Cour d'appel de Toulouse, 21 janvier 2019, n° 16/02863

  • Or

Chronologie de l’affaire

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www.green-law-avocat.fr · 21 mars 2022

Par Me Ségolène REYNAL et Marie KERDILES – Green Law Avocats Après des années de bataille, la « loi falaise » vient enfin d'être adoptée. Désormais, si le dommage causé par un accident résulte « de la réalisation d'un risque normal et raisonnablement prévisible inhérent à la pratique sportive considérée », le gardien d'un site n'est plus tenu pour responsable. C'est un réel changement dans la gestion des sites naturels d'escalade. En effet, le nouvel article L.311-1-1 du code du sport introduit la notion d'acceptation du risque des pratiquants d'escalade en extérieur et ce afin de …

 

Itinéraires Avocats · 18 février 2022

L'article 1242 du Code Civil (anciennement article 1384) prévoit que : « On est responsable du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ». Sur ce fondement, la Cour d'Appel de Toulouse (CA Toulouse, n° RG 16/02863 du 21 janvier 2019) avait considéré que la Fédération Française de la Montagne et de l'Escalade (FME) qui assurait la gestion d'un site d'escalade, devait être tenue pour responsable à la suite de la chute d'un rocher s'étant détaché de la paroi et …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Toulouse, 21 janv. 2019, n° 16/02863
Juridiction : Cour d'appel de Toulouse
Numéro(s) : 16/02863

Texte intégral

Grosse délivrée

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

ARRÊT DU VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTES

ASSOCIATION FÉDÉRATION FRANÇAISE DE LA MONTAGNE ET DE L’ESCALADE (FFME), prise en la personne de son représentant légal PE OU, président en exercice 8-10 Quai de la Marne 75019 PARIS Représentée par Me Coralie VAZEIX, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Emmanuel RAYNAL de la SELARL RAYNAL-DASSE, avocat plaidant au barreau de LIMOGES

SA ALLIANZ IARD prise en sa délégation et direction régionale « Le Pré Catalan » – 78, Allées Jean Jaurès – 31000 TOULOUSE, représenté par M.

ES CH président en exercice 87, Rue de Richelieu 75002 PARIS Représentée par Me Coralie VAZEIX, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et par Me Emmanuel RAYNAL de la SELARL RAYNAL-DASSE, avocat plaidant au barreau de LIMOGES

INTIMES

Monsieur QU AT *** Représenté par Me Régis MERCIE de la SCP CABINET MERCIE

— SCP

D’AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

Madame IE RE *** Représentée par Me Régis MERCIE de la SCP CABINET MERCIE – SCP D’AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE

CPAM DE LA HAUTE-GARONNE représentée par ses dirigeants légaux 3 boulevard Léopold Escande 31093 TOULOUSE CEDEX Représentée par Me Olivier THEVENOT de la SELARL THEVENOT MAYS BOSSON, avocat au barreau de TOULOUSE

REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS 11 rue Jean Claret 63063 CLERMONT FERRAND Représentée par Me Michaël MALKA-SEBBAN, avocat au barreau de TOULOUSE

GIE HUMANIS venant aux droits de la compagnie NOVALIS, dont le siège

social est 303, Rue Gabriel Debacq 45000 ORLEANS 139/147, Rue Paul Vaillant Couturier 92240 MALAKOFF sans avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR

Après audition du rapport, l’affaire a été débattue le 25 Juin 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :

C. BELIERES, président C. ROUGER, conseiller C. MULLER, conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : C. PREVOT

ARRET:

— réputé contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

— signé par C. BELIERES, président, et par C. PREVOT, greffier de chambre.

Exposé des faits et procédure

Le 3 avril 2010 M. QU AT, guide de haute montagne et Mme IE RE, sa compagne, qui escaladaient ensemble une paroi du site d’escalade de Vingrau (66), voie pré-équipée par la Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME), assurée auprès de la Sa Allianz, qui a signé le 23 juillet 1990 avec la commune de cette localité une convention à titre gratuit l’autorisant à faire usage de terrains en vue de la ATique de l’escalade dans laquelle elle a accepté la garde du site et s’est engagée à l’entretenir en bon état et à veiller à la sécurité des usagers et des tiers. Ils ont été blessés dans une chute, un rocher de 1,40 mètre de haut sur 1 mètre de large et 70 cm d’épaisseur s’étant détaché de la paroi sur laquelle ils progressaient.

Par acte d’huissier en date du 24 mai 2011 ils ont fait assigner la FFME et la Sa Allianz devant le tribunal de grande instance de Toulouse en déclaration de responsabilité sur le fondement des articles 1382, 1383 et 1384 du code civil et en réparation des préjudices subis ; ils ont appelé en cause le Régime social des Indépendants (RSI) de Midi Pyrénées et la Caisse primaire d’assurance maladie (Cpam) de la Haute Garonne ainsi que Groupement d’intérêt économique Humanis venant aux droits la Sa Novalis, en leur qualité de tiers payeurs. Par ordonnances du juge de la mise en état du 9 janvier 2012 et du 5 décembre 2013 une mesure d’expertise a été prescrite, confiée au docteur Nakache qui a déposé ses rapports définitifs le 30 juillet 2012 et le 1er juin 2014. Par jugement réputé contradictoire en date du 14 avril 2016 et jugement rectificatif d’erreur matérielle du 26 mai 2016 cette juridiction a :

— dit que la FFME est responsable sur le fondement de l’article 1384 du code civil des préjudices corporels et moraux subis par M. AT et Mme RE à la suite de l’accident survenu le 3 avril 2010

— évalué le préjudice corporel de M. AT à la somme de 56.873

€ et, compte tenu du recours des organismes sociaux, enjoint la FFME relevée par la Sa Allianz tenue in solidum avec elle à payer à M. AT une somme de 43.631,70 € et au RSI de Midi Pyrénées une somme de 14.265,032 €

— dit que toute provision amiable ou judiciaire viendra en déduction de ces sommes

— évalué le préjudice corporel de Mme RE à la somme de 1.124.894,06 € et, compte tenu du recours des organismes sociaux, enjoint à la FFME relevée par la Sa Allianz tenue in solidum avec elle à payer à Mme RE une somme de 873.682,04€ incluant les arrérages échus ce jour de la rente viagère allouée et, du chef de l’assistance tierce personne, une rente mensuelle de 450 € par mois indexée sur le barème légal des rentes viagères et à la Cpam de la Haute Garonne une somme de 251.212,02 €

— dit que toute provision amiable ou judiciaire viendra en déduction de ces sommes

— enjoint à la FFME et à la Sa Allianz tenues in solidum de payer à la Cpam de la Haute Garonne une indemnité forfaitaire de gestion de 1.028 € et au RSI de Midi Pyrénées une indemnité forfaitaire de gestion de 1.067 €

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la Cpam de la Haute Garonne ou du RSI de Midi Pyrénées

— enjoint à la Sa Allianz de payer à chacun des demandeurs une somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile condamné cet assureur aux dépens avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile

— ordonné l’exécution provisoire en totalité du chef des sommes allouées aux organismes sociaux et à M. AT et limitée à 500.000 € du chef des sommes revenant à Mme RE. Par déclarations en date du 7 juin 2016 et du 26 juillet 2016 enregistrées au greffe sous les numéros de répertoire général respectifs 16/2863 et 16/3768 la FFME et la Sa Allianz ont interjeté appel général à l’encontre de ces décisions et par voie de conclusions du 24 octobre 2016 M. AT et Mme RE ont formé appel incident sur le montant de leur indemnisation respective. Par ordonnance du magistrat de la mise en état du 28 juillet 2016 la jonction de ces deux instances a été prononcée.a

Prétentions et moyens des parties

La FFME et la Sa Allianz demandent dans leurs dernières conclusions communes du 9 décembre 2016, au visa des articles 1382, 1383 et 1384 du code civil, de A titre principal,

