Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juillet 2018, 18-80.264, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 11 juill. 2018, n° 18-80.264
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 18-80.264
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 décembre 2017
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000037310635
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:CR02003
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Sur les parties

Texte intégral

N° R 18-80.264 F-D

N° 2003

VD1

11 JUILLET 2018

REJET

Mme DE LA LANCE conseiller le plus ancien faisant fonction de président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze juillet deux mille dix-huit, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PLANCHON, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général VALAT ;

Statuant sur les pourvois formés par :

— M. Roland Y…,

— Mme X… Z…, épouse Y…,

contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, en date du 20 décembre 2017, qui, dans l’information suivie contre eux des chefs de détournements de fonds publics, recel de ce délit, abus de confiance, faux et usage, a prononcé sur leur demande d’annulation de pièces de la procédure ;

Vu l’ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 13 avril 2018, joignant les pourvois en raison de la connexité et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 111-4, 432-15 du code pénal, 169 de l’ancien code pénal, 80-1, 174 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté les demandes d’annulation des mises en examen d’une part, de M. Roland Y…, du chef de détournement de fonds publics en sa qualité de sénateur par personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public et d’autre part, de Mme Z…, épouse Y… du chef de recel de ce délit ;

« aux motifs qu’en soutenant qu’il se déduirait de ce que les dispositions de l’article 432-15 du code pénal, en se limitant à mentionner une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, sans viser expressément une personne investie d’un mandat électif public, contrairement à ce que prévoient d’autres dispositions pénales comme par exemple l’article 432-12 du code pénal relatif au délit de prise illégale d’intérêt, ont exclu comme auteurs de l’infraction de détournement de fonds publics ou privés, les personnes investies d’un mandat électif public, le moyen proposé, en partant de l’examen de cas particuliers pour aller à celui d’un cas général, procède en réalité par induction, méthode à laquelle, par application de l’article 111-4 du code pénal, le juge ne peut recourir pour interpréter une disposition pénale, dès lors que les catégories de personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, en n’étant pas spécifiées dans une liste limitée à certaines personnes participant à des services publics, sont justement susceptibles d’englober toutes sortes de personnes, pourvu qu’elles répondent à certains critères en regard des objectifs de la loi qui tend à réprimer les atteintes au devoir de probité commis par les personnes participant à l’intérêt général ; que disant n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative à l’absence de détermination par la loi des personnes dépositaires de l’autorité publique, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que les dispositions de l’article 432-15 du code pénal sont suffisamment claires et précises, notamment en ce qu’elles concernent la qualité de dépositaire de l’autorité publique de l’auteur de l’infraction, dont le devoir de probité est en lien direct avec les fonctions qui lui sont confiées, pour permettre leur interprétation, qui entre dans l’office du juge pénal, sans risque d’arbitraire (cass.crim, 20 mai 2015 n°14-86.842) ; que la circulaire invoquée, sans portée normative, ne saurait se substituer à l’office du juge pour interpréter la loi ; que la loi ne distingue pas les niveaux hiérarchiques des personnes visées à l’article 432-15 du code pénal, ni leur rattachement aux pouvoirs exécutif et législatif ou à l’autorité judiciaire; que si les membres élus d’une assemblée à compétence territoriale locale, tels que ceux d’une municipalité, d’un département ou d’une région, ne sont pas tous nécessairement des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, dans