Conseil de prud'hommes de Le Havre, 7 mai 2019, n° 18/00185

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Le Havre, 7 mai 2019, n° 18/00185
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Le Havre
Numéro(s) : 18/00185

Sur les parties

Texte intégral

CONSEIL DE PRUD’HOMMES

[…]

[…]

RG_N N° RG F 18/00185 – N° Portalis DCZI-X-B7C-3WC

SECTION Commerce

AFFAIRE

contre

N° MINUTE

[…]

EXPEDITION

Chef-List #ATUN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT du 07 MAI 2019

DEMANDEUR
Monsieur

Représenté par Me Karim BERBRA (Avocat au barreau de ROUEN)

DÉFENDEUR

SNC n la personne de son représentant légal

Représenté par Me Valérie GUICHARD (Avocat au barreau de

PARIS)

COMPOSITION DU BUREAU DE JUGEMENT

Lors des débats et du délibéré
M. D-E F, Président Conseiller (E)
Mme Nathalie DORE, Assesseur Conseiller (E)
Mme Stéphanie GILLE, Assesseur Conseiller (S)
Mme Elisa MALANDAIN, Assesseur Conseiller (S) Assistés lors des débats de Mme B C, Greffier

DÉBATS

à l’audience du 26 Février 2019

JUGEMENT

Mis à disposition des parties au greffe le 07 Mai 2019



- 2 -

PROCÉDURE

Par requête reçue au greffe de la juridiction le 11 Mai 2018, Monsieur

a fait appeler la SNC devant la Section Commerce du CONSEIL DE PRUD’HOMMES. Le greffe, en application de l’article R 1452-4 du Code du Travail, a convoqué le DÉFENDEUR par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 Mai 2018, pour l’audience du Bureau de Conciliation et d’Orientation du 19 Juin 2018.

La demande initiale est la suivante :

- Dire et juger que le licenciement est nul, ou en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse

- Dommages et intérêts pour licenciement nul ou, en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse 20 000,00 Euros

- Remise des documents de fin de contrat rectifiés (attestation POLE EMPLOI, certificat de travail, solde de tout compte, bulletin de paie y afférent) au regard des dispositions du jugement à intervenir, sous astreinte de 75,00 Euros par document et par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir, le Conseil se réservant le droit de liquider

l’astreinte

- Article 700 du Code de Procédure Civile 2 500,00 Euros

- Exécution provisoire de la décision à intervenir pour son entier dispositif, nonobstant appel et constitution de garantie

- Condamner l’employeur aux entiers dépens de l’instance

La convocation a également informé la partie défenderesse que des décisions exécutoires pourraient, même en son absence, être prises contre elle par le Bureau de Conciliation et

d’Orientation.

En l’absence de Conciliation, les parties ont été convoquées pour les audiences de mise en état du 30 Octobre 2018, puis du Bureau de Jugement du 06 Novembre 2018, renvoyée au

11 Décembre 2018, puis au 26 Février 2019.

A l’audience, les parties ont été entendues par leur avocat en leurs réclamations, moyens de défense, explications et conclusions.

Le demandeur a modifié sa réclamation de la façon suivante :

- Dire et juger que le licenciement est nul, ou en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse.

- Dire et juger que le barème prévu à l’article L 1235-3 du Code du Travail, et dont il est demandé

l’application, doit être écarté.

A titre principal, dès lors que celui-ci est inconventionnel, du fait de sa violation aux

dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne, de l’article 10 de la convention 158 de l’OIT, de l’article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme

(CEDH) et de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CEDH.

Dès lors que celui-ci est contraire au principe de réparation intégrale du préjudice. A titre subsidiaire, dès lors que le licenciement est nul, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1 du Code du Travail.

Dès lors que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement, conformément aux dispositions de l’article L 1226-15 du Code du Travail.

- Dire n’y avoir lieu à solliciter l’avis de la Cour de Cassation sur cette question.


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- En conséquence, condamner la société au paiement des sommes suivantes :

- Dommages et intérêts pour licenciement nul ou, en tout état de cause, sans cause réelle et sérieuse 20 000,00 Euros

- Article 700 du Code de Procédure Civile 2 500,00 Euros

Remise des documents de fin de contrat rectifiés (attestation POLE EMPLOI, certificat de travail, solde de tout compte, bulletin de paie y afférent) au regard des dispositions du jugement à intervenir, sous astreinte de 75,00 Euros par document et par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement à intervenir, le Conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte

- Exécution provisoire de la décision à intervenir pour son entier dispositif, nonobstant appel et constitution de garantie

Condamner l’employeur aux entiers dépens de l’instance

La société défenderesse demande au Conseil de :

A titre principal

- Déclarer que le licenciement de Monsieur prononcé pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude d’origine professionnelle n’est pas frappé de nullité.

