Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 9 mars 2021, n° 18/03552

  • Pharmacie·
  • Réseau·
  • Sociétés·
  • Conseil·
  • Convention d'assistance·
  • Concurrence déloyale·
  • Document·
  • Tableau·
  • Information confidentielle·
  • Information

Chronologie de l’affaire

Commentaire1

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Christophe Albiges · Gazette du Palais · 14 décembre 2021
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Montpellier, ch. com., 9 mars 2021, n° 18/03552
Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro(s) : 18/03552
Décision précédente : Tribunal de commerce de Carcassonne, 24 juin 2018, N° 2017000002
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 09 MARS 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/03552 – N° Portalis DBVK-V-B7C-NXRV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 JUIN 2018

TRIBUNAL DE COMMERCE DE E

N° RG 2017000002

APPELANTE :

SAS ELSIE GROUPE prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité audit siège.

Gare de Bordeaux Saint J, M N O, X

[…]

Représentée par Me Nicolas NADAL, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

S.A.S LAFAYETTE CONSEIL prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis

[…]

[…]

Représentée par Me Fanny LAPORTE de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE, GARRIGUE, LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant, assistée de Me J-N FOURGOUX de la SELARL FOURGOUX DJAVADI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 05 Janvier 2021

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 JANVIER 2021, en audience publique, Monsieur J-P Q ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur J-P Q, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseiller

Mme Marianne ROCHETTE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Manon BORREMANS

ARRET :

— Contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;

— signé par Monsieur J-P Q, Président de chambre, et par Mme Manon BORREMANS, Greffière.

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES':

Créée en 2005, la société par actions simplifiée Lafayette Conseil, ayant son siège à Toulouse, a pour objet social le conseil en marketing, la gestion, le management et l’organisation des entreprises dans le secteur de la cosmétique et des produits officinaux ; elle a développé un réseau, le réseau Lafayette, dans les divers secteurs de la pharmacie, la parapharmacie, l’optique et le confort médical.

I Y a été embauché, le 4 mars 2014, par la société Lafayette Conseil au poste de directeur de réseau, chargé plus particulièrement du développement de la politique commerciale de l’entreprise auprès des pharmacies ; après un entretien préalable s’étant déroulé le 14 janvier 2016, il a été licencié pour faute grave par lettre recommandée du 20 janvier 2016 en raison d’une insuffisance de résultats sur le réseau des pharmacies, d’un manque d’implication au sein du réseau, d’un défaut de visite des adhérents et de comptes rendus de visite sommaires ; un protocole transactionnel a ensuite été signé, le 1er février 2016, contenant notamment, à la charge de M. Y, un engagement de confidentialité, de loyauté et de neutralité à l’égard de son ancien employeur.

Le 12 mai 2016, la société par actions simplifiée Elsie Groupe a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de E, avec pour objet la création et l’animation d’un réseau de distribution et la vente de produits de parapharmacie ; la décision de constituer une SAS a été prise par les membres d’un groupement d’intérêt économique dénommé « Groupe Neuf'», constitué de pharmaciens, ayant notamment pour objet de négocier pour ses membres les conditions commerciales d’achat des produits auprès des fournisseurs, mais non de se livrer lui-même à des opérations d’achat de produits pharmaceutiques et de stockage des produits en vue de leur distribution en gros à ses membres ; M. Y a pris la présidence de la société Elsie Groupe dès le démarrage de l’activité de celle-ci.

Entre-temps, le 16 mars 2016, la société Pharmacie des grands hommes, localisée à Bordeaux et liée à la société Lafayette Conseil par une convention d’assistance, a adressé à celle-ci un courrier, par lequel elle l’interrogeait sur son défaut d’inscription sur la liste des courtiers établie par l’agence nationale de sécurité du médicament (l’ASM) et lui demandait la communication des contrats de référencement conclus avec les laboratoires, des accords conclus avec ces derniers au titre du « trade » et des annonces publicitaires sur les écrans LCD installés dans la pharmacie, des justificatifs du calcul de la rémunération au titre de « l’immobilisation de l’équipe officinale », des comptes annuels des trois derniers exercices, des procès-verbaux d’assemblée générale et des rapports du commissaire aux comptes.

Entre mars 2016 et février 2017, la société Lafayette Conseil a été rendue destinataire d’autres réclamations de pharmacies, adhérentes au réseau, mettant en cause l’opacité des conditions de négociation du prix des produits avec les laboratoires, le calcul des remises consentis par les fournisseurs et les prestations facturées sous l’intitulé « immobilisation de l’équipe officinale » et réclamant la communication des contrats conclus avec les laboratoires et des comptes annuels de la société Lafayette Conseil ; la société Pharmacie des grands hommes a, par lettre recommandée du 20 septembre 2016, pris acte de la rupture de la convention d’assistance la liant à la société Lafayette Conseil'; six autres pharmacies ont depuis quitté le réseau Lafayette.

Par lettre recommandée du 20 mai 2016, la société Lafayette Conseil, suspectant, par ailleurs, les liens entretenus entre le GIE Groupe Neuf et M. Y, a pris l’initiative de rappeler à ce dernier l’obligation de confidentialité, de loyauté et de neutralité pesant sur lui en vertu du protocole transactionnel, tout en déplorant que depuis son départ, certains de nos adhérents ont été informés de données parfaitement confidentielles concernant la fois la stratégie de l’entreprise, les conditions commerciales, ainsi que d’informations personnelles sur certains des dirigeants.

M. Y a, par courrier en réponse du 26 mai 2016, réfuté tout lien avec le GIE Groupe Neuf et tout manquement à ses engagements contractuels.

