Cour d'appel de Paris, 23 octobre 2015, n° 14/17338

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 23 oct. 2015, n° 14/17338
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 14/17338
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 6 juillet 2014, N° 11/05423

Texte intégral

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRÊT DU 23 OCTOBRE 2015

(n° 2015- 269, 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 14/17338

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2014 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 11/05423

APPELANTE

Madame L M épouse F

Née le XXX en POLOGNE

XXX

XXX

Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Assistée de Me Isabelle TESTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1400

INTIMES

Monsieur J Z

Né le XXX à MONTMORENCY

XXX

XXX

LA MEDICALE DE FRANCE

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : B 582 068 698

XXX

XXX

Représentés par Me N O de l’Association O & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R075

Assistées de Me Claire SACERDOTI, avocat au barreau de PARIS, toque : R075

ONIAM

pris en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

XXX

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

Assistée de Me Mathilde BRUN, avocat au barreau de PARIS, toque : P82

CPAM DU VAL D’OISE

prise en la personne de son représentant légal

XXX

XXX

Défaillante. Régulièrement assignée

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère, ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l’article 785 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 septembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre

Madame Isabelle CHESNOT, conseillère

Madame Annick HECQ-CAUQUIL, conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER

ARRÊT :

— réputé contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Dominique GREFF-BOHNERT, présidente de chambre et par Madame Malika ARBOUCHE, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

Le 23 décembre 2005, Madame L F a consulté Monsieur J Z kinésithérapeute et ostéopathe pour des douleurs à l’épaule gauche et intercostales ayant donné lieu à la veille à la prescription d’anti-inflammatoire non stéroïdiens et d’antalgiques par son médecin traitant.

Monsieur Z a pratiqué une séance d’ostéopathie sur Madame F qui lui aurait indiqué que ces douleurs étaient une récidive d’une première crise provoquée par une posture en chandelle au cours d’un exercice de yoga, en octobre 2005.

Dès le lendemain elle a à nouveau consulté son médecin traitant pour des nausées et des vertiges. Le 8 janvier 2006 elle s’est rendue à l’hôpital Cochin où le diagnostic de névralgie cervico-brachiale sans atteinte discale a été posé.

Une IRM du rachis ordonnée par le docteur D, rhumatologue, a révélé une névralgie cervico-brachiale et des signes d’irritation pyramidale.

Le 20 mars 2006, Madame F a été opérée par le docteur A pour une hernie discale C5-C6 gauche. A la suite, Madame F a souffert d’un syndrome anxio-dépressif majeur, de douleurs au niveau du membre supérieur droit et de troubles vésico-sphinctériens. Le 23 mai 2008, une IRM a mis en évidence une hernie discale volumineuse en C6-C7 à gauche et en septembre 2009 une IRM dynamique a mis en évidence une majoration des compressions de la moelle épinière lors de l’hyper-extension du rachis cervical.

Par ordonnance du président du tribunal de grande instance de Paris du 19 juillet 2007, Madame F a obtenu la désignation du docteur Y comme expert judiciaire pour analyser les conditions de la manipulation ostéopathe effectuée sur sa personne par Monsieur Z le 23 décembre 2005.

Le docteur Y a déposé son rapport le 30 septembre 2008.

Madame F a assigné Monsieur Z, la Médicale de France, son assureur, l’ONIAM et la CPAM du Val-d’Oise devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d’obtenir l’annulation de l’expertise du docteur Y ainsi que la désignation d’un collège d’experts judiciaires pour qu’il l’examine et se prononce sur la manipulation effectuée le 23 décembre 2005 par Monsieur Z et ses conséquences sur son état de santé.

Par jugement du 10 avril 2012, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné une nouvelle expertise et a désigné en qualité d’experts messieurs E, G et H.

Le rapport définitif a été déposé le 23 janvier 2013.