— réformer le jugement en ce qu’il a déclaré la FFME responsable, sur le fondement de l’article 1384 du code civil, des préjudices corporels et moraux subis par M. AT et Mme RE

— constater l’absence d’implication de la FFME dans cet accident en application de la convention d’autorisation d’usage entre la commune de Vingrau et la FFME en date du 7 juillet 1990 ainsi que de l’intervention de la force majeure

— déclarer infondée l’action engagée par M. AT et Mme RE en l’absence de toute responsabilité de la FFME dans le préjudice subi

— débouter M. AT et Mme RE de l’ensemble de leurs demandes A titre subsidiaire, concernant M. AT,

— réformer les jugements sur les postes d’assistance de tierce personne, incidence professionnelle, souffrances endurés et préjudice d’agrément en fixant les indemnisations selon le tableau ci-dessous concernant Mme RE,

— réformer les jugements dont appel sur les postes d’assistance de tierce personne, d’appareillage (prothèse « michelangelo ») d’incidence professionnelle, de souffrances endurées, de préjudice esthétique temporaire et permanent, de préjudice d’agrément, de déficit fonctionnel permanent en fixant les indemnisations selon le tableau ci-dessous concernant les demandes de la Cpam de la Haute-Garonne,

— réformer les jugements

— dire que la réclamation de ce tiers payeur au titre des frais futurs doit être capitalisée par l’utilisation de l’euro de rente viagère à la date de consolidation

— fixer les frais de radiologie à 87,40€

— fixer les frais de prothèse de vie sociale à la somme de 25.037,34 €

— fixer les frais de prothèse myo-électrique à la somme de 57,541,22 €

— fixer la créance de la CPAM de la Haute-Garonne au titre des frais futurs, à la somme de 109.861,66 €

— condamner conjointement et solidairement M. AT et Mme RE à payer à chacune d’elles une indemnité de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de première instance et d’appel avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

La FFME suivie par son assureur soutient que sa responsabilité délictuelle ne peut être retenue, quel que soit le fondement juridique avancé, la faute commise ou la garde de la chose. Elle admet que le propriétaire ou son délégataire est présumé être le gardien de la chose objet du dommage mais rappelle que cette présomption peut être renversée en établissant que la garde a été transférée à autrui ; elle souligne que si la convention conclue avec la commune lui confie la garde du site avec obligation de l’entretenir et de veiller à la sécurité des usagers et des tiers elle exige du propriétaire qu’il s’abstienne de toute intervention susceptible de modifier les conditions de sécurité sur le site sans avoir, au préalable, recherché et obtenu son accord et s’abstienne également d’autoriser des tiers à modifier les équipements de sécurité (pitons, scellements, anneaux, chaînes) sans son agrément. Elle soutient que la commune n’a pas parfaitement respecté les dispositions de la convention d’usage puisque le compte rendu de pilotage n° 3 Pole d’excellence rurale du 3 juillet 2009 mentionne « Opération 2 : Route de la grimpe Sites escalades voies vérifiées 695 Vingrau : 400, Tautavel 275, St Paul 20 », ce qui établit que la commune a procédé, avant l’accident, à une intervention sur le site sans son accord ; elle se prévaut également d’un document intitulé « dossier de recollement-route de la grimpe : création et entretien de sites d’escalade (lot n° 1) » émanant du groupement professionnel Cola-Filol-Rocque Route de la Grimpe à Vingrau et validé par la communauté de communes Agly Fenouillèdes et révélant au paragraphe intitulé « falaise : Vingrau 2, contrôle/entretien du site » que l’intervention prévoyait une fin de travaux au 10 juillet 2009 consistant en un « débroussaillage sentier accès au site et nettoyage sentiers accès aux différents secteurs, nettoyage pieds de voies contrôle et mise en sécurité partielle du site et accès contre les éboulements rocheux, contrôle et vérification des voies existantes » et en déduit qu’une nouvelle violation des dispositions de la convention du 7 juillet 1990 est parfaitement démontrée ; elle en conclut la commune ayant fait choix d’intervenir sur le site, notamment dans le cadre de la gestion de sa sécurité, sans en référer ni solliciter son autorisation, aucun manquement à son obligation d’entretien et de sécurité ne peut lui être opposée et que le comportement de la commune révèle un transfert de la garde du site puisqu’au titre de son intervention inopinée cette dernière détenait l’usage, la direction et le contrôle des voies. Elle fait remarquer que, concernant la gestion de ce site, elle est tenue à une obligation de moyen de sécurité lui imposant de tout mettre en oeuvre pour que son entretien normal permette l’exercice de l’escalade à ses ATiquants, sans danger mais que, dans ce cadre, elle s’exonère de toute responsabilité en cas de force majeure ; elle se prévaut de plusieurs témoignages et des déclarations de M. AT lui-même qui attestent que les voies étaient en bon état, équipées avec du matériel de qualité, purgées de tout rocher suspect et qu’aucun

événement précédent n’avait pu laisser présager l’accident de sorte que la chute d’un bloc de rocher de cette importance constitue un événement imprévisible et irrésistible. Subsidiairement, elle estime excessives les demandes indemnitaires de chacune des victimes qui ont présenté une certaine inflation au fil de la procédure et propose leur réduction notamment en offrant un tarif horaire de 15 € pour le poste de tierce personne, en faisant remarquer que la prothèse de vie sociale de Mme RE étant intégralement prise en charge par le tiers payeur aucune somme ne peut lui revenir à ce titre, qu’il en va de même de la prothèse myo électrique, que la prothèse michelangelo doit être rejetée dès lors que son opportunité n’a pas été retenue par l’expert judiciaire, qu’elle était en expérimentation lors de la mesure d’expertise de sorte que l’on ignore si la victime en fera l’acquisition et qu’elle fait double emploi avec la précédente. Elle critique la créance de la Cpam de la Haute Garonne au titre des frais futurs en ce qu’elle est capitalisée pour les frais de radiologie et les frais de prothèse en tenant compte de l’espérance de vie alors même que le calcul doit s’effectuer par l’utilisation de l’euro de rente viagère à la date de la consolidation soit 21,905, comme ce tiers payeur l’a fait pour les autres postes de frais médicaux et pharmaceutiques, de sorte qu’elle doit être ramenée de 178.480,95 € à 109.861,66 €.

M. AT et Mme RE demandent dans leurs conclusions du 24 octobre 2016, au visa 1384 alinéa 1, 1382, 1383 du code civil, de

— confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la FFME est responsable des préjudices subis à la suite de l’accident d’escalade du 3 avril 2010 et condamné in solidum la FFME et la Sa Allianz à réparer l’entier préjudice subi S’agissant de M. AT,

— confirmer le jugement pour les postes de préjudices dépenses de santé actuelles, frais divers, incidence professionnelle et préjudice d’agrément

— le réformer pour le surplus

— liquider son préjudice selon le tableau ci-dessous S’agissant de Mme RE,

— confirmer le jugement sur les postes de préjudice dépenses de santé actuelles, pertes de gains professionnels actuels, frais divers, incidence professionnelle, frais de véhicule adapté et souffrances endurées

— le réformer pour le surplus

— liquider le préjudice de Mme RE selon le tableau ci dessous

— réserver ses droits au titre des frais futurs consécutifs à la crânioplastie qui généreront de nouvelles souffrances endurées ainsi qu’une période d’arrêt de travail

— confirmer le jugement sur les frais irrépétibles et les dépens

— condamner in solidum la FFME et la Sa Allianz à leur payer la somme globale de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour et à supporter les entiers dépens de l’appel.

