Tribunal de commerce de Paris, 15e chambre, 1er mars 1996

  • Action en contrefaçon et en concurrence déloyale·
  • Anteriorite du modèle argue de contrefaçon·
  • Demande reconventionnelle·
  • Preuve non rapportée·
  • Technique anterieure·
  • Cession de droits·
  • Modèles de bijoux·
  • Personne morale·
  • Protection·
  • Titularité

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Sur la décision

Référence :
T. com. Paris, 15e ch., 1er mars 1996
Juridiction : Tribunal de commerce de Paris
Domaine propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Référence INPI : D19960179
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Texte intégral

FAITS ET PROCEDURE La société FRED serait titulaire des droits sur une ligne de bijoux baptisée « Force 10 », composés de câbles d’acier gris attachés par de pattes en or, de diverses formes. Ces modèles, souvent copiés, l’auraient été par les défendeurs. Ainsi naît le présent litige. Par actes en date des 25 Novembre 1994 et 23 Juin 1995 la société FRED assigne :

- la société JOUANNE
- la société ATELIERS DE LA CONDAMINE, ALBANU et la société FASHION Pour juger que les bijoux saisis le 3 Novembre 1994 et le 30 Mai 1995 constituent une contrefaçon des modèles originaux de la collection Force 10.

- Interdire aux sociétés ATELIERS DE LA CONDAMINE ALBANU, JOUANNE et FASHION toute fabrication ou commercialisation desdits modèles.

- Condamner la société JOUANNE à 300.000, 00 francs de dommages et intérêts sur le fondement de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ;

- Condamner la société FASHION à la même somme.

- Condamner la société CONDAMINE ALBANU à 1.500.000, 00 francs de dommages et intérêts.

- Ordonner la destruction des modèles et des supports publicitaires surlesquels ils sont reproduits.

- Ordonner la publication dans 3 organes de presse dans la limite de 15.000, 00 francs par insertion au choix de FRED et aux frais des défenderesses.

- Ordonner l’exécution provisoire ;

- Les condamner à payer la somme de 30.000, 00 francs au titre de l’article 700 du NCPC ainsi qu’aux dépens. Par conclusions du 10.04.1995 et 20.11.1995 la société CONDAMINE ALBANU demande au Tribunal de débouter la société FRED et condamner la société FRED à payer la somme de 200.000, 00 Francsde dommages et intérêts ainsi que 20.000, 00 Francs au titre de l’article 700 du NCPC et les dépens. Par conclusions du 10 Avril 1995 la société JOUANNE demande au Tribunal de juger la société FRED irrecevable pour absence de preuve de sa qualité d’auteur et indétermination du modèle argué de contrefaçon, subsidiairement constater l’absence de contrefaçon, la bonne foiet l’absence de concurrence déloyale de la société JOUANNE, condamner CONDAMINE ALBANU à garantir JOUANNE des éventuelles condamnations prononcées contre elle, la condamner à payer la somme de 10.000, 00 francs au titre de l’article 700 du NCPC ainsi qu’aux dépens. Par conclusions du 13 Mars 1995 la société FASHION formule devant le Tribunal exactement les mêmes demandes que la société JOUANNE. Le Tribunal joindra les causes et statuera par un seul jugement en premier ressort contradictoire. La société FRED expose qu’elle serait titulaire des droits d’auteur sur une collection de bijoux, de montres et d’articles divers qu’elle commercialise sous la dénomination « Force 10 ». Les articles qui composent cette collection sont constitués de câble d’acier torsadé

imité des filins de marine et d’or. La jurisprudence a consacré les droits de la société FRED. La société CONDAMINE ALBANU a déjà été condamnée à ce titre. Ce jugement est à la Cour d’Appel. La commercialisation se poursuivant une saisie contrefaçon a eu lieu dans une boutique « FASHION » sur les Champs Elysées et dans la boutique de la société JOUANNE « Regard Lointain » Forum des Halles. Chez FASHION la saisie a porté sur 2 modèles de bracelet et une modèle de boutons de manchette et chez JOUANNE sur un modèle de bracelet. Le tout provenant de la société CONDAMINEALBANU. MOYEN DE LA SOCIETE FRED I – SUR LA PROPRIETE, L’ANTERIORITE ET L’ORIGINALITE ET LA CONTREFAÇON