Le 20 octobre 2016, la société Lafayette Conseil a fait délivrer, par acte d’huissier de justice, une sommation interpellative au GIE Groupe Neuf au siège de son établissement du 20, rue J K à E ; il a été répondu à l’huissier instrumentaire par une certaine L A, coordinatrice, que le président de la société Elsie Groupe, M. Y, n’occupait aucune fonction au sein du GIE, les deux entités étant distinctes, que la société Elsie Groupe a pu effectivement récupérer, par son président, de nombreux documents commerciaux appartenant à la société Lafayette Conseil, que le projet Elsie a été imaginé dès le mois de janvier 2016 par le dirigeant de la société Pharmacie des grands hommes, que M. Y, embauché à la mi-mai 2016, a entrepris de contacter diverses pharmacies membres du réseau Lafayette et que son objectif était de récupérer pour la société Elsie Groupe tous les gros adhérents de LFY en leur divulguant (') combien le réseau se gave sur leurs dos en captant leurs RFA pour la structure.

Le 17 novembre 2016, la société Lafayette Conseil a fait procéder, après y avoir été autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Bordeaux, à un recueil de documents sur support papier ou électronique dans les locaux de la société Pharmacie des grands hommes à Bordeaux visant à matérialiser le partenariat existant entre cette pharmacie et un groupement de pharmacies, notamment Elsie Groupe, autre que le réseau Lafayette ; un procès-verbal de ces opérations a été établi par Me Bernard, huissier de justice à Bordeaux.

Des opérations identiques ont été effectuées le 18 novembre 2016 dans les locaux du GIE Groupe Neuf par Me Brignet, huissier de justice à E, sur la base d’une ordonnance d’autorisation prise le 16 novembre 2016 par le président du tribunal de commerce de E.

Par exploit du 13 décembre 2016, la société Lafayette Conseil a fait assigner la société Elsie Groupe devant le tribunal de commerce de E en responsabilité pour concurrence déloyale et indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du 25 juin 2018, le tribunal a notamment :

'débouté la société Elsie Groupe de sa demande de communication de pièces portant sur l’état des procédures et la copie des jeux de conclusions des instances dans lesquelles la société Lafayette Conseil serait opposée à des officines anciennement adhérentes à son réseau,

'débouté la société Elsie Groupe de sa demande d’astreinte provisoire et définitive à ce titre,

'débouté la société Elsie Groupe de sa demande de renvoi de l’affaire à une audience ultérieure pour qu’il soit statué sur le fond,

'constaté que la société Elsie Groupe s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l’encontre de la société Lafayette Conseil,

'constaté que la société Lafayette Conseil a subi un préjudice qu’il y a lieu d’évaluer par voie d’expertise,

'désigné M. Z (…) en qualité d’expert avec pour mission :

' d’évaluer le préjudice subi par la société la Fayette Conseil en se basant sur les éléments fournis par cette dernière à ce titre, mais également tous autres documents utiles, et notamment :

'la facture d’honoraires du prestataire désigné en 2012 pour travailler sur la refonte du concept avec étude concurrentielle et de marché pour un montant de 156 288 euros,

'les contrats de travail et ordres de mission donnés aux salariés de la société Lafayette Conseil pour la réalisation du pricing et des conditions commerciales annuelles (deux salariés à temps plein soit 70 573 euros de masse salariale pour la réalisation du pricing et quatre salariés à temps plein soit 436 000 euros de masse salariale pour la réalisation des conditions commerciales),

'le montant et la bonne destination des outils d’abonnement nécessaires pour un montant de 7450 euros,

'le travail fourni à temps partiel des fonctions support (juridique, contrôle de gestion, etc…) pour la masse salariale de 56 344 euros,

'l’investissement évalué à 9875 euros en temps de travail du juriste interne et des consultations d’avocats pour la réalisation des modèles de convention créés par la société Lafayette Conseil

' de fournir au tribunal tous les éléments nécessaires à l’évaluation du préjudice subi,

(')

'ordonné sous astreinte d’un montant de 100 000 euros par infraction constatée à la société Elsie Groupe à ne pas utiliser de documents en provenance de la société Lafayette conseil et/ou d’une officine du réseau Lafayette,

'ordonné la publication du jugement sur le site Internet de Lafayette Conseil et du moniteur des pharmaciens aux frais de la société Elsie Groupe pour un montant de publication d’un montant maximum de 1000 euros,

'débouté la société Elsie Groupe de sa demande pour un montant de 500 000 euros en condamnation de la société Lafayette conseil pour abus de droit d’agir,

'condamné la société Elsie Groupe à payer à la société Lafayette Conseil une somme d’un montant de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a considéré, en particulier, que M. Y n’avait pas respecté ses obligations de fidélité et de loyauté à l’égard de la société Lafayette Conseil après la rupture de son contrat de travail, qu’en effet, lors de la visite de l’huissier ordonnée le 18 novembre 2016 par le président du tribunal de commerce de E dans les locaux du GIE Groupe Neuf, des modèles de conventions Lafayette conseil, des catalogues Lafayette conseil et des tarifications

ont été saisies sur l’ordinateur du GIE Groupe Neuf ainsi que des messages de M. Y sur un téléphone professionnel du GIE, qu’il est incontestable que les documents provenant de la société Lafayette Conseil, utilisés par M. Y et la société Elsie Groupe, avaient nécessité des investissements financiers et intellectuels de la part de la société Lafayette Conseil pour leur réalisation et qu’ainsi, la société Elsie Groupe devait être reconnue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société Lafayette conseil.

La société Elsie Groupe a régulièrement relevé appel, le 9 juillet 2018, de ce jugement en vue de sa réformation.

