Cour d'appel de Montpellier, 12 novembre 2015, n° 14/08371

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

5° Chambre Section A

ARRET DU 12 NOVEMBRE 2015

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/08371

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 OCTOBRE 2014

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE Z

N° RG 14/00830

APPELANT :

Monsieur M B O

né le XXX à XXX

XXX

XXX

66000 Z

représenté par Me Arnaud LAURENT de la SCP SCHEUER, VERNHET ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me JONQUET

INTIMES :

Monsieur G X

né le XXX à TOULOUSE

XXX

66000 Z

représenté par Me Carole OBLIQUE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

Madame I X épouse X

née le XXX à XXX

XXX

66000 Z

représenté par Me Carole OBLIQUE, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 21 Septembre 2015

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 SEPTEMBRE 2015, en audience publique, Mme A ayant fait le rapport prescrit par l’article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur C D,

Président de Chambre

Madame Marie CONTE, Conseiller

Madame Myriam A, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M. E F

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Monsieur C D, Président de Chambre, et par Mme Ginette DESPLANQUE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Monsieur M B O est propriétaire d’une maison d’habitation située XXX à Z.

Faisant valoir que les époux Y, propriétaires d’une maison contiguë à la sienne, ont aménagé une terrasse surélevée avec un brise-vue de 1,95 m, faisant valoir qu’il leur a proposé un règlement amiable du problème posé par la création d’une vue oblique sur son jardin, par l’exhaussement, à ses frais, du mur de clôture séparant les deux fonds, ce qu’ils ont refusé au motif qu’il existe un brise-vue, et faisant valoir qu’il subit un trouble anormal de voisinage, M B O a saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance de Z aux fins de voir condamner ses voisins, notamment, à interrompre, sous astreinte, tous travaux au niveau de la terrasse litigieuse, et aux fins d’expertise.

Par ordonnance du 22 octobre 2014 le juge des référés :

— a débouté M B O de toutes ses demandes,

— a constaté que les travaux sont dans une phase d’achèvement rendant sans objet la demande initiale,

— a dit n’y avoir lieu à expertise,

— s’est déclaré incompétent pour le surplus des demandes et renvoyé le demandeur à mieux se pourvoir,

— a condamné M B O à payer la somme de 1000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par acte reçu au greffe de la Cour le 12 novembre 2014, M B O a relevé appel de cette décision.

Par conclusions transmises par voie électronique le 12 février 2015, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, M B O demande à la Cour de :

— constater que s’il existe une jurisprudence divergente en matière de servitude de vue illicite permettant d’agréer, à titre exceptionnel, les travaux permettant la suppression de la vue irrégulière, il n’empêche que le principe doit rester le principe et l’exception l’exception,

— juger en conséquence qu’il ne peut être prétendu au caractère d’ores et déjà acquis de toute impossibilité d’agir au fond pour Monsieur B en l’état de la situation de l’espèce,

— relever qu’il est nécessaire de disposer d’un avis expertal pour connaître la portée de la mesure palliative mise en 'uvre pour supprimer les conséquences de la création de la vue illicite, comme les raisons qui justifieraient de préférer la mesure palliative au simple recul de la terrasse irrégulière,

— juger en conséquence qu’il justifie d’un motif légitime à l’instauration d’une mesure expertale,

— désigner tel géomètre expert qu’il plaira à la Cour avec pour mission, notamment, de décrire les travaux réalisés par les époux X au droit de sa propriété B, et plus précisément la terrasse surélevée donnant une vue oblique sur son fonds B, dire si la terrasse respecte les prescriptions du code civil relatives aux servitudes de vue droites et obliques posées par les articles 678 et 679 du code civil, décrire les nuisances en lien avec l’usage de cette terrasse, notamment en terme d’atteinte à l’intimité en l’état des vues plongeantes sur son fonds mais encore en terme de nuisance notamment sonores en l’état de la création d’un lieu de vie à proximité des chambres, décrire le brise-vue mis en oeuvre ensuite de la saisine du Juge des référés et indiquer ses caractéristiques, et notamment s’il met un terme aux nuisances précédemment décrites, et ce de manière pérenne ou définitive, ou si ses conditions d’édification font qu’il ne présente aucune garantie à vocation perpétuelle à préserver tranquillité du propriétaire voisin, indiquer quels étaient les motifs de création pour les époux X d’une terrasse contrevenant aux dispositions de l’article 679 du code civil et s’il existait des motifs impérieux à ne pas assurer son recul de 6 décimètres à l’égard du fonds voisin, indiquer la perte de valeur vénale de son fonds, décrire les travaux de remise en conformité de la terrasse au regard des prescriptions de l’article 679 du Code Civil, analyser l’ensemble des préjudices subis par lui et les occupants de son fonds, et en rassembler les éléments propres à en établir le montant, s’expliquer techniquement dans le cadre de ces chefs de mission sur les dires et observations des parties qu’il aura recueillis après leur avoir fait part de sa note de synthèse qui devra comporter le chiffrage des travaux à mettre en 'uvre pour voir cesser le trouble, comme le chiffrage de la perte de valeur vénale et des préjudices subis,

— juger qu’en l’état de la situation de l’espèce, il est parfaitement

légitime de laisser à la charge des deux parties les frais irrépétibles, comme les dépens, qu’elles ont dû engager pour assurer leur défense dans le cadre de la présente instance.