Le tribunal de grande instance de Paris a par un jugement rendu le 7 juillet 2014:

— dit que Monsieur J Z a manqué à son obligation d’information,

— dit que Monsieur J Z a commis une faute lors de sa prise en charge de Madame L F au cours de la séance du 23 décembre 2005,

— dit que la hernie discale découverte le 16 janvier 2006 n’est pas en lien avec la manipulation fautive,

— débouté Madame L F de sa demande de complément d’expertise,

— renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état du 6 octobre 2014,

— mis hors de cause l’ONIAM,

— condamné in solidum Monsieur J Z et la Médicale de France à payer à Madame L F la somme de 10 000 € à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel,

— réservé les dépens.

Par un acte du 11 août 2014, Madame L M épouse F a interjeté appel de ce jugement.

Par des dernières conclusions signifiées le 8 juin 2015, Madame F demande à la cour de la déclarer recevable et bien fondée en son appel à l’encontre du jugement rendu le 7 juillet 2014 par la 1re chambre civile du tribunal de grande instance de Paris et au visa de l’article 1147 du code civil et des articles 145 et 237 du code de procédure civile, et du rapport d’expertise des Docteurs E et G et de Monsieur H et de:

— débouter Monsieur Z et son assureur, la Médicale de France, ainsi que l’ONlAM de toutes leurs demandes plus amples ou contraires,

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

* dit que Monsieur Z avait manqué à son obligation d’information,

* dit que Monsieur Z avait commis une faute lors de la prise en charge de Madame F lors de la séance du 23 décembre 2005,

* alloué à Madame F, à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel, la somme de 10.000 € ;

— infirmer le jugement entrepris pour le surplus et, statuant à nouveau :

* dire et juger que la hernie discale en C6 découverte le 16 janvier 2006 est imputable à la manipulation ostéopathique du 23 décembre 2005 ;

En conséquence:

— condamner in solidum Monsieur Z et son assureur, la Médicale de France, à indemniser l’entier préjudice de Madame F ;

* Avant-dire droit sur l’indemnisation du préjudice corporel de Madame F

— ordonner un complément d’expertise et désigné pour se faire les Docteurs E et G avec la mission suivante :

' déterminer, compte tenu de la lésion initiale constituées par la hernie discale en C6 découverte le 16 janvier 2006 et le syndrome de stress post-traumatique et de leur évolution, la, ou les, période pendant laquelle celui-ci a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire,

dans l’incapacité d’une part d’exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, d’autre part de poursuivre ses activités personnelles habituelles ; en cas d’incapacité partielle préciser le taux et la durée ;

' proposer la date de consolidation des lésions ; si la consolidation n’est pas acquise, indiquer le délai à l’issue duquel un nouvel examen devra être réalisé, évaluer les seuls préjudices qui peuvent l’être en l’état ;

' décrire les actes, gestes et mouvements rendus difficiles ou impossibles en raison de la faute commise et donner un avis sur le taux du déficit fonctionnel permanent. Si un barème a été utilisé, préciser lequel ;

' se prononcer sur la nécessité d’être assistée par une tierce personne avant et/ou après la consolidation (cette assistance ne devant pas être réduite en cas d’assistance familiale)'; dans l’affirmative, préciser si cette tierce personne a dû et/ou doit ou non être spécialisée, ses attributions exactes ainsi que les durées respectives d’intervention de l’assistant spécialisé et de l’assistant non spécialisé ; donner à cet égard toutes précisions utiles';

' donner un avis détaillé sur la difficulté ou l’impossibilité, temporaire ou définitive, de poursuivre l’exercice de sa profession, continuer à s’adonner aux sports et activités de loisir que madame F déclare avoir pratiqués ;

' donner un avis sur I’importance des souffrances physiques et morales sur une échelle de 1/7 ;

' donner un avis sur les atteintes esthétiques avant et/ou après la consolidation sur une échelle de 1/7 ;

' dire s’il existe un préjudice sexuel ; dans l’affirmative préciser s’il s’agit de difficultés aux relations sexuelles ou d’une impossibilité de telles relations ;