Elle a ensuite obtenu, par une ordonnance de référé rendue le 22 août 2018 par le délégataire du premier président, l’arrêt de l’exécution provisoire dont le jugement se trouve assorti, mais seulement en ce qu’il a ordonné sa publication sur le site Internet de la société Lafayette Conseil et sur le journal « le moniteur des pharmaciens » aux frais de la société Elsie groupe.

Par requête du 17 septembre 2018, la société Elsie Groupe a saisi le conseiller de la mise en état d’une demande visant à obtenir la communication de l’état des procédures et de la copie des jeux de conclusions opposant la société Lafayette Conseil à d’anciens membres de son réseau, mais elle a été déboutée d’une telle demande par ordonnance du 5 décembre 2018, qui n’a pas été déféré à la cour.

En l’état de ses dernières conclusions déposées le 24 décembre 2020 via le RPVA, elle demande à la cour de :

(…)

A titre principal,

'débouter, pour les causes sus-énoncées, la société Lafayette Conseil de l’intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour jugeait à l’existence d’actes de concurrence déloyale,

'renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de E pour qu’il soit statué sur les suites de l’expertise judiciaire,

'débouter, pour les causes sus-énoncés, la société Lafayette Conseil de son injonction sous astreinte, sauf à lui donner acte de ce qu’elle-même ne détient pas de documents « usurpés », selon les termes utilisés par la société Lafayette conseil, par M. Y et ramener à de plus justes montant l’astreinte sollicitée,

'débouter, pour les causes sus-énoncées, la société Lafayette Conseil de sa demande de publication,

En tout état de cause,

'débouter, pour les causes sus-énoncées, la société Lafayette Conseil de l’intégralité de ses demandes,

'dire et juger que la procédure initiée par la société Lafayette Conseil est abusive,

'quoi faisant, condamner la société Lafayette Conseil à lui payer la somme de 500 000 euros et ordonner la compensation entre toutes sommes qui pourraient être dues de part et d’autre,

'condamner la société Lafayette Conseil à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de son appel, elle fait valoir pour l’essentiel que :

'sous couvert d’un licenciement pour faute grave de M. Y, la société Lafayette Conseil a, en réalité, souhaité organiser le départ amiable de celui-ci, sans qu’il lui soit fait interdiction, notamment par le biais d’une clause de non-concurrence, de travailler pour une autre entreprise du secteur,

'M. Y est devenu président de la société Eslie Groupe postérieurement à la rupture de son contrat de travail et n’a joué aucun rôle dans la création de la société,

'sur les sept membres du réseau Lafayette ayant rompu leurs relations commerciales avec la société Lafayette Conseil, six d’entre eux ont rejoint un réseau concurrent, le réseau Pharmabest, n’ayant aucun lien avec elle, en sorte qu’il ne peut lui être imputé un démarchage systématique de la clientèle,

'la société Pharmacie des grands hommes, qui a finalement rejoint le réseau Elsie Groupe, n’a pas été démarchée par elle, dans des conditions fautives,

'la société Lafayette Conseil a d’ailleurs engagé des procédures judiciaires à l’encontre d’anciens membres de son réseau et a refusé de communiquer les conclusions déposées et les décisions éventuellement rendues,

'les pièces obtenues auprès de Mme A étaient détenues par le GIE Groupe Neuf et n’ont consisté qu’en quelques pages d’un document promotionnel banal et des conditions commerciales obsolètes, sachant que Mme A était également sa salariée et entretenait alors un différend avec M. Y,

'le tableau comparatif des politiques de prix, qu’il lui est reproché d’avoir établi, ne provient pas d’un détournement de données confidentielles, mais de l’utilisation d’informations publiques,

'elle disposait, en effet, de l’expérience, des connaissances et des outils nécessaires à son activité sans avoir besoin d’utiliser ceux de la société Lafayette Conseil,

'la société Lafayette Conseil n’a pas rapporté la preuve de son préjudice, se bornant à produire une unique attestation de son directeur administratif et financier à l’exclusion de tout autre élément, et le tribunal ne pouvait, sauf à méconnaître l’article 146 du code de procédure civile, ordonner d’office une mesure d’expertise,

'la procédure engagée à son encontre revêt un caractère abusif, d’autant que la société Lafayette Conseil s’est elle-même rendue coupable d’actes de débauchage des membres de son réseau.

Dans ses dernières conclusions déposées le 4 janvier 2021 par le RPVA, la société Lafayette Conseil sollicite, au visa de l’article 1240 du code civil issu de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 (anciennement 1382), de voir :

À titre principal,

(…)

'dire et juger que la société Elsie Groupe s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice,

'en conséquence, confirmer le chef du jugement attaqué ayant reconnu la société Elsie Groupe coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice,

'rejeter l’appel de la société Elsie Groupe,

'confirmer les chefs du jugement attaqué ayant ordonné une expertise, qui demeure soumise au

tribunal de commerce de E, et prononcé une injonction et une mesure de publication,

'ordonner à la société Elsie Groupe de lui restituer, sous 30 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, l’ensemble des documents qui lui ont été usurpés par M. Y, sous astreinte de 30 000 euros par jour de retard,

'ordonner la publication de la décision à intervenir dans trois revues professionnelles spécialisées du secteur officinal, diffusé sur tout le territoire, pour un budget maximum de 5000 euros, aux frais de la société Elsie Groupe, dans un délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir,

'ordonner la publication de la décision à intervenir sur son propre site, pour une durée de deux mois,

Sur la demande de l’appelante,

(…)

'dire et juger la société Elsie Groupe mal fondée dans sa demande,

'dire et juger qu’elle n’a pas elle-même abusé de son droit d’agir en justice,

'dire et juger qu’elle n’a pas commis d’actes de concurrence déloyale à l’égard de la société Elsie Groupe,

