Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, Chambre 2, 2 décembre 2022, n° 2001449

  • Maire·
  • Justice administrative·
  • Commune·
  • Congés spéciaux·
  • Conseil municipal·
  • Détournement de pouvoir·
  • Conseiller municipal·
  • Élus·
  • Réintégration·
  • Épidémie

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Clermont-Ferrand, ch. 2, 2 déc. 2022, n° 2001449
Juridiction : Tribunal administratif de Clermont-Ferrand
Numéro : 2001449
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête enregistrée le 21 août 2020 sous le n°2001449, et un mémoire enregistré le 15 avril 2022, Mme B C, représentée par la SELARL Jean-Pierre et Walgewitz avocats associés, demande au tribunal, au dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler l’arrêté n° 2020-70 du 28 juillet 2020 portant retrait de l’arrêté n° 2020-35 daté du 15 avril 2020 ;

2°) d’enjoindre à la commune de Vals-Près-Le Puy de la rétablir dans ses droits à rémunération ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— l’arrêté méconnaît l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration et l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 ;

— l’arrêté méconnaît les dispositions de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

— l’arrêté est entaché de détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense enregistrés les 4 février 2021, 24 mars et 20 mai 2022, la commune de Vals-près-Le Puy, agissant par son maire en exercice, à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal du 28 juillet 2020, représentée par la SELARL Helios Avocats, Me Solheilac, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient à titre principal que les moyens ne sont pas fondés, à titre subsidiaire, par substitution de motifs, que l’arrêté retiré a été obtenu par fraude et est entaché de détournement de pouvoir.

La clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 24 juin 2022.

II. Par une requête enregistrée le 8 février 2022 sous le numéro 2200279, et un mémoire enregistré le 12 octobre 2022, Mme B C, représentée par La SELARL Jean-Pierre et Walgenwitz avocats associés, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté n° 2021-135 du 3 décembre 2021 du maire de Vals- près- Le Puy portant réintégration sur un emploi d’attaché principal à compter du 23 novembre 2021 ;

2°) d’enjoindre à la commune de la rétablir dans ses droits statutaires et de la réintégrer comme directrice générale des services dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de condamner la commune à verser une astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la commune la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

— que l’arrêté méconnaît l’article L. 212-1 du code des relations entre l’administration et le public ;

— que l’arrêté est entaché d’erreur de droit ;

— qu’il constitue une sanction disciplinaire déguisée ;

— qu’il est entaché de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 mai 2022, la commune de Vals-près-Le Puy, agissant par son maire en exercice à ce dûment habilité par délibération du conseil municipal du28 juillet 2020, représentée par la SELARL Helios avocats, Me Soleilhac, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme C en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens manquent en fait ou ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l’exercice 1905 ;

— la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

— la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;

— l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

— le décret n°2020-571 du 14 mai 2020 ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. A,

— les conclusions de Mme Luyckx, rapporteure publique,

— les observations de Me Jean-Pierre, avocat de Mme C,

— et les observations de Me Clerc, avocat de la commune de Vals-près-Le-Puy.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier qu’à l’issue du premier tour des élections municipales, Mme B C, détachée sur l’emploi fonctionnel de directrice générale des services de la commune de Vals-près-Le-Puy jusqu’au 30 juin 2020, a demandé au maire sortant, dont le mandat avait été prorogé par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 jusqu’à l’entrée en fonctions de la nouvelle équipe municipale, son placement en congé spécial sur le fondement de l’article 99 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, ce qui lui a été accordé par le maire sortant par un arrêté daté du 15 avril 2020 avec effet au 1er juin 2020. Par un arrêté du 28 juillet 2020, le nouveau maire de Vals-près-Le-Puy a retiré l’arrêté daté du 15 avril 2020 accordant à Mme C le bénéfice du congé spécial, au motif que le maire sortant n’avait plus compétence pour décider une telle mesure, excédant la gestion des simples affaires courantes. Mme C a obtenu du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand la suspension des effets de cet arrêté de retrait. Toutefois, l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif a été annulée par le juge des référés du Conseil d’Etat le 22 novembre 2021. Puis, le 3 décembre 2021, le maire a prononcé la réintégration de Mme C sur un poste d’attaché principal à la date du 23 novembre 2021.

