CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 6 juillet 2021, 21VE01406, Inédit au recueil Lebon

  • Emploi·
  • Plan·
  • Sauvegarde·
  • Comités·
  • Licenciement·
  • Travail·
  • Critère·
  • Justice administrative·
  • Tribunaux administratifs·
  • Salarié

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE VERSAILLES

N° 21VE01406 ---- Comité social et économique de TUI France et autres RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ---- M. Brotons Président ---- AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS M. I… Rapporteur ---- Mme Z La cour administrative d’appel de Versailles Rapporteure publique ---- 4e chambre Audience du 29 juin 2021 Décision du 6 juillet 2021 ___________

Code de publication : C

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité social et économique de TUI France, Mme S… E…, Mme C… Z…, Mme X… H…, M. M… W…, Mme P… J…, M. U… Q…, Mme X…, M. N… K…, Mme T… G…, M. V… AA…, Mme F… O…, Mme R… D… et M. Y…, ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d’annuler la décision du 16 décembre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique de l’unité économique et sociale TUI France.

Par un jugement n° 2013519 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Cergy- Pontoise a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 mai 2021 et un mémoire en réplique enregistré le 14 juin 2021, le comité social et économique de TUI France, Mme S… E…, Mme C… Z…, Mme X… H…, M. M… W…, Mme P… J…, M. U… Q…, Mme X…, M. N… K…, Mme T… G…, M. V… AA…, Mme F… O…, Mme R… D… et M. Y…, représentés par la SCP BARADUC DUHAMEL RAMEIX, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, demandent à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2°) d’annuler la décision du 16 décembre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique de l’unité économique et sociale TUI France ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que : – Le jugement est irrégulier dès lors que sa minute n’est pas revêtue de l’ensemble des signatures nécessaires à sa régularité, conformément à l’article R. 741-7 du code de justice administrative ; – La décision d’homologation est entachée d’incompétence, faute de justification d’une délégation de signature ; – La décision d’homologation est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l’article L. 1233-57-4 du code du travail ;

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’information et de consultation : – c’est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a écarté le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique alors qu’aucune information n’était disponible et dûment communiquée, d’une part, quant au coût prévisionnel et aux moyens financiers dont disposait l’entreprise pour abonder le plan de sauvegarde de l’emploi et, d’autre part, quant au projet de cession des 65 agences dont TUI France entend se séparer et la mise en œuvre des critères d’ordre de licenciement des salariés des agences ; – c’est à tort que le tribunal administratif a estimé que les éléments communiqués au comité social et économique étaient suffisants pour lui permettre d’émettre un avis en toute connaissance de cause ;

En ce qui concerne la définition des catégories professionnelles : – c’est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a écarté le moyen tiré de ce que les catégories professionnelles retenues par l’employeur n’avaient pas été valablement définies dans le document unilatéral ; – les définitions retenues ne revêtent pas un caractère d’objectivité mais différencient de manière artificielle des catégories de salariés exerçant pourtant des fonctions se rattachant à une formation professionnelle commune ; les catégories professionnelles retenues sont donc exagérément étroites, ce qui aboutit à un ciblage irrégulier de certains salariés destiné à faciliter leur licenciement, tout en préservant d’autres catégories ; – la segmentation litigieuse ne repose pas sur la réalité des missions exercées actuellement par les salariés ;

— les différents salariés ont été regroupés au sein de catégories professionnelles au seul regard des nécessités liées à la nouvelle organisation projetée par l’entreprise, le service groupe constituant le cœur de cible désormais privilégié, et non en considération d’une formation professionnelle commune ; – la définition des catégories professionnelles retenues n’englobe pas les salariés exerçant les fonctions d’animateurs et de délégués commerciaux intervenant au sein des clubs de vacances de l’entreprise ;

