Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 14 janvier 2021, n° 19/19292

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-4, 14 janv. 2021, n° 19/19292
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 19/19292
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Cannes, 25 septembre 2019, N° F19/00160
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 14 JANVIER 2021

N° 2021/

CM/FP-D

Rôle N° RG 19/19292 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFKCK

SA AVROX

C/

Y X

Copie exécutoire délivrée

le :

14 JANVIER 2021

à :

Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d’AIX-EN-

PROVENCE

Me Eloïse PIETTE, avocat au barreau de GRASSE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CANNES en date du 26 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 19/00160.

APPELANTE

SA AVROX Prise en la personne de son représentant légal en exercice d omicilié en cette qualité audit siège, demeurant […]

représentée par Me Sébastien BADIE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE et par Me Yann DIODORO, avocat au barreau de NICE

INTIME

Monsieur Y X, demeurant […]

représenté par Me Eloïse PIETTE, avocat au barreau de GRASSE substitué par Me Romain TAFINI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Catherine MAILHES, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-Noëlle ABBA, Présidente de chambre

Monsieur Gilles BOURGEOIS, Conseiller

Madame Catherine MAILHES, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2021.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Janvier 2021

Signé par Madame Marie-Noëlle ABBA, Présidente de chambre et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. Y X a été engagé par la société Avrox, dont le siège social est situé au Luxembourg, en qualité de chauffeur à compter du 12 mai 2018 par contrat à durée déterminée. La relation de travail a pris fin le 31 août 2018.

Le 1er avril 2019, M. X a saisi le conseil de prud’hommes de Cannes en requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, en contestation de la rupture du contrat de travail et en demande de paiement de sommes à l’encontre de la société Avrox.

La société Avrox a soulevé l’incompétence territoriale de conseil de prud’hommes de Cannes au profit des juridictions luxembourgeoises.

Par jugement du 26 septembre 2019 statuant sur la compétence territoriale, le conseil de prud’hommes de Cannes s’est déclaré territorialement compétent pour juger du litige et a entendu ce jour les parties sur le fond du litige.

Selon déclaration de son avocat remise au greffe de la cour le 18 décembre 2019, la société Avrox a interjeté appel du jugement aux fins d’annulation ou de réformation des chefs par lesquels le conseil de prud’hommes s’est déclaré compétent à raison du lieu, en ce qu’il l’a déboutée de son exception d’incompétence et en ce qu’il a entendu les parties sur le fond du litige, précisant que la motivation de

l’appel est contenu dans les conclusions jointes à la présente déclaration.

L’audience initialement fixée à jour fixe le 27 avril 2020 a été annulée en raison de l’état d’urgence ordonné lié à la pandémie de Covid 19 et la décision de fermeture des tribunaux.

L’affaire a été renvoyée à l’audience du 26 octobre 2020.

Aux termes de ses conclusions remises au greffe de la cour le 18 décembre 2019, annexées à la déclaration d’appel, s’agissant des dernières conclusions, la société Avrox demande à la cour de :

• dire que l’acte de comparution de première instance est nul en raison du non-respect des délais de distance, augmenté du délai de comparution de 15 jours et de l’adresse erronée mentionnée dans les convocations adressées à la société Avrox, qui lui ont causé un grief certain,

• constater que le lieu d’exécution du contrat des prestations confiées aux salariés n’est pas principalement situé en France,

• dire que le conseil de prud’hommes de Cannes est incompétent territorialement au profit des juridictions luxembourgeoises,

• infirmer le jugement relatif à la compétence,

• condamner M. X au paiement de la somme de 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris les frais du huissier.

Selon ses dernières remises au greffe de la cour le 20 avril 2020, M. X sollicite de celle-ci qu’elle :

• déboute la société Avrox de toutes ses demandes,

• constate que les délais de comparution ont été respectés et que la société Avrox a été représentée, entendue et a fourni ses moyens de défense de sorte qu’il n’en résulte aucun grief,

• constate que l’adresse erronée mentionnée dans la convocation adressée par le conseil de prud’hommes de Cannes en courrier recommandé a bien été réceptionnée par la société Avrox, laquelle a pu présenter sa défense de sorte qu’il n’en résulte aucun grief,

en conséquence,

• rejette la demande de nullité de l’acte de comparution demandée par la société Avrox,

• constate que M. X est domicilié au Cannet et a effectué son activité salariale sur le territoire français, en l’occurrence la ville de Cannes,

en conséquence,

• confirme dans toutes ses dispositions la décision rendue par le conseil de prud’hommes de Cannes le 26 septembre 2019,

• condamne la société Avrox à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers frais et dépens de l’instance.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du jugement

La nullité qui sanctionne le non-respect du délai de comparution est une nullité de forme, subordonnée à la preuve d’un grief à la charge de lui qui l’invoque.

Selon les dispositions de l’article 643 du code de procédure civile, lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d’appel, d’opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de deux mois pour les personnes qui demeurent à l’étranger.

En l’occurrence, si la société Avrox dont le siège social se trouve au Luxembourg a été convoquée selon courrier du 13 mai 2019 pour l’audience de jugement fixée au 3 juillet 2019, sans respect du délai de deux mois supplémentaires issu des dispositions précitées, l’affaire a été renvoyée contradictoirement à l’audience du 11 juillet 2019, puis à celle du 26 septembre 2019.

