Cour Administrative d'Appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 17 juillet 2012, 10MA04633, Inédit au recueil Lebon

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CE 22 mai 2013, req. n° 351183. Une politique nationale visant à promouvoir l'accès à l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations justifie une différence de traitement des fonctionnaires fondée sur l'âge. Le Conseil d'Etat a jugé que l'existence d'une limite d'âge à 65 ans pour un corps ou cadre d'emplois n'est pas contraire aux dispositions de la directive européenne du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail. En l'espèce, à l'approche de son soixante-cinquième …

 

Revue Générale du Droit

La lutte contre les discriminations est un élément sensible des politiques publiques et l'âge est l'un des critères qui, sous une apparente neutralité, peut largement influer sur les notions d'égalité et de liberté suivant la portée des limites instaurées et leur fondement. L'exercice de certaines activités et professions peut directement avoir une incidence sur la sécurité des biens et des personnes et fait, de ce fait, l'objet d'une réglementation particulière propre à s'assurer des aptitudes des personnes en cause. C'est ainsi que les « aiguilleurs du ciel », en réalité les membres du …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Marseille, 8e ch. - formation à 3, 17 juill. 2012, n° 10MA04633
Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
Numéro : 10MA04633
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Marseille, 9 novembre 2010, N° 1002833
Identifiant Légifrance : CETATEXT000026335438

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 décembre 2010 sous le n° 10MA04633, présentée par Me Lescudier, avocat, pour M. Marc A, demeurant … ; M. A demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1002833 du 10 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant :

- à l’annulation de la décision du 25 mars 2010 du ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer rejetant sa demande de maintien en activité au-delà de 57 ans,

- à ce qu’il soit enjoint à l’administration de le maintenir en activité au-delà de son 57e anniversaire, et de lui délivrer une attestation d’autorisation à la poursuite d’activité, sous peine d’indemnités financières ;

- à ce que soit mise à la charge de l’Etat les dépens et la somme de 2 000 euros au titre de frais exposés et non compris les dépens ;

2°) d’annuler pour excès de pouvoir ladite décision du 25 mars 2010 ;

3°) d’enjoindre à l’Etat, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de prendre une nouvelle décision l’autorisant à poursuivre son activité professionnelle au-delà de ses 57 ans, dans le délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, en lui délivrant en outre une « attestation d’autorisation à la poursuite d’activité » :

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution modifiée ;

Vu le Traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, notamment son article 21 ;

Vu la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, notamment ses articles 1, 2, 4 et 6 ;

Vu la directive n° 2006/23/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 concernant une licence communautaire de contrôleur de la circulation aérienne ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi modifiée n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

Vu la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 modifiée relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public ;

Vu la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ;

Vu la loi n° 95-116 du 4 février 1995, notamment son article 91 ;

Vu la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant transposition de la directive susvisée n° 2000/78/CE ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale, notamment son article 93 ;

Vu la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010, notamment son article 118 II ;

Vu le décret n° 71-917 du 8 novembre 1971 relatif au statut particulier du corps des ingénieurs des études et de l’exploitation de l’aviation civile ;

Vu le décret n° 90-998 du 8 novembre 1990 modifié portant statut du corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne ;

Vu le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009, pris pour application de l’article 1-3 de la loi susvisée n° 84-834 ;

Vu l’arrêté ministériel du 16 mai 2008 relatif aux conditions médicales particulières exigées pour l’exercice de fonctions de contrôle dans le cadre de la licence communautaire de contrôleur de la circulation aérienne ;

Vu l’arrêté ministériel du 16 mai 2008 relatif aux critères et conditions de délivrance des attestations d’aptitude médicale de classe 3 nécessaires pour assurer les services du contrôle de la circulation aérienne et à l’organisation des services de médecine aéronautique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 juin 2012 :

