Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 25 janvier 2013, n° 11/02279

  • Faits antérieurs à l'inscription de la cession au registre·
  • Transmission des droits de propriété intellectuelle·
  • Sur le fondement du droit des dessins et modèles·
  • Inscription au registre communautaire·
  • Inscription au registre international·
  • Opposabilité de la cession du titre·
  • Titularité des droits sur le modèle·
  • Cessionnaire du fonds de commerce·
  • Identification du modèle invoqué·
  • Cessionnaire d'éléments d'actif

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le titulaire des modèles communautaire et international a acquis ces titres à la suite d’une cession d’actifs appartenant à une société et comprenant un fonds de commerce composé des éléments incorporels. Il ne peut opposer ses droits sur les modèles qu’à compter de l’inscription de l’acte de cession sur les différents registres de dessins ou modèles. Les droits sur les modèles ne sont pas opposables du fait de la publicité de la cession du fonds de commerce au BODACC. De plus, les dispositions de l’article L. 513-3 du CPI prévoyant qu’avant son inscription au registre, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de l’acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l’acquisition de ces droits, sont invoquées en vain en l’espèce. À la suite d’une ordonnance en référé ayant prononcé des mesures d’interdiction provisoire sur le fondement de la concurrence déloyale, la société condamnée, qui est poursuivie au fond dans la présente instance, a cessé de commercialiser les produits litigieux. Le préjudice financier en résultant doit être réparé.

Chercher les extraits similaires

Sur la décision

Texte intégral

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRET DU 25 JANVIER 2013

(n° 016, 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/02279.

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Janvier 2011 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 4ème Section – RG n° 09/18872.

APPELANTE :

SAS SPLASH-TOYS

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 1],

représentée par la SCP BOLLING – DURAND – LALLEMENT en la personne de Maître Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480,

assistée de Maître Gwénaelle LEROY plaidant pour Maître Jean-Michel HATTE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 539.

INTIMÉE :

SAS SMOBY TOYS

prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social lieu-dit [Adresse 8],

représentée par la SCP FISSELIER – CHILOUX – BOULAY en la personne de Maître Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044,

assistée de Maître Géraldine MICHEL du Cabinet FIDAL, avocat au barreau de LYON.

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 6 décembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,

Monsieur Dominique COUJARD, président de chambre,

Madame Sylvie NEROT, conseillère.

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.

ARRET :

Contradictoire,

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

— signé par Madame Sylvie NEROT, en l’empêchement du Président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.

La société SMOBY TOYS créée en 2008 et qui est spécialisée dans la fabrication et la vente de jeux et jouets pour enfants revendique un dessin et modèle international n° DM/062 068 'Chariot de bricolage’ déposé le 28 octobre 2002 et renouvelé le 28 octobre 2007 ainsi qu’un dessin et modèle communautaire n° 000 269 105-0007 'Etabli de bricolage’ déposé le 14 décembre 2004 et renouvelé le 13 novembre 2009 ;

Ayant appris que la société SPLASH TOYS contrefait, selon elle, sous la dénomination 'Mecaboy-chariot de bricolage’ son modèle international déposé 'chariot de bricolage', la société SMOBY TOYS, après y avoir été judiciairement autorisée, a fait procéder le 20 octobre 2009 à des opérations de saisie-contrefaçon au siège social de ladite société à [Localité 3] ;

Elle apprenait également que la société SPLASH TOYS commercialisait de plus un produit dénommé 'Mecaboy-Etabli Bricolo’ lequel contreferait son modèle communautaire 'Etabli de bricolage';

Par acte du 17 novembre 2009, la société SMOBY TOYS assignait la société SPLASH TOYS devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon qui, par ordonnance du 1er décembre 2009, décidait que la vente des jouets litigieux 'Chariot de bricolage’ et 'Etabli de bricolage’ était constitutive d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;

Le 14 décembre 2009, la société SMOBY TOYS assignait la société SPLASH TOYS devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de dessins et modèles et en concurrence déloyale ;

Par jugement prononçant l’exécution provisoire pour les condamnations assorties d’une astreinte du 27 janvier 2011, le tribunal a :