Ils font valoir que la FFME était gardienne du site au sens de l’article 1384 alinéa 1 du code civil pour s’être vue transférer sa garde par une convention conclue le 7 juillet 1990 avec la commune de Vingrau et l’avoir acceptée en toute connaissance de cause, que l’éboulement rocheux d’une paroi équipée pour l’escalade ouverte au public est constitutif d’un comportement anormal de la chose qui a cédé sous le seul poids du grimpeur, qu’il s’est produit sur un site visé dans la convention désigné sous le nom « La Grenasse » ; ils ajoutent que la FFME ne démontre pas l’intervention alléguée de la commune sur le site dès lors que le document produit sous l’intitulé « Pôle d’excellence rurale » émane de la communauté de communes Agly-Fenouillèdes dont ne fait pas partie la commune de Vingrau et que la référence à des voies vérifiées du site « route de la grimpe » ne justifie en aucune façon que des

vérifications aient eu lieu sur le site litigieux ; ils font remarquer que la convention précise que l’absence de réponse à une demande d’intervention dans un délai de 3 mois vaut accord de la FFME, laquelle ne justifie pas s’être opposée à une telle intervention pour vérifier les voies existantes et sécuriser le site ; ils en déduisent que, même dans l’hypothèse où une intervention ponctuelle du propriétaire du site serait démontrée, celle ci n’était pas interdite par la convention et elle n’est pas davantage de nature à remettre en cause le transfert de garde à la FFME. Ils soutiennent que la FFME ne peut s’exonérer de la présomption de responsabilité qui pèse sur elle en l’absence de cas fortuit ou de force majeure ou d’une cause étrangère, le fait qu’elle n’ait pas commis de faute ou que la cause du dommage soit restée inconnue étant indifférent ; ils affirment, à cet égard, que la chute d’un morceau de paroi servant de prise à un grimpeur sur une falaise équipée et ouverte au public ne saurait être analysée comme un événement imprévisible et irrésistible susceptible d’exonérer le gardien de sa responsabilité ; ils ajoutent que le fait que la victime, alpiniste expérimenté, ait lui même estimé à tort que la voie était propre et que le rocher n’était pas suspect ne saurait exonérer la FFME de sa responsabilité, dès lors que cette circonstance ne rend pas pour autant l’éboulement de la falaise imprévisible et irrésistible puisqu’il est possible d’y remédier par des travaux de purge consistant à tester la solidité et l’ancrage des roches, à enlever les rochers instables de la voie et par des travaux de confortement de la falaise le cas échéant, ce qui a d’ailleurs été fait par le syndicat des guides après l’accident. Subsidiairement, ils prétendent que la responsabilité de la FFME est engagée sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil pour manquement à l’obligation de sécurité et d’entretien du site expressément mentionnée aux article 4 et 12 de la convention du 7 juillet 1990, le décrochage étant intervenu alors que M. AT s’était limité à exercer une prise pour se hisser, ce qui constituait un geste normal et habituel pour un grimpeur et que le passage sur ce rocher était incontournable pour la progression sur la voie d’escalade ; ils estiment que la FFME, gestionnaire du site, a manqué par négligence ou imprudence fautive à ses obligations d’autant plus caractérisé qu’elle avait adopté en comité directeur le 14 décembre 2003 pour sa partie « escalade » des normes de classement des sites et itinéraires prévoyant pour les sites sportifs, comme l’est celui de Vingrau, que le rocher soit entretenu et régulièrement purgé par le comité ou la structure gestionnaire. Au titre de l’indemnisation, Mme RE réclame réparation pour le poste de tierce personne sur la base d’un coût horaire de 18 € qui est le tarif facturé par l’organisme d’aide à domicile auquel elle a ponctuellement fait appel et son versement en capital pour l’avenir. Elle demande l’actualisation des postes futurs sur la base du nouveau barème de capitalisation de la Gazette du Palais d’avril 2016 au lieu de celui de mars 2013 appliqué devant le tribunal soit un indice de 31,112 au jour de sa consolidation à l’âge de 45 ans ; elle souligne, en ce qui concerne les prothèses, que la prothèse de vie sociale est intégralement prise en charge par le tiers payeur et renouvelable tous les trois ans, que la prothèse myoélectrique est d’un coût de 17.763,44 € auquel il faut ajouter 5.693,22 € d’accessoires et frais d’entretien par an soit un coût à capitaliser de 23.456,66 €, ce qui représente une somme de 251.080,08 € outre les frais d’achat initial soit au total 274.536,74 € et, déduction faite de la créance de la Cpam de 104.653,83 € à ce titre, un solde lui revenant de 147.879,45 € ; elle sollicite la prise en compte et le maintien de cette prothèse myoélectrique de base qui répond à une véritable créance de l’organisme social et dont elle dispose déjà ; elle sollicite le bénéfice d’une prothèse supplémentaire, plus performante, dotée d’une main de type michelangelo qui permet de dépasser le stade de la simple pince et de mouvoir indépendamment les 5 doigts l’équipant en un mouvement de rotation sans qu’il puisse

lui être reproché un double emploi qui n’est que la conséquence de son amputation imputable à l’accident et rappelle le droit de la victime d’être indemnisée sur la base d’un simple devis dès lors que la nécessité de cette prothèse est bien réelle et reconnue mais qu’elle n’a pas eu pour l’instant les moyens de l’acquérir en raison de son coût très élevé soit 87.607,88 € outre son renouvellement tous les 5 ans pour un montant capitalisé de 562.652,84 €, ce qui porte la dépense globale à 650.260,78 € ; elle affirme que ces trois prothèses ne sauraient être exclusives l’une de l’autre, ne pouvant être utilisées dans les mêmes conditions et, subsidiairement, demande de retenir la prothèse michelangelo, dispositif médical technologique de pointe et innovant distribué en France, plus aboutie techniquement comme s’approchant plus de la réparation intégrale qui lui est due, comparée à la prothèse myoélectrique de base ; elle fait grief au premier juge d’avoir déduit la créance du tiers payeur au titre de cette dernière prothèse de la prothèse michelangelo alors que celle-ci n’est pas prise en charge, ne serait ce que partiellement, par la Cpam, ce qui porte une atteinte grave au principe de réparation intégrale de la victime.

La Cpam de la Haute-Garonne demande dans ses conclusions du 18 octobre 2016, au visa des articles L.376-1 et suivants du code de la sécurité sociale, de confirmer le jugement et de condamner in solidum la FFME et la Sa Allianz à lui payer l’indemnité forfaitaire pour frais de gestion prévue aux alinéas 9 et 10 de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, laquelle doit toutefois être actualisée à la somme de 1.047 € au regard de l’arrêté du 21 décembre 2015 relatif aux montants de l’indemnité forfaitaire et la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et à supporter les entiers dépens d’appel avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le RSI de Midi Pyrénées sollicite dans ses conclusions du 24 octobre 2016, au visa de l’article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, de confirmer le jugement et de condamner in solidum la FFME et la Sa Allianz à lui payer la somme de 2.000

€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et à supporter les entiers dépens d’appel avec recouvrement dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Gie Humanis, mutuelle venant aux droits de la Sa Novalis assignée par acte d’huissier du 14 septembre 2016 remis à personne habilitée n’a pas constitué avocat.

