Cour d'appel de Paris, Pôle 6 chambre 5, 17 janvier 2019, n° 16/10144

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Chronologie de l’affaire

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www.invictae-avocat.com · 13 septembre 2021

Les faits Un salarié engagé en tant que cuisinier dans une pizzeria est placé en arrêt de travail suite à une blessure à l'avant-bras. Il déclare un accident du travail. Son employeur, lors du visionnage de la vidéosurveillance mise en place au sein de l'entreprise, se rend compte que celui-ci s'est délibérément lacéré l'avant-bras à l'aide de morceaux de verre. Il constate également des manquements aux règles d'hygiène et de sécurité, tels que la non conservation des étiquettes de traçabilité des aliments et le manque de rigueur dans la gestion des stocks de nourriture. …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 ch. 5, 17 janv. 2019, n° 16/10144
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/10144
Importance : Inédit
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Longjumeau, 18 février 2016, N° F13/01076
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
Lire la décision sur le site de la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 17 Janvier 2019

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 16/10144 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BZL2D

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 19 Février 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LONGJUMEAU RG n° F13/01076

APPELANTE

SARL MAZEL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Sophie HADDAD de la SELARL HADDAD/MOUTIER, avocat au barreau d’ESSONNE

INTIME

Monsieur [R] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Claire MOURIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Novembre 2018, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Isabelle MONTAGNE, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Catherine BRUNET, présidente

M. Stéphane MEYER, conseiller

Mme Isabelle MONTAGNE, conseillère

Greffier : Monsieur Philippe ANDRIANASOLO, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,

— signé par Mme Catherine Brunet, Présidente de chambre et par M. Philippe ANDRIANASOLO, Greffier présent lors de la mise à disposition.

Exposé du litige

Le 1er septembre 1997, [R] [H] a été engagé par la société Mazel qui exploite une pizzéria sous l’enseigne Pizza Napoli située [Adresse 1] en qualité de cuisinier.

La société Mazel applique la convention collective nationale des cafés, hôtels et restaurants et emploie habituellement moins de onze salariés.

Le 1er octobre 2013, le salarié a été mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé et tenu le 11 octobre suivant.

Par lettre du 17 octobre 2013, l’employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Contestant son licenciement, [R] [H] a, le 15 novembre 2013, saisi le conseil de prud’hommes de Longjumeau afin d’obtenir des indemnités et rappel de salaire tant au titre de l’exécution que de la rupture du contrat de travail.

Suivant jugement prononcé le 19 février 2016, notifié le 5 juillet 2016, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, cette juridiction a fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à hauteur de 2.414,52 euros, dit que le licenciement est nul, condamné la société Mazel à payer à [R] [H] les sommes suivantes :

* 4.958, 44 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 495,84 euros au titre de l’indemnité des congés payés afférents,

* 10.024,31 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 1.402,66 euros au titre du rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire du 1er au 18 octobre 2013,

* 140,26 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférents au rappel de salaire sur la mise à pied conservatoire,

* 441,79 euros au titre du rappel de salaire pour la période du 9 au 14 août 2013,

* 44,17 euros au titre de l’indemnité de congés payés afférents au rappel de salaire pour la période du 9 au 14 août 2013,

avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2013, date de réception de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation,

* 14.875,32 euros au titre de la réparation de la nullité du licenciement,

* 100 euros au titre des dommages et intérêts pour non respect de la procédure,

avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,

* 1.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et aux dépens, a ordonné la délivrance d’un solde de tout compte, d’un certificat de travail, des bulletins de salaire et d’une attestation Pôle emploi conformes, sous astreinte de 10 euros par jour de retard, passé un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, en se réservant la liquidation de l’astreinte, a rappelé l’exécution provisoire de droit et a rejeté le surplus des demandes.

Le 26 juillet 2016, la société Mazel a régulièrement relevé appel du jugement.

