRO CASH & CARRY FRANCE soutient principalement :

— que Monsieur F… était, le jour de sa désignation en qualité de représentant de section syndicale, sous le coup d’une sanction disciplinaire suite à la commission de fautes permettant d’envisager une sanction pouvant aller jusqu’à un licenciement, qu’il pressentait.

— que Monsieur F… n’a jamais exercé la moindre activité syndicale au sein de l’entreprise avant sa désignation.

S’agissant de la connaissance de l’engagement d’une procédure disciplinaire

Les éléments du dossier permettent tout d’abord de constater que ce salarié s’est vu notifier, par courrier du 9 mai 2017 remis en main propre le 10 mai 2017, un avertissement disciplinaire dans lequel, suite à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement s’étant tenu le 12 avril 2017, sont évoquées :

— plusieurs fautes commises dans l’exercice de ses fonctions, notamment en janvier 2017 et en mars 2017;

— la mise en oeuvre de « nouvelles procédures disciplinaires pouvant être beaucoup plus lourdes de conséquences » en cas de réitération.

Monsieur F… a, par la suite :

— été placé en arrêt de travail à compter du 15 mai 2017 pour rechute d’un accident du travail intervenu le 18 novembre 2014, la CPAM de la Loire refusant cependant, par courrier du 1er juin 2017, d’en reconnaître le caractère professionnel; été maintenu en arrêt de travail, et ce jusqu’au jour de l’audience de plaidoirie du 6 février 2018;

— contesté, par lettre recommandée régularisée le 6 juillet 2017 par l’intermédiaire du syndicat CFDT SERVICES 42/43, le bien fondé de l’avertissement du 9 mai 2017, et en a demandé l’annulation;

— par courrier daté du 6 juillet 2017, été désigné représentant de section syndicale par le syndicat CFDT SERVICES 42/43.

Il résulte donc de ces premiers éléments :

— d’une part que, même si sa contestation de l’avertissement disciplinaire auprès de son employeur est intervenue le même jour, Monsieur F… a été désigné représentant de section syndicale près de deux mois après la notification dudit avertissement;

— d’autre part que, si la contestation de l’avertissement disciplinaire auprès de la société SAS METRO CASH & CARRY FRANCE est intervenue dans le délai légal de prescription, Monsieur F… n’a en revanche engagé aucune instance visant à le contester judiciairement devant la juridiction prudhommale compétente;

— enfin que, l’avertissement disciplinaire n’ayant pas été annulé, Monsieur F… ne pouvait pas ignorer que la persistance ou la réitération de faits fautifs étaient de nature à amener l’employeur à envisager une sanction aggravée.

S’agissant de la nouvelle faute alléguée par la société SAS METRO CASH & CARRY FRANCE au soutien de son argumentation, la demanderesse produit :

— un bon de restitution par « Monsieur Q… R… », en date du 1er mars 2017, d’une tablette SAMSUNG A6-10 n°193838 précédemment achetée le 6 février 2017, et ce en raison d’un « blocage système réinitialisation impossible »;

un bon de restitution par « PERSONNEL MCCF », en date du 3 juillet 2017, d’une tablette SAMSUNG A6-10 n° 193838 précédemment achetée le 11 mars 2017, et ce en raison d’une « panne : plus de fonctionnement ne s’allume plus »;

— une attestation en justice de Monsieur C… E…, ayant un lien de subordination avec Monsieur F… en sa qualité de « directeur Etablissement MCCF », affirmant :

— que Monsieur F… lui a vendu le 11 mars 2017 une tablette SAMSUNG A6-10 n° 193838;

— qu’il ne s’est aperçu du dysfonctionnement de la tablette que le 23 juin 2017;

— qu’il a été informé le 26 juin 2017 que la tablette était un produit reconditionné.

Il n’est pas contesté que Monsieur F… a vendu la tablette litigieuse le 11 mars 2017 à Monsieur E…. Cependant, aucun élément ne permet de constater :

— que Monsieur F… s’est « débarrassé d’un produit reconditionné en le faisant passer pour un produit neuf », Monsieur E… ne faisant aucune mention dans son attestation au fait que Monsieur F… lui aurait vendu la tablette en la présentant comme neuve, et reconnaissant même n’avoir été informé du reconditionnement de la tablette que le 26 juin 2017;

— que Monsieur F… serait ainsi responsable de la panne d’une tablette restituée (le 3 juillet 2017) près de quatre mois après sa vente (11 mars 2017), la nature même de la panne laissant plutôt entendre que l’appareil s’est allumé et a fonctionné avant de cesser de le faire normalement (« plus de fonctionnement ne s’allume plus »);

— que Monsieur F… a effectivement et personnellement eu connaissance, au moment de sa désignation en date du 6 juillet 2017, de l’existence de ce nouveau fait susceptible de lui faire craindre l’engagement par son employeur d’une nouvelle procédure disciplinaire aggravée.