'en conséquence, rejeter la demande de la société Elsie Groupe en paiement de la somme de 500 000 euros réparation de son préjudice,

En tout état de cause,

'condamner la société Elsie Groupe à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle expose en substance que :

'les divers procès-verbaux de constat établis en novembre 2016 prouvent que la société Elsie Groupe a démarché de façon déloyale les adhérents du réseau Lafayette grâce aux informations transmises par M. Y qui était, selon Mme A, désireux de récupérer les adhérents les plus importants en divulguant combien le réseau (Lafayette) se gave sur leur dos en captant leurs RFA pour la structure,

'l’intention déloyale de la société Elsie Groupe ressort clairement de sa décision de recruter M. Y immédiatement après la rupture de son contrat de travail afin précisément d’attirer les réfractaires du réseau Lafayette,

'pour développer son activité, elle a choisi d’utiliser des données commerciales sensibles lui appartenant et obtenues frauduleusement,

'ainsi, la société Elsie groupe a construit un tableau de « pricing » retraçant la politique tarifaire par produit du réseau Lafayette et un tableau faisant état du niveau de marge arrière enregistrée dans le réseau,

'elle a également obtenu, de la part d’adhérents du réseau Lafayette, des informations tarifaires exhaustives datant de mars 2016,

'elle a dès lors bénéficié immédiatement et sans bourse délier de son savoir-faire en termes de négociation, construit sur de longues années et au prix de nombreux efforts, pour entrer sur le marché en position de force vis-à-vis des laboratoires en s’inscrivant dans son sillage,

'au moyen d’informations usurpées, elle a également édité un document promotionnel servant de support de communication auprès de tiers.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 5 janvier 2021.

MOTIFS de la DECISION :

1-la demande principale de la société Lafayette Conseil à l’encontre de la société Elsie Groupe fondée sur le démarchage déloyal des adhérents à son réseau et le détournement de données commerciales sensibles :

Il est constant que la création de la société Elsie Groupe procède d’une initiative du GIE Groupe Neuf qui, lors d’une réunion du 12 octobre 2015, dont le compte-rendu est produit aux débats, a décidé de la constitution d’une société par actions simplifiée ayant pour objet le développement sur le territoire national d’un réseau commercial auquel adhéreraient les officines de pharmacie (une centaine à l’horizon 2018) sous une marque au nom évocateur (sic), dont la charte graphique et les déclinaisons étaient alors à créer ; l’examen des statuts de la société Elsie Groupe, immatriculée le 12 mai 2016 au registre du commerce et des sociétés de E, enseigne que les neuf actionnaires de la société ainsi constituée (la société Pharmacie de la Comédie, M. B, la société Pharmacie Monge, la société Grande pharmacie de Rosny II, la société Pharmacie Potin, la société Pharmacie Cap 3000, la société Grande pharmacie lyonnaise, la société Grande pharmacie de la gare, M. C) sont tous membres du GIE Groupe Neuf, dont ils sont les fondateurs, titulaires à ce titre de parts de catégorie A représentatives, pour le calcul des droits de vote, de 90 % du capital social.

M. Y a été pressenti pour devenir le futur dirigeant de la société à constituer peu après son licenciement du 20 janvier 2016 par la société Lafayette Conseil, ainsi qu’il ressort notamment d’un courriel, qu’a adressé le 29 janvier 2016 l’un des membres du GIE Groupe Neuf (la société Grande pharmacie de la gare) à plusieurs destinataires, dont compta.gneuf@gmail.com, courriel retrouvé, le 18 novembre 2016, dans la messagerie du GIE accessible par l’ordinateur mis à la disposition de Mme A, lors des opérations réalisées par Me Brignet, huissier de justice [il (M. Y) provient d’un réseau concurrent, connaît donc le milieu, ainsi que les forces et faiblesses de Lafayette, et la vie d’un réseau dans ce milieu ce qui est rare ; il est apprécié a priori des adhérents Lafayette et pourrait attirer vers nous des réfractaires] ; l’intéressé, dont les anciennes fonctions de directeur de réseau exercées au sein de la société Lafayette conseil étaient donc connues, a ensuite, le 25 février 2016, adressé, par courriel, à deux membres du GIE, futurs actionnaires de la société Elsie Groupe un document présentant son plan d’action en vue d’un éventuel recrutement.

Lors de la sommation interpellative, qui lui a été délivrée le 20 octobre 2016, Mme A, alors salariée du GIE Groupe Neuf, mais également de la société Elsie Groupe, a d’ailleurs indiqué à l’huissier instrumentaire que M. Y avait été recommandé courant janvier 2016 pour le projet Elsie par un adhérent du réseau Lafayette, M. D, dirigeant de la société Pharmacie des grands hommes à Bordeaux, qu’il avait passé un entretien à Paris le 24 février 2016 et qu’il avait commencé à travailler sur le projet Elsie immédiatement jusqu’à son embauche effective à mi-mai 2016.

L’exploitation, lors des opérations de constat des 17 et 18 novembre 2016, des courriels retrouvés dans la messagerie de la société Pharmacie des grands hommes et celle du GIE Groupe Neuf montre l’existence de relations entretenues, entre février et septembre 2016, entre M. D et M. Y

en l’état des documents transmis par le premier au second (courrier de la DIRRECTE du 6 septembre 2016 adressé à un adhérent au réseau Lafayette, convention 2016 du réseau Lafayette…) et par le second au premier (documentation Elsie santé, document d’information précontractuelle…).