— dit que la société SMOBY TOYS est irrecevable à poursuivre la contrefaçon du modèle international n° DM/062 068 de chariot de bricolage et du modèle communautaire 000 269 105-0007 d’établi de bricolage avant respectivement le 13 octobre et le 6 novembre 2009,

— rejeté les demandes fondées sur la contrefaçon de ces deux modèles,

— dit qu’en reproduisant quasiment servilement le chariot et l’établi SMOBY, la société SPLASH TOYS a commis à l’encontre de la société SMOBY TOYS des actes de concurrence déloyale et de parasitisme,

— fait interdiction à la société SPLASH TOYS de poursuivre la commercialisation de l’établi et du chariot de bricolage sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passée la signification du jugement,

— dit n’y avoir lieu à confiscation,

— condamné la société SPLASH TOYS à verser à la société SMOBY TOYS la somme provisionnelle de 100.000 euros sur l’indemnisation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire,

— enjoint à la société SPLASH TOYS de communiquer à la société SMOBY TOYS une attestation de son commissaire aux comptes relatif au nombre de produits vendus, au montant de son chiffre d’affaires et du bénéfice qu’elle a réalisé en 2009 par la vente de l’établi et du chariot de bricolage dans le délai de deux mois suivant la signification et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai pendant quatre mois,

— réservé la liquidation de l’astreinte,

— rejeté les demandes de publication du jugement et d’envoi d’un courriel aux clients de la société SPLASH TOYS,

— rejeté la demande reconventionnelle en dommages intérêts de la société SPLASH TOYS,

— condamné la société SPLASH TOYS à payer à la société SMOBY TOYS la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société SPLASH TOYS aux entiers dépens ;

Vu l’appel interjeté le 7 février 2011 par la société SPLASH TOYS ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 31 octobre 2012 par lesquelles la société SPLASH TOYS demande à la cour au visa de l’article L.511-1 du code de la propriété intellectuelle et 1382 du code civil de :

— confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé qu’elle ne s’était pas rendue coupable de contrefaçon à l’égard de la société SMOBY TOYS,

— de l’infirmer pour le surplus et de débouter la société SMOBY TOYS de toutes ses demandes,

— de la condamner à lui payer la somme de 200.000 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice commercial et celle de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 novembre 2012 par lesquelles la Société SMOBY TOYS demande à la cour au visa des articles L.511-1, L.511-9, L.513-4, L.513-5, L.521-1, L.521-5 et L.521-7 du code de la propriété intellectuelle, 1382 du code civil de :

— dire que la société SPLASH TOYS a commis des actes de contrefaçon de ses modèles international n° DM/062 038 et communautaire n° 000 269 105 -0007,

— d’infirmer en conséquence le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la société SPLASH TOYS n’avait pas commis d’actes de contrefaçon à son encontre,

— de condamner la société SPLASH TOYS à lui verser la somme de 153.000 euros en réparation de son préjudice du fait des actes de contrefaçon,

— de dire que la société SPLASH TOYS a commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice,

— de confirmer en conséquence le jugement déféré en ce qu’il a jugé qu’en reproduisant quasi servilement le chariot et l’établi SMOBY, la société SPLASH TOYS a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre,

— de condamner la société SPLASH TOYS à lui payer la somme de 1.000.000 euros en réparation du préjudice résultant de ces actes de concurrence déloyale,

— d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé qu’il n’y a pas lieu à confiscation,

— d’ordonner la confiscation de la totalité des produits contrefaisants détenus par la société SPLASH TOYS aux fins de destruction aux frais exclusifs supportés par la société SPLASH TOYS sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la signification du jugement (sic),

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demande de publication et d’envoi de courrier aux clients de la société SPLASH TOYS,

— d’ordonner la publication du jugement (sic) à intervenir dans trois journaux ou revues professionnelles de son choix et aux frais de la société SPLASH TOYS sans que ces frais n’excèdent la somme de 7.000 euros hors taxes par insertion supportée,

— d’ordonner la publication du jugement (sic) à intervenir sur le site habituel de la société SPLASH TOYS et ceci avec un lien hypertexte apparent sur la première page dans un police de taille 20 points au moins, mentionnant 'La société SPLASH TOYS condamnée pour avoir commercialisé des produits dénommées 'MECABOY – Chariot bricolage’ et 'MECABOY Etabli bricolo’ constitutifs de contrefaçon des modèles de la société SMOBY TOYS et ce pendant une durée de trois mois aux seuls frais de la société SPLASH TOYS et sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,