— le rapport de M. Brossier, rapporteur,

— les conclusions de Mme Vincent-Dominguez, rapporteur public,

— les observations de Me Fenech, substituant Me Lescudier, pour M. A,

— et les observations de Me Poupot, de la SCP Barthélémy-Matuchansky-Vexliard, pour le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 juin 2012, présentée pour le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, non communiquée ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 juin 2012, présentée pour M. A, non communiquée ;

Considérant que M. A, fonctionnaire de l’Etat appartenant au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA), demande à la Cour d’annuler le jugement susvisé par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision en date du 25 mars 2010 par laquelle le ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer a rejeté sa demande de maintien en activité au-delà de la limite d’âge de 57 ans, sur le fondement de l’article 3 de la loi susvisée du 31 décembre 1989 ;

Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne : « Les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne sont chargés d’assurer les services de la circulation aérienne dans les organismes de contrôle désignés dans les conditions fixées par le décret statutaire du corps et d’exécuter dans l’administration de l’aviation civile des missions d’encadrement, d’instruction, d’étude ou de direction de service ou de partie de service. / Le corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne est régi par un statut spécial fixé par décret en Conseil d’Etat, après avis du comité technique paritaire compétent. Ce statut peut, en raison des sujétions et des responsabilités exceptionnelles attachées aux fonctions de ces ingénieurs, déroger aux dispositions des articles 12 et 16 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et à celles de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat » ; qu’aux termes de l’article 3 de ladite loi susvisée du 31 décembre 1989, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée issue de l’article 91 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 : « La limite d’âge des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne est fixée à cinquante-sept ans, sans possibilité de report » ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public, introduit par l’article 93 de la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 : « Sous réserve des droits au recul des limites d’âge prévus par l’article 4 de la loi du 18 août 1936 concernant les mises à la retraite par ancienneté, les fonctionnaires régis par la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires appartenant à des corps ou à des cadres d’emplois dont la limite d’âge est inférieure à soixante-cinq ans sont, sur leur demande, lorsqu’ils atteignent cette limite d’âge, maintenus en activité jusqu’à l’âge de soixante-cinq ans, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat, sous réserve de leur aptitude physique » ; que le décret n° 2009-1744 du 30 décembre 2009 détermine les conditions dans lesquelles il est fait droit aux demandes de prolongation d’activité présentées par les fonctionnaires concernés ;

Sur le moyen tiré de ce que l’article 3 de la loi susvisée du 31 décembre 1989 aurait été abrogé :

Considérant que le dispositif général de maintien en activité créé par l’article 93 de la loi du 17 décembre 2008 a pour objet de permettre le maintien en activité des fonctionnaires appartenant à des corps classés en catégorie active sans remettre en cause les limites d’âge propres à ces corps et résultant des dispositions à caractère statutaire qui leur sont propres ; que le droit du fonctionnaire au maintien en activité s’applique ainsi réserve faite des dispositions du statut spécial dont il relève qui auraient pour objet d’interdire la prolongation de son activité ; qu’il suit de là que les dispositions de l’article 93 de la loi du 17 décembre 2008 ne peuvent être regardées comme ayant eu pour effet d’abroger les dispositions spéciales à caractère statutaire de l’article 3 de la loi du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, lesquelles s’opposent à tout prolongement de l’activité de ces derniers au-delà de la limite d’âge de 57 ans ; que, par suite, l’appelant n’est pas fondé à soutenir que l’article 3 de la loi susvisée du 31 décembre 1989 aurait été abrogé ;

Sur le caractère discriminatoire de l’article 3 de la loi susvisée du 31 décembre 1989 :