L’arrêt sera réputé contradictoire conformément à l’article 474 du code de procédure civile.

d’indemnisation sont offresLes demandes et respectivement les suivantes :

demandes de la victime offres du tiers responsableindemnités allouées par le tribunal appelante incidente et assureur

M. AT

Préjudices patrimoniaux

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation au 15 avril 2011)

Dépenses de santé actuelles prises en charge par le RSI 14.265,03 € * confirmation * confirmation

* restées à charge de la victime 1 * confirmation * confirmation

Assistance de tierce personne 1.188 € (18 € de l’heure) confirmation 990 € (15 € de l’heure)

Frais divers

* honoraires assistance expertise 600 € confirmation confirmation

Préjudices patrimoniaux permanents (aprés consolidation)

Incidence professionnelle 6.750 €

* confirmation 3.000 €

Préjudices extra patrimoniaux

Préjudices extra patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire 2.343,70 €

confirmation4.057 € (base 30 €/jour + offre de 1000 € pour le (base 23 € par jour) préjudice sexuel)

Souffrances endurées (3,5/7) 5.000 € 6.000 € 3.000 €

Préjudice sexuel 1.000 € à intégrer dans le DFT 1.000 €

Préjudices extra patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent 6% 6.750 € 8.520 € confirmation

10.000 € confirmation 5.000 € Préjudice d’agrément

Préjudice d’affection 15.000 € confirmation

Préjudice d’affection et sexuel par 10.000 € confirmationPréjudice sexuel par ricochet 10.000 € ricochet

offres du tiers responsable indemnités allouées demandes de la victime et assureur appelante incidente par le tribunal barème de capitalisation barème de capitalisation Mme RE

Gazette du Palais de mars Gazette du Palais d’avril

2013 (taux 1,2 %) 2016 (taux 1,04%)

Préjudices patrimoniaux

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation au 3 avril 2013)

Dépenses de santé actuelles prises en charge par la Cpam * 68.981,03 € confirmation

* confirmation

* restées à charge de la victime * 142,50 € confirmation

* confirmation

Perte de gains professionnels actuels

* prises en charge par la Cpam

* restées à charge de la victime * 4.585,48 € confirmation

* confirmation

* 3.304.90 € * confirmation

* confirmation

Assistance de tierce personne * 24.610,13 € * 27.686,40 €

* 23.072 €

(base 16 € de l’heure) (base 18 € de l’heure) (base 15 € de l’heure)

Frais divers honoraires assistance expertise * 1.440 € * confirmation

* selon justificatifs

* frais de régularisation du permis de * 249 € confirmation

* selon justificatifs conduire

* frais de transport en ambulance * 77,34 € pris en charge par * confirmation

* confirmation la Cpam

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

Dépenses de santé futures

* frais médicaux pharmaceutiques et

* confirmation sauf radio ramenés de 159 € à 87,40 € = de radio pris en charge par la Cpam 5.379,64 €

* 5.451.24 € confirmation

* confirmation restés à la charge de la victime

* 1.284,36 € * 1.324,48 € (basc 40 €/an séances d’ostéopathie)

* appareillage pris en charge par la Cpam prothèse de vie sociale * 45.536,98 € * confirmation

• 25.037,34 € 1ère

* 57.541,22 € 2ème prothèse myoélectrique * 126.657,29 € reportés sur 126.657,29 €

3ème prothèse la 3ème

* appareillage restés à la charge de la victime

*/ * confirmationère prothèse

.2ème prothèse */ 147.879,45 €

2ème prothèse * 495.522,71 € * 650.260,78 € rejet

80.000 € confirmation 50.000 €Incidence professionnelle

Frais de véhicule adapté 29.013,44 € 29.819,34 € confirmation

Assistance de tierce personne base 16 € de l’heure base 18 € de l’heure base 15 € de l’heure

*15187,50€ échus

*16200€ 36 termes échus

*rente de 420 € par mois194.213,37 € en capital

* rente de 450 € par mois

Préjudices extra patrimoniaux

Préjudices extra patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

Déficit fonctionnel temporaire 13.915 € confirmation23.150 € (base 30 €/jour) + offre de 5000 € pour le préjudice sexuel) confirmation 15.000 € Souffrances endurées (5/7) 20.000 €

Préjudice esthétique (5/7) 8.000 € 15.000 € confirmation

à intégrer dans le DFT confirmation Préjudice sexuel temporaire 5.000 €

Préjudices extra patrimoniaux permanents (après consolidation)

Déficit fonctionnel permanent 120.000 € 110.000 €162.000 €

(base 3.240 € le point)(50%) (base 2.400 le point) (base 2.200 € le point)

15.000 € 19.000 € 10.000 €Préjudice esthétique (4/7)

Préjudice d’agrément 25.000 € 30.000 € 18.000 €

Préjudice sexuel 15.000 € 20.000 € confirmation

Motifs de la décision

Sur la responsabilité

L’article 1384 alinéa 1 du code civil institue une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage, sauf à prouver qu’il n’a fait que subir l’action d’une cause étrangère, le fait d’un tiers ou la faute de la victime présentant les caractères de la force majeure.

La lecture du procès-verbal de gendarmerie révèle que, venu pour faire de l’escalade dans le secteur de Vingrau pendant le week-end de Pâques, M. AT a entrepris la montée de la voie au lieu « La Fontaine aux Charettes », commune de Vingrau, assuré par Mme RE, qu’à 5 mètres de hauteur il a posé sa main sur un rocher et s’est hissé en tirant sur sa prise, que le rocher s’est désolidarisé entraînant sa chute et blessant gravement sa compagne au bras droit ; l’un des participants à une seconde cordée, témoin des faits, précise que « M. AT a exercé une prise sur un bloc de pierre qui s’est détaché de la falaise, un des blocs est tombé sur l’amie de Jacques, ce dernier est tombé avec les blocs.. Les voies empruntées étaient déjà équipées de matériel pour l’escalade. Les voies m’ont paru en bon état, l’équipement était bon ».

Ces circonstances engagent la responsabilité de la FFME.

Ce rocher de la voie d’escalade a été l’instrument du dommage.

Les données de la cause établissent qu’au moment de l’accident, la FFME disposait sur cette chose des pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction qui caractérisent la garde.

En effet, suivant convention en date du 13 juillet 1990 intitulée « autorisatio d’usage de terrains en vue de la ATique de l’escalade » la commune de Vingrau propriétaire de terrains qui, "en raison de leur situation, de leur nature et de leur

conformation, sont tout spécialement favorables à la ATique de l’escalade« , a confié à la FFME »leur usage en vue de leur ouverture à la ATique de cette activité sportive. La FFME installera à ses frais les équipements de sécurité et les balisages conformément aux techniques et usages en matière d’escalade".

Son article 1 définit précisément les terrains en cause à savoir « La Grenasse » B 1756 pour une surface de 6 ha 62 a 00 ca et « Les Couillets » B 1110 pour une surface de 8 ha 50 a 35 ca, le lieu de l’accident se situant sur la première parcelle.

Son article 12 précise que « le propriétaire confie à la FFME qui accepte la garde du site et des biens visés par la présente convention. La FFME s’engage à entretenir le site visé par la présente convention en bon état et à veiller à la sécurité des usagers et des tiers » ; il opère un renvoi en bas de page précisant "toute personne est, a priori et en l’absence de faute ou d’imprudence, responsable des dommages causés par les choses dont elle a la garde ; le fait de confier cette garde à la FFME a pour effet de reporter sur celle ci les présomptions de responsabilité qui, par défaut, sont celles du propriétaire."

La FFME ne peut prétendre avoir perdu la garde de la chose qui serait revenue à son propriétaire en raison d’interventions effectuées en juillet 2009 par la commune de Vingrau sur le site objet de la convention ; d’une part, le contrat ne prévoit rien de tel et se borne à inviter le propriétaire à « s’abstenir de modifier les conditions de sécurité sans avoir au préalable recherché et obtenu l’accord de la FFME et à s’abstenir d’autoriser des tiers à modifier les équipements de sécurité »pitons, scellements, anneaux, chaînes sans l’agrément de la FFME", sous peine d’engager sa responsabilité contractuelle à son égard ; d’autre part, et même à les supposer avérées (ce qui est contesté), ces interventions n’étaient susceptibles de modifier les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle conférés par la convention restée en cours que temporairement, pendant l’exécution d’éventuels travaux et de leurs suites immédiates; or l’accident s’est produit plus de huit mois plus tard, à l’issue de toute une saison d’automne et de toute une saison d’hiver, étant souligné que l’origine de la chute de M. AT ne réside pas dans une défaillance des équipements de sécurité mais dans le détachement d’un rocher sur une voie d’escalade en bon état d’entretien.

La FFME, qui a conservé la garde de cette chose, ne peut se prévaloir d’une cause d’exonération de la responsabilité de plein droit qui pèse sur elle.

L’absence de faute du gardien ne lui permet pas d’échapper aux conséquences de cette responsabilité.

Aucun élément de la cause ne permet de retenir une cause étrangère, le fait d’un tiers ou de la victime présentant les caractères cumulés d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité.