— d’ordonner à la société SPLASH TOYS d’adresser un courriel à chacun de ses clients avec l’objet suivant : 'MECABOY – Chariot bricolage’ et 'MECABOY Etabli bricolo’ constitutifs de contrefaçon des modèles de la société SMOBY TOYS et contenant le texte suivant : 'Madame, Monsieur, par jugement en date du……, la cour d’appel de Paris a reconnu que nos produits dénommés 'MECABOY – Chariot bricolage’ et 'MECABOY – Etabli bricolo’ constituaient des contrefaçons de modèles de la société SMOBY TOYS SAS. Nous avons en conséquence été condamnés à […]', à compléter selon le dispositif du jugement rendu par le tribunal de céans,

— de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a fait interdiction à la société SPLASH TOYS de poursuivre la commercialisation de l’établi et du chariot de bricolage sous astreinte,

— d’interdire en conséquence à la société SPLASH TOYS de commercialiser le produit litigieux et tous accessoires y afférents sous astreinte de 5.000 euros par jour et par produit à compter de la signification du prononcé du jugement à intervenir,

— de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande reconventionnelle en dommages intérêts de la société SPLASH TOYS,

— de confirmer le jugement en ce qu’il a ordonné l’exécution provisoire des condamnations assorties d’une astreinte,

— d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société SPLASH TOYS à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et d’élever ce montant à la somme de 20.000 euros au même titre,

— de condamner la société SPLASH TOYS aux entiers dépens qui comprendront les frais et dépens des procès-verbaux ;

SUR QUOI, LA COUR :

Sur la titularité des droits de la société SMOBY TOYS sur le modèle international n° DM/062 068 'Chariot de bricolage’ déposé le 28 octobre 2002 et renouvelé le 28 octobre 2007 ainsi que sur le modèle communautaire n° 000 269 105-0007 'Etabli de bricolage’ déposé le 14 décembre 2004 et renouvelé le 13 novembre 2009 :

La société SMOBY TOYS soutient être titulaire de droits sur les deux modèles de jouet sus-visés tandis que la société SPLASH TOYS les lui conteste au motif que les jugements du tribunal de commerce de Lons le Saunier du 3 mars 2008 (Pièces n° 35 et 35a du dossier Smoby Toys) ordonnant la cession des actifs de la société SMOBY à la société SIMBA (Procédure n°2007RJ0027) et de la société GROUPE BERCHET à la société SIMBA DICKIE GROUP (Procédure 2007RJ0026) ne comportaient aucune mention quant à la cession des titres de propriété industrielle et notamment des deux modèles litigieux ;

Il résulte des jugements portant sur la procédure collective de la société SMOBY et de la

société GROUPE BERCHET que le tribunal de commerce de Lons le Saunier (Pièce n° 5 du dossier Splash Toys) a 'ordonné la cession à la société SIMBA [et à la société SIMBA DICKIE GROUP] des actifs ci-dessous énumérés dépendant du redressement judiciaire de la société SMOBY, dans les conditions suivantes :

— l’ensemble des éléments incorporels

les clientèles et les achalandages attachés,

les noms et les enseignes,

les marques,

les droits de distribution des marques existantes,

les licences de distribution existantes,

l’ensemble des logiciels destinés à la gestion administrative, technique et commerciale du fonds de commerce (transfert par remise des sources et de leurs documentations)

les carnets de commande en cours,

le bénéfice des lignes téléphoniques identifiées sous les numéros actuels utilisés par la société SMOBY et des télécopies en service,

les noms de domaine internet,

— les actifs immobiliers suivants : ……………..'