De même, au cours de l’année 2016, des échanges ont eu lieu entre plusieurs pharmaciens, adhérents au réseau Lafayette et qui reprochaient à celui-ci son opacité dans les relations commerciales entretenues avec les laboratoires pharmaceutiques, tel le courriel du 8 avril 2016 du dirigeant de la société Pharmacie des 7 cantons adressé à la Pharmacie des grands hommes, à la Pharmacie de l’Europe et à la Pharmacie Orbe avec en pièce jointe le courrier du président de la société Lafayette conseil à propos de la déconnexion « Officentral », courriel établissant l’existence entre les intéressés d’une action concertée de remise en cause du réseau et se voulant occulte (c’est pour info'; c’est important de ne pas se nommer les uns, les autres dans nos courriers).

Ainsi, entre mars 2016 et février 2017, la société Lafayette Conseil s’est vue réclamer par divers adhérents les justificatifs du calcul des rémunérations «'trade » englobant les remises, notamment de fin d’année, consenties par les laboratoires, le montant des prestations au titre de la politique promotionnelle des laboratoires via les annonces publicitaires sur les écrans LCD installés dans les pharmacies et le montant des prestations facturées au titre de « l’immobilisation de l’équipe officinale » lors des audits réalisés ; ces adhérents (la société Pharmacie des grands hommes, la société Pharmacie Orbe, la société Pharmacie des 7 cantons, la société Grande pharmacie des 7 minimes, la société Pharmacie Duval-Guihard, la société Pharmacie de l’Europe, la société Pharmacie de la Déesse et la société Fachon et Huygue) reprochaient à la société Lafayette Conseil de percevoir, avant de les leur rétrocéder, les remises consenties par les laboratoires, alors que les conventions d’assistance conclues avec celle-ci prévoyaient que les officines de pharmacie perçoivent directement les remises, et ne pas pouvoir vérifier le montant des rémunérations « trade » perçues, dont le mode de calcul leur était inconnu, alors que le montant de ces rémunérations était parfois inférieur au montant des redevances réglées à la société Lafayette Conseil pour l’utilisation du nom « pharmacie Lafayette » et du logo associé.

À cet égard, la société Elsie Groupe communique diverses décisions de justice rendues en référé, condamnant la société Lafayette Conseil à communiquer à certains de ses adhérents les conditions, les modalités et les justificatifs des rémunérations intitulées « trade » et/ou les accords de référencement conclus avec les laboratoires pharmaceutiques.

Il n’est pas discuté, par ailleurs, que sept adhérents au réseau Lafayette ont résilié les conventions d’assistance les liant à la société Lafayette Conseil à des dates et pour des motifs ignorés, sauf en ce qui concerne la société Pharmacie Duval-Guilhard située à Rennes qui a résilié la convention le 26 décembre 2016, après avoir vainement mis en demeure la société Lafayette Conseil d’avoir à lui communiquer les pièces comptables permettant le calcul des sommes indûment collectées sur les années 2014, 2015 et 2016 ; c’est ce qui résulte du jugement, versé aux débats, rendu le 11 juin 2019 par le tribunal de commerce de Rennes, que la société Lafayette conseil avait saisi d’une demande indemnitaire à hauteur de la somme totale de 1 114 117 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture fautive du contrat et non-respect de la clause de non ré-affiliation ; dans son jugement, dont il n’est pas établi qu’il soit définitif, le tribunal a débouté la société Lafayette Conseil de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour rupture fautive de la convention, mais a condamné la société Pharmacie Duval-Guilhard au paiement de la somme de 150 000 euros pour non-respect de la clause de non ré-affiliation (à un groupement ou réseau, de quelque titre que ce soit, concurrent à Lafayette conseil).

Enfin, il est établi que sur les sept adhérents ayant résilié les conventions d’assistance, un seul a adhéré au réseau Elsie santé développé par la société Elsie Groupe (la société Pharmacie des grands hommes), les autres ayant adhéré au réseau Pharmabest.

Les échanges de courriels entre le dirigeant de la société Pharmacie des grands hommes et M.

Y entre février et septembre 2016 n’est pas en soi suffisant à établir l’existence de man’uvres, susceptibles d’être imputées à la société Elsie Groupe, visant à détourner les adhérents du réseau Lafayette, quand bien même M. D aurait été à l’origine du « recrutement » du futur président de la société ; il ne peut, non plus, être tiré aucune conséquence de la concomitance entre ce « recrutement » de M. Y, dont la candidature avait été retenue dès la fin du mois de février 2016 pour assurer la présidence de la future société Elsie Groupe, et les diverses réclamations présentées à la société Lafayette Conseil à partir de mars 2016 par plusieurs adhérents mécontents de l’opacité des rémunérations « trade » perçues ; le fait pour les fondateurs de la société Elsie Groupe d’avoir retenu la candidature de M. Y, de préférence à d’autres postulants, au motif qu’ancien salarié de la société Lafayette Conseil, apprécié des adhérents, il pouvait attirer (') des réfractaires, ne permet pas davantage de caractériser l’existence de man’uvres déloyales, qui auraient été, par la suite, mises en 'uvre pour attirer des adhérents dans le nouveau réseau Elsie santé, alors qu’au final, un seul adhérent, la société Pharmacie des grands hommes, a quitté le réseau Lafayette pour rejoindre ce nouveau réseau ; la circonstance que les autres adhérents ayant résilié les conventions d’assistance les liant à la société Lafayette Conseil aient adhéré au réseau Pharmabest ne peut a priori être imputée aux menaces de procès proférées par cette dernière.