La faute des victimes n’est pas alléguée, l’un étant guide de haute montagne et l’autre ATiquante régulière d’escalade depuis une vingtaine d’années.

Le fait d’un tiers ayant concouru à la production du dommage, dont la charge de la preuve pèse sur celui qui l’invoque, n’est nullement établi. La FFME se borne à produire un document intitulé « Pole d’excellence rurale Comité de pilotage n° 3 3 juillet 2009 Communauté de communes Agly Fenouillères » prévoyant une « opération 2 Activité Escalade Route de la grimpe » qui mentionne « voies vérifiées Vingrau : 400 » et le dossier de recollement "Route de la Grimpe Agly

Fenoullèdes création et entretien de sites d’escalade (lot n° 1)« dressé par le groupement professionnel Colla-Fillol-Rocque qui prévoit un »Contrôle/Entretien du site Falaise Vingrau 2« pour notamment »un contrôle et une mise en sécurité partielle du site et accès contre les éboulements rocheux contrôle et vérification des voies existantes. Fin des travaux 10/07/2009" ; rien ne permet de dire que l’un des noms des voies qui figurent sur le tableau contenu dans ce document correspond à celle où s’est produit l’accident.

Le détachement du rocher résultant du vice même de la paroi, et donc du caractère intrinséque de la chose, la FFME ne peut se prévaloir d’un cas fortuit ou de force majeure.

Elle est donc tenue de réparer l’intégralité de ses conséquences dommageables in solidum avec son assureur, la Sa Allianz, qui ne conteste pas sa garantie.

Sur l’indemnisation de M. AT

L’expert Nakache indique que M. AT a présenté des contusions multiples, une plaie de l’avant bras droit parée et suturée, une fracture du calcanéum droit au niveau de la grosse tubérosité traitée de façon orthopédique par botte sans appui pendant 45 jours (fauteuil roulant pendant deux mois), une disjonction acromio-claviculaire droite immobilisée par écharpe coude au corps pendant quatre semaines, une petite fracture partielle à la tête radiale droite et conserve quelques séquelles. Il conclut à

— un déficit fonctionnel temporaire total du 3 au 16 avril 2010

— un déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % du 17 avril 2010 au 4 juin 2010, à 50 % du 5 juin 2010 au 8 juillet 2010, à 25 % du 9 juillet 2010 au 31 août 2010 et 10% à partir du ler septembre 2010 et dégressive jusqu’au 14 avril 2011

— une consolidation au 15 avril 2011

— un besoin d’assistance de tierce personne d’une heure par jour du 17 avril 2010 au 4 juin 2010 et d’une demi heure par jour du 5 juin 2010 au 8 juillet 2010

— des souffrances endurées de 3,5/7

— un déficit fonctionnel permanent de 6%

— un préjudice d’agrément

Son rapport constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime (né le 26 septembre 1954), de son activité (guide de haute montagne et gérant d’entreprise à titre libéral) de la date de consolidation, afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 applicable quel que soit l’événement dommageable, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s’exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’ils ont pris en charge, à l’exclusion de ceux à caractère personnel sauf s’ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l’évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

— Dépenses de santé actuelles 14.265,03 € Ce poste est constitué des frais d’hospitalisation et frais médicaux en charge par le RSI Midi Pyrénées soit 14.265,03 €, la victime n’invoquant aucun frais de cette nature restés à sa charge.

— Frais divers 600,00 € Ils sont représentés par les honoraires d’assistance à expertise par le docteur Corman, médecin conseil, soit 600 € au vu de la facture produite en date du 9 mars 2012, ce qui n’est pas contesté.

— Assistance de tierce personne 1.188,00 € La nécessité de la présence auprès de M. AT tierce personne n’est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l’aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d’autonomie mais elle reste discutée dans son coût.

L’expert précise, en effet, qu’il a eu besoin d’une aide lors de son retour à domicile pendant la période où il se déplaçait en fauteuil roulant puis avec une reprise d’appui progressif avec 2 cannes.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d’indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d’aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l’aide requise et des tarifs d’aide à domicile attesté par des factures d’avril et mai 2010, l’indemnisation se fera sur la base d’un taux horaire moyen de 18 € soit 882 € pour la première période de 49 jours à raison d’une heure par jour et de 306 € pour la deuxième période de 34 jours à raison d’une demi heure par jour soit au total 1.188€.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

— Incidence professionnelle 6.750,00 € Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle.

L’expert précise que les séquelles ne font pas obstacle à la reprise de ses activités de promotion immobilière et de gérant d’entreprise dans les conditions antérieures mais qu’elles créent une petite gêne dans l’activité de guide de haute montagne à l’occasion de sollicitations soutenues du talon droit.

Cette augmentation de la pénibilité dans l’un de ses emplois justifie l’octroi de l’indemnité de 6.750 € réclamée et allouée par le tribunal.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

— Déficit fonctionnel temporaire 3.343,70 € Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence, le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d’environ 900 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et notamment des troubles transitoires de la libido, ainsi que souligné par l’expert,

soit 420 € pendant la période d’incapacité totale de 14 jours et proportionnellement pendant la période d’incapacité partielle à 75 % de 48 jours soit 1.080 €, à 50 % de 33 jours soit 495 €, à 25 % de 52 jours soit 390 €, à 10% de 224 jours soit 672 € soit au total la somme de 3.057 € portée à la somme de 3.343,70 € égale à l’offre globale du tiers responsable et de son assureur en tenant compte de toutes les composantes de ce chef de dommage.

— Souffrances endurées 6.000,00 € Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en notamment d’une intervention chirurgicale sous raison anesthésie, d’une longue rééducation à domicile ; évalué à 3,5/7 par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 6.000 €, comme demande permanents (après consolidation)

— Déficit fonctionnel permanent 8.520,00 € Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par une petite labilité émotionnelle, un syndrome algique au niveau de l’épaule droite, une gène fonctionnelle et douloureuse au niveau de la cheville droite, ce qui conduit à un taux de 6 % justifiant une indemnité de 8.520 € pour un homme âgé de 56 ans à la consolidation.

— Préjudice d’agrément 10.000,00 € Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la ATique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. AT justifie subir désormais une gène retenue par l’expert à la ATique à titre personnel de l’escalade, de la randonnée et du ski, toutes activités auxquelles il se livrait avant son accident suivant attestations concordantes versées aux débats, ce qui justifie l’octroi d’une indemnité de 10.000 € comme demandé et alloué par le premier juge.

Le préjudice corporel global subi par M. AT s’établit ainsi à la somme de 50.666,73 € qui revient au RSI Midi Pyrénées au titre de ses débours à concurrence de 14.265,03 € et à la victime à concurrence de 36.401,70 €, sauf à déduire les provisions versées.

Les sommes allouées au tiers payeur portent intérêt au taux légal en application de 1153 devenu 1231-6 du code civil à compter du 27 février 2015, date de signification des conclusions en réclamant paiement devant le tribunal, ce qui vaut mise en demeure ; en effet, la créance de l’organisme social dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d’action de la victime n’est pas indemnitaire et se borne au paiement d’une somme d’argent. L’indemnité revenant personnellement à la victime porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 14 avril 2016 à hauteur de 33.631,70 € et du prononcé du présent arrêt soit le 21 janvier 2019 à hauteur de 2.770 € en application de l’article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil.

M. AT indique également être victime par ricochet des blessures subies par Mme RE avec laquelle il est pacsé. Son préjudice d’affection ou moral résulte suffisamment de la nature des atteintes présentées par la victime directe dont

la consolidation n’a été acquise qu’au bout de trois ans avec son retentissement avéré pour lui ; il doit être indemnisé par l’octroi d’une somme de 10.000 € qui en assure la réparation intégrale. Son préjudice sexuel est également avéré et doit être indemnisé à hauteur de 10.000€.