Suivant conclusions visées par le greffier et soutenues à l’audience du 13 novembre 2018 sans ajout ni retrait, la société Mazel demande à la cour de confirmer jugement en ce qu’il a débouté [R] [H] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents, du travail dissimulé et des circonstances vexatoires du licenciement, l’infirmer pour le surplus, le débouter de toutes ses demandes, subsidiairement fixer la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de salaire à 2.135,84 euros et réduire à de plus justes proportions le montant de l’indemnité pour licenciement nul ou abusif et à un euro symbolique le montant de l’indemnité du chef de non respect de la procédure de licenciement, et le condamner à lui payer la somme de 4.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant conclusions visées par le greffier et soutenues à l’audience du 13 novembre 2018 sans ajout ni retrait, [R] [H] demande à la cour d’infirmer partiellement le jugement, condamner la société Mazel à lui payer les sommes suivantes :

* 52.798,40 euros à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement,

* 10.959,35 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 5.308,84 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 530,88 euros au titre des congés payés afférents au préavis,

subsidiairement, constater le caractère abusif du licenciement et condamner la société Mazel à lui payer les sommes sus-mentionnées sauf à retenir la somme de 52.798,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

* 5.279,84 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

* 10.014,39 euros au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires et 1.001,43 euros au titre des congés payés afférents,

* 15.839,52 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

* 10.559,68 euros au titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement,

* 3.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

et aux dépens, le confirmer pour le surplus et débouter la société Mazel de ses demandes.

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l’audience, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur le licenciement

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement, que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible la poursuite de l’exécution du contrat de travail entre les parties et rend nécessaire le départ immédiat du salarié de l’entreprise sans indemnités.

L’employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve alors même que l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La lettre de licenciement qui circonscrit le litige est ainsi rédigée : "(…) Nous avons eu la stupéfaction de découvrir qu’en date du 11 septembre 2013, vous vous êtes délibérément lacéré votre avant bras gauche, à l’aide de morceaux de verre.

Ces faits- à l’origine de votre arrêt de travail pour cause d’accident de travail – ont été filmés par la caméra installée dans les cuisines de notre restaurant et dont le visionnage a été effectué, en votre présence ainsi que de celle d’un huissier de justice, par nous mandaté.

Celui-ci en a dressé constat, dont nous vous joignons une copie.

En d’autres termes, les blessures dont vous avez été victime le 11 septembre 2013 ne sont aucunement accidentelles mais résultent d’actes de lacération volontaires de votre part.

Il s’agit ici de faits particulièrement graves, qui justifient votre licenciement pour faute grave.

De surplus, vous n’ignorez pas que vous vous êtes trouvé en arrêt de travail injustifié, sur la période du 9 août 2013 au 14 août 2013.

Alors que vous alléguez avoir été, sur cette période, avec notre prétendu accord, en récupération de vos jours de repos non pris, il n’en est rien et à aucun moment un tel accord de notre part vous a été délivré.

Enfin, nous avons toujours à déplorer, de votre part, des manquements graves aux règles élémentaires d’hygiène et de sécurité.

Ainsi, notamment, il vous est reproché de : laisser pourrir les lots de viande dans le réfrigérateur, ne pas conserver les étiquettes de traçabilité des aliments, ne pas gérer avec rigueur les stocks de nourriture, ce qui engendre d’importants gaspillages.

A cela s’ajoutent les conflits réguliers que vous occasionnez avec vos collègues de travail.

Malgré nos multiples rappels à l’ordre, aucune amélioration de votre part n’a été constatée, bien au contraire.

Tous ces faits sont inacceptables et mettent en cause la bonne marche de notre établissement,

qui ne peut fonctionner dans de telles conditions. Ils justifient votre licenciement pour faute grave (…)".

Il convient d’examiner chacun des griefs énoncés par la lettre de licenciement.

