Cour d'appel d'Orléans, 22 août 2019, 18/021731

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Rivière Avocats · 22 octobre 2019

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Sur la décision

Référence :
CA Orléans, c1, 22 août 2019, n° 18/02173
Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro(s) : 18/021731
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Orléans, 19 juin 2018
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Date de dernière mise à jour : 15 septembre 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000041889163
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/08/2019

Me Alexis DEVAUCHELLE

ARRÊT du : 22 AOUT 2019

No : 255 – 19

No RG 18/02173 – No Portalis

DBVN-V-B7C-FX2D

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d’Orléans en date du 20 Juin 2018

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265231229457475

SASU DOW FRANCE

venant aux droits de la société ROHM & HAAS France SAS, elle-même venant aux droits de la société MORTON INTERNATIONAL

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège […]

Ayant pour avocat Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d’ORLEANS,

D’UNE PART

INTIMÉES : – Timbre fiscal dématérialisé No: 1265226360045350

— la DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES

Prise en la personne de Madame l’administratrice générale des finances publiques chargée de la direction des vérifications nationales et internationales domiciliée en cette qualité audit siège l’ETAT FRANÇAIS représenté par le Directeur Régional des Finances Publiques d’Ile de France et du département de PARIS,

Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

11/1[…]

00[…]

Ayant pour avocat Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d’ORLEANS

D’AUTRE PART

DÉCLARATION D’APPEL en date du : 20 Juillet 2018

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 4 avril 2019

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l’audience publique du 16 MAI 2019, à 14 heures, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, en son rapport, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l’article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité,

Monsieur Jean-Louis BERSCH, Conseiller,

Madame Fabienne RENAULT-MALIGNAC, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé le 22 AOUT 2019 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS MORTON INTERNATIONAL a, moyennant le prix de 800.000 euros, cédé son fonds de commerce le premier juillet 2007 à la société Rohm and Haas Europe Trading APS aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société DOW FRANCE SAS (DOW FRANCE) en raison d’une transmission universelle de patrimoine à sa société mère, la société ROHM AND HAAS FRANCE SAS, laquelle a modifié sa dénomination sociale le premier mai 2016 pour devenir DOW FRANCE.

Cette cession a fait l’objet d’un enregistrement au service des impôts des entreprises d’Orléans Est le 31 juillet 2007 et MORTON INTERNATIONAL a acquitté des droits d’enregistrement d’un montant de 38.850 euros en application de l’article 719 du code général des impôts.

Après avoir procédé à l’analyse de la valeur vénale exacte du fonds de commerce et conclu à une sous-évaluation lors de la vente, l’administration fiscale a adressé, le 10 décembre 2013, une proposition de rectification réclamant paiement de 120.250 euros.

MORTON INTERNATIONAL a contesté en vain cette proposition et un avis de recouvrement a été émis le 15 mai 2014 par le fisc qui a réclamé paiement de 157.286 euros comprenant 37.036 euros d’intérêts de retard.

Le 27 octobre 2014 MORTON INTERNATIONAL a assigné l’administration fiscale devant le tribunal de grande instance d’Orléans qui, par jugement rendu le 20 juin 2018, l’a déboutée de sa demande tendant à la décharge de ce paiement et a confirmé le bien-fondé des impositions en litige.

DOW FRANCE a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 20 juillet 2018.

Elle en poursuit l’infirmation en demandant à la cour de prononcer la décharge du complément de droits mis à la charge de MORTON INTERNATIONAL, de condamner l’administration générale des finances publiques à lui payer la somme de 4 .000 euros au titre de l’article 700 du code de la procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens.