La preuve n’est pas rapportée d’un quelconque dénigrement des relations commerciales que la société Lafayette Conseil entretenait avec les adhérents à son réseau, auquel la société Elsie Groupe se serait livrée notamment par l’intermédiaire de son président ; si lors de la sommation interpellative du 20 octobre 2016, Mme A a déclaré à l’huissier que l’objectif de M. Y était de récupérer pour Elsie tous les gros adhérents de LFY en leur divulguant (…) combien le réseau LFY se gave sur leur dos en captant leurs RFA pour la structure, de tels propos ne sont corroborés par aucun autre élément et doivent être relativisés dans la mesure où un différend salarial opposait alors Mme A à la société Elsie Groupe à propos d’heures complémentaires non payées et du harcèlement, dont elle s’estimait l’objet de la part de M. Y ; par lettre recommandée du 14 novembre 2016, la salariée a ainsi pris acte de la rupture de son contrat de travail et informé son employeur de ce qu’elle saisissait, par l’intermédiaire de son avocat, le conseil de prud’hommes de E en vue d’obtenir la requalification de son contrat de travail à temps partiel, le paiement d’heures complémentaires et l’indemnisation de la rupture de son contrat requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Si le 12 septembre 2016, M. Y s’est vu transférer, sur sa messagerie personnelle, à l’initiative de M. D, une lettre d’avertissement adressée le 6 septembre 2016 par la DIRECCTE d’Aquitaine, Limousin et Poitou-Charentes à la société Pharmacie de l’Europe à propos d’une facture «'immobilisation de l’équipe officinale sur l’année 2014 » non conforme aux prescriptions de l’article L. 441-3 du code de commerce, rien ne permet d’affirmer qu’il soit à l’origine de l’intervention des services de l’État, dans le but de discréditer la société Lafayette Conseil, qui avait sollicité de son adhérent de l’édition d’une telle facture.

L’existence d’une désorganisation du réseau Lafayette au moyen de man’uvres, qui seraient imputables à la société Elsie Groupe, visant à détourner les adhérents vers son propre réseau Elsie santé, ne se trouve donc pas établie en l’état des éléments d’appréciation, produits aux débats.

Aux termes du protocole transactionnel conclu le 1er février 2016, il a été mis à la charge de M. Y, à l’article 5, divers engagements de confidentialité, de loyauté et de neutralité ; l’intéressé a contracté en particulier l’obligation de ne pas divulguer, révéler, utiliser, fournir, transmettre, échanger, faire circuler, par quelque moyen que ce soit et à qui que ce soit, les informations confidentielles concernant la situation financière, économique, commerciale et administrative de la société, dont il aurait pu avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ; la société Elsie Groupe n’ignorait pas l’obligation de confidentialité pesant sur M. Y après la rupture de son contrat de travail le liant la société Lafayette Conseil, puisque l’intéressé a lui-même transmis une copie du protocole d’accord, le 26 mai 2016, peu après le démarrage de l’activité de la société Elsie Groupe, par trois SMS sur le téléphone portable professionnel de Mme A, alors salariée du GIE Groupe Neuf, ainsi qu’il ressort des énonciations du procès-verbal de constat du 18 novembre

2016.

À cet égard, si la plupart des documents que la société Lafayette Conseil reproche à son concurrent de s’être appropriée indûment ont été retrouvés dans les locaux du GIE Groupe Neuf 20, rue J K à E, il est évident que la société Elsie Groupe ne pouvait qu’en avoir connaissance compte tenu de la proximité des deux structures ; il s’avère, en effet, que la création de la société Elsie Groupe a été décidée par les membres du GIE dès le mois d’octobre 2015, que les actionnaires de la société Elsie Groupe sont tous membres du GIE, que la société Elsie Groupe avait, à l’origine, son siège social à la même adresse du 20, rue J K à E et que Mme A, exerçant les fonctions de coordonnatrice au sein du GIE, était également salarié de la société Elsie Groupe et à ce titre sous la subordination de M. Y.

Lors des opérations menées le 18 novembre 2016 par Me Brignet, huissier de justice, deux courriels de M. Y ont été retrouvés dans la messagerie compta.gneuf@gmail.com, l’un en date du 11 mai 2016 comportant en pièce jointe, sous la forme d’un tableau Excel, le fichier du « pricing » des produits assujettis à des taux de TVA de 2,10% et 10% mentionnant les codes des produits (CIP 13, CIP 7), les laboratoires, la désignation des produits, le taux de TVA, le « ranking », les prix de vente minimum constatés sur le marché (Citypharma, pharmacies Lafayette, G 9), les prix de vente maximum TTC conseillés par Elsie et les prix d’achat hors-taxes des produits par référence au « catalogue de base », l’autre en date du 8 juin 2016 auquel est joint le «'pricing » des produits à 20 % de taux de TVA, se présentant également sous la forme d’un tableau Excel avec les codes des produits (autres codes), les laboratoires, la désignation des produits, le taux de TVA, le « ranking », les prix de vente minimum constatés sur le marché (Citypharma, pharmacies Lafayette, G 9, Para Leclerc), les prix de vente maximum TTC conseillés par Elsie et les prix d’achat hors-taxes des produits par référence toujours au « catalogue de base ».

La société Elsie Groupe ne conteste pas avoir utilisé, pour l’établissement de tableaux de « pricing », le propre tableau « tarif général conseillé Lafayette 2016 » diffusé le 15 mars 2016 aux adhérents du réseau Lafayette, mais fait valoir que les données ainsi utilisées étaient publiques et ne constituaient nullement des données confidentielles ou sensibles.

