Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 2e section, 24 février 2006, n° 02/17578

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

T R I B U N A L

D E GRANDE

I N S T A N C E

D E P A R I S

3e chambre 2e section

N° RG :

02/17578

N° MINUTE :

Assignation du :

26 Septembre 2002

Expéditions

exécutoires

délivrées le :

JUGEMENT

rendu le 24 Février 2006

DEMANDERESSES

Société HZPC HOLLAND BV

EDISONWEG 5-8501 XG JOURE-BP 88

[…]

HOLLANDE

Société HZPC HOLLAND BV

[…]

[…]

HOLLANDE

SAS HUCHETTE CAP GRIS NEZ venant aux droits de HZPC FRANCE

[…]

[…]

[…]

Société Z HOLLAND BV

[…]

HOLLANDE

[…]

Société Z HOLLAND BA

[…]

HOLLANDE

[…]

S.A. […]

[…]

[…]

[…]

G.I.E. STATION DE RECHERCHE DU COMITE NORD

[…]

[…]

Société GERMICOPA

[…]

[…]

Société SICA, (Sté d’Intérêt Collectif Agricole), dénommée « BRETAGNE PLANTS »,

HANVEC

[…]

Société HZPC FRANCE

[…]

[…]

[…]

S.A. HUCHETTE DUTHOIT

[…]

[…]

représentée par Me Cécile HUGONNET, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire E 084

DÉFENDERESSE

L’EARL I X

[…]

[…]

représentée par Me Hervé FRASSON GORRET, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire D 2009

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mme VALLET, Vice-Présidente

Mme RENARD, Vice-Présidente

Mme PICARD, Vice-Présidente

assistée de Caroline LARCHE, Greffier lors des débats et Marie-Aline PIGNOLET, Greffier au prononcé

DEBATS

A l’audience du 08 Décembre 2005

tenue en audience publique

JUGEMENT

Prononcé en audience publique

Contradictoire

en premier ressort

Faits et procédure

Les demanderesses, titulaires et exploitantes de certificats d’obtention végétale français et communautaires relatifs à diverses variétés de pommes de terre ayant été informés de ce que certains agriculteurs de la région champenoise se livraient à l’auto-production, à la vente et à l’échange de plants desdites variétés, ont obtenu de Monsieur le Président du Tribunal de Grande Instance de REIMS l’autorisation de pratiquer des saisies-contrefaçon dans plusieurs exploitations agricoles.

Une telle saisie a été diligentée le 17 septembre 2002 dans les locaux de l’EARL I-X.

Par acte d’huissier en date du 5 juillet 2002, les demanderesses ont assigné la cette société devant ce tribunal en contrefaçon et en concurrence déloyale.

Dans le dernier état de leurs écritures en date du 28 novembre 2005, elles demandent , sur le fondement des dispositions des articles L 623-1 et suivants et L 615-1 et suivants du code de la Propriété Intellectuelle et 1382 du code civil, de:

— rejeter les moyens d’irrecevabilité et de nullité opposés,

— rejeter la demande de sursis à statuer,

— dire que l’ EARL I- X a commis des actes de contrefaçon des variétés de pommes de terre F G, H B par reproduction, échange et commercialisation

— dire et juger que les actes de contrefaçon constituent des actes de concurrence déloyale à l’encontre des mandataires des titulaires des droits,

— ordonner dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice la jonction de la présente instance avec celles dirigées à l’encontre de Madame M K L, L’EARL GRIFFON-Y, le GAEC DE LA VESLE, L’EARL du VIEUX COLOMBIER et L’EARL COLINART,

— de donner acte à la SICA BRETAGNE PLANTS, au GIE STATION DE RECHERCHE DU COMITE NORD et à la société GERMICOPA de ce qu’elles ne sollicitent aucune condamnation à l’encontre de la défenderesse mais se joignent à la demande d’expertise,

— prononcer une mesure d’interdiction sous astreinte de 457,35 euros par quintal de semence et par jour,

— ordonner la publication du jugement dans au moins cinq journaux périodiques aux choix des demandeurs et aux frais des défendeurs dans la limite de 2000 euros par variété de plants contrefaits,