Sur la jonction :

2. Les deux requêtes dirigées contre les arrêtés des 28 juillet 2020 et 3 décembre 2021 présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement.

Sur l’annulation :

En ce qui concerne l’arrêté du 28 juillet 2020, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens :

3. Aux termes de l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de coronavirus : « III. – Les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l’analyse du comité de scientifiques. La première réunion du conseil municipal se tient de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette entrée en fonction. () IV. – Par dérogation à l’article L. 227 du code électoral : / 1° Dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet, les conseillers municipaux en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu’à l’entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour. () ». L’article 1er du décret susvisé du 14 mai 2020 a fixé au 18 mai 2020 la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux élus dans les communes dont le conseil municipal a été entièrement renouvelé dès le premier tour des élections municipales organisé le 15 mars 2020.

4. Si le conseil municipal de Vals-près-Le Puy a été intégralement renouvelé à l’issue du premier tour des élections qui se sont tenues le 15 mars 2020, les nouveaux élus ne sont entrés en fonction que le 18 mai 2020 et n’ont été installés que le 28 mai 2020. Il résulte des dispositions précitées que le maire sortant a continué d’exercer jusqu’au 18 mai 2020 son mandat, dans la plénitude des fonctions y afférentes, et avait, dès lors, compétence pour accorder le congé spécial en litige. Par suite, Mme C est fondée à soutenir que c’est par erreur de droit que la commune a regardé l’arrêté daté du 15 avril 2020 comme entaché d’incompétence.

5. Le bien-fondé des motifs que la commune entend substituer en tant que de besoin au motif initial tenant à l’incompétence du maire sortant, savoir la fraude commise par Mme C en antidatant l’arrêté daté du 15 avril 2020 et le détournement de pouvoir commis par le maire sortant, ne peut être admis. D’une part et en tout état de cause, à supposer qu’en effet l’arrêté daté du 15 avril ne peut avoir été pris à cette date, il n’est pas démontré en l’état qu’il n’a pas été pris en toute connaissance de cause par le maire sortant, ou à une date postérieure au 18 mai 2020. D’autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision a été prise dans le seul but de conférer un avantage indu à Mme C.

6. Les conclusions en annulation de l’arrêté du 28 juillet 2020 doivent être accueillies. Le rétablissement des « rémunérations » de Mme C n’est toutefois pas la conséquence nécessaire de ce qui est décidé au point 5.

En ce qui concerne l’arrêté portant réintégration de Mme C :

7. Il se déduit nécessairement de ce qui précède que l’arrêté portant réintégration de Mme C sur un poste d’attaché principal doit à son tour être annulé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par l’intéressée.

Sur l’injonction :

8. L’annulation de l’arrêté du 28 juillet 2020 et de l’arrêté du 3 décembre 2021 par voie de conséquence, n’implique pas, contrairement à ce que soutient Mme C, qu’elle soit réintégrée dans ses fonctions de directrice générale des services, mais a seulement pour effet de lui ouvrir droit à être placée en congé spécial à compter du 1er juin 2020. Il y a lieu, par suite, d’enjoindre à la commune de Vals-près-Le Puy de procéder à la régularisation de la situation administrative de Mme C en la plaçant en congé spécial à compter du 1er juin 2020. Il n’y a pas lieu, en revanche, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Mme C l’emporte au principal de ses conclusions. La somme de 1 200 euros doit à sa demande être mise à la charge de la commune en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, et les conclusions de la commune sur le même fondement rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les arrêtés des 28 juillet 2020 et 3 décembre 2021 du maire de Vals-près-Le Puy sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Vals-près-Le Puy de procéder à la régularisation de la situation administrative de Mme C à compter du 1er juin 2020 conformément à ce qui a été énoncé au point 8 du présent jugement.

Article 3 : La commune de Vals-près- Le Puy versera à Mme C la somme de 1 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme C est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme B C et à la commune de Vals-près-Le Puy.

Délibéré après l’audience du 24 novembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Bader-Koza, présidente,

M. Coquet, président assesseur,

M. Debrion, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. A

La présidente,

S. BADER-KOZA

Le greffier,

P. MANNEVEAU

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Loire en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°s 2001449, 2200279

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, Chambre 2, 2 décembre 2022, n° 2001449