une conception de l’Etat telle que défendue par le professeur Léon Duguit (Traité de droit constitutionnel), comme étant « une coopération de services publics organisés et contrôlés par les gouvernants », dont l’autonomie du droit pénal qui a pour mission particulière de protéger les intérêts essentiels de la société permet de s’emparer, le niveau supérieur et normatif de service public auquel le parlement se situe dans l’organisation de l’Etat conduit à considérer que le sénateur, qui en fait partie, est une personne dépositaire de l’autorité publique ou une personne chargée d’une mission de service public ; que la Constitution confie au parlementaire, dans l’exercice de son mandat, une mission de service public d’agir dans l’intérêt de la Nation et la sauvegarde des intérêts des citoyens et qu’il est par ailleurs rendu dépositaire de l’autorité publique lorsqu’il décide de convoquer telle personne devant une commission parlementaire, qui encourt une amende si elle ne défère pas à la convocation, ou de visiter tous lieux de privation de liberté ; que le parlementaire est nécessairement tenu à un devoir de probité en lien direct avec la mission que lui confie l’article 24 de la Constitution de voter la loi, de contrôler l’action du gouvernement et d’évaluer les politiques publiques, pour l’accomplissement de laquelle il peut être secondé, à son initiative, par un ou plusieurs collaborateurs rémunérés sur des fonds publics ; qu’aucune disposition légale ou constitutionnelle ne prévoit à son bénéfice une immunité à raison des infractions qu’il pourrait commettre pendant l’exercice de son mandat prévues à la section III, relative aux manquements au devoir de probité, du chapitre Il, titre III du livre quatrième du code pénal relatif aux crimes et délits contre la Nation, l’Etat et la paix publique, dans laquelle s’inscrit l’article 432-15 du code pénal ; que cette qualité de personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, qui doit ainsi être attribuée au sénateur, apparaît être conforme à l’intention du législateur, les travaux parlementaires lors de l’élaboration du code pénal de 1992 faisant apparaître que l’expression, alors nouvelle, de « personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public » permettait de désigner tous ceux qui exerçaient des fonctions publiques et qui étaient expressément désignés dans l’ancien code pénal ; qu’en particulier, dans son rapport n°274 déposé le 1er avril 1992, à propos du délit d’exercice illégal de fonctions, à la page 80, le sénateur Paul A… écrit : « La définition de l’auteur de l’infraction est cependant remaniée : au fonctionnaire public sont substituées la personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public et la personne investie d’un mandat électif public. La mention des élus peut paraître superfétatoire car ils exercent une fonction publique et entrent donc incontestablement dans la première catégorie. Cependant, votre commission ne vous en propose pas la suppression, cette disposition pouvant dissiper d’éventuelles incertitudes. » et à propos des délits de corruption et de trafic d’influence, à la page 92 : [personne investie d’un mandat électif, fonctionnaire public, militaire, agent ou préposé d’une administration publique ou sous contrôle de la puissance publique, citoyen chargé d’un ministère de service public] est supprimée et remplacée par la formule générique de personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou investie d’un mandat électif public. On pourrait émettre une réserve sur cette formulation dans la mesure où les élus sont des personnes dépositaires de l’autorité publique. Néanmoins, votre commission ne s’oppose pas à cette mention expresse.", de sorte que l’absence d’observations dans le rapport, à propos du délit de détournement de fonds publics, qui n’ajoute pas la catégorie des personnes investies d’un mandat électif public à la formule générique de personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, ne peut en conséquence s’expliquer que par le caractère superfétatoire dudit ajout relevé par le sénateur rapporteur et non par une volonté de s’auto-exclure du champ de la loi ; qu’en conséquence le moyen de nullité tiré de l’absence de qualité de l’auteur de l’infraction n’est pas fondé ;