Sur le grief relatif à des actes de lacération volontaire de la part du salarié

[R] [H] fait valoir qu’il s’est blessé sur le lieu de travail et aux heures de travail, que la société Mazel ne rapporte pas la preuve d’une origine totalement étrangère au travail de son accident et ne renverse pas la présomption d’imputabilité au travail de son accident, qu’un accident du travail ne peut justifier un licenciement ; que de toutes les façons, les enregistrements vidéo lui sont inopposables car le dispositif d’enregistrement vidéo n’a pas fait l’objet d’une installation conforme aux exigences de la Cnil, l’employeur ayant manqué à son obligation d’information à son égard et le dispositif ne respectant pas le principe de proportionnalité et enfin, que le doute sur l’origine de l’accident ne justifie pas une faute grave.

Les certificats médicaux d’arrêt de travail pour accident du travail du salarié, produits aux débats datés des 11, 16, 23 et 30 septembre 2013, mentionnent « plaie avant bras gauche ».

Si la société Mazel conteste l’origine de la blessure présentée par le salarié le 11 septembre 2013 aux heures et lieu de travail, elle admet que celle-ci est survenue sur le lieu du travail et pendant les heures de travail du salarié.

Elle se fonde sur des images provenant d’une caméra installée dans la cuisine de l’établissement pour soutenir que la blessure n’aurait pas été causée par un accident mais par le salarié lui-même qui se serait auto-lacéré l’avant-bras gauche à l’aide de morceaux de verre.

Elle produit un procès-verbal établi par maître [V] [V], huissier de justice, les 24 septembre et 1er octobre 2013 aux termes duquel celui-ci procède, en présence de la gérante et du salarié, au visionnage d’un film daté du 11 septembre 2013 enregistré par la caméra de vidéo-surveillance installée dans la cuisine de l’établissement, et joint des images de capture d’écran montrant le salarié dans la cuisine et des photographies prises dans les locaux de l’établissement.

La société Mazel fait valoir que le salarié a été informé de l’installation d’un système de vidéo-surveillance dans la cuisine de l’établissement ; elle produit un avertissement notifié au salarié le 6 juillet 2012 et une note de service affichée dans les locaux de l’entreprise photographiée par l’huissier de justice aux termes de son procès-verbal.

Il résulte de l’article 1er de la loi du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés notamment que l’informatique ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques, et de l’article 32 de la même loi que la personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l’a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant notamment de l’identité du responsable du traitement et le cas échéant celle de son représentant, et de la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées.

La « note aux personnels » datée du 1er juillet 2012 affichée sur le panneau de la réglementation des lieux et de la législation au travail dans le vestibule de la partie des locaux réservée au personnel indique : « la direction vous informe de l’installation prochainement d’une vidéo-surveillance ».

L’avertissement notifié le 6 juillet 2012 au salarié qui lui reproche un certain nombre de manquements à ses obligations professionnelles en lien avec les règles d’hygiène, les horaires de travail et des retards et absences injustifiés, indique : « Ne constatant, malgré nos précédents et nombreux rappels à l’ordre verbaux, aucun changement dans votre comportement, nous nous voyons dans l’obligation, par cette lettre, de vous adresser un avertissement. Parallèlement, nous vous informons de notre intention de mettre en place, dans les prochains jours, un système de vidéo-surveillance et un registre de contrôle et pointage de vos heures de travail. Nous espérons vivement que ces démarches engendreront des changements dans votre comportement au travail ».

La rédaction de l’information portée à la connaissance du salarié aux termes de l’avertissement, laisse penser que la finalité du dispositif de vidéo-surveillance est la surveillance constante du salarié, en réaction aux reproches qu’elle lui adresse.

La cour relève que la société n’a pas complètement informé le salarié quant aux finalité du système de vidéo-surveillance, de la personne destinataire des images et des modalités concrètes de l’exercice du droit d’accès dont disposent les salariés.

En outre, la cour observe, à l’examen du registre d’entrées et de sorties du personnel produit par la société Mazel, qu’il existe un seul poste de cuisinier dans la société, ce dont il se déduit que [R] [H] était le seul salarié à travailler dans la cuisine de l’établissement.

L’installation d’une caméra dans ce lieu porte par conséquent atteinte au droit du salarié au respect de sa vie privée, ce qui est disproportionné au but allégué par l’employeur, à savoir la sécurité des personnes et des biens se trouvant dans la cuisine.