En ce qui concerne les critères d’ordre de licenciement : – les dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail ont été méconnues s’agissant des salariés des agences du réseau de distribution de la société TUI France faisant l’objet d’une cession ; un document unilatéral fixant un plan de sauvegarde de l’emploi ne peut prévoir la mise en œuvre, pour chaque catégorie professionnelle, des critères déterminant l’ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui des zones d’emploi dans lesquelles sont situés les établissements concernés par les suppressions d’emploi dans les catégories en cause, y compris dans l’hypothèse où le repreneur d’une agence ne reprend pas l’intégralité des salariés, en application de l’article L. 1233-61 du code du travail ; – le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a méconnu les dispositions de l’article D. 1233-2 du code du travail en jugeant que le plan de sauvegarde de l’emploi devait appliquer la nomenclature INSEE des zones d’emploi en vigueur au moment de l’engagement de la procédure de licenciement collectif mis en œuvre par la société TUI France alors que le plan de sauvegarde de l’emploi devait prendre en compte les zones d’emploi définies à la date à laquelle il a été arrêté et soumis au comité social et économique pour avis ; – le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a méconnu les dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail en écartant le moyen tiré de ce que la définition du critère de la valeur professionnelle créait une rupture d’égalité entre les salariés et portait atteinte aux critères d’individualisation ;

En ce qui concerne l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi : – le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a méconnu les dispositions de l’article L. 1233-57-3 du code du travail en écartant le moyen tiré de ce que le plan de sauvegarde de l’emploi était insuffisant au regard des moyens existants ; – le plan de sauvegarde de l’emploi est également insuffisant au regard des mesures de prévention en matière de santé et de sécurité des salariés.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mai 2021, la ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 mai 2021, la société TUI France, représentée par Me B…, avocate, conclut au rejet de la requête et à ce que soient mises à la charge du comité social et économique de TUI France une somme de 5 000 euros et à la charge de chacun des salariés requérants une somme de 50 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du président de la chambre du 31 mai 2021, la clôture de l’instruction a été fixée au 14 juin 2021 à 12h00, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu : – le code du travail ; – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique : – le rapport de M. I…, – les conclusions de Mme Z, rapporteure publique, – les observations de Me A… pour le comité social et économique de TUI France et autres et celles de Me L… pour la société TUI France.

Considérant ce qui suit :

1. La société TUI France, qui forme avec la société Label Tour, l’unité économique et sociale (UES) TUI France, est une filiale du groupe allemand TUI, leader mondial dans le secteur du tourisme. Le 20 juin 2020, l’UES TUI France a informé la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Ile-de-France d’un projet de plan de sauvegarde de l’emploi impliquant la suppression de 573 postes et la modification de 26 contrats de travail pouvant conduire à la notification de 599 licenciements pour motif économique et/ou départs volontaires sur un effectif de 904 salariés, s’inscrivant dans le cadre d’un projet de réorganisation résultant de la perte d’activité du groupe et de sa filiale française compte tenu du contexte sanitaire mondial lié à la pandémie de la Covid-19. A compter du 24 juin 2020 et jusqu’au 5 novembre 2020, se sont tenues les réunions d’information et de consultation du comité social et économique. Cette procédure a porté sur l’opération de réorganisation projetée et ses modalités d’application (livre II), sur le projet de licenciement collectif pour motif économique (livre I), ainsi que sur les conséquences de ce projet de réorganisation en matière de santé, sécurité et de conditions de travail. Le comité social et économique a, lors des réunions des 23 octobre et 5 novembre 2020, refusé de rendre un avis sur l’opération projetée. L’UES TUI France a déposé le 10 novembre 2020 auprès de la DIRECCTE d’Ile-de-France une demande d’homologation, complétée le 26 novembre suivant d’un document unilatéral élaboré sur le fondement des dispositions de l’article L. 1233-24-4 du code du travail. Le document unilatéral portant sur le licenciement collectif pour motif économique de l’UES TUI France a été homologué par une décision du 16 décembre 2020. Le comité social et économique de TUI France et treize salariés de la société TUI France relèvent appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à l’annulation de cette décision.

2. Aux termes de l’article L. 1233-61 du code du travail : « Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre ». Les articles L. 1233-24-1 et L. 1233-24-4 du même code prévoient que le contenu de ce plan de sauvegarde de l’emploi peut être déterminé par un accord collectif d’entreprise et qu’à défaut d’accord, il est fixé par un document élaboré unilatéralement par l’employeur. Aux termes de l’article L. 1233-57-3 de ce même code : « En l’absence d’accord collectif ou en cas d’accord ne portant pas sur l’ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, l’autorité administrative homologue le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité social et économique, le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l’entreprise, l’unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d’accompagnement prévues au regard de l’importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d’adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. / (…) ».