La société FRED a créé toute une ligne de produits Force 10. Afin d’avoir date certaine chaque création fait souvent copiés. Les juridictions ont toujours statué dans le mêmesens du droit à la protection de la loi des modèles de la collection Force10. La cession des droits date du 20 Mars 1984 et d’une attestation de Monsieur S du 5 Octobre 1995. La société ALBANU serait un contrefacteur d’habitude dont les agissements particulièrement graves causent un préjudice considérable à la société FRED. Elle fabrique toute une ligne de bijouxqui sont des copies serviles ou quasi serviles des modèles de la collection Force 10 et a déjà subi une condamnation par jugement du 11 Février 1993 dont elle a relevé appel. Certes la maison FRED connaît la technique du bracelet torsadé et du poil d’éléphant depuis longtemps tout comme ALBANU mais la thèse selon laquelle la création de FRED en câble torsadé imité des haubans de bateaux ne peut bénéficier de la protection du droit d’auteur est irrecevable – et ses droits ont été confirmés par une jurisprudence constante. II – LA CONCURRENCE DELOYALE EST IMPORTANTE C FRED A UN BUDGET PUBLICITAIRE ENORME POUR ASSURER LA PROMOTION DE SA COLLECTION FORCE 10. LA SOCIETE ALBANU PROFITE DONC DE MANIERE PARASITAIRE DE LA N DES M FRED.

La concurrence déloyale résulte également des prixpratiqués bien plus bas chez ALBANU ce qui opère un détournement importantde la clientèle de FRED, en outre les produits d’ALBANU sont de qualité inférieure et l’image de qualité attachée aux articles de la société FRED s’en trouve altérée. Il en résulte une perte d’identité progressive mais certaines des articles Force 10 de la société FRED et une banalisation. III – LA SOCIETE JOUANNE EST MAL FONDEE EN SES MOYENS DE DEFENSE CONCERNANT LE DROIT D’AUTEUR.

IV – EN CE QUI CONCERNE LA SOCIETE FASHION, LA SOCIETE FRED PROUVE BIEN ETRE CESSIONNAIRE DES DROITS D’AUTEUR DE CETTE COLLECTION CREEE PAR MESSIEURS HENRI SAMUEL ET PIERRE L. MOYENSDE LA SOCIETE LES ATELIERS DE LA CONDAMINE – ALBANU – CI- APRES ALBANU

ALBANU n’a jamais présenté sa fabrication en faisant référence à FRED – contrairement à d’autres défendeurs (Gilles de ROY) sa fabrication remonte à 1928 pour les bracelets en poil d’éléphant et plaqué or – Une autre série nommée Platinix associait tortillons métal et fermoirs, plaqués or ou or, dès 1948. Un bracelet en « câble », fourni par Monsieur F (fournitures pour la marine) a été réalisé dès 1978. Comme en témoigne Monsieur G, commerçant très apprécié de Marseille et juge au Tribunal de Commerce de cette ville la société ALBANU a utilisé le câble marin pour ses bracelets depuis très longtemps car Monaco a vocation maritime. Elle aurait une large antériorité par rapport à FRED. Ce serait FRED, au contraire, qui aurait copié ALBANU. Le Tribunal de Commerce de Nice a d’ailleurs débouté FRED face à une fabrication plus ancienne. Il n’y a pas de concurrence déloyale. Moyens des sociétés FASHION et JOUANNE
- FRED n’apporterait pas la preuve de sa qualité d’auteur.

- Les modèles ne sont pas identifiéspar rapport au modèle saisi, il y a indétermination.

- Ils ne s’adressent pas à la même clientèle.

- La création de FRED date de 17 ans et ses efforts publicitaires se réduisent en plus en plus.

- Les achats très minimes des 2 boutiques ne peuvent avoir porté préjudice. Vu les pièces produites au dossier dont les extraits des anciens catalogues de la société ALBANU.

