Tribunal administratif de Lille, 1er septembre 2016, n° 1606080

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Sur la décision

Référence :
TA Lille, 1er sept. 2016, n° 1606080
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 1606080

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE LILLE

N°1606080

___________

METROPOLE EUROPEENNE DE LILLE

___________

M. E-F G

Juge des référés

___________

Ordonnance du 1er septembre 2016

___________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le tribunal administratif de Lille

Le juge des référés

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 12 août 2016, la Métropole européenne de Lille, représenté par Me de Castelnau, demande au juge des référés :

1°) d’ordonner l’expulsion des occupants sans droit ni titre des parcelles cadastrées XXX constituant le jardin dit « des Olieux » situé entre les rues d’Avesnes, Lamartine, Monge et Seclin à Lille et de l’autoriser à recourir à la force publique pour les y contraindre ;

2°) de commettre Me Lucet ou tout autre huissier de justice de la SCP J.P. Lucet-Y. Pomar avec pour mission de procéder à l’expulsion de tous les occupants sans droit ni titre et à l’évacuation de leurs effets personnels à leurs frais des parcelles en cause et de les autoriser en tant que de besoin à se faire assister d’un huissier.

Elle soutient que :

— le parc des Olieux appartient au domaine public ;

— l’urgence à évacuer est établie ; il existe un risque sanitaire en raison de l’accumulation des déchets et détritus divers, de la présence d’animaux nuisibles, de l’installation de quatre toilettes chimiques pour une population d’une centaine de personnes ; il existe un risque d’incendie, les occupants vivant sous des tentes installées sur des palettes en bois et utilisant des réchauds divers ; des troubles graves à l’ordre public semblent imminents ;

— la mesure d’expulsion est utile pour prévenir les risques mentionnés ci-dessus et réaffecter le parc à l’usage direct du public.

Par des mémoires, enregistrés le 25 août 2016, M. Y D et autres, occupants sans droit ni titre du jardin des Olieux à Lille, représentés par Me Z, demandent à être admis provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle, et concluent :

— au rejet de la requête ;

— s’il est fait droit à la demande de la Métropole européenne de Lille, à ce qu’un délai de deux mois leur soit accordé pour quitter les lieux ;

— à ce qu’il soit mis à la charge de la Métropole européenne de Lille le versement à Me Z de la somme de 2 000 euros pour chacun d’eux sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

— les mineurs visés par la demande d’expulsion sont recevables à agir en justice ;

— il n’y a pas urgence à évacuer les lieux ; les atteintes à la sécurité publique et à la salubrité publique ne sont pas constituées ; installés depuis plus d’un an, les occupants du jardin n’ont fait l’objet d’aucune plainte de la part des riverains et il n’y a eu aucune interpellation pour trouble à l’ordre public ; leur but est de s’intégrer en France ; la ville assure le nettoyage du site ; des toilettes chimiques ont été mises en place par Médecins sans frontières ; ils ont accès à des douches ; des projets sont prévus pour leur hébergement ; l’inauguration du parc et des nouveaux aménagements ne présente pas un caractère d’urgence ;

— la mesure demandée n’est pas utile ; la rénovation du parc a été faite alors que campement existait déjà ; les tentes ne sont pas posées sur les pelouses du parc ; elles n’empêchent pas l’utilisation des aménagements du parc ;

— les conséquences de la mesure demandée sont disproportionnées par rapport au trouble invoqué ; ils n’ont pas d’autre hébergement ; ils se retrouveront à la rue sans l’aide des personnes qui les soutiennent et qui leur donnent de la nourriture ;

— en ne proposant aucune solution d’hébergement la Métropole européenne de Lille viole le droit à l’hébergement d’urgence ; en les expulsant, elle porterait atteinte à l’intérêt supérieur de l’enfant consacré par la convention internationale des droits de l’enfant.

Par un mémoire, enregistré le 29 août 2016, la Métropole européenne de Lille persiste dans ses conclusions antérieures par les mêmes moyens.

La présidente du tribunal a désigné M. G, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Vu :

— les observations, enregistrées le 26 août 2016, présentées par le Défenseur des droits, en application des dispositions de l’article 33 de la loi organique du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits ;

— les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention internationale des droits de l’enfant ;

— la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011, notamment son article 33 ;

— le code civil ;

— le code de l’action sociale et des familles ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. G, juge des référés ;

— Me Bertrand, substituant Me de Castelnau, représentant la Métropole européenne de Lille ;

— Me Z, représentant M. Y D et autres, occupants sans droit ni titre du jardin des Olieux à Lille ;

— Me Rannou, représentant le préfet du Nord, et Mme X, représentant le département du Nord, appelés dans la présente instance comme observateurs.