- Déclarer que le licenciement de Monsieur prononcé pour impossibilité de reclassement suite à inaptitude d’origine professionnelle est fondé sur une cause réelle et sérieuse.

- Déclarer que la société a sérieusement recherché un poste disponible suite à l’avis d’inaptitude de Monsieur

n résulte pas d’une faute de la part de- Déclarer que l’inaptitude physique de Monsieur la société.

En conséquence :

Débouter Monsieur l’ensemble de ses demandes. M

- Condamner Monsieur aux entiers dépens de l’instance.

A titre subsidiaire

Si par extraordinaire, le Conseil jugeait le licenciement de Monsieur X de cause réelle et sérieuse, il ne pourrait faire droit l’ensemble de ses demandes : Fixer à une plus juste valeur la demande de Monsieur au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit 3 mois de salaire maximum (5 690,73 Euros bruts) ou solliciter l’avis de la Cour de Cassation dans le cadre de la procédure visée aux articles L 1031-1 et suivants du Code de Procédure Civile, et de l’article L 441-1 du Code de l’Organisation judiciaire.

En conséquence et en tout état de cause : Débouter Monsieur de sa demande de remise des documents de fin de contrat conforme au jugement à venir.

- Débouter Monsieur de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du

Code de Procédure Civile.

A titre reconventionnel

- Condamner Monsieur au paiement de la somme de 2 000,00 Euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile.



La cause a été mise en délibéré et renvoyée pour mise à disposition du jugement à la date du 07 Mai 2019.

EXPOSE DU LITIGE
Monsieur a été embauché par la société à compter du

18 juin 2015 en qualité de boucher.

Aucune visite médicale d’embauche ne sera organisée par l’employeur.

En dernier lieu de la relation de travail, la rémunération moyenne mensuelle brute s’élevait à

1.896,91 €.

Le 11 mars 2017, alors qu’il était occupé à travailler un morceau de viande, Monsieur

s’est coupé le pouce gauche avec une scie à os.

Un seul gant de protection avait été mis à disposition de Monsieur par l’employeur.

Monsieur sera placé en arrêt de travail.

Il ne reprendra jamais son poste.

La déclaration d’accident du travail sera établie le 13 mars 2017 par l’employeur.

Le 22 mars 2017, la CPAM notifiait la prise en charge de l’accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

Le 10 novembre 2017, Monsieur était examiné par le médecin du travail.

Les conclusions médicales sont les suivantes : inaptitude probable à confirmer après étude de son poste de travail.

A revoir dans 15 jours. Envisager un poste sans port de charges lourdes 5 kgs et les efforts de serrage de la pince pouce index de la main gauche.

Le 21 novembre 2017, la CPAM informait Monsieur de ce qu’il était consolidé à compter du 23 novembre 2017.

Le 23 novembre 2017, Monsieur Y examiné par le médecin du travail dans le cadre de la visite de reprise.

Les conclusions médicales sont les suivantes :

Inapte définitif à son poste de travail.

Tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

Pourrait être reclassé dans un travail sans port de charges lourdes et ne sollicitant pas la pince pouce-index gauche.


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Le 14 décembre 2017, Monsieur) se voyait proposer 2 postes de reclassement qu’il était contraint de refuser, ceux-ci étant trop éloignés de son domicile et avec une rémunération moindre que celle qu’il percevait jusque-là.

Par courrier du 27 décembre 2017, Monsieur était convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 10 janvier 2018.

était licencié pour inaptitude. Le 16 janvier 2018, Monsieur

Le 2 février 2018, Monsieur se voyait notifier un taux d’IPP de 14 %.

Par courrier du 26 mars 2018, Monsieur se voyait reconnaître la qualité de travailleur handicapé pour la période du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2022.

C’est dans ces conditions que se présente le litige.