Le mode de preuve constitué par les enregistrements provenant du dispositif de vidéo-surveillance n’est pas donc pas opposable au salarié.

A défaut de produire d’autre élément de preuve au soutien de ce grief, la matérialité du grief relatif à des actes de lacération volontaire de la part du salarié, n’est pas établi.

Sur le grief relatif à l’arrêt de travail injustifié entre le 9 et le 14 août 2013

Produisant une réservation d’un vol aller-retour pour le Sri-Lanka effectuée le 14 mai 2013, pour la période du 8 juillet au 14 août 2013, [R] [H] fait valoir qu’en avril 2013, l’employeur lui a accordé des congés pour la période du 8 juillet au 8 août 2013 et l’a autorisé à poser l’ensemble de ses jours de repos restant, entraînant un retour à son poste le 15 août 2013.

La société Mazel conteste avoir autorisé l’absence du salarié entre le 9 et le 14 août 2013.

Par lettre datée du 12 août 2013, l’employeur a demandé au salarié de justifier de son absence depuis le 9 août 2013.

Par lettre datée du 26 août 2013, le salarié a répondu à l’employeur que celui-ci lui avait indiqué qu’il « fallait que je récupère mes repos non pris à la suite de mes congés, ce qui engendrait une date de retour au 15 août ».

Au regard des circonstances invoquées par le salarié, il existe un doute quant à l’absence injustifiée du salarié entre le 9 et le 14 août 2013 qui doit profiter au salarié.

Sur le grief relatif aux manquements graves aux règles élémentaires d’hygiène et de sécurité

La société Mazel ne produit aucun élément au soutien du grief tiré des manquements graves aux règles d’hygiène et de sécurité autre que l’avertissement du 6 juillet 2012 déjà évoqué.

Il en résulte que la matérialité de ce grief n’est pas établie.

Sur le grief relatif aux conflits réguliers occasionnés avec ses collègues de travail

Au soutien du grief tiré des conflits réguliers occasionnés avec ses collègues de travail, la société Mazel ne produit qu’une attestation de [M] [M] se présentant comme salarié de la société du 13 novembre 2007 au 4 janvier 2011, rédigée en des termes généraux et qui ne rapporte aucun fait précis et daté.

Il en résulte que la matérialité de ce grief n’est pas établie.

Au regard de tout ce qui précède, le licenciement n’est fondé ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse.

Il résulte de l’article L.1226-9 du code du travail qu’au cours des périodes de suspension du contrat de travail pendant la durée de l’arrêt de travail provoqué par un accident du travail, l’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit d’une faute grave du salarié, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’accident.

L’article L.1226-13 du code du travail dispose que toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions notamment de l’article L.1226-9 est nul.

Le bulletin de paie de septembre 2013 mentionne un accident du travail du 11 au 30 septembre 2013 et le certificat médical d’accident du travail du 11 septembre 2013 a été suivi de certificats de prolongation datés des 16, 23 et 30 septembre 2013.

Le salarié indique que le 1er octobre 2013, son arrêt de travail a pris fin et qu’il a repris son poste.

Il en résulte que le licenciement n’est pas intervenu pendant une période de suspension du contrat de travail pour accident du travail ; le licenciement n’encourt donc pas la nullité ; il se trouve dénué de cause réelle et sérieuse.

Par conséquent, il y a lieu d’allouer au salarié les indemnités suivantes :

* à titre d’indemnité compensatrice de préavis, sur la base du salaire de 2.654,42 euros bruts, la somme de 5.308,84 euros en application des dispositions de l’article L.1234-1 du code du travail, outre la somme de 530,88 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* à titre d’indemnité de licenciement, sur la base de la moyenne des salaires des trois derniers mois travaillés de 2.710,40 euros, et de l’ancienneté de 16,13 ans, la somme de 10.959,35 euros en application des dispositions des articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail.