Au terme de leurs écritures transmises par voie électronique le 10 avril 2015, auxquelles la Cour renvoie pour l’exposé de leurs moyens et prétentions, les époux Y concluent à la confirmation de l’ordonnance dont appel.

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où serait ordonnée une expertise, ils demandent à la Cour de condamner M B O, sous astreinte, à cesser les travaux entrepris par lui, et de compléter la mission confiée à l’expert en y incluant la vérification de la régularité des jardinières et de la terrasse créées par M B O.

Reconventionnellement, ils sollicitent la condamnation de celui-ci à':

— leur payer la somme de 3000,00 euros au titre d’un exercice abusif et dilatoire de son droit d’appel,

— détruire son mur végétal, sous astreinte,

— leur payer la somme de 2500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

L’appel, interjeté dans les formes de la loi avant toute signification avérée, est recevable.

En cause d’appel M B O ne maintient que sa demande d’expertise, exposant qu’il est nécessaire d’obtenir un avis technique pour les besoins de la résolution, au fond, du litige, et soutenant qu’il existe une atteinte aux prescriptions de l’article 679 du code civil.

L’article 145 du code de procédure civile prévoit que, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé.

En l’espèce, il n’est pas contesté par les époux Y qu’ils ont réalisé des travaux d’aménagement d’une terrasse, donnant sur le jardin de M B O, et créant une vue plus ample que celle existant précédemment.

Les époux Y contestent l’existence de cette vue, du fait de la mise en place d’un écran vertical.

M B O justifie cependant d’un motif légitime à obtenir un avis technique afin de voir préciser quelle était la situation antérieurement à la création de la terrasse (notamment s’il existait déjà une vue oblique), quelle est la situation actuelle et si la création de la terrasse a eu pour conséquence, ou non, d’élargir la vue sur sa propriété, et quels sont les effets, suffisants ou non, du pare-vue placé sur leur terrasse par les époux Y.

M B O justifiant du motif légitime requis par l’article 145 susvisé, il convient de faire droit à sa demande, avec la mission donnée à l’expert qui sera précisée dans le dispositif.

Les époux Y sollicitent à titre subsidiaire, comme ils l’avaient fait en première instance, l’extension de la mesure d’expertise aux créations apportées par M B O et disposés contre des murs de clôture, à savoir une jardinière, un mur végétal et une terrasse.

Il sera fait droit à cette demande, à laquelle ne s’est pas opposé l’appelant, dans les termes prévus au dispositif du présent arrêt.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Les parties succombant chacune partiellement, il convient de laisser à leur charge leurs propres dépens d’appel.

L’équité ne commande pas, en outre, de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Reçoit l’appel de Monsieur M B O ;

Infirme l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau':

Ordonne une mesure d’expertise et commet pour y procéder :

Monsieur K L,

XXX

66000 Z,

Avec pour mission de :

— convoquer les parties et leurs conseils,

— visiter les lieux objets du litige, à savoir les deux maisons d’habitation de M B O d’une part, et des époux Y d’autre part,

— se faire communiquer toutes pièce utiles à la réalisation de sa mission,

— décrire les travaux effectués par les époux Y, dire s’il s’agit de la création d’une terrasse, et, dans ce cas, dire si cette création a pour effet de créer des vues, droites ou obliques, sur la propriété de leur voisin M B O, ou si des vues existaient antérieurement,

— dire s’il s’agit de propriétés contiguës,

— prendre toutes mesures utiles destinées à vérifier la distance existant entre le mur supportant l’ouverture, créant éventuellement une vue, et le fond de M B O,

— décrire le matériel installé par les époux Y constituant, selon eux, un brise-vue, et s’il est suffisant à interdire, le cas échéant, toute vue qui serait illégale, et ce de façon pérenne,

— en cas de persistance d’une vue illégale malgré la pose du dit brise-vue, décrire les travaux à réaliser, et les chiffrer, de nature à y mettre un terme,

— dire si le fonds de M B O subit, du fait de la création de la terrasse, une perte de sa valeur vénale, et dans ce cas la chiffrer,

— décrire les travaux réalisés par M B O et décrits par les époux Y comme étant : des jardinières, un mur végétal et une terrasse,

— dire si ces éléments sont apposés sur des murs mitoyens ou sur des murs de clôture, et s’ils sont de nature à entraîner des dégradations sur les murs ou le fond des époux Y,

— dire si le fonds des époux Y subit, du fait des travaux susvisés réalisés par M B O, une perte de sa valeur vénale, et dans ce cas la chiffrer ;

Dit que l’expert commis, saisi par le greffe, pourra s’adjoindre tout sapiteur de son choix dans une spécialité distincte de la sienne, et qu’il devra accomplir sa mission en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs observations, et déposer rapport de ses opérations au greffe de la Cour d’Appel dans le délai de quatre mois à compter du jour où il aura été saisi de sa mission par le greffe, sauf prorogation des opérations dûment autorisée ;

Dit que l’expertise aura lieu aux frais avancés de M B O, demandeur à la présente procédure, qui consignera au greffe, avant le 15 décembre 2015, la somme de 1300, 00 euros à titre de provision à valoir sur les frais et honoraires de l’expert ;

Rappelle qu’à défaut de consignation dans ce délai la désignation de l’expert sera caduque de plein droit en application de l’article 271 du code de procédure civile, un relevé de caducité ne pouvant être accordé que sur justifications de motifs légitimes ;

Dit que le dessaisissement de la Cour interviendra dès le dépôt du rapport d’expertise ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

MG

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Textes cités dans la décision

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