MOTIFS DU JUGEMENT

ATTENDU :

Que les articles L 1226-2 et L 1226-10 du Code du Travail disposent que lorsque le salarié victime [AT/MP ou non] est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article

L 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier

d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Que l’article R 4624-42 du Code du Travail dispose que, le médecin du travail ne peut constater

l’inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :

1° S’il a réalisé au moins un examen médical de l’intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste;

2° S’il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste;

3° S’il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;

4° S’il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur. Ces échanges avec l’employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser.

S’il estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, le médecin réalise ce second examen dans un délai qui n’excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l’avis médical d’inaptitude intervient au plus tard à cette date.


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Le médecin du travail peut mentionner dans cet avis que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle a tout reclassement dans un emploi.

Ainsi, aucune déclaration d’inaptitude ne peut intervenir sans qu’il y est eu au préalable :

- un examen médical,

- une étude de poste,

- une étude des conditions de travail, cette étude étant distincte de la précédente,

- un échange avec l’employeur, le tout en ayant associé préalablement, et à chaque étape des discussions entre les services de santé au travail et l’employeur, le salarié afin que celui-ci puisse faire valoir ses observations sur les différents avis ou propositions émis par le médecin du travail.

Qu’en prévoyant que «ces échanges [du 1° au 4° de l’article] avec l’employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser », le législateur a voulu instaurer une véritable procédure contradictoire pour l’ensemble des intervenants (médecin du travail, salarié, employeur) destinée à privilégier le maintien dans l’emploi.

Que cette nouvelle procédure contradictoire instaurée par l’article R. 4624-42 est confortée par les dispositions législatives du Code du Travail : Article L. 4624-3: Le médecin du travail peut proposer, par écrit et après échange avec le salarié et l’employeur, des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge ou à l’état de santé physique et mentale du travailleur.

Article L 4624-4 Après avoir procédé ou fait procéder par un membre de l’équipe pluridisciplinaire à une étude de poste et après avoir échangé avec le salarié et l’employeur, le médecin du travail qui constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste, déclare le travailleur inapte à son poste de travail.

L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du travailleur.

Article L 4624-5: Pour l’application des articles L. 4624-3 et L. 4624-4, le médecin du travail reçoit le salarié, afin d’échanger sur l’avis et les indications ou les propositions qu’il pourrait adresser à l’employeur.

Le médecin du travail peut proposer à l’employeur l’appui de l’équipe pluridisciplinaire ou celui d’un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en oeuvre son avis et ses indications ou ses propositions.

Que, si l’une des parties, et notamment le salarié, n’était pas associée à l’une de ces étapes, alors l’inaptitude n’aurait pas été régulièrement constatée, et le licenciement qui en découle deviendra alors sans cause réelle et sérieuse.

Que, le salarié doit être associé, ou au moins invité, à participer à l’étude de poste et à l’étude des conditions de travail pour lui permettre de donner son avis sur la base du «travail réel '> vécu par lui, et non simplement du travail prescrit par l’employeur.

Que de même, le salarié doit être informé de chacun des échanges entre la médecine du travail et l’employeur afin, le cas échéant, de faire valoir ses observations sur les propositions faites par les services de santé au travail ou les remarques émises par l’employeur.



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Que, le service de santé au travail ne peut constater l’inaptitude que s’il a procédé à un échange, par tous moyens, avec l’employeur.

Qu’un échange n’implique pas que le service de santé au travail se contente d’un seul courrier adressé à l’entreprise.

Que l’échange implique une véritable discussion entre le médecin du travail et l’employeur afin de permettre de faire ressortir les meilleures solutions pour favoriser le maintien du salarié dans

l’emploi.

Que cet échange ne peut intervenir qu’avant la déclaration d’inaptitude.

Que, lorsque l’inaptitude n’a pas été constatée dans les conditions prévues à l’article R 4624-42 du Code du Travail, le licenciement est nul.

Qu’à aucun moment Monsieur n’a été invité à participer à l’étude de poste, pas plus qu’il n’a été invité à participer à l’étude des conditions de travail imposées par le Code du Travail avant que le médecin du travail ne se prononce sur son inaptitude.

Que, Monsieur n’a jamais reçu une copie des échanges entre le médecin du travail et l’employeur, ce qui lui aurait permis de faire valoir ses observations, notamment sur les possibilités de reclassement ou de formation.