— condamner in solidum Monsieur Z et son assureur, la Médicale de France, à payer à Madame F la somme de 10 000'€ à titre de provision à valoir sur la liquidation de son préjudice corporel;

— débouter Monsieur Z et son assureur, la Médicale de France, et l’ONlAM de toutes leurs demandes, plus amples ou contraires;

— déclarer l’arrêt à intervenir commun à la CPAM du Val-d’Oise et opposable à l’ONlAM, – condamner in solidum Monsieur Z et son assureur, la Médicale de France, à payer à Madame F la somme de 7 000'€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

— condamner in solidum Monsieur Z et son assureur, la Médicale de France aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés par Maître Frédéric BURET, avocat à la cour, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’appui de son recours Madame F fait principalement valoir Monsieur Z a failli à son devoir d’information et a commis une faute en la manipulant au niveau du rachis cervical provoquant un craquement très douloureux. Elle ajoute que les experts relèvent que Monsieur Z n’avait pas de diagnostic, que les manipulations n’étaient pas justifiées et qu’il a effectué une manipulation du rachis cervical sans la sécurisation de documents radiologiques.

Madame F conteste la position des experts quant à un état antérieur arthrosique dont le diagnostic n’est en réalité apparu que sur l’IRM du 18 mars 2009. Elle précise que lors de l’expertise effectuée en 2007, le docteur Y avait indiqué qu’il n’existait aucun signe fonctionnel au niveau du rachis cervical où l’interrogatoire et l’examen ne retrouvaient pas de signes orientant vers une pathologie cervicale. Elle ajoute que selon des études, rares encore, il a été démontré que dans les cas de manipulations vertébrales ayant entraînées des névralgies cervico-brachiales, plus de la moitié ne se révèlent pas immédiatement mais au moins huit jours plus tard, soit dans un délai variable. Elle précise que le docteur X estime que la séquence entre la consultation du 24 décembre 2005 auprès du docteur C et le passage dans les services d’urgence de COCHIN est caractéristique de la survenue d’un traumatisme cervico-dorsal qui a ensuite entraîné une irritation des racines cervico-brachiales et une hernie discale de sorte que compte tenu de la symptomatologie dans les trois semaines du choc traumatique, la manipulation du rachis par Monsieur Z a créé la hernie en C6. Elle précise encore qu’est généralement accepté un intervalle libre entre le traumatisme initial et l’apparition des troubles cervico-brachialgiques qui ne dépasse par six mois de sorte que le lien de causalité entre la manipulation et la hernie discale en C6 n’est pas contestable.

Par des dernières conclusions signifiées le 11 juin 2015, Monsieur J Z et la SA MÉDICALE de FRANCE demandent à la cour d’infirmer le jugement et statuant à nouveau :

A titre principal :

— constater que Monsieur Z :

* présente toutes les compétences et garanties administratives pour l’exercice de l’ostéopathie,

* n’a pas pratiqué de manipulations cervicales lors de la séance du 23 décembre 2005, mais uniquement un bilan ostéopathique suivi de mobilisations comme en attestent les déclarations de Madame F à l’expert Y en 2007,

* n’avait, par conséquent, ni à poser de diagnostic médical, ni à réaliser de radiographies, ni à informer sa patiente des risques d’une manipulation cervicale,

— Dire et juger que Monsieur Z n’a pas commis de faute,

Et, en conséquence :

— rejeter l’intégralité des demandes de Madame F';

— condamner Madame F à verser 6 000 € à Monsieur Z et à la MÉDICALE DE FRANCE sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;

— la condamner aux entiers dépens, dont distraction, dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile, au profit de maître N O (O & associés), avocat aux offres de droit.