Par conséquent, la société SAS METRO CASH & CARRY FRANCE ne démontre aucunement que, le jour de sa désignation en qualité de représentant de section syndicale, Monsieur F… avait connaissance de la mise en oeuvre prochaine d’une sanction disciplinaire plus lourde, pouvant aller jusqu’à son licenciement, sur la base de faits non établis dont il n’avait manifestement pas été informé.

Dès lors, à la date du 6 juillet 2017, ni Monsieur F… ni le syndicat CFDT SERVICES 42/43 ne pouvaient légitimement Se douter que la société SAS METRO CASH & CARRY FRANCE envisageait une mesure de licenciement disciplinaire.

L’existence d’un conflit entre Monsieur F… et son employeur n’induisant pas à elle seule la fraude, il n’y a pas lieu de considérer la désignation litigieuse comme étant frauduleuse de ce chef.

S’agissant de l’absence d’exercice d’activité syndicale au sein de l’entreprise Sur ce point, les pièces versées au dossier permettent de constater que Monsieur F… a adhéré le 1er décembre 2015 au syndicat CFDT SERVICES 42/43, dans un temps non concomitant de la date de sa désignation.

Dès lors, et étant rappelé que le seul fait que le salarié désigné n’ait eu antérieurement aucune activité syndicale dans l’entreprise ne suffit pas à caractériser la fraude, il n’y a pas lieu de considérer la désignation litigieuse comme étant frauduleuse de ce seul chef.

Sur le respect des conditions de la désignation

Selon l’article L. 2131-3 du code du travail, les fondateurs de tout syndicat professionnel déposent les statuts et les noms de ceux qui, à un titre quelconque, sont chargés de l’administration ou de la direction. Ce dépôt est renouvelé en cas de changement de la direction ou des statuts.

Selon l’article R. 2131-1 du même code, les statuts du syndicat sont déposés à la mairie de la localité où le syndicat est établi. Le maire communique ces statuts au procureur de la République.

Selon l’article L. 2141-3 du même code, tout membre d’un syndicat professionnel peut s’en retirer à tout instant, même en présence d’une clause contraire. Le syndicat peut réclamer la cotisation correspondant aux six mois qui suivent le retrait d’adhésion.

Il est de jurisprudence établie que :

— l’article L. 2142-1 du code du travail exige, pour la constitution d’une section syndicale, la présence d’au moins deux adhérents dans l’entreprise (Cass.

Soc. 8 juillet 2009), parmi lesquels on peut compter la personne désignée (Cass. Soc. 26 mai 2010), le syndicat devant cependant apporter les éléments de preuve utiles à établir cette présence ;

— les conditions de la désignation doivent être remplies à la date où la désignation est effectuée (Cass. Soc. 8 juillet 2009);

— à défaut de dépôt de ses statuts, un syndicat, qui n’a d’existence légale que du jour de leur dépôt en mairie, n’est pas habilité à procéder à la désignation d’un représentant de section syndicale (Cass. Soc 7 mai 1987), mais que la preuve du dépôt d’une modification statutaire depuis plus de deux ans suffit à établir l’ancienneté du syndicat, peu important qu’il ne justifie pas de la date du dépôt des statuts lors de sa création (Cass. Soc. 7 juillet 2010);

— le syndicat doit apporter la preuve qu’il perçoit effectivement les cotisations (Cass. Soc. 10 janvier 1980).

En l’espèce, la demanderesse soutient que le syndicat CFDT SERVICES 42/43 ne justifie pas de l’existence d’une section syndicale au sein de son établissement de Saint-Étienne au jour de la désignation litigieuse de Monsieur F… dans la mesure

— où il ne démontre pas le dépôt de ses statuts en Mairie;

— où il n’établit pas que deux adhérents étaient à jour du paiement de leurs cotisations;

— où les cotisations payées par les deux adhérents étaient symboliques.

S’agissant du dépôt des statuts du syndicat en Mairie

Dans la mesure où le syndicat CFDT SERVICES 42/43 justifie du dépôt de ses statuts modifiés en Mairie (par lettre recommandée reçue le 17 décembre 2012, par récépissé du 21 janvier 2013, et par récépissé du 22 février 2017), force est de considérer que la preuve du dépôt effectif des statuts initiaux lors de la constitution du syndicat est rapportée.