Elle rappelle les termes de l’article L.180 du livre des procédures fiscales qui prévoit que le droit de reprise de l’administration fiscale est soumis à une prescription de trois ans, affirmant qu’en l’espèce, l’administration ne dispose pas du délai de cinq années prévu par l’article L.186 du même code puisque l’exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures. Et elle soutient que le tribunal a commis une erreur dans l’appréhension des termes « exigibilité » et « liquidation» ; qu’en effet, les droits de mutation sont dus, donc exigibles, lorsqu’il y a enregistrement d’un fait juridique (la cession), et qu’ils sont ensuite liquidés (c’est-à-dire calculés) en tenant compte de la valeur du bien cédé, laquelle peut faire l’objet d’une rectification pendant le délai de reprise de trois ans; qu’il résulte des arrêts rendus par la Cour de cassation le 14 février 1930 et 7 juillet 1941 que, pour que la prescription abrégée ne soit pas applicable, il faut que les recherches ultérieures aient trait à l’exigibilité des droits et non à leur liquidation ; que la recherche de comparables nécessaires à l’établissement d’une insuffisance de valeur déclarée dont se prévaut l’intimé pour appliquer une prescription de six ans ne constitue pas une « recherche ultérieure » et que l’administration a pu constater, à la seule vue de l’acte de cession enregistré, le fait juridique rendant les droits de mutation exigibles, ainsi que la nature et les éléments constitutifs du fonds cédé. Et elle demande à la cour de retenir que l’expression «recherches ultérieures » désigne celles qui ont trait à l’exigibilité des droits et à la preuve à en apporter mais non de celles qui ont pour but de recueillir les précisions utiles à la liquidation des droits lorsque le principe de leur exigibilité est révélé par l’acte lui-même. Elle souligne qu’à aucun moment de son contrôle, l’administration n’a invoqué la dissimulation ou contesté la situation et la consistance du fonds ; qu’elle a invoqué pour la première fois une telle dissimulation sans la moindre preuve dans ses conclusions en défense du 5 mars 2015 ; que le tribunal a confondu la notion de dissimulation et celle d’insuffisance de prix ; qu’ainsi que l’a retenu la Cour de cassation dans un arrêt du 7 mars 1995, la prescription abrégée est applicable lorsque les éléments de l’actif taxable sont intégralement déclarés, et notamment que le prix stipulé est effectivement payé, c’est-à-dire qu’il n’y a pas dissimulation de prix et que seule est en cause la valeur vénale ; qu’en l’espèce il n’est ni démontré ni même allégué du versement d’un « dessous de table » et que la déclaration établie sur l’imprimé administratif no 2672 qui a été remplie lors de la cession a uniquement pour but de porter le fait juridique à la connaissance de l’administration en précisant la nature et la valeur du fonds cédé mais ne constitue en aucun cas un calcul détaillé de la valeur vénale du fonds qu’elle n’avait pas à effectuer. Elle rappelle que la transaction litigieuse concernait des sociétés d’un groupe coté sur les bourses mondiales et dotées d’une comptabilité certifiée et insiste sur le fait qu’aucune preuve de dissimulation n’existe, ce qui doit conduire la cour à appliquer la prescription abrégée.

A titre subsidiaire, elle indique que l’article L 57 du livre des procédures fiscales énonce que, pour rectifier le prix ou l’évaluation d’un fonds de commerce ou d’une clientèle, en application de l’article L .17, l’administration se fonde sur la comparaison avec la cession d’autres biens et que l’obligation de motivation en fait est remplie par l’indication :

1o Des dates de mutation considérées ;

2o De l’adresse des fonds ou lieux d’exercice des professions ;

3o De la nature des activités exercées ;

4o Et des prix de cession, chiffres d’affaires ou bénéfices, si ces informations sont soumises à une obligation de publicité ou, dans le cas contraire, des moyennes de ces données chiffrées concernant les entreprises pour lesquelles sont fournis les éléments mentionnés aux 1o, 2o et 3o.

Et elle fait valoir que, non seulement l’administration n’a pas fourni les informations requises dans sa proposition de rectification du 10 décembre 2013, mais qu’elle ne les a pas apportées non plus devant le tribunal ou cette cour puisque ne figurent dans son tableau de comparables ni l’adresse où l’activité est exercée, ni la nature de cette activité (chimie de base, de spécialité, agrochimie, à destination de l’électronique ou s’il s’agit de fabrication et/ou de commercialisation, ni le mode d’exploitation (fabrication à compte propre ou en qualité de façonnier, distribution classique, ou encore distribution à risques limités, en qualité de commissionnaire, ou les fonctions exercées, les actifs utilisés et les risques assumés, et les marchés géographiques couverts), ni les prix de cession. Elle affirme qu’en procédant ainsi l’administration ne respecte pas ses obligations légales ni même sa doctrine publiée qui l’empêchent de prétendre que, pour fonder ses redressements, elle ne doit fournir que des moyennes alors qu’une telle disposition ne s’applique qu’aux chiffres d’affaires ou bénéfices des entreprises individuelles ou des sociétés autres que les sociétés par actions ou S.A.R.L. et soutient qu’elle la prive ainsi d’un débat contradictoire.