Qu’il résulte de ce qui précède que la procédure contradictoire instaurée par l’article R 4624-42 du Code du Travail n’a pas été respectée, Monsieur n’ayant jamais été mise en mesure de pouvoir faire valoir valablement ses observations sur les études et les échanges menés entre le médecin du travail et l’employeur.

Que l’inaptitude n’ayant pas été régulièrement constatée, il en découle que le licenciement prononcé sur ce fondement est sans cause réelle et sérieuse.

Que la compétence relève de la formation au fond du Conseil de Prud’hommes, dans les délais de droit commun.

Que contrairement à ce que soutient la société seule la contestation des éléments de nature médicale relève de la formation de référé.

Que, si l’avis du médecin du travail s’impose, ce n’est que s’agissant des éléments de nature

médicale. Monsieur est parfaitement fondé à en contester les autres éléments, et notamment la façon dont a été constatée l’inaptitude, en violation des règles précitées.

n’ont pas été respectées en la matière, il apparaît que Que les obligations de la société le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Qu’il est interdit de licencier un salarié en raison de son état de santé (Article L 1132-1 du Code du Travail).

Qu’il s’agit là d’un principe élémentaire et général du droit du travail.


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Que seules quelques exceptions légales permettent le licenciement d’un salarié malade :

- la situation objective de l’entreprise qui se trouve dans la nécessité de pourvoir au remplacement définitif d’un salarié dont l’absence prolongée ou les absences répétées perturbent son fonctionnement,

- une faute grave du salarié,

- l’impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à la maladie,

- une inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail.

Que l’employeur est tenu, envers ses salariés, à une obligation de sécurisé de résultat (Articles

L4121-1 et L 4121-2 du Code du Travail).

Que l’article 5 de la Directive du Conseil européen 89/391 EEC du 12 juin 1989 dispose que

l’employeur est obligé d’assurer la sécurité et la santé des travailleurs dans tous les aspects liés au travail.

Que le licenciement pour inaptitude n’est pas justifié lorsque l’inaptitude du salarié est provoquée par une faute de l’employeur.

Que tel est le cas en cas en présence de mesure de prévention insuffisante.

Que tel est également le cas en présence d’un manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité de résultat.

Qu’il n’est pas nécessaire que la faute inexcusable de l’employeur soit préalablement reconnue par les juridictions de sécurité sociale.

Que si l’employeur avait mis à disposition de Monsieur Z autre gant, de façon à ce que ses deux mains soient protégées, l’accident du travail ne serait pas survenu, ou dans des proportions moins graves, permettant à Monsieur de pouvoir continuer à exercer son métier de boucher.

Que, s’il avait mis à disposition de Monsieur une scie manuelle en bon état, ou même une scie à os électrique, la lame n’aurait pas ripée et entaillée gravement son pouce.

Que compte tenu de ce manquement évident de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, le licenciement apparaît sans cause réelle et sérieuse.

Que l’on ne peut sérieusement s’étonner qu’une lame qui coupe de la viande tous les jours ne soit pas usée au bout de 2 ans d’utilisation.

Qu’il ressort des débats que, Monsieur a toujours soutenu que la lame de la scie était en mauvais état, ce qu’il n’avait pas manqué de le signaler verbalement à sa hiérarchie.

Qu’auparavant, la seconde scie était à portée des bouchers mais qu’elle a été entreposée dans une réserve suite à un contrôle d’hygiène interne à l’entreprise.

refusait d’utiliser la scie électrique, ce qu’ilQue rien ne démontre que Monsieur conteste.

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Que Monsieur ne conteste pas avoir en sa possession un gant en maille au moment de l’accident.

Qu’il ressort des débats qu’à l’époque de l’accident, il n’y avait qu’un g ant pour 2 bouchers.

Que sa 2ème main devait également être protégée par un gant anti-A, gant qui lui aurait permis de manipuler aussi bien la viande que la scie en toute sécurité.

Que c’est d’ailleurs ce qui ressort des propres pièces de la société

< Pour la main qui tient le couteau de boucher, le gant de protection boucherie doit résister à la A tandis que celle qui tient la viande en place doit être protégé par le gant de boucher en cotte de maille inox ››.

Que ce sont donc bien 2 gants qui doivent être fournis à chaque boucher:

- un gant de boucher en maille,

- un gant anti-A.

avait bien un gant en maille, il n’était pas équipé d’un gant anti Que, si Monsieur A, sa 2éme main étant nue.