A l’appui de leurs prétentions, Monsieur Z et son assureur font valoir qu’il est regrettable que les experts aient qualifié les gestes pratiqués par Monsieur Z de manipulations, alors qu’il s’agissait en réalité de mobilisations et aient retenu, à tort et en contradiction avec leurs propres constatations, que le syndrome anxio-dépressif de la demanderesse était partiellement imputable aux gestes litigieux, alors que leurs conclusions étaient en revanche parfaitement claires ' à l’instar, d’ailleurs, de celles du docteur Y sur ce point ' quant à l’absence de lien de causalité entre la névralgie cervico-brachiale et la séance du 23 décembre 2005. Ils ajoutent que Madame F persiste à nier l’évidence et à alléguer un prétendu « manque de formation », se basant uniquement sur une législation postérieure aux faits, sans aucun autre élément pertinent et faisant litière de la formation suivie de 1999 à 2005 par Monsieur Z et de l’agrément reçu par l’ARS, conditions pour pouvoir exercer l’ostéopathie à l’époque des faits. Ils ajoutent que Madame F a déclaré, pour la première fois lors de l’expertise de 2012 ' soit plus de 7 ans après les faits ' que le praticien aurait réalisé des gestes d’extension de la tête et de rotation de gauche à droite, avec un ressenti de craquement, alors qu’elle avait déclaré au docteur Y qu’elle n’avait que peu de souvenirs concernant les manipulations éventuelles de Monsieur Z et n’avait pas contredit par un dire le consensus relevé par cet expert sur l’absence de craquement lors du geste. Ils précisent que les premiers juges se sont contredits en reconnaissant, d’un côté, qu’il s’agissait d’une mobilisation et, de l’autre, en estimant qu’il fallait observer les règles applicables en matière de manipulation. Ils précisent encore que dès lors que les gestes réalisés le 23 décembre 2005 ne consistaient qu’en un bilan ostéopathique et en des mobilisations, Monsieur Z n’avait évidemment pas à informer sa patiente des risques potentiels d’une manipulation cervicale.

Par des dernières conclusions signifiées le 18 décembre 2014, l’ONIAM demande à la cour de :

A titre principal :

— entériner les conclusions du rapport d’expertise judiciaire déposé le 23 janvier 2013 par les experts judiciaires ;

— constater que le docteur Z a manqué à son devoir d’obligation et qu’il n’existait pas d’indication thérapeutique dans le chef de Madame F ;

— confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 07 juillet 2014 ;

En conséquence :

— dire et juger manquantes les conditions d’intervention de la solidarité nationale ;

— prononcer la mise hors de cause de l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

A titre subsidiaire :

— statuer ce que de droit sur la demande d’expertise complémentaire formée par madame F ;

En tout état de cause :

— condamner Madame F au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— condamner Madame F aux entiers dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

A l’appui de ses prétentions l’ONIAM fait valoir que l’intervention de l’ONIAM ne peut qu’être subsidiaire en l’absence de toute faute du praticien. Il ajoute n’avoir en outre vocation à prendre en charge l’indemnisation des préjudices de la victime d’un accident non fautif que s’il présente un certain degré de gravité et que les conséquences dommageables sont anormales au regard de l’état de santé antérieur de la victime ou de l’évolution prévisible de celui-ci de sorte que les conditions édictées par le code de la santé publique ne sont en tout état de cause pas rencontrés, puisque Madame F ne présente ni 24 % d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, ni un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 % pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois.

La déclaration d’appel a été signifiée à la caisse primaire d’assurance maladie du Val-d’Oise par un acte d’huissier délivré le 27 octobre 2014. Cet organisme n’a pas constitué avocat.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 juin 2015 avant l’ouverture des débats le 17 septembre 2015.