Elle prétend également que, du 23 juin 2010 au 18 novembre 2011, l’administration fiscale a procédé à une vérification de comptabilité du cessionnaire, la société ROHM AND HAAS EUROPE TRADING APS sur les exercices 2007, 2008 et 2009 et a elle-même fixé à 1,65% pour 2008 et 2009 le taux de marge à retenir pour déterminer la rentabilité et la valorisation du fonds de commerce de distribution de produits chimiques exploité par la société vérifiée dont le fonds incorpore celui qui lui a été cédé par MORTON INTERNATIONAL et porte sur les mêmes produits vendus sur les mêmes marchés avec la même force de vente. Et elle affirme que le taux de marge de 8,32% retenu pour valoriser la vente du fonds litigieux est donc incohérent avec ce taux de 1,65%. Elle souligne en effet que la valorisation d’un fonds de commerce ne saurait être déconnectée de sa rentabilité; que l’application du taux de 1,65% au chiffre d’affaires annualisé de 2007 d’un montant de 43.238.000 euros indiqué par l’intimé aboutit à un résultat de 713.427 euros ce qui démontre que le prix de 800.000 euros déclaré et payé correspondait à la valorisation du fonds. Et elle précise que l’argumentation de l’intimée de ce que le taux de 1,56% ne peut être retenu comme ayant été appliqué à une société différente le modèle économique et organisationnel du groupe ROHM AND HAAS ayant été mis en place dès le premier juillet 2007 et s’appliquant uniformément dans les différentes sociétés dans lesquelles les taux de marge, et donc de rentabilité correspondante, sont identiques. Elle soutient également qu’il ne saurait y avoir une valeur différente pour un même bien en matière d’impôt sur les sociétés ou de droits d’enregistrement.

Et elle ajoute à ses explications en soulignant qu’elle a entièrement respecté les dispositions de l’article L.141-1 du code de commerce précisant quelles sont les énonciations devant figurer dans l’acte de cession.

L’État, représenté par le Directeur Régional des Finances Publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de DOW FRANCE à lui verser une indemnité de procédure de 2.000 euros ainsi qu’à supporter les dépens.

Il fait valoir qu’il a eu recours à la méthode consistant à déterminer, à partir des déclarations déposées par différentes sociétés exerçant la même activité, une valeur moyenne de cession de fonds de commerce afférents au secteur de la chimie et communique le tableau comprenant les éléments retenus qui lui a permis de déterminer un taux moyen de cession représentant 8,32% du chiffre d’affaires. Il rappelle que le chiffre d’affaires de MORTON INTERNATIONAL s’est élevé en 2007 à 38.521.466 euros et le bénéfice à 779.018 euros et soutient que la valeur vénale du fonds de commerce était de 3.204.986 euros ( 38 .521.466 x 8,32%) et qu’il y a donc eu une minoration de la valeur de 2.404 .86 euros (3.204.986 euros – 800.000 euros).

Il affirme que les conditions requises pour l’application de la prescription abrégée visée par l’article L.180 du livre des procédures fiscales n’étant pas réunies, est applicable le délai de reprise de six ans visé à l’article L 186 du même livre. Il rappelle que le délai de trois années prévu par le premier de ces textes n’est opposable à l’administration que si l’exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures ; qu’en l’espèce, l’acte de cession ne décrit pas la méthode d’évaluation retenue par les parties pour évaluer le fonds de commerce cédé et ne comprend pas le détail des paramètres retenus dans le cadre de cette évaluation ; qu’à l’issue de la vérification de comptabilité portant sur les exercices 2008 et 2009 de MORTON INTERNATIONAL, ses services ont donc été dans l’obligation d’effectuer des recherches ultérieures de comparables afin de déterminer la valeur vénale du fonds de commerce et qu’il est donc fondé à faire application de la prescription de six ans prévue à l’article L.186 du livre des procédures fiscales.

Il précise que l’appelante ne peut soutenir que l’administration fiscale et le tribunal auraient commis une confusion entre les notions d’exigibilité et de liquidation des droits puisqu’il résulte de la décision de la Cour de cassation citée par l’appelante elle-même que la prescription abrégée est applicable lorsque les éléments de l’actif taxable sont intégralement déclarés, à savoir le prix effectivement payé, et que seule est en cause leur valeur vénale réelle et que le délai de trois ans n’est opposable à l’administration que si l’exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité.