L’erreur d’adressage de la convocation de la société Avrox par le greffe du conseil de prud’hommes est effectivement avérée. Toutefois, compte tenu de la reconnaissance par la société Avrox de la connaissance de la date d’audience, le 24 juin précédent, outre de la diligence de la société Avrox qui lui a permis de mandater utilement un avocat pour la représenter à l’audience du 3 juillet 2019 et des deux renvois successifs en présence des avocats des parties, alors même qu’au cours de l’audience du 26 septembre 2019, l’avocat de la société Avrox a été en mesure de soutenir à l’oral la nullité de l’acte de comparution et l’exception d’incompétence et a déposé des 'conclusions n°2" du même jour, tant sur ces exceptions que sur le fond du litige, il n’est justifié d’aucun grief.

Il s’ensuit que le non respect des dispositions de l’article 643 du code de procédure civile n’a pas fait grief à la société Avrox et que le moyen de nullité tiré de ce chef sera rejeté.

La société Avrox sera en conséquence déboutée de sa demande tendant à la nullité du jugement.

Sur l’exception d’incompétence

Pour contester le jugement en ce que le conseil de prud’hommes de Cannes a reconnu sa compétence, la société Avrox fait valoir d’une part, qu’il incombe au demandeur de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, d’autre part, qu’en application du règlement européen numéro 1215/2012 du 12 décembre 2012 (dit Bruxelles I bis), la juridiction désignée dans le cadre d’un accord d’élection de for a priorité pour décider de la validité des accords. Elle estime que le conseil de prud’hommes de Cannes est incompétent dès lors que :

• le contrat de droit étranger,

• la clause de compétence contenue au contrat est claire et précise,

• le contrat ne contient que des références au droit luxembourgeois,

• le contrat et les employés ont fait l’objet de déclaration auprès des administrations sociales compétentes luxembourgeoises,

• le lieu d’exécution du contrat n’est pas essentiellement localisé en France mais a fait l’objet d’exécution en France, à Monaco, en Italie et en Espagne.

M. X soutient qu’en application des dispositions des articles L. 1225 -5 , R. 1412 -1 et R.1412-4 du code du travail, et des dispositions du règlement CEE 883/2004, que les clauses d’attribution de compétence territoriale ne sont valides que lorsqu’elles ne font pas échec à la compétence territoriale impérative d’une juridiction française, qu’en l’espèce, M. X de nationalité française réside au Cannet et a accompli l’essentiel de sa mission sur la ville de Cannes ou sur les villes voisines en France à l’exclusion de toute mission dans un autre État que l’État français.

Le contrat de travail comprend une clause attributive de compétence au profit des juridictions luxembourgeoises.

Le règlement UE n° 1215/2012 du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale est, selon son article 81 alinéa 2, applicable depuis le 10 janvier 2015, date antérieure

à celle de la saisine du conseil de prud’hommes de Cannes et à la relation contractuelles.

Les articles 11, 12 et 13 du règlement CEE 883/2004 invoqués par M. X portent quant à eux désignation de la loi applicable, ce qui n’est pas l’objet du litige soumis à la cour.

Selon l’article 21 du règlement (UE) n° 1215/2012, du Parlement européen et du Conseil sus-visé, il est prévu que :

1. Un employeur domicilié sur le territoire d’un État membre peut être attrait :

a) devant les juridictions de l’État membre où il a son domicile ; ou

b) dans un autre État membre :

i) devant la juridiction du lieu où ou à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail ou devant la juridiction du dernier lieu où il a accompli habituellement son travail ; ou

ii) lorsque le travailleur n’accomplit pas ou n’a pas accompli habituellement son travail dans un même pays, devant la juridiction du lieu où se trouve se trouvait à l’établissement qui a embauché le travailleur.

L’article 23 du même règlement prévoit qu’il ne peut être dérogé aux dispositions de la section 5 relative à la compétence en matière de contrats individuels de travail, que par des conventions postérieures à la naissance du différend ou par des conventions qui permettent au travailleur de saisir d’autres juridictions que celles indiquées à la présente section.

Il s’en déduit qu’une clause contractuelle attributive de compétence antérieure à la naissance du différend ne peut exclure la compétence de la juridiction du lieu où à partir duquel le travailleur accomplit habituellement son travail.

La notion de lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail au sens de ces dispositions, correspond au lieu où, ou à partir duquel, le travailleur s’acquitte de fait de l’essentiel de ses obligations. Lorsqu’un contrat de travail est exécuté sur le territoire de plusieurs états membres, il correspond au centre effectif des activités professionnelles du salarié.

Pour déterminer le dit lieu, il appartient de se référer à un faisceau d’indices.

La société Avrox a émis des bulletins de salaire tant selon les modalités applicables en France auprès de l’Urssaf d’Alsace, que des bulletins de salaire selon les modalités applicables au Luxembourg. Les éléments figurant sur les bulletins de salaire ne sont pas de nature à déterminer le lieu où le travailleur accomplit habituellement son travail.

M. X est français, domicilié au Cannet dans les Alpes Maritimes et exerçait en qualité de chauffeur.

Les tickets d’autoroute italienne versés aux débats, tickets de carburant de stations services italiennes qui ne sont pas nominatifs ne contiennent aucune indication permettant de savoir si les trajets étaient effectués par M. X. Il en est de même de la réservation d’un trajet de ferry-boat pour Ibiza ne concernant pas M. X.

En conséquence, en l’absence d’indices permettant d’établir qu’il exerce sur le territoire de plusieurs états membres, alors que M. X demeure en France, il y a lieu de considérer que la juridiction française est compétente et le jugement du conseil de prud’hommes de Cannes sera confirmé en ce qu’il a retenu sa compétence.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Avrox succombant sera condamnée aux entiers dépens de l’appel et sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de faire bénéficier M. X de ces mêmes dispositions et de condamner la société Avrox à lui verser une indemnité de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Rejette la demande d’annulation du jugement entrepris ;

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la société Avrox à verser à M. X une indemnité de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne la société Avrox aux entiers dépens de l’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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