Considérant, en premier lieu, que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt en vertu de l’article 88-1 de la Constitution le caractère d’une obligation constitutionnelle ; qu’il appartient au juge national, juge de droit commun de l’application du droit communautaire, de garantir l’effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l’égard des autorités publiques ; que tout justiciable peut en conséquence, pour contester une décision administrative, soutenir, par voie d’action ou par voie d’exception, qu’après l’expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent continuer de faire application d’une règle de droit national qui ne serait pas compatible avec les objectifs clairement définis par une directive communautaire ; qu’en vertu des dispositions de l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 dans sa rédaction issue de la loi du 16 novembre 2001, prise pour la transposition de la directive n° 2000/78/CE du Conseil en date du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail, aucune distinction ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur âge ;

Considérant, en deuxième lieu, que l’appelant invoque les dispositions de la directive susvisée n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail ; qu’aux termes de l’article 1er de cette directive : « La présente directive a pour objet d’établir un cadre général pour lutter contre la discrimination fondée sur la religion ou les convictions, l’handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en oeuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement. » ; qu’aux termes de l’article 2 de cette directive : « 1. Aux fins de la présente directive, on entend par »principe de l’égalité de traitement« l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondée sur un des motifs visés à l’article 1er. (…) » ; qu’en vertu du paragraphe 5 de l’article 2 et du paragraphe 1 de l’article 4 de cette directive n° 2000/78/CE, les Etats membres, d’une part, peuvent déroger au principe général de non-discrimination en matière d’emploi « par des mesures prévues par la législation nationale qui, dans une société démocratique, sont nécessaires à la sécurité publique, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé et à la protection des droits et libertés d’autrui », et d’autre part, « peuvent prévoir qu’une différence de traitement fondée sur une caractéristique liée à l’un des motifs visés à l’article 1er ne constitue pas une discrimination lorsque, en raison de la nature d’une activité professionnelle ou des conditions de son exercice, la caractéristique en cause constitue une exigence professionnelle essentielle et déterminante, pour autant que l’objectif soit légitime et que l’exigence soit proportionnée » ; qu’aux termes enfin de l’article 6 paragraphe 1 de cette directive : « Nonobstant l’article 2, paragraphe 2, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. » ;