Il soutient qu’il était fondé à retenir le chiffre d’affaires afférent à l’année 2004, afin d’évaluer le fonds de commerce cédé ; que la cession est certes intervenue le 1er juillet 2007 mais que le chiffre d’affaires de 2004 est inférieur à celui de l’année 2007 qui s’élève à 43.200.000 euros (soit le chiffre d’affaires de 21.619. 000 euros constaté à la date de cession du fonds au 30 juin 2007 extrapolé au 31 décembre 2007) et que le chiffre de l’année 2004 est cohérent avec la moyenne des chiffres d’affaires annuels générés par le fonds sur la période 2004-2007 qui s’élève à 38,8 millions d’euros. Il précise que le taux de marge de 8,32% résulte des éléments de comparaison et que l’appelante ne saurait se prévaloir d’une décision prise à l’égard de la société ROHM AND HAAS EUROPE TRADING APS avec application d’un taux de 1,65% alors qu’un tel pourcentage n’est pas susceptible de constituer une prise de position formelle de l’administration sur l’application d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal et qu’au surplus, il suffit de prendre connaissance de cette décision pour s’apercevoir qu’elle concerne l’impôt sur les sociétés au titre de l’année 2008 postérieure à la date du présent litige. Il rappelle qu’en matière de comparables, l’administration est seulement tenue, en raison de la règle du secret professionnel, de fournir au contribuable la liste des cédants et des cessionnaires ainsi que la date à laquelle les cessions se sont réalisées et souligne que, dans sa réponse du 29 janvier 2014 à la proposition de rectification, la société appelante s’est abstenue de formuler la moindre observation sur la pertinence de ces comparables.

Il fait valoir que lui est due en application de l’article 719 du code général des impôts la somme de 62.530 euros (rappel net 83.908 euros – 21 378 euros au titre de l’impôt déjà acquitté) outre celle de 33.670 euros au titre de la taxe additionnelle départementale et celle de 24.050 euros au titre de la taxe additionnelle communale.

CELA ETANT EXPOSE, LA COUR :

Attendu qu’aux termes de termes de l’article 180 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable au litige : « Pour les droits d’enregistrement, la taxe de publicité foncière, les droits de timbre, ainsi que les taxes, redevances et autres impositions assimilées, le droit de reprise de l’administration s’exerce jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle de l’enregistrement d’un acte ou d’une déclaration ou de l’accomplissement de la formalité fusionnée définie à l’article 647 du code général des impôts (

) Toutefois, ce délai n’est opposable à l’Administration que si l’exigibilité des droits et taxes a été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité (

) sans qu’il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures » ;

Attendu que l’application de la prescription abrégée de trois années est donc soumise aux conditions cumulatives de la connaissance par l’administration des droits omis et de l’établissement d’une manière certaine par l’acte ou la déclaration de l’exigibilité de ces droits sans qu’il soit nécessaire, pour l’administration fiscale, de recourir à des recherches ultérieures ;

Que les parties s’opposent en réalité sur ce que recouvre le terme « recherches ultérieures » employé par l’article L.189 du livre des procédures fiscales ;

Attendu qu’il est constant que l’acte de cession remplit les conditions imposées par l’article L.141-1 du code de commerce qui prévoit que le vendeur est tenu d’énoncer:

1o Le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel;

2o L’état des privilèges et nantissements grevant le fonds ;

3o Le chiffre d’affaires qu’il a réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans ;

4o Les résultats d’exploitation réalisés pendant le même temps ;

5o Le bail, sa date, sa durée, le nom et l’adresse du bailleur et du cédant, s’il y a lieu;

Que cependant, l’autonomie du droit fiscal empêche de retenir que le respect de ces dispositions suffit pour démontrer que l’administration était suffisamment informée et n’avait pas à procéder à des recherches ultérieures ;

Attendu que l’appelante se livre à une extrapolation sans pertinence de l’arrêt rendu le 7 mars 1995 par la Cour de cassation (numéro de pourvoi 92-12.234) en prétendant qu’il en résulte que la déclaration du prix effectivement payé suffit pour appliquer la prescription abrégée alors que, dans cette décision, la Haute Cour a simplement retenu que la prescription prévue par l’article L.186 du livre des procédures fiscales est applicable lorsque rien, dans l’acte de vente, ne permet de révéler une dissimulation du prix ;