Les conditions de la capacité du syndicat CFDT SERVICES 42/43 de constituer une section syndicale au sein de la société SAS METRO CASH & CARRY FRANCE sont donc réunies.

S’agissant de l’existence de deux adhérents

Selon les articles L. 2141-1 et L. 2141-3 du code du travail, tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l’un des motifs visés à l’article L. 1132-1. Tout membre d’un syndicat professionnel peut s’en retirer à tout instant, même en présence d’une clause contraire. Le syndicat peut réclamer la cotisation correspondant aux six mois qui suivent le retrait d’adhésion.

En l’espèce, dans le cadre des échanges contradictoires effectués suite à la demande faite par le Tribunal au syndicat CFDT SERVICES 42/43 de justifier, notamment, du paiement des cotisations de deux adhérents et de leur encaissement par le syndicat avant la désignation litigieuse, la société SAS METRO CASH & CARRY FRANCE a versé au dossier un courrier de Madame M… P…, salariée, aux termes duquel est indiqué : « Je n’appartiens plus au syndicat CFDT. Je ne paye pas de cotisations. Je n’ai jamais transmis de RIB et je suis toujours passée par leur site internet pour régler par carte bancaire. J’ai effectué cette transaction une fois en septembre et une fois en février et à chaque fois pour 3 mois seulement. Je ne suis donc plus adhérente à la CFDT depuis mai 2017 ».

Le syndicat CFDT SERVICES 42/43 a produit quant à lui :

— une fiche signalétique, éditée le 6 septembre 2017, établie au nom de Madame M… P…, et selon laquelle elle a adhéré à ce syndicat le 5 février 2017 et elle s’est acquittée d’une cotisation de 8,65 euros payée par chèque (pièce n° 2);

— une attestation de cotisations syndicales établie le 6 septembre 2017 par le trésorier du syndicat (Monsieur U… L…) certifiant que Madame M… P… était jour de ses cotisations à la date du 6 septembre 2017 (pièce n° 3);

— une attestation de cotisations syndicales établie le 27 septembre 2017 par le trésorier du syndicat (Monsieur U… L…) certifiant que Madame M… P… était à jour de ses cotisations à la date du 27 septembre 2017 (pièce n° 8);

— une attestation fiscale établie le 21 septembre 2017 par le secrétaire du syndicat (Monsieur Guillaume J…), et selon laquelle le syndicat certifie avoir reçu de Madame M… P… la somme de 25,87 euros au cours de l’année 2017 au titre du paiement des cotisations syndicales par chèques ou espèces.

Aux termes de son audition effectuée à l’audience du 6 février 2018, Madame P… a exposé :

— qu’elle a adhéré électroniquement et à distance au syndicat CFDT SERVICES 42/43 le 7 septembre 2016;

— qu’elle a payé électroniquement pour la première fois une somme équivalente à trois premiers mois de cotisations le 7 septembre 2016;

— qu’elle a, une nouvelle et dernière fois payé électroniquement une somme équivalente à trois nouveaux mois de cotisations le 5 février 2017;

— qu’elle n’a jamais payé ses cotisations par chèque;

— qu’elle ne réglait aucune cotisation à ce syndicat à la date du 6 juillet 2017, et qu’elle n’était selon elle pas adhérente à jour du paiement de ses cotisations entre le 6 juillet 2017 et le 27 septembre 2017.

— qu’elle n’a adressé aucun courrier de résiliation au syndicat CFDT SERVICES 42/43.

Aux termes de son audition, Monsieur L…, en sa qualité de trésorier du syndicat CFDT SERVICES 42/43, a exposé :

— que Madame P… a adhéré « en ligne » au syndicat en février 2017, payant alors une somme équivalente à trois mois de cotisations;

— que Madame P… n’a payé aucune autre somme au titre de cotisations;

— que les statuts du syndicat disposent que la personne ayant adhéré par internet et ayant payé trois mois de cotisations reste adhérente pendant encore quatre mois, et est à ce titre considérée comme adhérente à jour du paiement de ses cotisations;

— que les attestations de cotisations datées du 6 et le 27 septembre 2017 ont été établies « dans l’esprit de figer la situation de Madame P… quant à son appartenance au syndicat en raison du procès en cours » avec Monsieur F…;

— que Madame P… peut aujourd’hui toujours être considérée comme étant toujours adhérente du syndicat en raison de l’actuelle instance en cours; que le montant de la cotisation est fixé à 0,75% du salaire net.