Considérant qu’il résulte de l’interprétation de ces dispositions, telle que donnée par la Cour de justice de l’Union européenne notamment dans son arrêt n° C-447/09 rendu le 13 septembre 2011, en premier lieu, qu’une réglementation nationale relative à la fixation de l’âge de la retraite relève du champ d’application de ladite directive, en deuxième lieu, qu’il incombe au juge national de vérifier si une telle limite d’âge répond au souci d’atteindre l’objectif légitime invoqué de manière cohérente et proportionnée, en troisième lieu, que si l’objectif de sécurité aérienne ne peut être regardé comme un objectif légitime au sens de l’article 6 précité, cet objectif de sécurité aérienne doit en revanche être regardé comme un objectif légitime au sens du paragraphe 5 de l’article 2 précité, dès lors que la sécurité aérienne, incluant la protection de l’intégrité physique des passagers et des habitants des zones survolées, est une composante de la sécurité publique ; qu’il appartient dans ces conditions au juge national de vérifier si l’article 3 en litige de la loi susvisée du 31 décembre 1989, fixant la limite d’âge à cinquante-sept ans « sans possibilité de report », est justifié par l’objectif légitime invoqué de sécurité aérienne et constitue un moyen nécessaire et proportionné pour atteindre cet objectif ; qu’afin d’apprécier la proportionnalité avec cet objectif de la mesure en litige, doivent être pris en considération les contraintes impliquées pour l’agent par cette impossibilité de prolongation d’activité, les mesures prévues par la législation nationale pour atténuer les effets de ces contraintes, et l’existence ou non de moyens de parvenir à cet objectif primordial de sécurité aérienne par d’autres biais que celui d’une interdiction absolue de toute prorogation d’activité ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier, eu égard aux conditions particulières auxquels les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne sont soumis dans la pratique quotidienne de leur fonctions, s’agissant notamment de la durée de concentration exigée sur écran, des situations d’urgence auxquelles ils sont susceptibles d’être confrontés dans un contexte de stress, et de leurs cycles de travail irréguliers de jour comme de nuit, que l’exercice du métier de contrôleur aérien affecté en salle de contrôle engendre usure et fatigue de l’organisme et est donc susceptible d’être affecté par l’âge ; que s’il est ainsi constant que l’âge a un impact sur l’endurance, la vigilance et les performances au travail du contrôleur aérien, toutefois, l’appelant soutient que les risques liés aux effets du vieillissement peuvent être raisonnablement évalués régulièrement par une visite médicale sans que ne soit nécessairement imposé, pour atteindre l’objectif légitime de sécurité aérienne, une limite d’âge systématique de 57 ans sans possibilité de report ; que le ministre intimé ne produit aucune étude médicale justifiant ce seuil de 57 ans, applicable à la date de la décision attaquée et au demeurant reporté à 59 ans par l’article 118 II de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 ; que s’agissant de la directive n° 2006/23/CE du Parlement européen et du Conseil invoquée par le ministre intimé, directive qui instaure dans le cadre de la mise en place d’un « ciel unique européen » une licence communautaire de contrôleur de la navigation aérienne, si son article 10 dispose que « les Etats membres peuvent, s’ils le jugent nécessaire, prévoir pour les titulaires d’une licence une limite d’âge à l’exercice des privilèges d’une mention d’unité », cette limite d’âge ainsi prévue n’est pas générale, mais circonscrite à la mention d’unité, laquelle est définie par l’article 2. 7) de ladite directive comme correspondant à l’inscription portée sur la licence de l’indicateur d’emplacement OACI et/ou des secteurs ou postes de travail pour lesquels le titulaire de la licence est reconnu compétent pour exercer ; que cette directive n° 2006/23/CE prévoit en outre, s’agissant du contrôle d’aptitude, que la validité de la mention d’unité, d’une durée initiale de 12 mois, est prorogée annuellement à la suite d’une attestation médicale valide ; qu’il résulte des arrêtés ministériels du 16 mai 2008 susvisés, notamment de leur annexe, que l’examen médical d’aptitude physique est réalisé en France par un médecin examinateur agréé par la direction du contrôle de la sécurité de la direction générale de l’aviation civile, « dûment formé et autorisé par le comité médical du contrôle de la navigation aérienne à procéder aux examens médicaux des candidats en vue de la délivrance des attestations médicales de classe 3 qui accompagnent la licence de contrôleur de la circulation aérienne » et que cet examen médical, particulièrement approfondi par référence aux normes médicales classées « euro class 3 », est susceptible d’être adapté à fin d’évaluer les capacités cognitives de l’agent chargé du contrôle aérien ;

Considérant, en quatrième lieu et s’agissant des contraintes imposées à l’agent par la mesure en litige, qu’à la date de la décision attaquée, l’impossibilité pour un ingénieur du contrôle de la navigation aérienne de prolonger son activité professionnelle au-delà de 57 ans, pour une limite d’âge de droit commun alors de 65 ans, diminue celle-ci de huit années ; que s’agissant des mesures prévues par la législation nationale pour atténuer les effets de cette contrainte, si en application des dispositions de l’article 6-1 de la loi susvisée du 31 décembre 1989, les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne atteints par la limite d’âge peuvent bénéficier d’une allocation temporaire complémentaire, cette circonstance ne permet pas, à elle seule, de considérer que l’exigence imposée de cesser toute activité professionnelle à l’âge de 57 ans est proportionnée à l’objectif recherché de sécurité aérienne, dès lors que cette allocation n’atteint que le montant maximum de 118 % de l’indemnité spéciale de qualification versée à un premier contrôleur et est surplus versée sous conditions de durée de services effectifs ;

Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que, d’une part, au sein du corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne, l’impossibilité de prolonger son activité au-delà de la limite d’âge s’impose sans distinction, tant à ceux travaillant en « salle de contrôle », qu’à ceux qui travaillent « hors salle de contrôle » sur des tâches administratives et dans des conditions de travail objectivement différentes qui ne sont pas directement concernées par l’objectif légitime de sécurité aérienne ; que d’autre part, et contrairement à ce que soutient le ministre intimé, aucune obligation de reclassement dans un autre corps de la fonction publique n’est offerte statutairement aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne souhaitant travailler au delà de 57 ans ; qu’en effet, si le ministre fait état d’une telle possibilité de reclassement, pour les agents exerçant « hors salle de contrôle », dans le corps des ingénieurs des études et de l’exploitation civile, l’article 5 -2° du décret n° 71- 917 du 8 novembre 1971 susvisé prévoit seulement que les ingénieurs d’études et de l’exploitation de l’aviation civile ne peuvent être recrutés parmi les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne qu’à la suite d’un examen professionnel et dans la limite de 25 % seulement des emplois à pourvoir ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, si l’objectif de sécurité aérienne constitue un objectif légitime de sécurité publique susceptible de justifier une discrimination fondée sur l’âge et par suite de justifier pour les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne la fixation d’une limite d’âge inférieure à la limite d’âge de droit commun, toutefois, l’interdiction systématique de tout report d’activité au-delà de cette limite d’âge, sans que soit statutairement envisagée une obligation de reclassement dans un autre corps, ou que soit différenciée la situation des ingénieurs travaillant « en salle de contrôle » et celle de ceux travaillant « hors salle de contrôle », ou qu’il soit tenu compte au cas par cas de l’aptitude physique de l’agent à la suite d’un examen médical spécialisé, n’est pas proportionnée à l’objectif légitime de sécurité aérienne recherché ; qu’il s’ensuit que l’appelant est fondé à soutenir, sans qu’il soit besoin de poser à cet égard une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, que l’article 3 de la loi susvisée du 31 décembre 1989 est incompatible avec les dispositions précitées du paragraphe 5 de l’article 2 et du paragraphe 1 de l’article 4 de la directive n° 2000/78/CE susvisée ;

Considérant qu’il s’ensuit que le jugement attaqué doit être annulé, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa régularité ; qu’il y a lieu pour la Cour, par l’effet dévolutif de l’appel, d’annuler pour excès de pouvoir la décision attaquée au motif qu’elle se fonde sur l’article 3 de la loi du 31 décembre 1989 qui est incompatible avec ladite directive n° 2000/78/CE , sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens en annulation soulevés par l’appelant ;

Sur les conclusions à fin d’injonction :

Considérant que l’article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. » ; qu’aux termes de l’article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. » ; et qu’aux termes de l’article L. 911-3 du code de justice administrative : « Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l’injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d’une astreinte qu’elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d’effet. » ;

Considérant que le présent arrêt implique nécessairement le réexamen de la demande de l’appelant tendant à bénéficier d’une prolongation d’activité au-delà de la limite d’âge de 57 ans, réexamen incluant la vérification de son aptitude médicale ; qu’il y a lieu, par voie de conséquence, d’enjoindre au ministre intimé, sans astreinte financière dans les circonstances de l’espèce, de réexaminer la demande de l’appelant tendant à être maintenu en activité au-delà de la limite d’âge de 57 ans ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat (ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie) la somme de 1.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement attaqué susvisé rendu par le tribunal administratif de Marseille est annulé.


Article 2 : La décision attaquée susvisée portant refus de maintien en activité de M. A au-delà de la limite d’âge de 57 ans est annulée.


Article 3 : Il est enjoint sans astreinte au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie de réexaminer la demande de M. A tendant à être maintenu en activité au-delà de la limite d’âge de 57 ans.

Article 4 : L’Etat versera à M. A la somme de 1.000 euros (mille euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus de la requête d’appel de M. A est rejeté.


Article 6: Le présent arrêt sera notifié à M. Marc A et au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

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N° 10MA046333

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