Qu’il ne saurait en effet être déduit d’une telle décision que la simple déclaration du prix de vente suffit pour éclairer entièrement l’administration fiscale ;

Que la documentation administrative 13 L-1214 communiquée par l’appelante n’est pas plus éclairante puisqu’elle indique que « si un doute subsiste quant à l’exigibilité des droits et s’il est nécessaire, pour en apporter la preuve, de procéder à des recherches quelconques, notamment par rapprochement de divers actes ou déclarations et examen de circonstances extrinsèques , le délai de prescription abrégée de s’applique pas » ;

Qu’il sera cependant noté qu’elle précise en bas de la page 35 « Par contre, il n’est pas exigé que l’écrit révélateur contienne tous les éléments indispensables à la liquidation des droits » ;

Que l’appelante fait en substance valoir que « les recherches ultérieures » visées par l’article L.180 du livre des procédures fiscales sont celles ayant pour but de démontrer l’exigibilité des droits et qu’il n’est pas nécessaire que la déclaration enregistrée permette de calculer exactement le montant de ces derniers de sorte qu’il suffit que celui-ci contienne la preuve de l’existence d’une créance de l’administration portant sur des droits d’enregistrement déterminés ;

Et attendu que c’est effectivement en ce sens que la chambre commerciale interprète l’article L.180 du livre des procédures fiscales ;

Qu’elle a ainsi précisé, le 30 mai 2007 (pourvoi no 0614236), « que la prescription décennale (qui était celle de l’article L.86 du livre des procédures fiscales avant la réforme de la prescription) n’est applicable qu’en cas d’omission ou d’inexactitude de nature à influer sur la détermination de la base imposable » mais « que la prescription triennale est applicable lorsque la contestation de l’administration porte sur la valeur des biens ou droits régulièrement déclarés » ;

Attendu qu’il est constant que l’acte de cession remplit les conditions imposées par l’article L.141-1 du code de commerce qui prévoit que le vendeur est tenu d’énoncer:

1o Le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel;

2o L’état des privilèges et nantissements grevant le fonds ;

3o Le chiffre d’affaires qu’il a réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans ;

4o Les résultats d’exploitation réalisés pendant le même temps ;

5o Le bail, sa date, sa durée, le nom et l’adresse du bailleur et du cédant, s’il y a lieu;

Que, même si l’autonomie du droit fiscal empêche de retenir que le respect de ces dispositions suffit pour démontrer que l’administration était suffisamment informée et n’avait pas à procéder à des recherches ultérieures, il n’en demeure pas moins que les indications données par la société MORTON INTERNATIONAL dans la déclaration de cession permettaient de déterminer la consistance réelle des biens cédés;

Que l’article L.180 du livre des procédures fiscales se réfère à la détermination de la base imposable, c’est-à-dire des biens et droits assujettis à l’impôt, et non à l’évaluation de cette base imposable, c’est à dire à la valeur des biens et droits déclarés, évaluation qui demeure soumise à la prescription abrégée en l’absence de dissimulation ;

Que l’intimé ne démontre pas – et ne prétend même pas- que le prix de cession réel aurait été dissimulé et qu’il n’aurait connu le véritable prix qu’en opérant des recherches lui ayant permis de découvrir une fraude ou une absence de déclaration d’un ou plusieurs éléments précis ;

Attendu que la déclaration de mutation du fonds de commerce litigieuse, qui a été enregistrée le 31 juillet 2007 par l’administration fiscale, indique que le fonds a été vendu moyennant le prix de 800.000 euros concernant l’intégralité des éléments incorporels et matériels ;

Qu’elle précise non seulement les chiffres d’affaires des trois dernières années mais également les bénéfices de ces mêmes années ;

Que même si, par erreur, les trois périodes renseignées mentionnent toutes qu’elles vont du premier janvier 2004 au 31 décembre 2004, l’intimé ne prétend pas que cette erreur de plume l’aurait induit en erreur et qu’il est clair que les trois périodes renseignées correspondaient aux années 2004, 2005 et 2006 ;

Qu’il en résulte que l’administration fiscale savait, dès le 31 juillet 2007, que MORTON INTERNATIONAL avait enregistré des chiffres d’affaires de :