— voir constater le refus délibéré des défendeurs de déférer aux sommations de communiquer les grands livres de comptes des années 1999-2000- 2001 et 2002 et en tirer toutes conséquences de droit,

— ordonner une mesure d’expertise aux fins de fournir au tribunal les éléments permettant d’apprécier le préjudice subi par les demanderesses,

— allouer à chacun des titulaires de droits une indemnité provisionnelle de 30 000 euros en réparation de l’atteinte à leur droit moral dans l’attente des conclusions de l’expert

— condamner “in solidum les défendeurs” à payer à chacune des sociétés HZPC HOLLAND, Z Bv et E la somme de 7622,45 euros en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ,

le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire ,

et de les condamner aux dépens dont distraction au profit de Maître Cécile HUGONNET, dans les conditions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Dans ses écritures récapitulatives signifiées le 4 novembre 2005 l’EARL I-X oppose la nullité de l’assignation et de la procédure subséquente. Subsidiairement, elle s’oppose à la demande de jonction et soulève l’irrecevabilité des demandes pour défaut de qualité, de pouvoir et d’intérêt à agir et plus subsidiairement, demande de surseoir à statuer jusqu’au dépôt du rapport des médiateurs désignés par le Ministère de l’Agriculture et signature d’un accord interprofessionnel. Elle conclut en tout état de cause au débouté de l’ensemble des demandes et sollicite reconventionnellement l’allocation de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de la signification desdites conclusions et de la somme de 12195,92 euros en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir en substance que l’avocat constitué appartenant au Barreau de Châlons en Champagne n’a pas capacité pour représenter une personne devant le Tribunal de PARIS, qu’il n’est pas justifié de la titularité des droits sur les certificats d’obtention végétale en cause, que les mandats sont insuffisamment précis pour valoir autorisation d’agir en justice, que les mandant et les mandataires ne peuvent pas figurer ensemble dans la même instance, que le GIE STATION DE RECHERCHE DU COMITE NORD et la SICA BRETAGNE PLANTS, qui ne sont ni titulaires, ni exploitantes des certificats d’obtention végétale invoqués dans la présente instance ne disposent d’aucun intérêt à agir.

Sur le fond, elle oppose d’une part, que l’auto-production, qui résulte d’un usage ancestral est autorisé par le Règlement Communautaire 2100-94 d’application directe dans les Etats membres, par la convention UPOV du 2 décembre 1971 révisée en dernier état le 19 mars 1991 et par la Convention des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture ratifiée le 29 juin 2004 par la France. Elle soutient d’autre part que les sociétés demanderesses développent des pratiques anticoncurrentielles. Elle considère enfin que la preuve d’acte de cession ou d’échanges avec d’autres producteurs n’est pas rapportée.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er décembre 2005.

Par conclusions signifiées le 5 décembre 2005, la société I-X demande d’écarter des débats les dernières écritures des demanderesses qu’elles estiment tardives.

Motifs de la décision

I Sur la demande de rejet des dernières écritures:

Attendu que les demanderesses ont signifié les écritures contestées le 28 novembre 2005, soit trois jours avant l’ordonnance de clôture; que ces écritures, qui ne contiennent aucun moyen nouveau, se bornent à reprendre sous une présentation légèrement différente les arguments précédemment développés;

Qu’en conséquence, cette demande sera rejetée.

II Sur la nullité de l’assignation faute de constitution régulière:

Attendu que l’acte en cause mentionne que sont constitués dans cette affaire pour les demanderesses, la société d’avocats FIDAL, inscrite au Barreau de Chalons en Champagne, en qualité d’avocat plaidant, et Maître Cécile HUGONNET, avocat inscrit au Barreau de Paris en qualité d’avocat postulant; que l’élection de domicile des demanderesses au cabinet de l’avocat plaidant ne constitue pas une irrégularité de fond dès lors qu’un avocat plaidant était également constitué, cet avocat ayant pouvoir de représentation au siège de la juridiction saisie;

Qu’aucun grief n’est invoqué par la défenderesse, de sorte que l’irrégularité formelle n’est pas de nature à entraîner la nullité de l’acte introductif d’instance;

III Sur la demande de sursis à statuer:

Attendu que la défenderesse se prévaut de négociations en cours entre les titulaires de certificat d’obtention végétale et les producteurs au sujet du montant des redevances et d’une médiation engagée sous l’égide de la SICASOV, organisme collecteur de ces redevances dues au titulaires;

Attendu cependant que l’issue de ces discussions n’est pas de nature à influer sur celle du présent litige dès lors qu’elle ne peut entraîner aucune modification législative propre à légaliser rétroactivement les actes poursuivis ici;

Qu’en conséquence, cette demande doit être rejetée.

