Tribunal de grande instance de Paris, 1re chambre nationalité, 8 février 2018, n° 15/16502

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 1re ch. nationalité, 8 févr. 2018, n° 15/16502
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Numéro(s) : 15/16502

Sur les parties

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

1/2/2 nationalité B

N° RG :

15/16502

N° PARQUET : 15/1039

N° MINUTE :

Assignation du :

27 Octobre 2015

JUGEMENT

rendu le 08 Février 2018

DEMANDEURS

Monsieur C X agissant en son nom personnel et en tant que représentant légal de ses enfants mineurs Y J X, Z V X, A W X, B K X, H I X

[…]

[…]

ALGÉRIE

représenté par Me Nadir HACENE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0298

Madame D E épouse X en tant que représentante légale de ses enfants mineurs Y J X, Z V X, A W X, B K X, H I X

[…]

[…]

ALGÉRIE

représentée par Me Nadir HACENE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0298

DÉFENDEUR

LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE

[…]

[…]

[…]

Madame F G , Vice-Procureur

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Carole CHEGARAY, Vice-Président

président de la formation

Madame Marion PRIMEVERT, Vice-Président

Monsieur Julien SENEL , Vice-Président

assesseurs

assistés de Madame Frédérique LOUVIGNÉ, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 19 Octobre 2017 tenue publiquement sans opposition des représentants des parties, conformément aux dispositions de l’article 786 du Code de Procédure Civile par Carole CHEGARAY, Vice-Présidente, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries et en a rendu compte au tribunal dans son délibéré.

JUGEMENT

Contradictoire

en premier ressort

Prononcé à l’audience publique par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure Civile.

Signé par Carole CHEGARAY, vice-président et par Frédérique LOUVIGNÉ, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte du 27 octobre 2015, Monsieur C X à titre personnel et Monsieur C X et Madame D E épouse X, agissant en qualité de représentants légaux de leurs 5 enfants mineurs, Y, Z, A, B et H X, ont fait assigner devant ce Tribunal Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir constater qu’ils sont de nationalité française en application de l’article 18 du Code civil, en qualité de descendants de AA-AB S épouse X, citoyenne française.

Une copie de l’assignation a été déposée au ministère de la justice le 1er avril 2016, lequel en a délivré récépissé le 25 avril 2016.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 mai 2016, Monsieur C X agissant en son nom personnel et Monsieur C X et Madame D E épouse X agissant en représentation de leurs enfants mineurs ont demandé au Tribunal de:

Vu les articles 18, 29-3 et 32-1 du Code civil,

Vu l’ordonnance 62-825 du 21 juillet 1962,

Vu la circulaire ministérielle n° 62-25 du 7 décembre 1962 des ministres de la justice, de la santé publique et de la population,

Vu les articles 1038 et 1039 du Code de procédure civile,

— constater que Monsieur C X est né à l’étranger d’un père légitime français, es qualité de descendant direct de Madame AA-AB S épouse X, son arrière grand mère paternelle, citoyenne française,

— constater que Y J X, Z V X, A W X, B K X et H I X, enfants légitimes mineurs représentés par leurs parents Monsieur C X et Madame D E épouse X, sont nés à l’étranger d’un père légitime français,

— dire et juger que :

* Monsieur C X

* Y J X, Z V X, A W X, B K X et H I X, enfants légitimes mineurs représentés par leurs parents Monsieur C X et Madame D E épouse X,

sont de nationalité française en application de l’article 18 du Code civil,

— entendre le Trésor public condamner aux dépens, distraits au profit de Maître Nadir HACENE, avocat, sur son affirmation de droit.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 mai 2016, le ministère public a demandé à la juridiction saisie de :

Vu l’article 29-3 du Code civil,

— constater que le récépissé prévu par l’article 1043 du Code de procédure civile a été délivré,

— déclarer l’intéressé et ses cinq enfants mineurs irrecevables en application de l’article 30-3 du Code civil à faire la preuve qu’ils sont français, Monsieur C X ayant perdu la nationalité française le 3 juillet 2012,

Subsidiairement,

— constater l’extranéité des intéressés,

— ordonner la mention prévue par l’article 28 du Code civil,

— condamner les demandeurs aux dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 décembre 2016.

MOTIFS

Monsieur C X, né le […] à Cheraga (Alger-Algérie), revendique la nationalité française, pour lui et ses enfants mineurs, pour être né d’un père français, K X, né le […] à Bologhine, descendant de AA-AB S d’origine européenne comme telle de statut civil de droit commun, et de L M, son épouse.

Sur la fin de non recevoir de l’article 30-3 du Code civil :

Le ministère public oppose que Monsieur C X et ses cinq enfants mineurs ne sont pas recevables à faire la preuve de leur nationalité française par filiation en application de l’article 30-3 du Code civil.