DECISION I – SUR LA PROPRIETE DE LA SOCIETE FRED SUR LA LIGNE DE FORCE 10

Attendu que les cessions de droit sont produites dira que la société FRED est bien propriétaire de la ligne « Force 10 ». Sur l’antériorité La technique de la torsade métallique est antérieure aux créations revendiquées et les attaches de couleur contrastée également. Quand la société FRED a eu l’idée de s’inspirer du domaine maritime et de l’engouement pour la voile des années 70/80, elle a lancé un produit nouveau, non par la technique,

mais par le nom qu’elle lui a donné. Force 10 est en effetun nom très « fort », très évocateur de la marine puisque c’est le nom donnéau vent qui est ainsi mesuré dans sa force. Ainsi a été lancé un beau produit d’une grande maison de joaillerie. Mais elle ne peut revendiquer d’être la seule a exploiter une torsade de métal gris avec des fermoirs et attaches contrastés en or ou en métal doré ni revendiquer tout le marché. L’antériorité est une des nécessaires pièces constitutives d’un droit à revendiquer une protection d’auteur. Toute une jurisprudence, très ferme, a consacré les droits d’auteur de la société FRED et les juges ont déjà condamné la société ALBANU en s’appuyant encore sur la jurisprudence antérieure. Bien conscient de reprendre à son compte toute l’analyse des droits d’auteur de la société FRED à contre courant, ce Tribunal dira pourtant que l’antériorité des modèles de la société ALBANU devra être reconnue, en particulier en examinant les originaux des anciens catalogues de la société ALBANU non seulement sur les bracelets en poil d’éléphant mais sur le bracelet en métal torsadé avec fermoir contrasté. Qu’il s’agisse de Platinix ou d’acier, l’aspect général est le même et la société ALBANU, ayant l’antériorité,devra être reconnue comme premier auteur par rapport à FRED. (Ces catalogues ont été examinés contradictoirement en audience de Madame le juge rapporteur). A partir de là, le Tribunal dira que la société FRED est parfaitement en droit d’exploiter sa ligne Force 10 mais que la société ALBANU est également en droit de continuer à vendre ses produits. Déboutera la société FRED de toutes ses demandes, également à l’encontre de la société JOUANNE et de la société FASHION. II – SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLEDE LA SOCIETE ALBANU

Attendu que la société ALBANU ne prouve pas son préjudice, la déboutera de sa demande de dommages et intérêt, ses ventes ayant pu être améliorées par la mode lancée par FRED. Mais mode ne veut pas dire propriété absolue de l’auteur, il s’agit simplement d’un lancement astucieux. Sur l’article 700 du NCPC – 20.000, 00 francs sollicités par la société ATELIERS DE LA CONDAMINE – ALBANU – à l’encontre de la société FRED. Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société ATELIERS DE LA CONDAMINE – ALBANU – les frais irrépétibles qu’elle a étécontrainte d’exposer pour organiser sa défense. Au vu des éléments fournis, le Tribunal lui accordera 20.000, 00 francs de ce chef. III -SUR L’ARTICLE 700 DU NCPC – 10.000, 00 FRANCS SOLLICITES PAR LA SOCIETE FASHION A L’ENCONTRE DE LA SOCIETE FRED.

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société FASHION les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer pour organiser sa défense.

Au vu des éléments fournis, le Tribunal lui accordera 5.000, 00 francs de ce chef, la déboutant pour le surplus. IV – SUR L’ARTICLE 700 DU NCPC – 10.000, 00 FRANCS SOLLICITES PAR LA SOCIETE JOUANNE A L’ENCONTRE DE LA SOCIETE FRED

Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de la société JOUANNE les frais irrépétibles qu’elle été contrainte d’exposer pourorganiser sa défense. Au vu des éléments fournis, le Tribunal lui accordera 5.000, 00 francs de ce chef, la déboutant pour le surplus. V – SUR LES DEPENS

Le Tribunal condamnera la société FRED aux dépens. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, statuant en premier ressort par jugement contradictoire. Joint les causes. Dit que la société FRED n’a pas l’antériorité des modèles revendiqués « Force 10 » dans la présent cause. La déboute de toutes ses demandes, déboute la société ATELIERS DE LA CONDAMINE – ALBANU – de sa demande reconventionnelle. Condamne la société FRED à payer VINGT MILLE francs à la société ATELIERS DE LA CONDAMINE – ALBANU -, CINQ MILLE francs à la société FASHION et CINQ MILLE francs à la société JOUANNE, au titre de l’article 700 du NCPC ainsi qu’aux dépens dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de : 343, 15 francs TTC (1re cause : App. 5, 25 Aff. 42, 00 Emol. 184, 80 TVA. 47, 80 – 2e cause : App.5, 25 Aff. 21, 00 TVA. 5, 40 – 3e cause : App. 5, 25 Aff. 21, 00 TVA. 5,40).

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