IV Sur la recevabilité des demandes:

Attendu que les actes de contrefaçon reprochés dans la présente procédure concernent les certificats d’obtention végétale afférents aux variétés F G, CAESAR;

A- Sur le défaut d’intérêt à agir:

Attendu que le GIE STATION DE RECHERCHE DU COMITE NORD, titulaire du certificat d’obtention végétale portant sur la variété FRANCELINE, qui admet qu’en l’état aucun acte de contrefaçon de son titre n’est démontré indique que sa présence aux débats a pour seul objet de requérir une mesure d’expertise de nature à établir la réalité d’actes de contrefaçon à son préjudice;

Attendu cependant qu’une telle demande est irrecevable faute d’intérêt étant rappelé qu’il appartient au demandeur d’établir la preuve des faits dont il se prévaut, la mesure d’expertise ne pouvant avoir pour objet de suppléer sa carence;

Attendu qu’il en va de même de la SICA BRETAGNE PLANTS, titulaire des certificats d’obtention végétale portant sur les variétés GOURMANDINE, EDEN et A et de la société GERMICOPA titulaire de variété C.

B- Sur la nullité de l’assignation et l’irrecevabilité à agir tirée du défaut de titularité des droits:

* sur la propriété du certificat d’obtention végétale F G:

Attendu que la défenderesse soutient que l’on ignore qui est le véritable titulaire du certificat d’obtention végétale relatif à la variété F G et à qui celui-ci a concédé un droit exclusif d’exploitation;

Attendu qu’il résulte des mentions de la copie officielle du titre versée aux débats que:

— le certificat d’obtention végétale considéré a été délivré le 17 octobre 1980 sous le n° 1267 à la société coopérative de droit hollandais ZPC-BA;

— ce certificat a été cédé à la société HZPC HOLLAND BV, Randweg 25 8304 AS EMMELOORD. NL selon acte notarié en date du 26 novembre 1999, cession régulièrement publiée le 26 novembre 2001 et donc opposable aux tiers;

Attendu que le registre du Commerce et des sociétés de la FRISE dont un extrait en date du 31 août 2005 est produit, montre d’une part que cette société a désormais son siège social à JOURE 8500 ( Hollande), 5, Edisonweg BP 88 et d’autre part qu’elle exploite un établissement secondaire à METSLAVIER 9123 (Hollande)4, Roptawei BP 2; qu’il s’en suit qu’il n’existe qu’une seule personnalité morale HZPC HOLLAND BV de sorte que l’établissement de METSLAVIER est dépourvu de capacité à agir;

Attendu que dans la mesure où l’action a été conjointement exercée par la personne morale à laquelle cet établissement est rattaché, l’assignation n’est pas frappée de nullité, l’intervention à l’acte de ce dernier se trouvant privée de tout effet juridique;

* Sur la titularité des droits sur l’obtention végétale communautaire CAESAR:

Attendu que cette variété fait l’objet d’une protection communautaire délivrée le 24 juin 1997 à la société DE ZPC Bv. enregistrée sous le n° EU 2130.

Attendu que l’extrait du registre des droits de protection communautaire délivré le 12 09 2005 établit que l’actuel propriétaire de ce titre est la société HZPC HOLLAND Bv.;

Que cette société a donc qualité pour défendre ce titre dans la présente affaire étant précisé que la cession intervenue le 5 janvier 2000 n’a été publiée que le 15 juin 2003, date à compter de laquelle elle est opposable aux tiers.