Les requérants soutiennent en réplique d’une part que l’article 30-3 du Code civil est inapplicable à leur situation sur le plan de la forme, d’autre part que sur le fond les conditions d’application de ces dispositions ne sont en l’espèce pas satisfaites.

Aux termes de l’article 30-3 du Code civil, “lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français”.

Il est constant que la fin de non recevoir par désuétude édictée par ce texte -lequel figure dans les chapitres généraux du titre consacré à la nationalité française au sein du Code civil-s’applique à toute personne susceptible d’être française par filiation, indépendamment de l’origine de cette fixation à l’étranger et/ou de la façon -par attribution ou acquisition- dont est français l’ascendant dont elle tient la nationalité française. Ainsi, il n’y a pas lieu d’exclure du champ d’application de cet article ceux qui se sont maintenus sur un territoire anciennement français devenu indépendant, tel l’Algérie.

Il s’avère que les textes relatifs aux effets de l’indépendance de l’Algérie sur la nationalité (ordonnance du 21 juillet 1962 et loi du 20 décembre 1966 modifiant ladite ordonnance), qui traitent de la conservation ou de la perte de la nationalité française au moment de l’indépendance de l’Algérie, n’ont ni pour objet ni pour effet de rendre inopérantes les dispositions relatives à la perte de la nationalité française pour les Français fixés à l’étranger depuis un demi-siècle et qui n’ont pas fait usage de la nationalité française pendant ce délai. Aussi, les requérants ne sont pas fondés à invoquer le principe selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale qui ne trouve pas à s’appliquer ici.

Enfin, l’article 30-3 du Code civil qui constitue une fin de non recevoir sanctionnant un défaut de droit d’agir n’institue pas un délai de prescription, de sorte que les requérants ne peuvent valablement invoquer une prétendue inégalité entre l’action négatoire du ministère public qui n’est soumise à aucun délai et l’action déclaratoire de nationalité française dont l’exercice n’est pas non plus subordonné à un délai dès lors que l’intéressé dispose d’éléments de possession d’état durant la période visée susceptibles d’écarter l’irrecevabilité.

En conséquence, l’article 30-3 du Code civil a vocation à s’appliquer en l’espèce.

Dès lors, il convient de déterminer d’une part si Monsieur C X réside ou a résidé habituellement à l’étranger et si ses ascendants dont il tient par filiation la nationalité française sont demeurés fixés à l’étranger pendant plus de cinquante ans ; d’autre part si celui-ci ou son parent susceptible de lui transmettre la nationalité française n’a pas eu, depuis la fixation de leur résidence à l’étranger, la possession d’état de Français, laquelle ferait alors obstacle à la fin de non recevoir instaurée par l’article 30-3 du Code civil.

En l’espèce, il n’est pas discuté que Monsieur C X et ses enfants résident habituellement en Algérie où le père de celui-ci, K X est demeuré fixé depuis sa naissance le […]. Or l’Algérie constitue un territoire étranger depuis le 3 juillet 1962, date de son accession à l’indépendance. Toutefois, Monsieur C X verse aux débats l’acte de décès de son père le 30 août 2000, si bien que la condition de résidence à l’étranger des ascendants dont Monsieur C X tient sa filiation durant un demi-siècle n’est pas remplie pour Monsieur C X.

En conséquence, la désuétude prévue par l’article 30-3 du Code civil n’est pas opposable à Monsieur C X.

En revanche, pour les enfants de Monsieur C X, il importe de relever que la condition de fixation à l’étranger pendant plus d’un demi-siècle édictée par l’article 30-3 du Code civil concerne les ascendants” dont l’intéressé tient par filiation la nationalité, à la différence de la possession d’état qui concerne l’intéressé et celui de ses père et mère qui a été susceptible de lui transmettre” la nationalité française. Ainsi, il n’y a pas lieu pour apprécier la condition de fixation à l’étranger des ascendants de s’en tenir au seul père des enfants, demandeurs à la nationalité française, à savoir Monsieur C X, comme il est soutenu en demande, mais de considérer qu’à la date de l’acte introductif d’instance, le 27 octobre 2015, les ascendants des cinq enfants dont ceux-ci tiennent la nationalité française sont demeurés fixés à l’étranger pendant plus de cinquante ans.

En conséquence et en l’absence d’allégation d’éléments de possession d’état de français des enfants ou de leur père, la désuétude prévue par l’article 30-3 du Code civil est applicable à Y J X, Z V X, A W X, B K X et H I X, lesquels ne sont pas admis à faire la preuve qu’ils ont par filiation la nationalité française.