En application des dispositions de l’article L.1235-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, le salarié peut prétendre en cas de licenciement abusif à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Au regard de l’ancienneté de plus de 16 ans, de l’âge du salarié de 44 ans, de son salaire, des circonstances de la rupture et de sa capacité à retrouver à un emploi, le préjudice que lui a causé le licenciement abusif sera réparé par l’allocation de dommages et intérêts à hauteur de 40.000,00 euros que la société appelante devra lui verser.

Le salarié ne justifiant pas d’un préjudice supplémentaire à raison des circonstances vexatoires de la rupture, il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Le salarié a été régulièrement convoqué à un entretien préalable au licenciement, celui-ci s’est tenu en présence du salarié, assisté par un conseiller, le salarié n’établissant pas un non respect de la procédure de licenciement ; il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

Au regard de la mise à pied à titre conservatoire injustifiée et de la retenue mentionnée au bulletin de paie d’octobre 2013, il convient de faire droit à la demande de rappel de salaire entre le 1er et le 18 octobre 2013 à hauteur de 1.352,99 euros et à celle relative à l’indemnité compensatrice de congés payés incidents à hauteur de 135,29 euros.

Le bulletin de paie d’août 2013 mentionne une retenue de salaire pour congés sans solde du 9 au 14 août 2013 à hauteur de 441,79 euros ; au regard de ce qui précède, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Mazel à payer cette somme au salarié, outre celle de 44,17 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés incidents.

Sur les heures supplémentaires

L’article L.3171-4 du code du travail dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande.

Il appartient cependant au salarié d’étayer sa demande par des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses éléments.

Au soutien de sa demande d’heures supplémentaires, le salarié produit un tableau excel sur la période de novembre 2010 à octobre 2013 mentionnant un nombre total d’heures supplémentaires mensuelles, outre ses bulletins de paie sur la période correspondante dont il ressort le paiement d’heures supplémentaires tous les mois. Le tableau du salarié ne comporte pas de décompte des heures supplémentaires effectuées hebdomadairement. Il en résulte que le salarié n’étaye pas par des éléments suffisamment précis sa demande d’heures supplémentaires. Il sera débouté de sa demande de ce chef.

Sur le travail dissimulé

Selon l’article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1°/ soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2°/ soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3°/ soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Le salarié fait valoir que l’employeur a omis sciemment de déclarer une partie non négligeable de son activité salariée ; toutefois, cette allégation n’est fondée sur aucun élément de fait ; le salarié sera débouté de cette demande.

Sur la remise de documents

Au regard de la solution du litige, il convient d’ordonner à la société Mazel de remettre à [R] [H] un bulletin de paie récapitulatif, en sus des documents sociaux retenus par le jugement, conforme aux dispositions du présent arrêt, dans le délai d’un mois à compter de sa notification, sans qu’il n’y ait lieu à prononcer une astreinte.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société Mazel qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens exposés en cause d’appel.

Il n’apparaît pas inéquitable d’allouer à [R] [H] la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile que la société Mazel devra lui payer.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Longjumeau le 19 février 2016 en ce qu’il a débouté [R] [H] de ses demandes au titre des heures supplémentaires et congés payés incidents, du travail dissimulé et a condamné la société Mazel à lui payer les sommes de 441,79 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 9 au 14 août 2013, 44,17 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés incidents, 1.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens et a ordonné la remise des documents sociaux sous astreinte,

L’INFIRME sur les autres chefs et statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Mazel à payer à [R] [H] les somme suivantes :

* 5.308,84 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 530,88 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

* 10.959,35 euros à titre d’indemnité de licenciement,

* 1.352,99 euros à titre de rappel de salaire pour la période comprise entre le 1er et le 18 octobre 2013,

* 135,29 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés incidents,

avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Mazel de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes,

* 40.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

ORDONNE à la société Mazel de remettre à [R] [H] un bulletin de paie récapitulatif conforme aux dispositions du présent arrêt, dans le délai d’un mois à compter de sa notification,

DEBOUTE les parties du surplus des demandes,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Mazel à payer à [R] [H] la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Mazel aux dépens exposés en cause d’appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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