* Sur les droits d’exploitation concédés sur les variétés F G et CAESAR:

Attendu que la SAS HUCHETTE CAP GRIS-NEZ, venant aux droits de la société HZPC France, agit en qualité de mandataire de la société de droit hollandais HZPC HOLLAND BV;

Attendu que la défenderesse soutient que les mandats n’ont pas date certaine et ne donnent pas expressément le pouvoir d’agir en justice; qu’en outre, on ignore laquelle des deux sociétés HZPC HOLLAND a donné mandat à la société HZPC France; que cette dernière ayant été liquidée le 22 décembre 2003, la société HUCHETTE ne peut utilement se prévaloir du mandat donné à la société liquidée qui n’a plus de personnalité morale;

Attendu que selon les dispositions de l’article L 623-14 du code de la Propriété Intellectuelle “Les actes portant soit délivrance du certificat, soit transmission de propriété, soit concession de droit d’exploitation ou de gage, relatifs à un certificat d’obtention, ne sont opposables aux tiers que s’ils ont été régulièrement publiés…”

Attendu qu’en l’espèce la société HUCHETTE CAP GRIS NEZ ne se prévaut pas d’un mandat lui conférant le pouvoir d’agir en justice par représentation du titulaire du certificat d’obtention végétale lui-même présent à l’instance mais d’un droit d’exploitation conféré par cet acte les variétés considérées;

qu’ elle demande réparation de son préjudice propre sur le fondement des dispositions de l’article 1382 du code civil, le défaut de publicité ne lui permettant pas d’agir en contrefaçon;

Attendu que cependant que ce mandat en date du 15 décembre 2000, consenti par la société HZPC HOLLAND, dont il a déjà été dit qu’il n’existe qu’une personne morale, à la société HZPC France aux droits de laquelle elle vient par l’effet d’une fusion- absorption en date du 12 novembre 2003, outre qu’il ne précise pas la ou les variétés concernées, indique qu’il est consenti “pour l’obtention, la délivrance et le maintien en vigueur du certificat d’obtention végétale” et autorise le mandataire “ à accomplir tous les actes et à recevoir toute notification prévues par la loi du 11 juin 1970 et ses décrets d’application, à l’exclusion du retrait de la demande ou de la renonciation au certificat…”;

Attendu cependant que sa présence à l’instance au côté du titulaire du droit induit nécessairement que ce dernier, indépendamment des mandats susvisés, l’a effectivement autorisée à exploiter les certificats considérés en France, de sorte que les demandes sont recevables.

*Sur la titularité des droits sur le certificat d’obtention végétale français B:

Attendu que la société Z HOLLAND BV verse aux débats le certificat original à elle délivré le 19 novembre 1991 sous le n° 6225;

Qu’elle est donc recevable à agir en contrefaçon;

Attendu que par acte en date du 7 février 2002, cette société a concédé les droits de commercialisation de la variété pour le monde entier à l’exception de la Norvège, la Finlande et la Suède à la Coopérative Z BA; Que ce document, dont il n’est pas justifié qu’il ait fait l’objet d’une publication officielle, précise encore que Z BA a “le droit de nommer un représentant local pour enregistrer cette variété dans les “pays respectifs”; qu’en vertu de ce droit, la société Z BA a autorisé la société E SA à “opérer en son nom dans toutes les occasions ayant rapport à l’application et le maintien des droits d’obtention de la variété”;

Attendu que la société Z BA qui dispose d’un droit d’exploitation de la variété considérée ne présente cependant aucune demande dans le cadre de son intervention de sorte que sa présence aux débats est sans objet;

Qu’en revanche la société E est recevable à agir en concurrence déloyale pour les motifs ci-dessus exposés en ce qui concerne la société HUCHETTE CAP GRIS NEZ.

V -Sur la contrefaçon:

* Sur les dispositions légales applicables:

Attendu que selon les dispositions de l’article L623-4 du code de la Propriété Intellectuelle le certificat d’obtention végétale confère à son titulaire “un droit exclusif à produire, à introduire sur le territoire, à vendre ou à offrir en vente tout ou partie de la plante, ou tous éléments de reproduction ou de multiplication végétale de la variété considérée et des variétés qui en sont issues par hybridation lorsque leur reproduction exige l’emploi répété de la variété initiale”;

Attendu que selon les dispositions de l’article L 623-25 du code de la Propriété Intellectuelle: “ Toute atteinte portée aux droits du titulaire d’un certificat d’obtention végétale tels qu’ils sont définis à l’article L 623-4 constitue un contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.