La société SMOBY TOYS indique que la société SIMBA DICKIE GROUP a, par acte du 25 janvier 2008, présenté une offre complétée par un document contenant des informations complémentaires en date du 20 février 2008 intitulé 'Offre de reprise commune Ecoiffier/Simba Dickie Group – informations complémentaires du 20/02/2008" qui contient un tableau récapitulatif énumérant les actifs repris (Pièce 34 du dossier Smoby Toys) ;

Mais outre le fait que ce document vise les éléments incorporels tels que repris par les jugements du tribunal de commerce du 3 mars 2008 les ont ensuite repris (Pages 7 et 8), le document en annexe qui indique 'A préciser’ dans la colonne 'Observations des administrateurs judiciaires pour permettre au candidat d’améliorer son offre’ et 'Voir offre, concerne tous les modèles’ dans la colonne 'Précisions et améliorations de l’offre apportées par le candidat’ ne contient aucune indication précise susceptible de démontrer que les deux modèles litigieux ont été effectivement acquis par la société SIMBA DICKIE GROUP ;

Pour pallier cette carence, la société SMOBY TOYS venant aux droits de la société SIMBA DICKIE GROUP, sans que cela ne soit contesté, verse aux débats un acte confirmatif de cession de titre de propriété industrielle, non daté, conclu entre la société GROUPE BERCHET et la société SMOBY d’une part, et la société SMOBY TOYS d’autre part, duquel il résulte que le modèle international n° DM/062 068 'Chariot de bricolage’ déposé le 28 octobre 2002 et renouvelé le 28 octobre 2007 et le modèle communautaire n° 000 269 105-0007 'Etabli de bricolage’ déposé le 14 décembre 2004 et renouvelé le 13 novembre 2009 lui ont été cédés (Pièce n° 5 Annexe 4 du dossier Smoby Toys) ;

Elle produit également un acte sous seing privé daté du 23 janvier 2009 par lequel la société SMOBY et la société GROUPE BERCHET déclarent céder à la société SMOBY TOYS les actifs appartenant à la société SMOBY comprenant un fonds de commerce composé des actifs incorporels, et notamment 'les titres de propriété industrielle à savoir : les marques, dessins modèles et brevet de SMOBY (Annexe 3)' lesquels mentionnent le modèle communautaire n° 000 269 105-0007 (Page 2) et le modèle international DM/062 068 (Page 3) (Pièce n°29 du dossier Smoby Toys) ;

Il résulte ainsi du document sus-visé signé par les administrateurs judiciaires et mandataires ad hoc des sociétés SMOBY et GROUPE BERCHET, spécialement habilités par les deux jugements du tribunal de commerce de Lons le Saunier du 3 mars 2008, que le modèle international n° DM/062 068 'Chariot de bricolage’ déposé le 28 octobre 2002 et renouvelé le 28 octobre 2007 ainsi que le modèle communautaire n° 000 269 105-0007 'Etabli de bricolage’ déposé le 14 décembre 2004 et renouvelé le 13 novembre 2009 ont été, contrairement à ce que soutient la société SPLASH TOYS, régulièrement cédés à la société SMOBY TOYS ;

Sur l’opposabilité de l’acte de cession portant sur le modèle international n° DM/062 068 'Chariot de bricolage’ déposé le 28 octobre 2002 et renouvelé le 28 octobre 2007 ainsi que sur le modèle communautaire n° 000 269 105-0007 'Etabli de bricolage’ déposé le 14 décembre 2004 et renouvelé le 13 novembre 2009

— S’agissant du modèle communautaire

Conformément à l’article 33 du Règlement (CE) n°6/2002, l’opposabilité aux tiers des actes juridiques visés aux articles 28 (transfert du dessin ou modèle communautaire enregistré), 29, 30 et 32 est régie par la législation de l’Etat membre déterminé conformément à l’article 27 ;

Le paragraphe 2 précise que pour les dessins et modèles communautaires enregistrés, les actes juridiques visés aux articles 28, 29 et 32 ne sont opposables aux tiers, dans tous les Etats membres, qu’après leur inscription au registre, à moins qu’avant son inscription, un tel acte ne soit opposable aux tiers qui ont acquis des droits sur les dessins et modèles communautaires enregistrés après la date de cet acte, mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l’acquisition de ces droits ;

— S’agissant du modèle international

L’article 14 de l’Acte de Genève du 2 juillet 1999 pris en considération de l’acte de l’Arrangement de La Haye du 6 novembre 1925 prévoit que les effets de l’enregistrement international des dessins ou modèles sont identiques à ceux d’une demande selon la législation applicable ;