Après avoir prononcé, à l’issue de l’audience à 17 heures, la clôture de l’instruction.

Sur la demande d’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :

1. Considérant qu’aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Dans les cas d’urgence (…), l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d’aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président » ;

2. Considérant qu’eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l’admission provisoire de M. Y D et autres au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-3 du code de justice administrative :

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-3 du code de justice administrative : « En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision » ;

4. Considérant que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d’une demande d’expulsion d’un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d’urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;

5. Considérant, d’une part, que l’article L. 345-2 du code de l’action sociale et des familles prévoit que, dans chaque département, est mis en place, sous l’autorité du préfet, « un dispositif de veille sociale chargé d’accueillir les personnes sans abri ou en détresse » ; que l’article L. 345-2-2 dispose que : « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 345-2-3 : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée ( …) » ; qu’aux termes de l’article L. 121-7 du même code : « Sont à la charge de l’Etat au titre de l’aide sociale : (…) 8° Les mesures d’aide sociale en matière de logement, d’hébergement et de réinsertion, mentionnées aux articles L. 345-1 à L. 345-3 (…) » ;

6. Considérant qu’il appartient aux autorités de l’Etat, sur le fondement des dispositions citées ci-dessus, de mettre en œuvre le droit à l’hébergement d’urgence reconnu par la loi à toute personne sans abri qui se trouve en situation de détresse médicale, psychique ou sociale ; qu’une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission peut faire apparaître une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour la personne intéressée ;

7. Considérant, d’autre part, que l’article 375 du code civil dispose que : « Si la santé, la sécurité ou la moralité d’un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d’assistance éducative peuvent être ordonnées par justice à la requête des père et mère conjointement, ou de l’un d’eux, de la personne ou du service à qui l’enfant a été confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère public (…) » ; qu’aux termes de l’article 375-3 du même code : « Si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier : / (…) 3° A un service départemental de l’aide sociale à l’enfance (…) » ; que l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles dispose que : « Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : / (…) 4° Pourvoir à l’ensemble des besoins des mineurs confiés au service et veiller à leur orientation (…) » ; que l’article L. 222-5 du même code prévoit que : « Sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance sur décision du président du conseil départemental : (…) / 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l’article 375-3 du code civil (…) » ;

8. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’il incombe aux autorités du département, le cas échéant dans les conditions prévues par la décision du juge des enfants, de prendre en charge l’hébergement et de pourvoir aux besoins des mineurs confiés au service de l’aide sociale à l’enfance ; qu’à cet égard, une obligation particulière pèse sur ces autorités lorsqu’un mineur privé de la protection de sa famille est sans abri et que sa santé, sa sécurité ou sa moralité est en danger ; que lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;

9. Considérant que la Métropole européenne de Lille est propriétaire d’un parc d’agrément appelé « jardin des Olieux » situé entre les rues d’Avesnes, Lamartine, Monge et Seclin dans le quartier de Moulins au sud de Lille ; que ce parc a fait l’objet de divers aménagements et notamment d’une extension en partie sud et plus récemment, en mai 2016, d’une rénovation ; qu’il comporte de vastes pelouses plantées d’arbres, des structures de jeux pour enfants, des tables de ping-pong scellées au sol et des bancs ;

10. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’au mois de juin 2015, de jeunes migrants en errance à Lille se sont regroupés dans ce parc ; que leur nombre s’élevait à la date d’introduction de la demande de la Métropole européenne de Lille à 137, alors qu’ils n’étaient qu’une trentaine à l’été 2015 ; que le camp de fortune qui s’est créé avec l’aide de riverains et de quelques associations est constitué de tentes basses montées sur des palettes en bois qui s’entassent les unes sur les autres et de mobiliers de récupération (tables et sièges divers) ; qu’une tente haute se dresse également sur le site qui permet aux migrants de se protéger des intempéries ; qu’il est enfin entouré de barrières métalliques pour contenir son extension éventuelle ; que ce campement situé à l’angle nord est du parc représente une emprise de 300 m² environ, soit 20 % de la superficie du jardin des Olieux ;