Le titulaire d’une licence d’office… et, sauf convention contraire, le bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation peuvent exercer l’action en responsabilité prévue au premier alinéa ci-dessus si, après une mise en demeure, le titulaire du certificat n’exerce pas cette action.

Le titulaire du certificat est recevable à intervenir à l’instance engagée par le licencié conformément à l’alinéa précédent.

Tout titulaire d’une licence est recevable à intervenir à l’instance engagée par le titulaire du certificat afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre.”

Sur l’application du Règlement communautaire 2100/94:

Attendu que l’article 14 de ce texte autorise les agriculteurs “à utiliser, à des fins de multiplication en plein air dans leur propre exploitation, le produit de la récolte obtenue par la mise en culture, dans leur propre exploitation, de matériel de multiplication d’une variété bénéficiant d’une protection communautaire des obtentions végétales”;

que parmi les espèces de plantes visées par cette dérogation au droit exclusif du titulaire du certificat, figure la pomme de terre;

Attendu cependant que ladite dérogation ne bénéficie, ainsi que le texte le précise expressément, qu’aux variétés protégées par un titre communautaire alors que tel n’est pas le cas des variétés F G, B et C, seules les variétés CEASAR et D bénéficiant d’un titre communautaire;

que la défenderesse ne saurait dès lors prétendre utilement que la dérogation aurait une portée générale en droit interne alors qu’au delà des termes clairs du texte ci-dessus énoncé, l’article 3 du même Règlement précise qu’il s’entend sans préjudice du droit des Etats membres de délivrer des titres nationaux de protection des variétés végétales sous réserve de l’article 92§1 lequel pose le principe d’une interdiction de double protection, le titre national cédant devant le titre communautaire, situation également étrangère à la présente espèce.

Attendu que c’est aussi vainement que la défenderesse invoque la Convention UPOV, qui prévoit en son article 15 la possibilité pour les Etats contractants de restreindre le droit exclusif des obtenteurs afin de permettre aux agriculteurs d’utiliser à des fins de reproduction ou de multiplication sur leur exploitation le fruit de leur récolte;

qu’en effet, cette faculté ouverte aux parties contractantes n’a pas été utilisée par la France;

Attendu que de la même manière le Traité international sur les Ressources Phytogénétiques pour l’Alimentation et l’Agriculture, ratifié par la France le 29 juin 2004 qui reconnaît aux agriculteurs le droit de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre des semences de ferme et concerne en particulier la pomme de terre, réserve les dispositions contraires des législations nationales;

qu’au surplus ce texte ne pourrait avoir d’effet rétroactif;

Attendu que la règle dite de l’épuisement des droits, certes applicable aux obtentions végétales ( CJCE 8 juin 1982 Nungesser Eisele) ne peut être invoquée utilement en l’espèce, dès lors qu’il est constant que les plants litigieux n’ont pas été acquis auprès du titulaire du certificat d’obtention végétale ou mis dans le commerce avec son consentement, s’agissant précisément de plants de ferme;

Attendu que la défenderesse invoque encore l’application à son bénéfice des dispositions de l’article L 420- 1 et 2 du code de commerce et soutient qu’il existerait une entente illicite entre la société HZPC HOLLAND, la société GERMICOPA et la société Z en vue de s’approprier la totalité du marché de la pomme de terre de consommation, les regroupements de sociétés opérés dans cette filière et la mise en place de réseaux de distribution sélective ayant pour but de contraindre les agriculteurs à se fournir auprès de collecteurs conditionneurs avec lesquels ils doivent conclure un contrat de livraison de la totalité de leur production leur interdisant la production de plants fermiers;

Attendu cependant que si les coupures de presse versées aux débats démontrent que les trois sociétés ci-dessus désignées ont créé un collectif destiné à lutter contre l’utilisation de plants de ferme pour des variétés sous obtention, il n’est en revanche pas démontré qu’elles seraient en position dominante sur le marché considéré, ni qu’elles auraient commis des abus ou conclu des ententes illicites dans le but de faire obstacle à la libre concurrence en faisant un usage détourné de leur objet du droit exclusif conféré par les certificats d’obtention végétale dont elles sont titulaires;

Attendu que enfin que l’invocation d’un usage immémorial, dont l’existence n’est au demeurant pas démontré, ne peut faire échec à l’application de la loi.