Pour autant, la société Elsie groupe a bénéficié d’informations tirées du tableau de « pricing » élaboré par la société Lafayette Conseil, destiné à orienter la politique tarifaire des pharmacies adhérentes au réseau et donc, à améliorer leur rentabilité, notamment en ce qui concerne les prix d’achat des produits résultant des catalogues issus de la documentation des divers laboratoires et le « ranking » c’est-à-dire le classement des produits en fonction du volume des ventes constatées au sein du réseau, informations qui résultent d’une base de données constituée au sein de l’entreprise et régulièrement alimentée, ce qui lui a dès lors permis de réaliser des économies sans contrepartie.

Le procès-verbal de constat du 18 novembre 2016 relate également la découverte d’un document « conditions commerciales Lafayette Conseil » qui constitue les accords commerciaux conclus sur l’année 2015 par la société Lafayette Conseil avec treize laboratoires relatifs notamment aux remises sur factures, aux remises de fin d’année, aux accords de coopération ou aux opérations commerciales, ainsi que d’un second document intitulé « conditions GPT X 2015 G9 2016 » qui se présente sous la forme d’un tableau comparatif des accords commerciaux conclus par douze laboratoires, l’un avec le groupement G 9 et portant sur des données relatives à l’année 2016, l’autre avec une structure désignée sous l’intitulé « autre GPT » et portant sur des données relatives à l’année 2015, ledit tableau mentionnant, pour chaque laboratoire, les remises consenties et les chiffres d’affaires réalisés ; les données 2015 de la structure « autre GPT » correspondent en réalité à celles de la société Lafayette Conseil.

Là encore, la société Elsie Groupe ne nie pas avoir détenu et utilisé les données issues des accords commerciaux conclus entre la société Lafayette Conseil et certains laboratoires pharmaceutiques, mais soutient qu’il ne s’agissait pas d’informations sensibles, que ces informations étaient d’ailleurs

obsolètes en 2016 et qu’au demeurant, elles ne concernaient, tout au plus, que treize fournisseurs sur 240 marques référencées ; cependant, même si ces accords commerciaux étaient relatifs à l’année 2015 et ne concernaient qu’une partie seulement des laboratoires, ils n’en constituaient pas moins des informations confidentielles qui, dans le cadre des négociations menées en 2016 avec les fournisseurs, était de nature à procurer à la société Elsie Groupe un avantage certain.

Par ailleurs, M. Y a réalisé un document intitulé « ma vision de votre projet’ », qu’il a notamment diffusé, le 2 février 2016, au dirigeant de la société Pharmacie des grands hommes, présentant des similitudes avec un dossier de présentation (des pistes créatives sur l’évolution de l’identité et du concept du point de vente des officines Lafayette) effectuée en septembre 2012 par le cabinet Design Day pour le compte de la société Lafayette conseil ; les similitudes entre les deux documents consistent en particulier en l’emploi de titres identiques (« partis pris stratégiques », « partis pris identitaires », « partis pris architecturaux »), l’édition d’un tableau comparatif quasiment identique entre l’enseigne référente et les autres enseignes (enseigne low cost, enseigne discount, enseigne hard discount) et la définition de la méthodologie proposée en cinq phases (plate-forme de positionnement, formalisation de la création, mise au point, réalisation, déploiement) ; l’utilisation, même partielle, par la société Elsie Groupe, pour la réalisation d’un document de présentation du projet Elsie santé, du document Design Day réalisé en 2012 pour la définition du concept des officines Lafayette, a également permis à la société Elsie Groupe de faire l’économie d’un prestataire pour la définition d’une méthodologie nécessaire à la création de son propre concept, quand bien même le document, dont elle s’est ainsi inspirée, datait de 2012.

Enfin, le premier juge a retenu que la société Elsie conseil était également en possession de modèles de convention d’assistance élaborés par la société Lafayette conseil, destinée à encadrer les relations commerciales avec les adhérents à son réseau, notamment un modèle de convention d’assistance de juin 2015 et un modèle de convention assistance « marque blanche » nouvelle version, ainsi qu’il ressort des énonciations du procès-verbal de constat du 18 novembre 2016.

Il résulte de ce qui précède que l’appropriation par la société Elsie Groupe de divers documents contenant des informations confidentielles sur l’activité de la société Lafayette Conseil, qu’il s’agisse du

tableau « tarif général conseillé Lafayette 2016 », du tableau de « pricing » destiné à orienter la

politique tarifaire des pharmacies adhérentes au réseau Lafayette, du document de présentation du cabinet Design Day réalisé en septembre 2012 ou de modèles de convention d’assistance destinée à encadrer les relations commerciales avec les adhérents au réseau, doit être regardée comme constitutif de concurrence déloyale, dès lors que ces documents ont été obtenus par l’intermédiaire de l’ancien directeur de réseau salarié de son concurrent, chargé du développement de la politique commerciale de l’entreprise auprès des pharmacies, et dont elle n’ignorait pas qu’il était tenu d’une obligation de confidentialité, qui lui imposait de ne pas divulguer d’informations confidentielles relatives à l’activité de la société Lafayette Conseil ; l’appropriation d’informations confidentielles, qu’elles aient été ou pas utilisées, était de nature à permettre à la société Elsie Groupe de réaliser des économies au stade de la création de son propre réseau Elsie santé, une telle appropriation traduisant ainsi, de sa part, un comportement parasitaire, sachant que les avantages retirés de la détention de ces informations n’avaient aucun rapport avec ceux qui étaient liés au savoir-faire et à l’expérience acquise de son nouveau dirigeant.