Sur l’indemnisation de Mme RE

L’expert Nakache indique que Mme RE a présenté un traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale associée à une marbrure pariétale droite qui a justifié en urgence une intervention chirurgicale puis une reprise chirurgicale en raison de complications infectieuses, un écrasement de l’avant bras droit avec fracas osseux ayant justifié une amputation en urgence suivie d’une évolution anormalement longue avec des complications sur le plan local et sur le plan infectieux justifiant de multiples hospitalisations avec parage du moignon d’amputation et exérèse d’une nécrose, des troubles psychologiques importants en lien avec les différentes interventions et les longues prises en charge tant sur le plan crânio-encéphalique que sur le plan orthopédique et qu’elle conserve d’importantes séquelles. Il conclut à

— un déficit fonctionnel temporaire total du 3 avril au 5 juin 2010

— un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 60 % du 6 juin 2010 au 31 décembre 2010 et au taux de 50 % du 1er janvier 2011 au 2 avril 2013

— une consolidation au 3 avril 2013

— des souffrances endurées de 5/7

— un préjudice esthétique temporaire de 5/7

— une incidence professionnelle

— un déficit fonctionnel permanent de 50%

— un préjudice esthétique permanent de 4/7.

— un préjudice d’agrément

— un préjudice sexuel

— un besoin d’assistance de tierce personne de 4 heures par jour du 6 juin 2010 au 31 décembre 2010, de 3 heures par jour du 1er janvier 2011 au 6 mai 2012, d’une heure par jour du 7 mai 2012 au 3 avril 2013 et d’une heure par jour au long cours à partir de la consolidation

— un aménagement de son véhicule avec une boîte automatique, une boule au volant et un satellite de commandes à gauche.

Son rapport constitue une base valable d’évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l’âge de la victime (née le 9 mai 1967), de son activité (gérante salariée de société), de la date de consolidation (3 avril 2013), afin d’assurer sa réparation intégrale et en tenant compte du recours subrogatoire du tiers payeur, ainsi que déjà rappelé ci-dessus.

Par ailleurs, l’évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue; le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du Palais du 26 avril 2016 taux d’intérêt 1,04 % sollicité par la victime qui apparaît le plus approprié eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

— Dépenses de santé actuelles 69.123,53 € Ce poste correspond aux

* frais d’hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, actes de radiologie, actes de kinésithérapie, appareillages massages pris en charge par la Cpam de la Haute Garonne soit la somme de 68.981,03 €

* frais restés à la charge de la victime soit la somme de 142,50

€, au titre de séances d’ostéopathie restées à charge au vu des relevés de sa Mutuelle Novalis

— Frais divers 1.689,00 € Ils sont représentés par

* les honoraires d’assistance à expertise par le docteur Corman, médecin conseil, soit 1.440 € au vu des factures produites d’un montant respectif de 600 € et de 840 € en date du 13 mars 2012 et 20 février 2014

* les frais de régularisation d’un permis de conduire complémentaire compte tenu de son handicap soit 249 € suivant facture du 17 janvier 2011.

Ces dépenses supportées par la victime, nées directement et exclusivement de l’accident, sont par la même indemnisables.

Les frais de transport en ambulance du 20 avril 2010 n’ont pas lieu d’être pris en compte pour ce poste de préjudice puisqu’ils ont été pris en charge par le tiers payeur et qu’à l’examen de son décompte détaillé ils ont déjà été intégrés dans sa créance au titre des dépenses de santé actuelles.

— Assistance de tierce personne 27.686,40 € La nécessité de la présence auprès de Mme RE d’une tierce personne n’est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l’aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d’autonomie mais elle reste discutée dans son coût qui, pour les mêmes motifs que ci-dessus analysés doit être fixé à 18 € de l’heure.

L’indemnité de tierce personne s’établit à 15.792 € pour la première période de 7 mois et 25 jours à raison de quatre heures par jour, de 6.350,40 € pour la deuxième période de 4 mois et 6 jours à raison de 3 heures par jour, de 5.544 € pour la troisième période de 11 mois à raison d'1 heure par jour soit au total 27.686,40 €

— Perte de gains professionnels actuels 7.890,38 € Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d’une perte effective de revenus.

Les parties s’étaient accordées devant le premier juge pour chiffrer à 7.890,38 € la perte de salaire subie du 30 avril 2010 au 31 août 2010 Des indemnités journalières ont été versées sur cette même période par la Cpam de la haute Garonne pour un montant de 4.585,48 € qui s’imputent sur ce poste de dommage qu’elles ont vocation de réparer de sorte que la somme revenant personnellement à la victime s’établit à 3.304,90 €.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

— Dépenses de santé futures 580.652,35 € Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l’installation de prothèses soit à la pose d’appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Il est constitué en l’espèce

* des frais futurs prévus et assumés par l’organisme social

ramenés à 5.379,64 € au titre des frais de surveillance médicale et de pharmacie (5.292,24 €), et de radiologie (19,95 €/5 x 21,905 = 87,40 € au lieu de 159 € ainsi qu’il sera ci-dessous expliqué)

* des frais d’ostéopathie restés à charge de la victime à raison de 40 € par an soit pour la période passée, la somme de 230 € de la consolidation du 3 avril 2013 au jour du prononcé du présent arrêt 21 janvier 2019 soit 69 mois pour l’avenir, le montant annuel doit être capitalisé selon l’euro de rente viagère pour une femme âgée de 51 ans à ce jour soit un indice de 28,384 et une indemnité de 1.135,36 €.

Il est également constitué des frais futurs d’appareillage au titre de deux prothèses, la prothèse de vie sociale et la prothèse myoélectrique, toutes deux médicalement prescrites.

La première prothèse, à renouveler tous les trois ans, est intégralement prise en charge par l’organisme social soit la somme de 3.428,99 € sur une période de 3 ans incluant son coût, ses accessoires et ses frais d’entretien, suivant détail figurant dans son décompte que la Cpam de la Haute Garonne capitalise par « le nombre d’années de son espérance de vie selon les tables de mortalité soit 39,86 ans pour une femme de 46 ans au jour de la consolidation », ce qui donne 45.536,98 €.

Ce mode de capitalisation est utilement discuté par le tiers responsable et son assureur dès lors qu’il est fondé sur le nombre de renouvellement alors que l’aléa ne peut être pris en considération qu’en utilisant un barème de capitalisation, comme l’a fait ce même tiers payeur pour les frais futurs autres que l’appareillage selon un indice viager de 21,905 non critique i le coût triennal qui sert de base doit simplement être ramené à un taux annuel par simple division (3.428/2) avant d’appliquer cet indice viager soit une somme de 25.030.11 €. Ce raisonnement vaut également pour les frais de radio, comme déjà rectifié ci-dessus.

La seconde prothèse myoélectrique, à renouveler tous les trois ans, est également intégralement prise en charge par l’organisme social pour le modèle de base. Mais, suivant certificat de consultation au service de rhumatologie du CHU de Toulouse Purpan en date du 13 novembre 2013, cette prothèse, plus lourde, entraîne des douleurs essentiellement au bord médial sur la trochlée lors des mouvements de réception de poids ou de mobilisation brusque car cette zone subit une hyperpression avec un conflit cutané en regard, le problème étant que le moignon est très court, ce qui diminue d’autant le bras de levier. Suivant nouveau certificat du 8 janvier 2014 ce médecin hospitalier précise que Mme RE est en train de tester une main de type Michelangelo, myoélectrique, beaucoup plus performante que son appareil actuel mais non remboursée par la sécurité sociale compte tenu du prix très élevé dont elle décrit ainsi tous les avantages : "cette main qui comporte 4 doigts mobiles et un pouce à commande autonome permet de réaliser un grand nombre de types de pince avec tous les doigts, les deux commandes différentes (la principale pour le mouvement et la force de préhension et la deuxième pour la commande autonome du pouce) permettent d’obtenir un mouvement naturel de la main permettant la saisie d’objets plats ou d’objets ronds, des positions en supination, la saisie de tous petits objets avec le pouce en opposition ; les mouvements sont à contrôle électronique améliorant très sensiblement la force et la vitesse de préhension ; est associé un poignet intégré permettant flexion-extension et rotation, réglable de manière flexible ou rigide en fonction de l’utilisation instantanée ; les pulpes des doigts, souples, reproduisent les détails d’une main naturelle".