3. Lorsque le juge administratif est saisi d’une requête dirigée contre une décision d’homologation ou de validation d’un plan de sauvegarde de l’emploi d’une entreprise qui n’est pas en redressement ou en liquidation judiciaire, il doit, si cette requête soulève plusieurs moyens, toujours commencer par se prononcer, s’il est soulevé devant lui, sur le moyen tiré de l’absence ou de l’insuffisance du plan, même lorsqu’un autre moyen est de nature à fonder l’annulation de la décision administrative.

Sur le moyen tiré de l’insuffisance du plan de sauvegarde de l’emploi :

4. Il résulte des dispositions de l’article L. 1233-57-3 du code du travail précédemment citées qu’il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, d’apprécier, au regard de l’importance du projet de licenciement, si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d’une part, des efforts de formation et d’adaptation déjà réalisés par l’employeur et, d’autre part, des moyens dont disposent l’entreprise et, le cas échéant, l’unité économique et sociale et le groupe. Dans ce cadre, il revient notamment à l’autorité administrative de s’assurer que le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l’emploi est de nature à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité. L’employeur doit, à cette fin, avoir identifié dans le plan l’ensemble des possibilités de reclassement des salariés dans l’entreprise. En outre, lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’employeur, seul débiteur de l’obligation de reclassement, doit avoir procédé à une recherche sérieuse des postes disponibles pour un reclassement dans les autres entreprises du groupe. Pour l’ensemble des postes de reclassement ainsi identifiés, l’employeur doit avoir indiqué dans le plan leur nombre, leur nature et leur localisation.

5. Il ressort des pièces du dossier que le groupe TUI, qui intervient exclusivement dans le secteur du tourisme, connaît une situation financière extrêmement dégradée en raison de la crise liée à la pandémie de la Covid-19, qui a entrainé une perte de 3,1 milliards d’euros au titre de l’année 2020 et qu’il n’a assuré la poursuite de son activité qu’avec l’obtention de prêts successifs garantis par l’Etat allemand, le dernier prêt d’un montant de 1,8 milliards d’euros lui ayant été accordé au mois de décembre 2020. Il ressort également des pièces du dossier que la société TUI France a, quant à elle, clôturé l’exercice 2019/2020 avec une perte de 70 millions d’euros, alors que les pertes enregistrées à la clôture des comptes 2018/2019 s’élevaient déjà à 115 millions d’euros. Par ailleurs, le budget total prévu pour le financement du plan de sauvegarde de l’emploi a été estimé à la somme, non sérieusement contestée par les requérants, de 31 millions d’euros, représentant un coût de plus de 53 000 euros pour chacun des postes dont la suppression est prévue par le projet de licenciement et permettant de financer les mesures prévues par l’employeur et retracées dans la décision d’homologation du 16 décembre 2020 et au point 25 du jugement attaqué.

6. Dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que les mesures, prises dans leur ensemble, du plan de sauvegarde de l’emploi sont suffisantes pour satisfaire aux objectifs de maintien dans l’emploi et de reclassement des salariés de la société TUI France, compte tenu des moyens dont disposaient, à la date de la décision d’homologation litigieuse, l’entreprise et le groupe auquel elle appartient. Dès lors, le moyen tiré de ce que le plan de sauvegarde de l’emploi serait insuffisant au regard des moyens existants doit être écarté.

7. Si, par ailleurs, les requérants reprennent sommairement en appel, en se référant à leurs écritures de première instance, le moyen tiré de ce que le plan de sauvegarde de l’emploi serait insuffisant au regard des mesures de prévention en matière de santé et de sécurité des salariés, il y a lieu d’écarter ce moyen par adoption des motifs énoncés par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise aux points 30 à 32 du jugement attaqué.

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l’insuffisance du plan de sauvegarde doit être écarté.

Sur le moyen justifiant l’annulation de la décision d’homologation en litige :

9. Aux termes de l’article L. 1233-5 du code du travail : « Lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ; 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères prévus au présent article. / Le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par un accord collectif. / En l’absence d’un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d’emplois dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l’entreprise concernés par les suppressions d’emplois. / (…) ».