C’est donc à juste titre que le premier juge a considéré que la société Elsie Groupe avait commis un acte de concurrence déloyale et parasitaire à l’encontre de la société Lafayette Conseil ; le jugement doit également être approuvé en ce qu’il a ordonné une expertise confiée à M. Z aux fins de détermination du préjudice subi par cette dernière sur le fondement de l’article 146 du code de procédure civile, sachant que l’attestation du directeur administratif et financier de la société Lafayette Conseil, produits aux débats, évaluant, sur la base des éléments comptables, les investissements réalisés par celle-ci pour l’établissement des divers documents que la société Elsie Groupe s’était appropriée (présentation Design Day, « pricing », conditions commerciales établies annuellement, modèles de convention), si elle était en soi insuffisante à établir la preuve de

l’existence et du montant du préjudice, était bien de nature à justifier l’instauration d’une mesure d’expertise.

Au titre des mesures réparatrices, il est sans intérêt de prononcer à l’encontre de la société Elsie Groupe une condamnation d’avoir à restituer les documents qu’elle s’est appropriée, alors qu’elle est, par ailleurs, condamnée sous astreinte à ne pas les utiliser ; les mesures de publication ordonnées doivent, en revanche, être modifiées selon des modalités qui seront précisées dans le dispositif du présent arrêt.

2-la demande reconventionnelle de la société Elsie Groupe pour procédure abusive et concurrence déloyale :

Dès lors qu’est retenue la responsabilité délictuelle de la société Elsie Groupe pour avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire consistant en l’appropriation de documents confidentiels relatifs à l’activité de son concurrent au moment de la création de son propre réseau, Elsie santé, il ne peut être considéré que l’action en justice engagée par la société Lafayette Conseil revêt un caractère abusif, n’étant motivée que par son intention de «'régler ses comptes » avec M. Y, son ancien directeur de réseau, et sa volonté de la dénigrer auprès de ses fournisseurs et des officines de pharmacie susceptibles d’intégrer son réseau.

Pour prétendre que la société Lafayette Conseil a commis à son détriment des actes de concurrence déloyale en démarchant les adhérents à son réseau, la société Elsie Groupe communique un courriel adressé à l’un de ses adhérents (M. F) par le responsable du développement de son concurrent en région PACA, dont les termes établissent, selon elle, un comportement fautif («'j’espère que votre nouveau partenaire ne vous oblige pas à prendre des décisions contraires à vos intérêts. Peut-être avez-vous signé un accord pour lequel vous pouvez vous rétracter. J’avais prévu de venir vous voir avec M. G, directeur France du développement Lafayette. Que demanderiez-vous pour signer pour vos trois pharmacies chez Lafayette dès maintenant ' ») ; en réalité, le démarchage de cet adhérent, propriétaire avec d’autres associés de trois pharmacies, deux situées à Aix-en-Provence et une à Marignane, fait suite au refus de la société Elsie Groupe d’intégrer dans son réseau l’officine de pharmacie de Marignane, à la différence des deux autres officines ; la proposition faite par la société Lafayette Conseil à M. F d’intégrer à son réseau les trois officines de pharmacie, s’il lui était possible de rétracter son adhésion au réseau Elsie santé, ne peut être considérée comme un démarchage déloyal en l’absence de tout dénigrement de son concurrent ou de ses méthodes commerciales.

De même, la campagne de « mailing » menée en septembre 2020 par la société Lafayette Conseil, proposant à diverses officines de pharmacie d’intégrer son réseau, dont elle vantait à cette occasion les avantages, constitue une pratique commerciale normale, exclusive de tout comportement déloyal, quand bien même les destinataires des courriels étaient déjà adhérents au réseau Elsie santé.

Enfin, l’attestation d’un ancien directeur commercial de la société Lafayette Conseil (M. H), produite aux débats, faisant état de ce que lors des réunions en début d’année, les participants bénéficiaient des remontées des conditions commerciales de la concurrence, soit par des pharmaciens du réseau, soit par des nouveaux adhérents, soit par de nouveaux collaborateurs arrivant d’enseignes concurrentes, est manifestement insuffisante à établir que la société Lafayette Conseil détenait des informations confidentielles concernant précisément l’activité de la société Elsie Groupe.

C’est donc à juste titre que le premier juge a débouté la société Elsie groupe de sa demande reconventionnelle en paiement de la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts.

3- les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Succombant sur son appel, la société Elsie Groupe doit être condamnée aux dépens, ainsi qu’à payer à la société Lafayette Conseil la somme de 4000 euros au titre des frais non taxables que celle-ci a dû exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement du tribunal de commerce de E en date du 25 juin 2018, mais seulement quant aux modalités des mesures de publication ordonnées et statuant à nouveau à cet égard,

Ordonne la publication d’un extrait du présent arrêt, aux frais de la société Elsie Groupe, dans deux revues professionnelles spécialisées du secteur officinal au choix de la société Lafayette Conseil, sans que le coût de chaque insertion ne soit inférieur à 500 euros et dans la limite de 3000 euros, et ce dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt,

Ordonne également la publication d’un extrait du présent arrêt sur le site Internet de la société Lafayette Conseil, pendant une durée continue de trente jours,

Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,

Dit qu’en s’appropriant divers documents contenant des informations confidentielles sur l’activité de la société Lafayette Conseil, qu’il s’agisse du tableau « tarif général conseillé Lafayette 2016 », du tableau de « pricing » destiné à orienter la politique tarifaire des pharmacies adhérentes au réseau Lafayette, du document de présentation du cabinet Design Day réalisé en septembre 2012 ou de modèles de convention d’assistance destinée à encadrer les relations commerciales avec les adhérents au réseau, la société Elsie Groupe a commis un acte de concurrence déloyale et parasitaire,

Condamne la société Elsie Groupe aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société Lafayette Conseil la somme de 4000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens d’appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code,

Le greffier, Le président,

JLP

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Montpellier, Chambre commerciale, 9 mars 2021, n° 18/03552