11. Considérant qu’il résulte de l’instruction que sur les 137 migrants installés dans ce camp, originaires d’Afrique subsaharienne et à 80% de la Guinée, 117 se déclarent mineurs non accompagnés et 20 sont de jeunes majeurs ; que cette population de « mineurs » recouvre différentes situations : mineurs reconnus comme tels par le juge judicaire et en attente d’une prise en charge par l’aide sociale à l’enfance, « mineurs » en cours d’évaluation, « mineurs » évalués majeurs, « mineurs » en attente d’une décision du juge des enfants et enfin « mineurs » en attente de documents officiels pour justifier de leur qualité ; qu’à l’audience, la représentante du département du Nord a indiqué qu’à la date du 25 août, sur 103 personnes se présentant comme mineurs, une dizaine seulement pouvait bénéficier d’une prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance, les autres ayant saisi le juge judiciaire du refus qui leur avait été opposé ou, pour la grande majorité, faisant l’objet d’une procédure d’évaluation ; que s’agissant des jeunes majeurs, il a été indiqué à l’audience par le conseil des défendeurs que ceux-ci ont présenté une demande d’asile et se sont vu délivrer un récépissé par les services de la préfecture ; qu’aucun d’entre eux ne fait l’objet d’une mesure d’éloignement ; qu’enfin tous ces migrants déclarent vouloir s’installer en France afin d’y être scolarisés et d’y travailler ;

12. Considérant que pour demander l’expulsion des occupants sans droit ni titre du jardin des Olieux, la Métropole européenne de Lille invoque l’absence d’infrastructure sanitaire et de point d’eau, l’entassement des ordures, le risque d’incendie et le risque de troubles à l’ordre public en raison de l’exaspération grandissante des riverains qui subissent des nuisances avérées;

13. Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’accès à l’eau potable se fait exclusivement à partir d’une installation de lutte contre l’incendie située à proximité du parc ; que des toilettes sèches initialement mises en place par la ville de Lille ont été retirées par celle-ci au cours du mois de mai 2016 et remplacées, à l’initiative de l’organisation Médecins sans frontière, par deux toilettes chimiques et deux douches, dont la vidange s’effectuerait deux fois par semaine ; que si le ramassage des ordures à l’extérieur du camp est assuré par les services de la ville de Lille, le nettoyage à l’intérieur de celui-ci est très insuffisant, alors même qu’il est soutenu que les jeunes migrants se sont organisés pour y procéder régulièrement ; qu’il n’est pas contesté que les conditions sanitaires et de salubrité dans lesquelles vivent ces jeunes migrants sont déplorables ; que, toutefois, les intéressés peuvent bénéficier des services rendus par le centre d’accueil A B situé à une dizaine de minutes du jardin des Olieux ; que ce centre leur permet cinq jours sur sept de prendre des douches, de recourir à un vestiaire et de bénéficier de repas ; qu’en outre, depuis l’apparition du camp, un réseau d’associations et de bénévoles issus du quartier leur apporte une aide pour s’alimenter, s’habiller, se soigner, s’instruire et accompagner leur quotidien avec la participation des habitants du quartier pour combattre en particulier le désoeuvrement ;

14. Considérant qu’il est indéniable que les riverains du parc et plus particulièrement ceux qui résident au droit du campement sont exposés à des nuisances liées aux vues, aux odeurs et au bruit et qu’ils peuvent avoir le sentiment, ainsi que l’a indiqué à l’audience le représentant de la Métropole européenne de Lille, d’être pris en otage contre les autorités publiques pour les amener à céder aux exigences des migrants ; que toutefois il résulte de l’instruction, et notamment des soixante attestations produites par les défendeurs, que les habitants du quartier s’expriment en faveur des jeunes migrants pour s’indigner des conditions de vie qui leur sont imposées et pour témoigner de leur soutien ; que, de son côté, la Métropole européenne de Lille se borne à faire état de quelques protestations émanant notamment de sociétés immobilières faisant état de la difficulté à louer des logements dans le secteur du jardin des Olieux, mais sans justifier d’un sentiment d’insécurité et de peur pour les habitants du quartier tenus de côtoyer quotidiennement une centaine de jeunes migrants ; qu’en outre et contrairement à ce qui est soutenu en demande, 80 % de la superficie du jardin et notamment les aires de jeux et l’ensemble des pelouses sont accessibles au public et en particulier aux enfants ; qu’il est à ce titre fréquent de voir des enfants du quartier s’amuser, sous la surveillance de leurs parents, dont certains se mêlent aux migrants pour discuter avec eux, dans les aires de jeux du jardin, situées à une vingtaine de mètres du « campement » ; qu’il n’est pas démontré ni même allégué que ces espaces seraient souillés d’excréments en raison de l’insuffisance de sanitaires sur le campement, ce qui pourrait faire obstacle à leur utilisation ;

15. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le département du Nord est confronté à un afflux croissant de jeunes migrants isolés ; que les arrivées, au nombre de 200 en 2011, 600 en 2014 et 2015, s’élèveront à plus de 800 en 2016 au rythme actuel de 70 par mois ; que malgré les efforts significatifs du département pour renforcer les dispositifs d’accueil provisoires et pérennes, les structures mises en place totalement engorgées ne peuvent répondre aux besoins ; que malgré les alertes réitérées du Défenseur des droits et du conseil des intéressés, signalant la présence dans le camp d’adolescents, et les injonctions du juge des référés du tribunal administratif de Lille, l’Etat, le département du Nord et la ville de Lille se sont, depuis août 2015, abstenus d’intervenir et de proposer, même à titre très temporaire, des solutions d’hébergement, laissant la situation s’aggraver et contraignant les habitants d’un quartier et les associations à se substituer partiellement aux autorités défaillantes ; que si le département a lancé une procédure d’appel à projet en vue de créer des places pour des mineurs non accompagnés, il résulte des précisions apportées à l’audience par la représentante du département que la structure qui devrait voir le jour au début de l’année 2017 sera en tout état de cause, compte tenu d’une affectation des places par redéploiement, dans l’incapacité de prendre en charge, jusqu’à leur majorité, tous les jeunes migrants ayant la qualité de mineurs ;

16. Considérant que le campement de fortune du jardin des Olieux constitue pour ses occupants le seul abri dont ils disposent aujourd’hui ; qu’en l’absence de toute solution de relogement annoncée, une mesure d’expulsion aura nécessairement pour conséquence de placer les intéressés, en raison de leur âge, des conditions dans lesquelles ils ont accompli leur périple jusqu’en France et de leurs conditions de vie depuis leur arrivée dans ce pays, dans une précarité encore plus grande en les contraignant à l’errance et en les privant de tous les soutiens et services dont ils ont pu bénéficier jusqu’à présent ; qu’il n’est pas exclu que la mise en œuvre d’une mesure d’expulsion sans aucune préparation soit suivie à très brève échéance de l’apparition d’un nouveau camp à un autre endroit de la ville présentant encore moins de garanties pour les migrants concernés ; que, dans ces conditions, il ne pourra être fait droit à la demande d’expulsion présentée par la Métropole européenne de Lille que si un abri, un couvert et un minimum d’hygiène, sous une forme ou une autre, sont proposés aux occupants du jardin des Olieux par les autorités compétentes en application des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles et du code civil et que si cet hébergement est refusé par les intéressés ; qu’il appartient dès lors à la Métropole européenne de Lille, alors même qu’elle ne serait pas « la débitrice des solutions de relogement » mais qui subit les conséquences d’une occupation illégale de son domaine public, avant d’engager une nouvelle action sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, de se rapprocher de l’Etat, du département du Nord et de la ville de Lille afin de rechercher et de mettre en œuvre, dès que possible et avant l’arrivée du froid, les mesures appropriées pour mettre fin à une situation contraire à la dignité de la personne humaine ; qu’il y a lieu de rappeler à ce titre, que certaines de ces autorités, bien que n’en ayant pas juridiquement l’obligation en vertu des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles, pourraient tout à fait légalement, dans l’intérêt général et dans celui de ces jeunes en particulier, afin de leur éviter des traitements inhumains et dégradants prohibés par l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, à laquelle l’Etat français est partie, décider d’intervenir, par la mise à disposition de terrains, moyens matériels ou financiers notamment, pour soutenir les autorités compétentes qui doivent faire face à une situation inédite et hors normes ; que dans tous les cas, dans l’attente d’une solution, des mesures matérielles appropriées devraient être mises en place pour améliorer, sans favoriser un phénomène de sédentarisation, les conditions sanitaires du campement du jardin des Olieux ;

17. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’évacuation du jardin des Olieux à Lille ne présente pas les caractères d’utilité et d’urgence requis par les dispositions précitées de l’article L. 521-3 du code de justice administrative ; qu’il n’y a pas lieu, par suite, d’enjoindre à M. Y D et autres de libérer sans délai les lieux qu’ils occupent sans droit ni titre ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

18. Considérant que M. Y et autres ont été admis provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle ; qu’ainsi, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ; que, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Z renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat, il y a lieu de mettre à la charge de la Métropole européenne de Lille la somme globale de 1 500 euros ;

O R D O N N E :

Article 1er : M. Y D et autres sont admis, à titre provisoire, au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de la Métropole européenne de Lille est rejetée.

Article 3 : La Métropole européenne de Lille versera la somme globale de 1 500 euros à Me Z, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, sous réserve que Me Z renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la Métropole européenne de Lille, par tout moyen, y compris par voie d’affichage sur place, à M. Y D et autres, occupants sans droit ni titre du jardin des Olieux à Lille et à Me Z.

Copie en sera adressée, pour information, au Défenseur des droits, au préfet du Nord et au département du Nord.

Lille, le 1er septembre 2016.

Le juge des référés,

Signé

J-F. G

La République mande et ordonne au préfet au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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