10. Aux termes de l’article L. 1224-1 du code du travail : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise. ». Aux termes de l’article L. 1233-61 du même code : « (…) Lorsque le plan de sauvegarde de l’emploi comporte, en vue d’éviter la fermeture d’un ou de plusieurs établissements, le transfert d’une ou de plusieurs entités économiques nécessaire à la sauvegarde d’une partie des emplois et lorsque ces entreprises souhaitent accepter une offre de reprise les dispositions de l’article L. 1224-1 relatives au transfert des contrats de travail ne s’appliquent que dans la limite du nombre des emplois qui n’ont pas été supprimés à la suite des licenciements, à la date d’effet de ce transfert. ».

11. Il résulte des dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail qu’un document unilatéral fixant un plan de sauvegarde de l’emploi ne peut prévoir la mise en œuvre, pour chaque catégorie professionnelle, des critères déterminant l’ordre des licenciements à un niveau inférieur à celui des zones d’emploi dans lesquelles sont situés les établissements concernés par les suppressions d’emploi dans les catégories en cause.

12. Il ressort des pièces du dossier que le document unilatéral de l’employeur fixant le plan de sauvegarde de l’emploi portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique et les mesures d’accompagnement prévues dans le cadre de ce plan précise qu’en l’absence d’accord collectif ayant prévu d’autres critères, conformément aux dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail, « les critères d’ordre ont vocation à s’appliquer au sein d’une même catégorie professionnelle sur les postes situés au sein de la même zone d’emploi, aux fins de déterminer le salarié dont le licenciement est envisagé ». Les requérants soutiennent toutefois que les dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail ont été méconnues s’agissant des salariés des agences du réseau de distribution intégré de la société TUI France faisant l’objet d’une cession dès lors que, dans cette hypothèse, les critères d’ordre ont été utilisés pour départager les salariés et ont donc été appliqués au niveau de chacune des agences concernées et non au niveau de la zone d’emploi à laquelle ces dernières appartiennent. Contrairement à ce que soutient la société en défense, les dispositions de l’article L. 1233-61 du code du travail, issues de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, qui instituent une mesure de tempérament au principe légal de transfert des contrats de travail en cours en cas de cession d’une entité économique autonome, sont sans incidence sur l’obligation, résultant de l’article L. 1233-5 du code du travail, de mettre en œuvre les critères déterminant l’ordre des licenciements à un niveau qui ne peut être inférieur à celui des zones d’emploi, dès lors que ces dispositions impliquent nécessairement que les transferts de contrats de travail n’interviennent qu’après détermination du nombre d’emplois supprimés à la suite des licenciements. Par suite, le comité social et économique de TUI France et autres sont fondés à soutenir qu’en ne faisant pas application au niveau des zones d’emploi des critères déterminant l’ordre des licenciements des salariés des agences du réseau de distribution intégré faisant l’objet d’une cession, préalablement à la détermination des salariés dont le contrat de travail ferait l’objet d’un transfert, la société TUI France a méconnu les dispositions précitées de l’article L. 1233-5 du code du travail. Les requérants sont dès lors fondés à soutenir que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France a entaché sa décision d’homologation d’une erreur de droit et, par suite, à demander l’annulation de cette décision.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le comité social et économique de TUI France et autres sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement au comité social et économique de TUI France une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens. Le comité social et économique de TUI France et autres n’étant pas parties perdantes dans la présente instance, les conclusions présentées par la société TUI France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2013519 du 18 mars 2021 du tribunal administratif de Cergy- Pontoise et la décision du 16 décembre 2020 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi d’Ile-de-France a homologué le document unilatéral portant sur le projet de licenciement collectif pour motif économique de l’unité économique et sociale TUI France sont annulés.

Article 2 : L’Etat versera la somme de 1 500 euros au comité social et économique de TUI France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du comité social et économique de TUI France et autres est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société TUI France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine

Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
  2. Code du travail
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de VERSAILLES, 4ème chambre, 6 juillet 2021, 21VE01406, Inédit au recueil Lebon