Que le Conseil constate que les instructions en interne sont contraires aux règles les plus élémentaires en matière de sécurité au travail, notamment, aux règles élémentaires de sécurité sur la question des gants de protection.

Que l’article L 1226-10 du Code du Travail impose à l’employeur, dans le cadre de la procédure de recherche de reclassement, de réunir et consulter les délégués du personnel afin de recueillir leur avis sur les possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte.

Que l’employeur doit fournir aux délégués du personnel toutes les informations nécessaires au reclassement du salarié inapte pour leur permettre de donner un avis en connaissance de cause.

Que l’employeur doit leur communiquer, notamment, les conclusions du médecin du travail sur les possibilités de reclassement du salarié.

Que dans le cas contraire, la consultation des DP est irrégulière donc le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse.

Qu’il en est de même lorsque l’employeur n’a pas porté à la connaissance des délégués du personnel les conclusions du médecin du travail relatives à l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

Que l’avis des délégués du personnel sur le reclassement du salarié doit être recu eilli : après que l’inaptitude soit constatée par le médecin du travail à l’issue de la seconde visite de reprise,

- mais avant la proposition d’un poste de reclassement approprié à ses capacités.

Que la consultation des DP doit, en tout état de cause, avoir lieu bien avant que la procédure de licenciement ne soit engagée. A défaut, elle est irrégulière et le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.


[…]

Que la société La répondu correctement à ces exigences et a remis aux délégués du personnel l’ensemble des informations leur permettant de se prononcer sur le reclassement de Monsieur

Que Monsieur s’en est rapporté à justice sur ce point.

Que l’article L 1226-10 du Code du Travail dispose :

< Lorsque le salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l’article L. 4624-4, à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social au cas présent des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existant dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail. Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies ci l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du Code de

Commerce, »

Que par ailleurs, l’article L 1226-12 du Code du Travail dispose que:

< Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi.

Que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

Que s’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III »

Que dans ses écritures, la société indique qu’aucune recommandation d’aménagement de poste existant ou de formation complémentaire n’était proposée par le médecin du travail.

Que comme l’indique l’article L 1226-10 du Code du Travail, l’obligation est double.

- d’une part, les conclusions écrites du médecin du travail el les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise,


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- d’autre part, les indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

Qu’en cas de silence du médecin du travail sur les indications qu’il doit formuler pour favoriser le reclassement du salarié y compris par le bénéfice d’une formation, il appartient à l’employeur de les solliciter auprès du médecin.

Qu’à défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

reconnaît que le médecin du travail ne s’est pas prononcé sur la Que la société

à bénéficier d’une formation pour occuper un poste capacité de Monsieur éventuellement adapté.

Qu’à aucun moment la société n’a cru devoir solliciter ou relancer le médecin du travail pour obtenir ses conclusions sur ce point précis et distinct.

Qu’en conséquence, le licenciement est considéré comme étant sans cause réel le et sérieuse.

Fen lui permettant, avecQu’il était parfaitement possible d’adapter le poste de Monsieur l’aide de ses collègues, de continuer d’exercer son métier, néanmoins sans port de charges lourdes et sans efforts de serrage de la pince pouce-index de la main gauche.

Que de ce fait, le licenciement est considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Que Monsieur La proposé à l’employeur de devenir formateur animateur en boucherie, poste qu’il pouvait parfaitement occuper.

Qu’il était même en mesure d’occuper le poste de responsable frais, dans la mesure où une adaptation était suffisante pour lui permettre d’occuper le poste.

Que le CV de Monsieur produit aux débats par la société démontre que Monsieur avait l’expérience pour tenir un tel poste, au besoin après une période de courte formation et d’adaptation.

Que Monsieur a été licencié pour inaptitude alors que celle-ci a été causée par la faute de son employeur, et que ce dernier n’a pas respecté les règles applicables en la matière.

Que Monsieur a donc injustement perdu son emploi.

Que ses restrictions médicales pourront être un frein à sa réorientation professionnelle.

Que le préjudice économique indéniable de Monsieur apparaît bien fondé et qu’il peut solliciter la réparation du préjudice moral qui est le sien, de sorte qu’il lui sera accordé des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Qu’en défense, la société invoque l’application du « Barème Macron ›› en soutenant que celui-ci est applicable à la présente affaire.

Que le barème doit être écarté en raison de sa contrariété aux normes internationales, communautaires et à des principes supra-légaux.