L’article L.513-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que tout acte modifiant ou transmettant les droits attachés à un dessin ou modèle déposé n’est opposable aux tiers que s’il est inscrit au registre national des dessins et modèles ;

Il résulte de ces textes que les premiers juges ont ainsi à juste titre considéré que l’acte de cession daté du 23 janvier 2009 opérant le transfert de la propriété des modèles au profit de la société SMOBY TOYS ne pouvait être opposé à la société SPLASH TOYS qu’à compter des inscriptions effectuées sur les différents registres concernés (soulignement de la cour) et non de leur publication comme le prétend à tort la société SPLASH TOYS ;

La société SMOBY TOYS justifie de l’inscription de l’acte de cession sus-visé au registre des dessins ou modèles communautaire du modèle n° 000 269 105-0007 le 13 novembre 2009 (Pièce n° 12 du dossier Smoby Toys) et le 13 octobre 2009 pour le modèle international DM/062 038 (Pièce n°39 du dossier Smoby Toys) ;

Il s’en évince que la société SMOBY TOYS ne peut opposer ses droits à l’égard de la société SPLASH TOYS sur ces deux modèles qu’à compter du 13 novembre 2009 pour le modèle communautaire et du 13 octobre 2009 pour le modèle international ;

Elle ne saurait donc valablement soutenir que la cession des modèles enregistrés est opposable à la société SPLASH TOYS quand bien même les modèles n’auraient pas été transcrits sur les registres des dessins ou modèles du fait de la publicité de la cession du fonds de commerce réalisée au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales le 10 avril 2008 (Pièce n° 1 du dossier Smoby Toys) ;

En effet, les formalités d’inscription des dessins ou modèles aux registres prévus par des dispositions spéciales du code de la propriété intellectuelle ne sont pas de même nature que celles qui s’appliquent à la publicité relative aux fonds de commerce ; elles sont indépendantes de celles exigées par les dispositions de l’article L.141-12 du code de commerce, lesquelles ont pour objet de protéger les créanciers contre la disparition de leur gage et ne répondent par conséquent pas aux mêmes fins, pour preuve la publication n° 468 au BODACC 'A'(Pièce n° 30 du dossier Smoby Toys) qui ne comporte aucune indication sur le transfert de droits de propriété intellectuelle ;

C’est en vain que la société SMOBY TOYS invoque encore les dispositions de l’alinéa 2 de l’article L.513-3 du code de la propriété intellectuelle qui prévoient qu’avant son inscription, un acte est opposable aux tiers qui ont acquis des droits après la date de cet acte mais qui avaient connaissance de celui-ci lors de l’acquisition de ces droits dans la mesure où elle ne démontre pas que la société SPLASH TOYS, à qui elle oppose ses droits sur les modèles déposés, a eu connaissance de la publication de l’acte de cession du fonds de commerce ;

Les communiqués de presse (Pièce n° 31 du dossier Smoby Toys) opposés par la société SMOBY TOYS à la société SPLASH TOYS ne sauraient certainement pas correspondre à l’exigence de connaissance de l’acquisition de droits par le tiers prévues à l’article sus-visé ;

Sur les actes de contrefaçon imputés à la société SPLASH TOYS par la société SMOBY TOYS

' sur la recevabilité à agir sur le fondement du modèle international n° DM/062 038 (chariot de bricolage)

La société SMOBY TOYS fonde son action en contrefaçon de ce modèle sur la saisie-contrefaçon diligentée le 20 octobre 2009 ;

La requête en saisie-contrefaçon datée du 15 octobre 2009 porte effectivement sur le modèle international n° DM/062 038 (chariot de bricolage) dont la cession a été inscrite au registre des dessins ou modèles international le 13 octobre 2009 (Pièce n°39 du dossier Smoby Toys) ;

La société SMOBY TOYS est par conséquent recevable à agir en contrefaçon sur la base de ce modèle ;

' sur la recevabilité à agir sur le fondement du modèle communautaire n° 000 269 105-0007 (Etabli) :