L’expert judiciaire a lui-même constaté « qu’avec la prothèse myoélectrique les prises fines restent aléatoires et difficiles à réaliser ainsi que l’ajustement, que le grip de l’outil est impossible, que cette prothèse ne permet qu’une fonctionnalité relative. » Le prothésiste qui suit Mme RE en liaison avec son médecin réadaptateur a d’ailleurs actualisé son devis.

Le bénéfice de cette prothèse Michelangelo doit être admis dès lors qu’eu égard à la gravité de son handicap Mme RE doit pouvoir disposer du matériel susceptible de lui offrir une adaptabilité et une fonctionnalité optimales pour lui assurer une qualité de vie aussi proche que possible de celle qui était la sienne avant l’accident. La documentation technique produite précise que la main de cette prothèse se caractérise « par sa cinématique de préhension complexe, par son apparence naturelle et anatomique ainsi que par son faible poids… Ses 4 doigts mobiles et son pouce positionnable séparément permettent de déplacer la main dans sept positions différentes, avec possibilité de régler le mode de son poignet, flexible ou rigide, en fonction de ses besoins spécifiques et de réaliser les mouvements de flexion, d’extension et de rotation ». L’achat de cette prothèse contribue à la simple réparation intégrale de toutes les conséquences dommageables de l’accident, étant rappelé que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable.

Toutefois, le besoin en prothèse myoélectrique n’existe que pour une seule prothèse de ce type. Le tiers responsable et son assureur ne doivent supporter le coût que d’une seule. Celui-ci doit être calculé en distinguant la période passée, de la consolidation au jour du présent arrêt, et la période à venir.

* La première prothèse myoélectrique de base ayant été acquise en décembre 2011, la Cpam de la Haute Garonne l’a prise en charge au titre des dépenses de santé actuelles ; depuis la consolidation et jusqu’à ce jour, 2 renouvellements triennaux sont intervenus en décembre 2014 et en décembre 2017 soit une dépense de 15.761,12 € (7.880,56 € x 2) pour la prothèse elle même et de 3.999,72 € pour le chargeur, la batterie et le gant (197,11 € + 240,70 € + 562,12 € = 999,93 € par an x 4 de décembre 2014 à décembre 2018) soit au total une dépense globale de 19.760,84 € reconstituée à partir du décompte détaillé de ce tiers payeur.

* La prothèse myoélectrique avec main Michelangelo s’établit selon devis détaillé en date du 4 octobre 2016 à un coût d’achat de 87.607,88 €, tous accessoires nécessaires inclus et les garanties, sans aucun remboursement par l’organisme social.

Le principe de la réparation intégrale n’impliquant pas de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués à la victime qui conserve leur libre utilisation, l’indemnisation due en valeur ne peut être subordonnée à la production de factures acquittées de la dépense effective des équipements en cause ; dès lors que la consolidation est acquise, la victime est en droit d’agir en liquidation de son préjudice corporel définitif et d’obtenir réparation de son dommage initial qui est né, certain et actuel et parfaitement évaluable.

Cette dépense d’acquisition doit être augmentée d’un renouvellement tous les 5 ans puisque cette nouvelle prothèse bénéfice d’une garantie de cette durée soit une dépense annuelle de 17.521,57 € (87.607,88 € /5) à multiplier par l’euro de rente viagère de 25,198 du barème de capitalisation de la Gazette du Palais d’avril 2016 pour une femme âgée de 56 ans au jour du premier renouvellement en 2024, soit la somme de 441.508,52

€, ce qui donne un total de 529.116,40 €.

Cette indemnité correspondante doit être allouée à Mme RE, sans aucun recours de la Cpam de la Haute Garonne puisqu’en raison des appareillages judiciairement estimés nécessaires à la victime en lien avec l’accident, ce tiers payeur ne va engager aucun débours dans l’avenir au titre d’une prothèse myoélectrique de base.

Ainsi, le poste « dépenses de santé futures » s’établit à la somme globale de 580.652,35 € dont 50.170,59 € (5.379,64 € + 25.030,11 € + 19.760,84 €) revenant à la Cpam de la Haute Garonne et 530.481,76 € (230 € + 1.135,36 € + 529.116,40 €) revenant à Mme RE

— Incidence professionnelle 80.000,00 € Ce chef de dommage a pour objet d’indemniser non la perte de revenus liée à l’invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle.

Les séquelles nées de l’accident empêchent Mme RE d’assurer certaines taches dans son activité de gérante salariée d’une société de distribution de logiciels pour les collectivités locales telles que la saisie informatique, ce qui a obligé à une redistribution au sein de la société mais le versement à cette dernière par le Ministère du travail d’une aide à l’emploi lié à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé de sa gérante a permis le recrutement d’une consultante junior pour la seconder.

La nature même du handicap n’en reste pas moins source pour Mme RE, à titre personnel, d’une fatigabilité et d’une pénibilité accrues et restreint inévitablement ses possibilités professionnelles futures, quelles qu’elles soient.

Cette victime subit une dévalorisation dans son emploi, une atteinte dans ses relations et dans son adaptabilité professionnelles, une restriction dans ses déplacements professionnels, les visites à la clientèle éloignée étant notamment rendues impossibles lorsqu’elles sont subordonnées, à l’arrivée à l’aéroport, à une location de véhicule dépourvu de l’équipement nécessaire à sa conduite.

Le principe même de ce chef de dommage est admis par tous, qui n’en discutent que le montant, lequel, au vu de l’ensemble des données de la cause et des éléments à prendre en considération, a été correctement apprécié par le premier juge à la somme de 80.000 €, pour une victime qui était, à la date de la consolidation, à mi parcours de sa vie professionnelle.

— Assistance de tierce personne 194.123,37 € L’indemnité de tierce personne permanente doit être calculée sur la base d’I heure par jour à titre viager, comme préconisé par l’expert et accepté par les parties, et le même coût horaire de 18 € qu’avant la consolidation.

Pour la période passée du 3 avril 2013 jusqu’au 21 janvier 2019, prononcé du présent arrêt soit durant 69,5 mois, l’indemnité s’établit à 35.028 € (28 h par mois comme demandé x 18 € x 69,5 mois).

Pour l’avenir, le montant annuel de 6.048 € comme demandé (28 h x 12 mois x 18 €) doit être capitalisé selon l’euro de rente viagère, pour une femme âgée de 51 ans en janvier 2019 soit un indice de 28,384 € et la somme de 171.666,43 €.

L’indemnité globale s’élève nsi à la somme de 206.694,43 € ramenée à 2194.123,37 € pour rester dans les limites de la demande.

Rien ne s’oppose à ce que ce poste de dommage soit versé sous forme de capital, comme sollicité par Mme RE, au vu notamment de la faible ampleur de cette aide.

— Frais de véhicule adapté 29.819,34 € Ce poste de préjudice comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l’adaptation d’un véhicule aux besoins de la victime atteinte d’un handicap permanent et celles liées au surcoût d’achat d’un véhicule susceptible d’être adapté, ainsi que leur renouvellement.

L’expert retient la nécessité, en raison des séquelles au membre supérieur, d’un véhicule avec boîte automatique soit une différence de 1.363,44 € suivant attestation du service commercial d’une société de vente multi-marques de véhicules en date du 27 octobre 2014 et boule au volant d’un coût de 2.654,04 € selon devis du 31 mai 2014 soit une dépense totale de 4.017,48 € avec renouvellement tous les 5 ans.