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Que le barème des indemnités issu de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, et codifié à l’article L 1235-3 du Code du Travail, est contraire au droit international et communautaire.

Que l’article 55 de la constitution de 1958 dispose que :

< Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par

l’autre partie. »

Que le Conseil d’Etat considèreque :

< Si l’article 55 de la Constitution subordonne l’application en France des conventions internationales à leur ratification et à leur publication, ces conventions une fois publiées doivent être appliquées dans toutes leurs dispositions, y compris celles qui leur confèrent un caractère rétroactif.

Que si le Conseil constitutionnel est compétent pour contrôler la conformité des lois à la Constitution (contrôle de constitutionnalité), le contrôle de la conformité des lois par rapport aux conventions internationales (contrôle de conventionalité) appartient en revanche aux juridictions ordinaires sous le contrôle de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat.

Que la Cour de Cassation, puis le Conseil d’Etat, se sont reconnus compétents pour procéder à ce contrôle de conventionnalité.

Que ce contrôle peut donc conduire, lors de l’examen d’un litige, à écarter la loi française pour faire prévaloir la convention internationale dans la résolution du litige.

Que l’article 24 de la Charte Sociale Européenne révisée (1996), relatif au droit à la protection en cas de licenciement, dispose que :

< En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties

s’engagent à reconnaître :

a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service;

b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

Qu’à cette fin les parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial. »

Que cette Charte Sociale Européenne révisée, qui a été signée (1996) et ratifiée par la France

(1999), a été approuvée en droit interne (Loi n° 99-174 du 10 mars 1999) et publiée au Journal Officiel de la République française (Décret n° 2000-110 du 4 février 2000).

Que c’est la raison pour laquelle le Conseil d’Etat considère que l’article 24 de la charte est d’application directe en droit interne et peut être invoqué par des particuliers dans le cadre de leur litige : «Ces stipulations (l’article 24 de la Charte), dont l’objet n’est pas de régir exclusivement les relations entre les Etats et qui ne requièrent l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers, peuvent être invoquées utilement '> (CE, 10 février

2014, n° 358992).


13.

Que, dans une décision du 8 septembre 2016, le Comité Européen des Droits Sociaux, chargé du contrôle du respect de la charte a considéré que la mise en place d’un barème des indemnités prud’homales violait l’article 24 de la charte.

Que le Comité rappelle qu’en vertu de la Charte, les salariés licenciés sans motif valable doivent obtenir une indemnisation ou toute autre réparation appropriée. Les mécanismes d’indemnisation sont réputés appropriés lorsqu’ils prévoient :

- le remboursement des pertes financières subies entre la date du licenciement et la décision de

l’organe de recours ;

- la possibilité de réintégration ;

- des indemnités d’un montant suffisamment élevé pour dissuader l’employeur et pour compenser le préjudice subi par la victime.

Que tout plafonnement qui aurait pour effet que les indemnités octroyées ne soient pas en rapport avec le préjudice subi et ne sont pas suffisamment dissuasives est en principe, contraire à la

Charte. Toutefois, en cas de plafonnement des indemnités accordées en compensation du préjudice matériel, la victime doit pouvoir demander réparation pour le préjudice moral subi par d’autres voies de droit. »

Qu’il découle de cette décision que, sauf s’il est possible pour le salarié d’obtenir un complément d’indemnisation, en plus du barème, par d’autres voies juridiques, la mise en place d’un barème impératif d’indemnités prud’homales est contraire à la charte sociale européenne.

Que, force est de constater que le barème des indemnités prud’homales tel que prévu dans

l’ordonnance n° 2017-1387, et codifié à l’article L 1235-3 du Code du Travail, ne permet pas aux salariés d’obtenir une pleine indemnisation du préjudice subi par eux, pas plus qu’il ne fixe des indemnités suffisamment dissuasives.

Que l’article L 1235-3 du Code du Travail, issu de l’ordonnance, dispose que :

< Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité

à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau »

Qu’il est expressément mentionné que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peuvent dépasser les montants maximum fixés par le barème.

Que ces dommages et intérêts avaient pourtant, jusque-là, pour objet de réparer l’ensemble des préjudices résultant de la perte injustifiée de l’emploi, notamment ses conséquences morales, financières, matérielles, et personnelles.

Que ces préjudices subis par le salarié peuvent être supérieurs aux montants maximums prévus par le barème.