S’agissant du modèle communautaire n° 000 269 105-0007 (Etabli) dont la cession a été inscrite au registre des dessins et modèles communautaire le13 novembre 2009 (Pièce n° 12 du dossier Smoby Toys), la société SMOBY TOYS fonde sa demande, selon l’assignation du 17 novembre 2009, sur un ticket de caisse émis par la société TOYSRUS portant la date du 24 octobre 2009 mentionnant l’achat d’un article désigné sous les termes 'Mon établi’ et sur un autre ticket émis par la société E.LECLERC daté du 13 octobre 2009 qui indique l’acquisition d’un 'chariot bricolage'(Pièce n° 14 du dossier Smoby Toys) ;

L’acte de cession des droits sur ce modèle communautaire n’ayant pas encore été inscrit au registre des dessins et modèles communautaires aux dates d’acquisition des objets argués de contrefaçon, la société SMOBY TOYS n’est pas recevable à opposer valablement à la société SPLASH TOYS ce modèle communautaire ;

' sur les actes argués de contrefaçon du seul modèle international :

La société SMOBY TOYS fait grief à la société SPLASH TOYS d’avoir importé et commercialisé un 'Etabli bricolo’ reprenant les caractéristiques de son modèle international déposé qu’elle désigne sous le nom de 'Chariot de bricolage’ ;

Elle affirme dans ses dernières conclusions (Page 27) :'Nous voyons bien que les produits importés et commercialisés par la société SPLASH TOYS sont des reproductions des modèles de la société SMOBY TOYS et que l’impression visuelle d’ensemble conférée par les modèles de la société SMOBY TOYS est identique à celle provoquée par la vision des produits litigieux correspondants’ ;

Mais si elle expose à juste titre que le recours au critère du risque de confusion est banni en matière de dessin ou modèle, elle ne fournit en revanche à la cour aucun élément lui permettant d’identifier les caractéristiques qu’elle considère comme protégeables, plaçant ainsi la cour dans l’incapacité d’exercer son contrôle sur les éléments considérés comme suscitant pour l’observateur averti une même impression visuelle lorsque les deux modèles sont opposés;

En effet, tant la cour que la partie adverse ne sauraient se contenter des photographies des modèles déposés insérées dans des conclusions sans que soit précisément décrits les éléments qui caractérisent lesdits modèles aux yeux du titulaire des droits de propriété intellectuelle ;

Cette description est d’autant plus nécessaire qu’elle est destinée à permettre à la partie adverse dans le respect du principe du contradictoire de savoir sur quoi portent précisément les griefs de contrefaçon qui lui sont reprochés ;

Il s’ensuit que la demande en contrefaçon du modèle international n° DM/062 038 (chariot de bricolage) formée par la société SMOBY TOYS à l’encontre de la société SPLASH TOYS sera rejetée ;

En résumé, le jugement déféré qui a déclaré la société SMOBY TOYS irrecevable à poursuivre la contrefaçon du modèle communautaire n° 000 269 105-0007 (Etabli) sera confirmé mais infirmé en ce qu’il a considéré que la société SMOBY TOYS n’était pas recevable à agir en contrefaçon du modèle international n° DM/062 038 (chariot de bricolage) ;

Il sera en revanche infirmé en ce sens que la demande en contrefaçon du modèle international n° DM/062 038 formée par la société SMOBY TOYS à l’encontre de la société SPLASH TOYS doit être rejetée ;

Sur les actes de concurrence déloyale :

Les premiers juges ont à juste titre rappelé que la concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu’un modèle qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions, tenant à l’absence de faute par la création d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle sur l’origine du produit, circonstance attentatoire à l’exercice loyal de la concurrence ;

La société SMOBY TOYS reproche à la société SPLASH TOYS d’avoir commis des actes de concurrence déloyale en copiant servilement ses modèles afin d’obtenir des prix de revient très significativement inférieurs à ceux des produits copiés, la réalisation de copie servile permettant selon elle d’économiser les frais de recherche et de mise au point nécessaires ;

Elle soutient également que les actes commis par la société SPLASH TOYS à son encontre sont constitutifs de parasitisme qui est caractérisé par la circonstance selon laquelle une personne, à titre lucratif, et de façon injustifiée, s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissement ;

Il appartient toutefois à la société SMOBY TOYS de démontrer que la société SPLASH TOYS, exerçant dans le même secteur d’activités qu’elle, a eu à son encontre un comportement déloyal, notamment en présentant deux modèles de jouets susceptibles de créer un risque de confusion avec les deux siens ;