« 1°) alors que la loi pénale est d’interprétation stricte ; que la qualité de personne investie d’un mandat électif public, qui n’entrait pas dans les prévisions de l’ancien article 169 du code pénal, n’a pas, contrairement à d’autres textes d’incrimination visant également la personne dépositaire de l’autorité publique ou celle chargée d’une mission de service public, été ajoutée au délit de l’article 432-15 par le législateur, qui l’a par conséquent exclue ; que la chambre de l’instruction, qui s’est fondée de manière inopérante sur des travaux parlementaires concernant les délits distincts de corruption et de trafic d’influence et d’exercice illégal de fonctions, a violé les textes visés au moyen ;

« 2°) alors qu’un parlementaire n’a pas, au sens de l’article 432-15 du code pénal, la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ; que la chambre de l’instruction a violé ce texte ;

« 3°) alors que le détournement de biens par une personne dépositaire de l’autorité publique n’est punissable que s’il porte sur des biens remis ou détenus en raison de ses fonctions ou de sa mission, autrement si les biens sont remis ou détenus par la personne dépositaire de l’autorité publique en cette qualité ; qu’en se fondant sur la circonstance que le parlementaire est « rendu dépositaire de l’autorité publique lorsqu’il décide de convoquer telle personne devant une commission parlementaire, qui encourt une amende si elle ne défère pas à la convocation, ou de visiter tous lieux de privation de liberté », cependant que les faits reprochés étaient étrangers à la mise en oeuvre de telles prérogatives, la chambre de l’instruction a statué par un motif inopérant" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à la suite d’une dénonciation anonyme concernant les agissements de M. Y…, sénateur-maire de la commune d'[…] (Bouches-du-Rhône) et de la transmission d’un rapport de la chambre régionale des comptes, une enquête préliminaire, puis une information ont été ouvertes des chefs susvisés visant, notamment, les conditions dans lesquelles l’intéressé a recruté et rémunéré sa belle-fille, Mme Y…, ayant une formation d’esthéticienne, en qualité d’assistante parlementaire, à hauteur de 4 000 euros par mois entre 2009 et 2012 ; que M. Y…, qui soutient que sa belle-fille a effectué un véritable travail d’assistante parlementaire en se rendant avec lui sur les nombreux marchés de sa circonscription pour aller à la rencontre des habitants, en lui prodiguant des soins du corps, des mains et des pieds ou en lui donnant des conseils sur sa tenue vestimentaire ou sa coiffure, a été mis en examen des chefs de détournements de fonds publics, d’abus de confiance et de faux et usage tandis que Mme Y…, qui conteste également les faits, a été mise en examen du chef de recel de détournement de fonds publics ; que les demandeurs ont saisi la chambre de l’instruction d’une requête en annulation d’actes de la procédure ;

Attendu que, pour juger qu’un sénateur est une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, l’arrêt, après avoir rappelé que pour dire n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité critiquant les dispositions de l’article 432-15 du code pénal, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que celles-ci sont suffisamment claires et précises, notamment en ce qu’elles concernent la qualité de dépositaire de l’autorité publique de l’auteur de l’infraction, pour permettre leur interprétation qui entre dans l’office du juge pénal, énonce que si les membres élus d’une assemblée à compétence territoriale locale, tels que ceux d’une municipalité, d’un département ou d’une région ne sont pas tous nécessairement des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, le niveau supérieur et normatif de service public auquel le parlement se situe dans l’organisation de l’Etat conduit à considérer que le sénateur est une personne dépositaire de l’autorité publique ou une personne chargée d’une mission de service public, que la Constitution confie au parlementaire, dans l’exercice de son mandat, une mission de service public d’agir dans l’intérêt de la Nation et la sauvegarde des intérêts des citoyens et qu’il est par ailleurs rendu dépositaire de l’autorité publique lorsqu’il décide de convoquer devant une commission parlementaire une personne qui encourt une amende si elle ne défère pas à la convocation, ou de visiter tous les lieux de privation de liberté ;

Que les juges, après avoir relevé que le parlementaire est nécessairement tenu à un devoir de probité, en lien direct avec la mission que lui confie l’article 24 de la Constitution consistant à voter la loi, à contrôler l’action du Gouvernement et à évaluer les politiques publiques, pour l’accomplissement de laquelle il peut être secondé par un ou plusieurs collaborateurs rémunérés sur des fonds publics, ajoutent qu’aucune disposition légale ou constitutionnelle ne prévoit à son bénéfice une immunité à raison des infractions qu’il pourrait commettre pendant l’exercice de son mandat constituant des atteintes à la probité, dans lesquelles s’inscrit l’article 432-15 du code pénal et que cette qualité de personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public qui doit être attribuée au sénateur, apparaît être conforme à l’intention du législateur, les travaux parlementaires lors de l’élaboration du nouveau code pénal de 1992 faisant apparaître que cette expression permettait de désigner tous ceux qui exerçaient des fonctions publiques et qui étaient expressément désignés dans l’ancien code pénal ;

Que la chambre de l’instruction conclut que l’absence d’observation dans le rapport n° 274 du sénateur Paul A…, à propos du délit de détournement de fonds publics, qui n’ajoute pas la catégorie des personnes investies d’un mandat électif public à la formule générique de personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, ne peut en conséquence s’expliquer que par le caractère superfétatoire dudit ajout relevé par le sénateur rapporteur et non par une volonté de s’auto-exclure du champ de la loi et que le moyen de nullité tiré de l’absence de qualité de l’auteur de l’infraction n’est pas fondé ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que, d’une part, est chargée d’une mission de service public au sens de l’article 432-15 du code pénal la personne qui accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, d’autre part, ces dispositions n’exigent pas que les faits de détournements aient été commis à l’occasion de l’exécution de la mission de service public, la chambre de l’instruction, qui n’a pas méconnu les dispositions légales invoquées, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : Mme DE LA LANCE , conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme PLANCHON, conseiller rapporteur, Mme Drai, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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