Sur la nationalité française de Monsieur C X:

Le ministère public fait valoir que Monsieur C X ne justifie pas de sa filiation à l’égard de AA-AB S dès lors que les actes d’état civil qu’il produit ne font pas foi, faute d’être conformes aux dispositions de l’article 30 de la loi algérienne régissant l’état civil, se contentant à cet égard de renvoyer au texte de loi communiqué sans plus de développement. Il ajoute que Monsieur C X qui prétend que AA-AB S serait française de statut de droit commun n’en rapporte pas la preuve puisqu’il ne produit pas l’acte de naissance de celle-ci.

En application de l’article 30 du Code civil, il appartient au demandeur qui n’est pas lui-même titulaire d’un certificat de nationalité française, de rapporter la preuve que les conditions requises par la loi pour l’établissement de sa nationalité sont remplies, notamment au moyen d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du Code civil.

Au soutien de sa demande, Monsieur C X verse aux débats :

— une copie intégrale de son acte de naissance n° 849 dressé le 3 septembre 1977 mentionnant qu’il est né le […] à Cheraga de K X et de N M ainsi que l’acte de mariage de ces derniers dont il résulte qu’il a été célébré le 10 septembre 1968 à Dely Ibrahim,

— une copie intégrale de l’acte de naissance n° 18 dressé le 17 janvier 1939 de K X mentionnant qu’il est né le […] à Bologhine de O X et de P Q ainsi que l’acte de mariage de ces derniers dont il résulte qu’il a été célébré le 9 juillet 1928 à Bouzareah, mariage validé par jugement n° 06/543 rendu par le Tribunal de Bir Mourad Raïs le 26 juin 2006 et transcrit le 15 octobre 2006,

— une copie intégrale de l’acte de naissance n° 11 dressé le 10 février 1905 de O X mentionnant qu’il est né le 9 février 1905 à Bouzareah de Omar X et de AA AB S ainsi que l’acte de mariage de ces derniers dont il résulte qu’il a été célébré le 21 septembre 1895.

Au vu de ces documents, la chaîne de filiation entre Monsieur C X et AA-AB S est légalement établie.

Si aucun acte de naissance de AA-AB S n’a pu être retrouvé, Monsieur C X communique son acte de décès mentionnant qu’elle est née le 5 janvier 1878 à […]) de R S et de T U. Ses date, lieu de naissance et lien de filiation figurent également dans son acte de mariage susvisé, étant observé qu’acte de décès et acte de mariage sont des actes transcrits à Nantes. Ces éléments attestent de l’existence de AA-AB S et de son appartenance au statut civil de droit commun pour être d’origine européenne et ayant acquis la nationalité française en Algérie. En application de l’article 32-1 du Code civil, elle a transmis son statut civil de droit commun à ses descendants, lesquels ont pu dès lors conserver la nationalité française sans formalités lors de l’accession à l’indépendance de l’Algérie.

En conséquence, Monsieur C X est de nationalité française.

Sur la perte de la nationalité française des enfants de Monsieur C X :

Ceux-ci n’étant pas recevables à faire la preuve qu’ils ont par filiation la nationalité française en vertu de l’article 30-3 du Code civil, l’alinéa 2 du même article dispose que “le tribunal devra dans ce cas constater la perte de la nationalité française dans les termes de l’article 23-6", lequel dispose à son tour que “le jugement détermine la date à laquelle la nationalité française a été perdue. Il peut décider que cette nationalité avait été perdue par les auteurs de l’intéressé et que ce dernier n’a jamais été français”.

En l’espèce, il résulte de ce qui précède que Y J X née le […] à […] Z V X née le […] à […] A W X née le […] à […] B K X né le […] à […] ont perdu la nationalité française depuis le 3 juillet 2012 et que H I X née le […] à […] n’a jamais été française.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant par mise à disposition au greffe après débats en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Constate que le récépissé prévu par l’article 1043 du Code de procédure civile a été délivré,

Déclare recevable l’action de Monsieur C X, à titre personnel,

Dit que Monsieur C X né le […] à Cheraga (Alger-Algérie) est de nationalité française,

Dit que Monsieur C X et Madame D E épouse X, agissant en qualité de représentants légaux de leurs 5 enfants mineurs, Y J X, Z V X, A W X, B K X et H I X, sont irrecevables à faire la preuve que ces derniers ont par filiation la nationalité française,

Dit que :

* Y J X née le […] à […]

* Z V X née le […] à […]

* A W X née le […] à […]

* B K X né le […] à […]

ont perdu la nationalité française depuis le 3 juillet 2012,

* et que H I X née le […] à […] n’a jamais été française,

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du Code civil,

Dit que chaque partie supportera la charge des dépens par elle exposés.

Fait et jugé à Paris le 08 Février 2018

Le greffier Le Président

[…]

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