Aux termes de son audition, Monsieur J…, en sa qualité de secrétaire du syndicat CFDT SERVICES 42/43, a exposé

— que Madame P… a adhéré « en ligne » au syndicat le 2 février 2017, payant alors une somme équivalente à trois mois de cotisations;

— qu’en payant une somme équivalente à trois mois de cotisations le 6 février 2017, la fin du trimestre payé est intervenue le 6 mai 2017;

— que Madame P… n’a payé aucune autre somme au titre de cotisations;

— qu’un adhérent peut être radié du syndicat à sa demande à n’importe quel moment, ou sur décision du syndicat pour non respect des statuts;

— que les statuts du syndicat disposent que la personne qui n’a pas payé ses cotisations pendant plus de quatre mois après le premier trimestre d’adhésion payé peut être relancée par le syndicat, mais qu’aucune résiliation automatique n’intervient; que le syndicat n’a pas « touché » au statut d’adhérent de Madame P… en raison de l’instance en cours;

— que Madame P… était considérée comme adhérente du syndicat à jour du paiement de ses cotisations à la date du 6 juillet 2017.

L’examen des statuts modifiés du syndicat CFDT SERVICES 42/43 permet par ailleurs de constater :

— que peut faire partie du syndicat tout salarié qui paye régulièrement une cotisation mensuelle correspondant à un pourcentage du salaire mensuel fixée chaque année par le Conseil syndical (article 3);

— que chaque adhérent a pour obligation de payer régulièrement ses cotisations (article 5);

— qu’un adhérent peut être exclu en cas de non paiement régulier de la cotisation au plus tard 15 jours après le rappel qui pourra lui être adressé à partir d’un retard de 4 mois (article 13).

Il résulte donc de l’ensemble de ces éléments :

— que la qualité d’adhérent de Monsieur F… au syndicat CFDT SERVICES 42/43 à la date du 6 juillet 2017 42/43 n’est pas contestée;

— que le dernier paiement de cotisations syndicales effectué électroniquement par Madame P…, soit le 5 février 2017, lui a octroyé la qualité d’adhérente à jour du paiement de ses cotisations pour une période de trois mois, soit jusqu’au 5 mai 2017;

— que, contrairement à ce qui est indiqué dans les attestations de cotisations syndicales établies le 6 septembre 2017 et le 27 septembre 2017 par Monsieur U… L…, Madame P… n’a plus réglé aucune cotisation au profit du syndicat CFDT SERVICES 42/43 à compter du 6 mai 2017.

Cependant, les conditions d’adhésion à un syndicat devant s’examiner à la lumière de ses statuts (Cass.Soc. 22 novembre 2017), force est de considérer que, même si Madame P… ne payait plus « régulièrement une cotisation mensuelle » à la date du 6 juillet 2017 conformément aux dispositions de l’article 3 des statuts du syndicat CFDT SERVICES 42/43, elle pouvait néanmoins être considérée comme en étant adhérente dans la mesure où l’article 13 de ces statuts dispose que un adhérent » ne peut être exclu qu’après un « retard de 4 mois » dans le paiement régulier de la cotisation.

Étant rappelé que l’adhésion à un syndicat n’est jamais définitive et que tout membre d’un syndicat peut retirer son adhésion quand il le souhaite, Madame P… n’a manifestement pas pris le soin d’informer le syndicat CFDT SERVICES 42/43 que le non renouvellement du paiement de cotisations à compter du 6 mai 2017 devait s’interpréter comme sa volonté immédiate et incontestable de ne plus en être adhérente.

Le syndicat CFDT SERVICES 42/43, qui ne disposait à la date du 6 juillet 2017 d’aucun élément pour interpréter les motifs de l’absence de paiement depuis seulement deux mois (6 mai 2017), une négligence où l’existence de difficultés financières ne pouvant pas être exclues, était ainsi fondée à considérer Madame P… comme étant toujours adhérente.

En conclusion, le dernier moyen tiré du caractère symbolique des cotisations payées n’étant pas établi par les pièces versées au dossier, il convient de considérer que la désignation de Monsieur F… en qualité de représentant de section syndicale était, à la date du 6 juillet 2017, régulière.