Si la reproduction servile peut constituer un acte de concurrence déloyal lorsqu’elle est obtenue par surmoulage au point de générer un risque de confusion, encore faut-il que celui qui s’en prévaut démontre la faute commise par le concurrent en décrivant et en caractérisant les éléments servilement recopiés ;

Et il n’appartient certainement pas à la cour ou à la partie adverse de s’interroger sur les éléments que le demandeur à l’action en concurrence déloyale ou parasitaire considère comme susceptibles de constituer une faute, la seule présentation de photographies juxtaposées montrant les modèles opposés dans des conclusions ou la représentation desdits modèles dans des catalogues sans que soit mis en exergue les caractéristiques de l’objet (apparence globale, formes, couleurs, nombre de pièces composant chaque élément, etc….) susceptibles de créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur ne pouvant sérieusement servir de fondement à une telle action ;

Au surplus, dès lors que n’existe aucun droit privatif sur les produits invoqués, le fait de commercialiser moins chers des produits similaires ne constitue pas à lui seul un acte de concurrence déloyale ;

La demande en concurrence déloyale et/ou parasitaire formée par la société SMOBY TOYS sera par conséquent rejetée et le jugement infirmé de ce chef ;

Sur le préjudice invoqué par la société SPLASH TOYS :

Pour justifier sa demande de condamnation de la société SMOBY TOYS à lui verser la somme de 200.000 euros à titre de dommages intérêts, la société SPLASH TOYS indique qu’à la suite de l’ordonnance de référé rendue par le tribunal de commerce de Lyon le 1er décembre 2009, elle a cessé de commercialiser les produits litigieux lesquels ont été retirés des circuits commerciaux ;

Elle soutient avoir également été gravement discréditée vis-à-vis de ses clients et fournisseurs chez qui elle a fait retirer les produits en cause ;

La société SPLASH TOYS justifie par la production de 25 lettres datées 8 décembre 2009 avoir demandé à ses clients de cesser, dès leur réception, la commercialisation de l’établi et du chariot de bricolage (Pièces n° 11 et 12 du dossier Splash Toys) ;

L’attestation du commissaire aux comptes de la société SPLASH TOYS (Pièce n° 13 du dossier Splash Toys) révèle qu’entre le 1er janvier et le 31 décembre 2009, 6.836 établis de bricolage et 1.444 chariots de bricolage avaient été vendus et qu’ils avaient généré respectivement pour cette période un bénéfice de 32.988 euros et de 11.701 euros ;

Compte tenu de ces indications, il apparaît que le préjudice financier subi par la société SPLASH TOYS doit être fixé à une somme correspondant à une année de bénéfice, soit à la somme de 45.000 euros ;

La demande de dommages intérêts formée par la société SMOBY TOYS devra être rejetée ainsi que l’ensemble de ses demandes accessoires ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la société SPLASH TOYS les sommes qu’elle a engagées en première instance et en cause d’appel qui ne sont pas comprises dans les dépens et qu’il convient de fixer à la somme de 20.000 euros à la charge de la société SMOBY TOYS ;

La demande formée par cette dernière au même titre sera rejetée ;

P A R C E S M O T I F S,

Confirme le jugement rendu le 27 janvier 2011 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il a dit que la société SMOBY TOYS était irrecevable à poursuivre la contrefaçon du modèle communautaire n° 000 269 105-0007 (Etabli) à l’égard de la société SPLASH TOYS,

L’infirme pour le surplus et statuant à nouveau,

Déclare la société SMOBY TOYS recevable à agir en contrefaçon du modèle international n° DM/062 038 (chariot de bricolage) mais la déclare mal fondée à l’invoquer à l’encontre de la société SPLASH TOYS,

Déboute la société SMOBY TOYS de l’ensemble de ses demandes,

Condamne la société SMOBY TOYS à verser à la somme SPLASH TOYS la somme de 45.000 euros à titre de dommage intérêts en réparation de son préjudice commercial,

Condamne la société SMOBY TOYS à payer à la société SPLASH TOYS la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société SMOBY TOYS aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 2, 25 janvier 2013, n° 11/02279