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Sur la qualité d’ostéopathe de Monsieur I :

Considérant que les experts ont relevé que Monsieur J Z avait un pré-requis de kinésithérapeute et avait suivi une formation dans une école agréée avant d’obtenir son agrément de l’ARS en sorte qu’ils ont logiquement considéré que Monsieur Z pouvait à l’époque effectuer des actes d’ostéopathie ;

Considérant que les parties sont contraires en fait sur la nature des gestes pratiqués par Monsieur Z sur sa patiente, le premier revendiquant de simples mobilisations et la seconde se plaignant d’une manipulation de son rachis cervical avec craquement à l’origine de la hernie discale présentée postérieurement en C5-C6 ;

Considérant qu’il convient de trancher ce différent avant de statuer sur le point de savoir si l’obligation d’information a été remplie ou non ;

Sur la faute :

Considérant que, ainsi que l’ont relevé les premiers juges, Madame F a déclaré au docteur Y en ce qui concerne les gestes pratiqués lors de la séance qu’elle « n’a que peu de souvenirs : elle aurait été assise tête baissée, détendue lorsqu’elle a ressenti une sensation d’arrachement cervical, Monsieur J Z se tenant derrière et faisant imprimer à sa tête des mouvements de flexions et d’inflexions latérales »; que le docteur Y reproduit les déclarations de Monsieur J Z ainsi rédigées "la manipulation est faite en face à face en position assise et consiste à accompagner les mouvements d’inclinaison-rotation latérale gauche sans craquement; que l’expert poursuit « . Cette phase selon monsieur J Z et madame L F n’a pas exacerbé les douleurs. Il s’est ensuite placé derrière la patiente où il a réalisé une flexion et rotation puis extension du buste accompagné par un maintien sternal. Il décrit une patiente choquée et étonnée qui a eu une réaction de blocage et qui s’est plainte d’une sensation d’arrachement » ; que l’expert dans son analyse note, en page 15 du rapport, un consensus des parties sur le fait que la mobilisation du rachis cervical de manière accompagnée s’est faite sans mouvement forcé, sans provoquer ni craquement ni douleur particulière ;

Considérant que ce n’est que devant les experts E, G et H, que Madame F a indiqué « il a tiré la tête en arrière » et qu’elle a ressenti un craquement en précisant que l’extension de la tête a été faite « par surprise »;

Considérant que les experts ont relevé que les descriptions respectives sont diamétralement opposées et que rien ne permet de vérifier les affirmations de l’un ou de l’autre ;

qu’en ce qui concerne le craquement qui aurait fait suite à une manoeuvre rapide, la cour, après le tribunal, observe que ces descriptions sont faites par Madame F pour la première fois devant le collège d’experts désigné en second lieu, 7 ans après les faits et après que le premier expert eut souligné l’importance de l’absence ou non d’un craquement sur la portée de l’analyse des conséquences ;

Considérant qu’en page 33 du rapport, à propos du point de vue ostéopathique, il est écrit que Monsieur Z décrit un ensemble de manoeuvres et tests divers que l’on pratique couramment lors de séances d’ostéopathie, qu’il décrit ensuite une technique de déroulement du thorax en extension axiale afin d’avoir une action sur le fascia endothoracique-zone 7e cervicale, 1re dorsale et 1re côte et affirme ne pas avoir pratiqué de manipulation avec « thrust », mobilisation rapide provoquant parfois un craquement articulaire ;

Considérant que Madame F qui ne produit qu’un courrier recommandé du 19 février 2007, soit écrit plus d’un an après la séance d’ostéopathie litigieuse, émanant de sa personne ne démontre pas que, contrairement à ce qu’avait souligné le 1er expert, sans être contredit par un dire, Monsieur Z s’est livré sur sa personne à une manipulation de son rachis cervical avec « thrust » ayant provoqué un craquement et une douleur immédiate ;

Considérant toutefois que c’est la deuxième manoeuvre qui a consisté en une mobilisation du buste de la patiente qui a déclenché chez Madame F une sensation d’arrachement interne et une réaction émotionnelle de surprise et semble-t’il de peur ainsi que l’a décrit le premier expert le docteur Y ;