—  38.521.466 euros en 2004

—  36.820.849 euros en 2005

—  37.039.952 euros en 2006

ainsi que des bénéfices de :

—  779.018 euros en 2004

—  854.761 euros en 2005

—  1.334.698 euros en 2006 ;

Qu’elle ne fait pas état, devant cette cour, d’éléments extrinsèques ou de révélations lui ayant permis de parfaire cette déclaration et qu’elle pouvait, au regard de la déclaration complète qui lui avait été ainsi adressée, connaître immédiatement le pourcentage appliqué par les parties au chiffre d’affaires et aux bénéfices pour déterminer le prix de vente ;

Qu’il résulte de ses propres écritures que, pour procéder à un rappel de droits complémentaires, elle a appliqué une méthode consistant à déterminer, à partir des déclarations déposées par différentes sociétés exerçant la même activité, une valeur moyenne de cession de fonds de commerce afférente au secteur de la chimie pour un taux moyen de 8,32% du chiffre d’affaires ;

Qu’elle ne saurait dès lors prétendre comme elle le fait « qu’au cas particulier, l’acte de cession ne décrit pas la méthode d’évaluation retenue par les parties pour évaluer le fonds de commerce cédé, ni ne comprend le détail des paramètres retenus dans le cadre de cette évaluation » puisqu’elle n’a pas recherché quelle était la méthode d’évaluation appliquée par les parties ni le détail des paramètres qu’elles avaient retenus mais s’est contentée d’opérer une comparaison du taux moyen appliqué au chiffre d’affaires lors de cessions qu’elle a estimées semblables ;

Qu’elle avait pu constater, au regard de la déclaration qu’elle avait reçue quel était le taux appliqué au chiffre d’affaires lors de la cession de la société MORTON INTERNATIONAL et que, s’étant exclusivement fondée, au regard des énonciations de son propre tableau, sur des cessions intervenues avant celle aujourd’hui litigieuse, elle ne justifie aucunement avoir dû procéder à des « recherches ultérieures » au sens de l’article L 180 du livre des procédures fiscales ;

Attendu en conséquence qu’il sera retenu que la déclaration de cession portée à la connaissance de l’administration révélait à elle seule, c’est-à-dire de manière directe et certaine au vu de ses seules énonciations, l’exigibilité du fait juridique imposable, et ce, sans qu’il soit besoin de recourir à des éléments extérieurs à l’acte enregistré ;

Que les conditions requises pour l’application de la prescription abrégée étant réunies, le délai de reprise de longue durée prévu par l’article L 186 du livre des procédures fiscales n’est pas applicable au litige ;

Attendu que la déclaration de mutation enregistrée par l’administration fiscale le 31 juillet 2007 est l’acte révélateur faisant courir le délai de prescription et que le délai de prescription abrégée applicable expirait dès lors le 31 décembre 2011 ;

Que l’Etat était donc prescrit lorsqu’il a, le 10 décembre 2013, adressé une proposition de rectification réclamant paiement de 120.250 euros ;

Attendu que ce n’est en conséquence que surabondamment qu’il sera relevé que le tableau des comparables dressé par l’intimé ne respecte pas les dispositions de l’article L.57 du livre des procédures fiscales puisqu’il ne mentionne pas l’adresse des fonds vendus ni la nature des activités exercées mais se contente de mentionner les noms des cédants et des cessionnaires et les dates de cession et que les éléments produits par l’Etat français ne permettaient aucunement de fonder sa demande en paiement ;

Attendu dès lors qu’il convient, par infirmation de la décision déférée, de débouter l’Etat français de toutes ses demandes et de le condamner à supporter les dépens de l’instance ainsi qu’à verser à l’appelante l’indemnité de procédure stipulée au dispositif du présent arrêt ;

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise,

STATUANT À NOUVEAU,

CONDAMNE l’État français, représenté par le Directeur Régional des Finances Publiques d’Ile-de-France et du département de Paris à payer à la société DOW FRANCE SAS la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l’État français, représenté par le Directeur Régional des Finances Publiques d’Ile-de-France et du département de Paris, aux dépens de première instance et d’appel.

Arrêt signé par Madame Elisabeth HOURS, Conseiller présidant la collégialité, et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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Cour d'appel d'Orléans, 22 août 2019, 18/021731