La société SAS METRO CASH & CARRY FRANCE sera déboutée de l’intégralité de ses prétentions » ;

1. ALORS QUE la désignation d’un salarié en qualité de représentant de section syndicale est frauduleuse dès lors qu’elle vise uniquement à lui conférer la protection liée à ce mandat et ne correspond à aucun engagement du salarié en vue de la défense des intérêts des autres salariés ; qu’en l’espèce, il ressort des constatations du jugement attaqué que le syndicat CFDT, qui n’avait pas présenté de candidats aux dernières élections professionnelles dans l’établissement, ni sollicité les moyens attachés à l’existence d’une section syndicale dans l’établissement, a désigné M. F… en qualité de représentant de section syndicale le 6 juillet 2017, quelques semaines après que ce dernier s’est vu notifier un avertissement et a été alerté qu’une sanction plus lourde de conséquence serait prononcée en cas de réitération des faits fautifs ; que, le même jour, le syndicat CFDT avait contesté cet avertissement, que M. F… n’avait lui-même pas contesté en engageant une instance prud’homale ; qu’au surplus, si M. F… était adhérent du syndicat CFDT depuis plus d’un an, il était en congé maladie au moment de cette désignation et son état de santé a justifié la prolongation de cet arrêt maladie au moins jusqu’au 6 février 2018, de sorte qu’il ne pouvait exercer effectivement ce mandat de représentant de section syndicale ; qu’en refusant de déduire de ces constatations que la désignation de M. F…, qui n’avait jusqu’alors manifesté aucune velléité de défense des intérêts de la communauté de travail, ne visait pas à l’exercice effectif d’une action de défense des intérêts des travailleurs, mais à lui conférer la protection attachée à la qualité de représentant du personnel et présentait en conséquence un caractère frauduleux, la cour d’appel a violé l’article L. 2142-1-1 du code du travail, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ;

2. ALORS QUE tout membre d’un syndicat professionnel peut s’en retirer à tout moment, même en présence d’une clause contraire ; que le retrait d’un syndicat n’est soumis à aucun formalisme, de sorte que ni les statuts d’un syndicat, ni un juge ne peuvent exiger d’un salarié qu’il manifeste autrement que par la cessation du paiement des cotisations sa volonté de démissionner du syndicat auquel il s’était précédemment affilié ; qu’en l’espèce, le tribunal d’instance a constaté que Mme P…, qui avait cessé de cotiser au syndicat CFDT Services 42/43 le 6 mai 2007, affirmait qu’elle n’était plus adhérente de ce syndicat depuis le 6 mai 2017 ; qu’en estimant néanmoins que le syndicat CFDT Services 42/43 pouvait se prévaloir de l’existence d’une section syndicale constituée de deux adhérents au 6 juillet 2017, dès lors que Mme P… n’avait pas pris soin d’informer le syndicat CFDT que le non-renouvellement du paiement de cotisations à compter du 6 mai 2017 devait s’interpréter comme sa volonté immédiate et incontestable de ne plus en être adhérente, le tribunal a violé les articles L. 2141-3, L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail;

3. ALORS QU’ en toute hypothèse, à supposer qu’un formalisme particulier puisse être exigé du salarié qui souhaite démissionner d’un syndicat, ce formalisme devrait être prévu dans les statuts du syndicat ; qu’en retenant, en l’espèce, que la volonté de Mme P… de démissionner du syndicat CFDT Services 42/43 ne pouvait produire effet à l’égard du syndicat, faute pour cette dernière d’avoir manifesté autrement que par la cessation du paiement de ses cotisations, la volonté immédiate et incontestable de démissionner de ce syndicat, sans viser aucune clause des statuts du syndicat qui imposerait au salarié le respect d’un formalisme particulier pour manifester sa volonté de démissionner, le tribunal d’instance a violé les articles L. 2141-3, L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail;

4. ALORS QU’ en retenant encore que bien qu’ayant cessé de cotiser au syndicat CFDT Services 42/43 depuis le 6 mai 2017 et n’ayant plus la volonté d’en faire partie, Mme P… doit être considérée comme étant encore adhérente du syndicat CFDT Services 42/43 au 6 juillet 2017, dès lors que les statuts du syndicat prévoient qu’un adhérent ne peut être exclu qu’après un retard de quatre mois dans le paiement régulier de ses cotisations, le tribunal s’est fondé sur des motifs impropres à mettre en échec la volonté de Mme P… de démissionner de ce syndicat, et a violé les articles L. 2141-3, L. 2142-1 et L. 2142-1-1 du code du travail.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code du travail
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Cour de cassation, Chambre sociale, 13 juin 2019, n° 18-15.442