Considérant qu’en réponse à un dire de Monsieur Z les experts ont répondu que pour pratiquer un déroulement du fascia endothoracique il faut tout de même se servir de la tête comme bras de levier ce qui correspond à une mobilisation articulaire mais pas à une manipulation ostéo-articulaire avec thrust ; que s’agissant du terme de manipulation, il a été répondu que selon l’article 1 du décret du 25 janvier 2007, relatif aux actes et conditions d’exercice de l’ostéopathie, il est précisé que les praticiens justifiant d’un titre d’ostéopathe sont autorisés à pratiquer des manipulations ayant pour seul but de prévenir ou de remédier à des troubles fonctionnels du corps humain et que ces manipulations sont ostéo-articulaires ou myo-fasciales ;

Considérant que les experts reprochent à Monsieur Z une manipulation cervicale qui n’avait pas d’intérêt et qui n’était pas justifiée alors qu’il n’avait pas de diagnostic et qu’un geste manipulatif impliquant directement ou indirectement le rachis cervical ne pouvait être fait sans la sécurisation de documents photographiques, précision faite en réponse à un dire, qu’une radiographie standard ne permet certes pas de visualiser une hernie discale mais permet d’observer ou de constater l’existence de discopathies dégénératives qui doivent inciter à la prudence ;

Considérant que c’est dans ces conditions que les experts ont retenu une faute de la part de Monsieur Z qui n’aurait pas dû pratiquer la manipulation myo-fasciale le 23 décembre 2005 ;

Sur le devoir d’information

Considérant que tout professionnel de santé est tenu en application de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique d’un devoir de conseil et d’information ; que l’information porte sur l’état de la personne prise en charge, les soins proposés et leurs conséquences ;

Que les experts ont relevé que Monsieur Z n’ a pas informé Madame F des risques encourus ; que Monsieur Z prétend qu’il n’y avait pas de risque en l’absence de manipulations et qu’il a exposé ce qu’il faisait au fur et à mesure du déroulement de la séance ;

Considérant que même s’il n’est pas démontré que Monsieur Z a pratiqué une manipulation du rachis avec « thrust » accompagné d’un craquement et d’une douleur immédiate, il a utilisé d’autres techniques ostéopathiques et notamment la mobilisation du buste qui a déclenché une réaction de surprise et de peur chez la patiente qui déclinera l’offre de nouveaux rendez-vous ;

Que la séance d’ostéopathie a, à tout le moins, déstabilisé émotionnellement Madame F et lui a causé des nausées et des vertiges et une ITP de 15% du 23 décembre 2005 au 14 janvier 2006, les experts retenant en outre une AIPP imputable au retentissement psychologique de 4%, des souffrance endurées évaluées à 4 sur une échelle de 7 et un préjudice sexuel ;

Considérant que Madame F était en droit de connaître préalablement au déroulement de la séance, les gestes qui allaient être pratiqués, leur utilité ou le but recherché, les inconvénients ou risques possibles pouvant en résulter afin de donner un consentement éclairé avant leur mise en 'uvre ;

Que c’est dès lors par une juste appréciation des faits tels qu’ils ont pu être reconstitués lors des deux expertises que les premiers juges ont constaté que tel n’avait pas été le cas de sorte que le manquement à l’obligation d’information est établi ;

Sur le dommage imputable

Considérant qu’en page 32 du rapport les experts indiquent la cervicalgie avec irradiations scapulaires bilatérales intervenue après la manipulation du 23 décembre 2005 et jusqu’au 14 janvier 2006, est parfaitement cohérente avec les conséquences d’une mise sous contrainte d’une tension d’un état antérieur constituée par des discopathies cervicales étagées et de ce fait imputable à la prise en charge de Monsieur Z ;

Qu’ils considèrent en revanche que « à compter du 16 janvier 2006 est instituée une névralgie cervico brachiale et des signes pyramidaux non retrouvés lors de l’examen clinique de l’expertise et dont l’étiologie n’a pu être déterminée ' » ; qu’ils précisent que « une compression radiculaire par hernie discale aiguë post-traumatique entraîne une symptomatologie cliniquement précise dans la topographie de la douleur, extrêmement douloureuse ne permettant pas de différer une prise en charge pendant la durée de trois semaines qui a pu être observée. Le conflit disco-radiculaire et/ou médullaire supposé ne peut donc être corrélé à l’acte critiqué en raison du délai entre l’action vulnérante le 23 décembre 2005 et l’apparition de la symptomatologie le 14 janvier 2006. On notera en outre que cette patiente présente des discopathies cervicales étagéesévoluées d’origine dégénérative dont la tolérance s’est améliorée sans nécessité d’un geste chirurgical qui avait été envisagé à un moment. »