Qu’il n’est, en l’état, pas possible pour le salarié d’obtenir, par une autre voie de droit, une indemnisation complémentaire des préjudices qui ne seraient pas couverts par le barème.

Qu’il ne lui est pas possible de saisir une autre juridiction pour obtenir cette indemnisation complémentaire puisque les litiges résultants d’un contrat de travail relèvent de la compétence exclusive du Conseil de Prud’hommes (Article L. 1411-1 du Code du Travail).


14

Que depuis la loi du 13 juillet 1973, l’action permettant au salarié d’obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse est exclusive de toute autre action sur le terrain de la responsabilité civile.

Qu’il ne lui est pas non plus possible de demander des dommages et intérêts spécifiques pour tel ou tel préjudice résultant de la perte de l’emploi puisque, précisément ceux-ci sont, en l’état, censés être couverts par les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui sont désormais plafonnés.

Que cette réparation complémentaire est donc impossible.

Que le barème est désormais un plafond pour l’ensemble des indemnités, et donc des préjudices, qui découlent du non-respect par l’employeur de plusieurs de ses obligations résultant de la procédure de licenciement.

Que les maximum du barème sont fixés en fonction de l’ancienneté.

Que l’ancienneté est largement insuffisante à déterminer l’ensemble des préjudices réel lement subis par le salarié.

Qu’un salarié avec une faible ancienneté pourra connaître des préjudices plus importants qu’un autre salarié avec une ancienneté plus importante.

Que dans le cas de Monsieur le barème prévoit un maximum de 3,5 mois de salaire, alors qu’il a été déclaré inapte à son poste par la faute de l’employeur.

Qu’il n’y a aucune dissuasion à verser 3,5 mois de salaire à un salarié injustement licencié pour inaptitude, cette dernière étant elle-même causée par la faute de l’employeur.

Que le plafonnement qui a pour effet que les indemnités octroyées ne sont pas en rapport avec le préjudice subi, n’est pas suffisamment dissuasif.

Que le barème des indemnités prud’homales prévu par l’article L. 1235-3 du Code du Travail est écarté car violant l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée, et qui est directement applicable au présent litige.

Que pour les mêmes raisons, le barème est déclaré contraire à l’article 10 de la convention de

l’OIT n° 158 sur le licenciement.

Que cet article dispose que :

< Si les organismes mentionnés à l’article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationale, ils

n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée. ››

Que cela impose donc de tenir compte du préjudice réellement subi par le salarié pour fixer son indemnisation, indépendamment d’un barème fixé de façon générale, abstraite et qui ne permet pas la prise en compte de considérations personnelles propres à chaque salarié.


15 S

Que cet article impose au législateur de laisser au juge une liberté d’appréciation dans la fixation du préjudice subi par le salarié et donc l’indemnisation adéquate qui en découle.

Qu’il n’existe pas de position du Conseil d’Etat qui serait opposable au juge prud’homal sur la possibilité qu’elle a de déclarer le barème comme étant inconventionnel malgré les décisions du Conseil constitutionnel et du Conseil d’Etat.

Que la Cour de Cassation refuse de rendre un avis lorsqu’il est question de conventionalité d’une Loi.

Que la Cour de Cassation estime en effet que l’office du juge du fond doit au préalable intervenir pour statuer sur la compatibilité des dispositions internes aux textes internationaux.

Que l’article 55 de la constitution du 4 octobre 1958 indique que «les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois.»

Que si le Conseil Constitutionnel est compétent pour contrôler la conformité des lois à la

Constitution, le contrôle de conformité des lois par rapport aux conventions internationales appartient aux juridictions ordinaires sous le contrôle de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat.

Que la Cour de Cassation a établi que la convention n° 158 était «directement applicable » et a souligné « la nécessité de garantir qu’il soit donné pleinement effet aux dispositions de la convention '>.

Que l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT, sur le licenciement, ratifié par la France le 16 mars 1989, stipule que si les tribunaux « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationale, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités a ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ››.

Que l’article 24 de la Charte Sociale Européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999 stipule «en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s’engagent à reconnaître (…) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée ».

Que le Conseil d’Etat a jugé que les dispositions de l’article 24 de la Charte Sociale Européenne sont directement invocables devant lui.

Que le Comité Européen des Droits Sociaux, organe en charge de l’interprétation de la Charte, s’est prononcé sur le sens devant être donné à l’indemnité adéquate et à la réparation appropriée dans sa décision du Comité du 8 septembre 2016.