Le premier juge a entériné l’accord des deux parties sur le coût et la fréquence de renouvellement soit 29.013 €; l’augmentation de la demande à 29.819,34 € correspond à son actualisation selon le même barème de capitalisation mais plus récent et doit, dès lors, être entérinée.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

— Déficit fonctionnel temporaire 18.915,00€ Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l’existence et le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel pendant l’incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base d’environ 900 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et notamment des troubles de la libido, ainsi que souligné par l’expert, soit 1.860 € pendant la période d’incapacité totale de 2 mois et 2 jours et proportionnellement pendant la période d’incapacité partielle à 60% de 6 mois et 25 jours soit 3.690 €, à 50% de 28 mois soit 12.600 € soit au total la somme de 18.150 € portée à la somme de 18.915 € égale à l’offre globale du tiers responsable et de son assureur en tenant compte de toutes les composantes de ce chef de dommage.

— Souffrances endurées 20.000,00 € Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison des différentes interventions chirurgicales, des soins locaux nécessaires des traitements médicaux notamment en matière d’infection et d’une longue rééducation ; évalué à 4,5/7 par l’expert, il justifie l’octroi d’une indemnité de 20.000 €.

— Préjudice esthétique temporaire 12.000,00 € Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l’apparence physique. Evalué à 5/7 par l’expert, il est caractérisé par une grave détérioration de son apparence physique chez une femme durant les 3 ans qui ont séparé l’accident de la consolidation avec, à certaines périodes, des pertes de substances au niveau de la tête, l’absence temporaire de cheveux sur une surface importante, des nécroses et écoulements infectieux au niveau du crâne et du moignon d’amputation, ce qui justifie l’octroi d’une indemnité de 12.000 €. permanents (après consolidation)

— Déficit fonctionnel permanent 162.000,00 € Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l’atteinte anatomo-physiologique à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est notamment caractérisé par un défect osseux pariétal droit de 6cm/6cm, une amputation au quart supérieur de l’avant bras avec recoupe osseuse, amyotrophie du moignon de l’épaule droite, une flexion limitée du coude droit qui ne dépasse pas 90

°, ce qui conduit à un taux de 50 % justifiant une indemnité de 162.000 € pour une femme âgée de 45 ans à la consolidation.

— Préjudice esthétique 15.000,00 € Qualifié de 4/7, il doit être indemnisé à hauteur de 15.000 €.

— Préjudice d’agrément 30.000,00 € Ce poste de dommage vise exclusivement l’impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la ATique d’une activité spécifique sportive ou de loisir.

Mme RE justifie ne plus pouvoir ATiquer l’escalade et être gênée pour la natation, le ski, la canyoning et la randonnée, comme souligné par l’expert, toutes activités auxquelles elle s’adonnait régulièrement avant l’accident et depuis des dizaines d’années, suivant attestations concordantes et particulièrement circonstanciées versées aux débats, ce qui justifie l’octroi d’une indemnité de 30.000 €.

— Préjudice sexuel 15.000,00 € Ce poste répare les préjudices touchant la sphère sexuelle comprenant le préjudice morphologique (atteintes aux organes sexuels), le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même (perte de la libido, de la capacité à réaliser l’acte ou à accéder au plaisir) et l’impossibilité ou difficulté à procréer.

Une indemnité de 15.000 € doit être accordée à Mme RE pour les incidences de son handicap sur sa vie sexuelle et affective ; s’il n’existe pas de trouble organique, la modification de l’image corporelle en lien avec l’amputation de l’avant-bras droit induit des troubles de la libido, comme souligné par l’expert judiciaire, et modifie sa vie de couple comme elle a pu l’expliciter lors de la mesure d’instruction.

Le préjudice corporel global subi par Mme RE s’établit ainsi à la somme de 1.263.899,30 € dont 123.737,10 € revenant à la Cpam de la Haute Garonne au titre de ses prestations et 1.140.162,20 € revenant en capital à la victime, sauf à déduire les provisions versées.

Les sommes allouées au tiers payeur portent intérêt au taux légal en application de 1153 devenu 1231-6 du code civil à compter du 31 août 2015 et celles allouées personnellement à Mme RE en application de l’article 1153-1 devenu 1231-7 du code civil à compter du prononcé du jugement, soit le 14 avril 2016 à hauteur de 873.682,04 € et du prononcé du présent arrêt soit le 21 janvier 2019 à hauteur de 266.480,20 €.

Les droits de cette victime au titre des frais futurs consécutifs à la crânioplastie doivent être réservés ; l’expert indique que Mme RE doit avoir la possibilité de bénéficier, un jour si elle le désire, d’une crânioplastie prothétique qui sera à prendre en charge au titre de l’accident avec comme préjudices associés de nouvelles souffrances endurées ainsi qu’une période d’arrêt de travail.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens en ce compris les frais d’expertise en application de l’article 695 4° du code de procédure civile et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La FFME et la Sa Allianz qui succombent dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation supporteront la charge des entiers dépens d’appel et doivent être déboutées de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande d’allouer à M. AT et à Mme RE une indemnité globale de 6.000 € et à chacun des deux tiers payeurs une indemnité de 1.000 €, au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Aux termes de l’article L 376-1 du code de la sécurité sociale en contrepartie des frais qu’elle engage pour obtenir le remboursement des prestations mises à sa charge, la Cpam de la Haute Garonne auquel est affiliée la victime recouvre à son profit une indemnité forfaitaire de gestion, d’un montant de 1.047 € comme sollicité, à la charge du responsable et de son assureur qui diffère tant par ses finalités, que par ses modalités d’application, des frais irrépétibles exposés non compris dans les dépens de l’instance.

Par ces motifs

La Cour,

— Confirme le jugement du 14 avril 2016 tel que rectifié le 26 mai 2016, hormis sur le montant de l’indemnisation des deux victimes, sur les sommes leur revenant et sur le montant des sommes revenant à la Cpam de la Haute Garonne au titre de ses débours postérieurs à la consolidation et de l’indemnité forfaitaire de gestion.

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

— Fixe le préjudice corporel global de M. AT à la somme de 50.666,73 €.

— Dit que l’indemnité revenant au tiers payeur s’établit à 14.265,03 € et à cette victime à 36.401,70 €.

Condamne in solidum la Fédération française de la montage et de l’escalade et la Sa Allianz à payer à M. AT la somme de 36.401,70 € au titre de son préjudice corporel, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2016 à hauteur de 33.631,70 € et du 21 janvier 2019 à hauteur de 2.770 €.

— Condamne in solidum la Fédération française de la montage et de l’escalade et la Sa Allianz à payer à M. AT au titre de ses préjudices par ricochet les sommes de

* 10.000 € pour son préjudice d’affection

* 10.000 € pour son préjudice sexuel avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2016 à hauteur de 10.000 € et du 21 janvier 2019 à hauteur de 10.000 €

— Fixe le préjudice corporel global de Mme RE à la somme de 1.263.899,30€

— Dit que l’indemnité revenant au tiers payeur s’établit à 123.737,10 € et à cette victime à 1.140.162,20 €.

Condamne in solidum la Fédération française de la montage et de l’escalade et la Sa Allianz à payer à Mme

RE la somme de 1.140.162,20 €, sauf à déduire les provisions versées, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2016 à hauteur de 873.682,04 € et du 21 janvier 2019 à hauteur de 266.480,20 €.

— Condamne in solidum la Fédération française de la montage et de l’escalade et la Sa Allianz à payer à la Caisse primaire d’assurance maladie de la Haute Garonne les sommes de

* 123.737,10 € au titre de ses débours intérêts au taux légal à compter du 31 août 2015

* 1.047 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion

* 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour.

Réserve les droits de Mme RE au titre d’une crânioplastie dans l’avenir.

— Condamne in solidum la Fédération française de la montage et de l’escalade et la Sa Allianz à payer à

* M. AT et à Mme RE la somme globale de 6.000 €

* au RSI Midi Pyrénées la somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour

Déboute la Fédération française de la montage et de l’escalade et la Sa Allianz de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés.

Condamne in solidum la Fédération française de la montage et de l’escalade et la Sa Allianz aux entiers dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

Le greffier Le président

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Cour d'appel de Toulouse, 21 janvier 2019, n° 16/02863