Considérant qu’il est précisé que l’IRM du 16 janvier 2006 fait état d’un débord disco-ostéophytique médian mais surtout foraminal gauche au contact de la racine C6 gauche et que cette analyse par IRM confirme bien un rachis dégénératif ; que le rapport est formel sur l’absence de lien direct entre la séance du 23 décembre 2005 et l’apparition de la névralgie cervico brachiale objectivée le 16 janvier 2006 ; que dès lors ce n’est pas un traumatisme survenu au cours de la séance du 23 décembre 2005 qui a été à l’origine des atteintes cervicales de Madame F ; qu’il est rappelé qu’une hernie discale traumatique a une traduction clinique immédiate ou quasi immédiate à la différence des hernies discales dégénératives d’évolution progressive ; qu’il est rappelé que de simples gestes de la vie courante (éternuement, rotation rapide de la tête, position nocturne) peuvent conduire à l’aggravation d’un état fragile par ailleurs assez bien toléré ;

Considérant que dans ces conditions, il ne peut être retenu ainsi qu’en ont décidé les premiers juges, qu’une dolorisation temporaire de trois semaines, les douleurs apparues le dimanche 25 décembre étant compatibles avec tout acte thérapeutique manuel survenant sur une zone vertébrale présentant un état arthrosique ;

Que sur le plan psychiatrique, les experts indiquent qu’il est difficile de faire la différence entre les conséquences douloureuses des différentes pathologies rachidiennes et celles du geste ostéopathique mais qu’une partie du syndrome post-traumatique anxio- dépressif peut être rattaché à la manipulation reprochée à hauteur de 50% des conséquences de la manipulation ;

Sur la demande de complément d’expertise

Considérant qu’en l’absence de démonstration de l’existence d’un lien de causalité entre la séance du 23 décembre 2005 et la névralgie cervico-brachiale et du fait que l’expertise permet de liquider le préjudice imputable, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Madame F de sa demande de contre expertise ;

Sur la demande de mise hors de cause de L’ONIAM

Considérant que les conditions de la solidarité nationale n’étant pas remplies au regard des prescriptions de l’article L. 1142-1 II du code de la santé publique, la mise hors de cause de cet organisme sera confirmée ;

Sur les autres demandes

Considérant que les experts ont retenu comme préjudice imputable une ITP de 15% du 23 décembre 2005 au 14 janvier 2006, date de consolidation, une AIPP imputable au retentissement psychiatrique de 4%, des souffrances endurées de 4/7, un préjudice sexuel ;

Que c’est dès lors à juste titre que le tribunal a considéré, sur la base de ces éléments, que la provision demandée de 10 000 € est justifiée ; qu’elle sera déduite in fine de la totalité des sommes allouées à la victime ;

Qu’il convient de renvoyer l’affaire au tribunal de grande instance de Paris afin de permettre à Madame F de chiffrer ses demandes de réparation des préjudices en lien avec les seules responsabilités et dommages imputables résultant de la présente décision ;

Considérant que l’équité ne justifie pas que Madame F qui succombe en ses demandes soient condamnée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au profit des intimés;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 7 juillet 2014 par le tribunal de grande instance de Paris;

Renvoie l’affaire à cette juridiction afin qu’elle statue sur les demande indemnitaires de Madame L F non chiffrées à ce jour ;

Déboute les parties de toutes autres demandes ;

Condamne Madame L F aux entiers dépens de l’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

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Cour d'appel de Paris, 23 octobre 2015, n° 14/17338