Que le Comité a ainsi jugé que la Loi Finlandaise qui fixait un plafond de 24 mois d’indemnisation était contraire à la Charte.


16

Que l’article L 1235-3 du Code du Travail dispose que «Si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, (…) le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ».

Que le barème est fixé en fonction de l’ancienneté et de la taille de l’entreprise et peut aller jusqu’au maximum 20 mois.

Que l’article L 1235-3 du Code du Travail, en introduisant un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales, ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi.

Que ce barème prévoit des montants totalement abstraits, fondés exclusivement sur l’ancienneté, mais sans jamais tenir compte de la situation personnelle, et parfois exceptionnelle, du salarié licencié.

Que, l’ancienneté du salarié ne fait pas son préjudice.

Que dans le cas de Monsieur la barémisation des indemnités prud’homales va nécessairement amputer le salarié d’une partie de son indemnisation, le privant ainsi d’une réparation intégrale de son préjudice qu’il sera par ailleurs impossible, comme déjà indiqué, de récupérer, par d’autres voies juridiques.

Qu’en conséquence, il est incontestable que le barème des indemnités prud’homales prévu par l’article L 1235-3 du Code du Travail doit donc être écarté car violant le principe de réparation intégrale du préjudice.

Que pour l’ensemble de ces raisons, il convient d’écarter l’application du barème prévu par l’article L 1235-3 du Code du Travail.

Que Monsieur est, en conséquence, bien fondé à solliciter le versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indépendamment de tout barème.

sera donc déboutée de sa demande d’application du barème desQue la société indemnités prud’homales.

Que Monsieur est, bien fondé à solliciter la remise des documents de fin de contrat rectifiés (attestation POLE EMPLOI, certificat de travail, solde de tout compte, bulletin de paie y afférent) au regard des dispositions du jugement, sous astreinte de 15,00 € par document et par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement, le Conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte.

Qu’il serait également inéquitable de laisser à la charge de Monsieur les frais qu’il a été contraint d’engager pour faire valoir ses droits, de sorte qu’il lui sera alloué la somme de

1.500,00 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et que la société sera déboutée de sa demande à ce titre.

Que l’exécution provisoire de la décision est ordonnée pour son entier dispositif, nonobstant appel et constitution de garantie, celle-ci étant nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire.


17

Qu’il convient de condamner l’employeur, partie perdante, aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Conseil de Prud’hommes du HAVRE, pris en sa section commerce, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi et en premier ressort,

En application des articles précités,

Dit et juge que le licenciement de Monsieur est sans cause réelle et sérieuse,

Dit et juge que le barème prévu à l’article L 1235-3 du Code du Travail doit être écarté, que celui ci est inconventionnel du fait de sa violation aux dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne, de l’article 10 de la convention 158 de l’OIT, de l’article 6-1 de la Convention

Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la

CEDH, dès lors que celui-ci est contraire au principe de réparation intégrale du préjudice,

Dit n’y avoir lieu à solliciter l’avis de la Cour de Cassation sur cette question.

En conséquence, condamne la SNC prise en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes :

- 10.000,00 € (DIX MILLE EUROS) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle e sérieuse,

- 1.500,00 € (MILLE CINQ CENTS EUROS) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

Fixe en application de l’article R. 1454-28 du Code du Travail, la moyenne des trois derniers mois de salaire de Monsieur a la somme de 1896,91 € (MILLE HUIT CENT QUATRE

VINGT SEIZE EUROS ET QUATRE VINGT ONZE CENTIMES),

Ordonne la remise des documents de fin de contrat rectifiés (attestation POLE EMPLOI, certificat de travail, solde de tout compte, bulletin de paie y afférent) au regard des dispositions du jugement, sous astreinte de 15,00 € (QUINZE EUROS) par document et par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification du jugement, le Conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte,

Ordonne l’exécution provisoire de la décision, pour son entier dispositif, nonobstant appel et constitution de garantie,

de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles et Déboute la SNC la condamne aux éventuels dépens et frais d’exécution du présent jugement.

Ainsi rédigé par le Président.

Ont signé à la minute :

LE PRÉSIDENT LE GRE ER M. D-E F Mme B C

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Conseil de prud'hommes de Le Havre, 7 mai 2019, n° 18/00185