* Sur la matérialité et d’imputabilité des faits reprochés:

Attendu qu’il résulte des énonciations du procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 17 septembre 2002 que Monsieur I J, gérant de la société défenderesse a reconnu avoir pratiqué l’autoproduction de plants en 1999 pour 40 tonnes, ce qui résulte au demeurant des mentions figurant dans sa comptabilité; qu’il cultive essentiellement les variétés B et F G et de façon plus limitée la variété communautaire CAESAR;

Attendu que sa comptabilité montre également qu’il achète chaque année environ 200 litres d’huile minérale VAZIL destinée au traitement des pommes de terres produites en vue de leur usage à titre de plants, quantité qui correspond à l’importance de l’autoproduction reconnue pour l’année 1999;

Qu’il est établi par les factures saisies qu’il achète également chaque année, pour une partie de ses cultures, des plants certifiés ( 4 tonnes de la variété F G et 3,6 tonnes de la variété B en 1999, 10 tonnes de F G en 2000 et 24,2 tonnes de la varité B en 2001; pour l’année 2002, les plants certifiés ne concernent que la variété B);

Attendu que ces faits d’autoproduction de variétés protégées par des certificats d’obtentions végétales françaises constituent des actes de contrefaçon;

Que les griefs relatifs à la variété communautaire CAESAR au cours des années 2001 et 2002 ne peuvent être pris en considération ici, pour être antérieurs à la publication de la cession du titre à la société HZPC HOLLAND;

* Sur les mesures réparatrices:

Attendu qu’il sera fait droit aux demande d’interdiction et de publication selon les modalités précisées au dispositif ci-dessous;

Attendu qu’en réparation de son préjudice, résultant de l’atteinte à la valeur de son titre sur la variété F G, dont il n’est pas contesté qu’elle ne l’exploite pas directement en France, il sera alloué à la société HZPC HOLLAND BV la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts; qu’elle sera déboutée de ses demandes relatives à la variété CAESAR;

Attendu que la même somme sera allouée à la société Z HOLLAND BV en ce qui concerne la variété B dont les droits d’exploitation ont été concédés à la société E.

VI- Sur la concurrence déloyale

Attendu que les sociétés HUCHETTE CAP GRIS NEZ, et E qui affirment commercialiser en France les certificats d’obtention végétale F G et B seront invitées à justifier de la réalité de leur préjudice, l’affaire étant renvoyée à cette fin à une prochaine audience;

Que la demande d’expertise sera rejetée, étant rappelé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties dans la recherche de la preuve qui leur incombe.

VII – Sur les demandes reconventionnelles:

Attendu que la demande reconventionnelle de la société I X, condamnée pour contrefaçon, est sans objet.

VII-Sur les autres demandes:

Attendu que la nature et l’ancienneté du litige commandent d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision,

Attendu qu’il serait inéquitable que la société HZPC HOLLAND Bv., et la société Z HOLLAND BV supportent la charge de leurs frais non compris dans les dépens; qu’il leur sera alloué à chacune la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile;

Attendu que l’EARL I X sera condamnée aux dépens de l’instance qu’ils seront recouvrés directement par le conseil de la société demanderesse.

Par ces motifs

Le Tribunal,

statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Rejette la demande de sursis à statuer,

Dit n’y avoir lieu à jonction de la procédure avec celles pendantes devant ce tribunal à l’encontre de Madame K L, la société COLINART, l’EARL GRIFFON-Y, le GAEC DE LA VESLE et l’ EARL du COLOMBIER,

Dit que la société HZPC HOLLAND BV sise 4, Roptawei 9123 ZR METSLAWIER ( Hollande), dépourvue de la personnalité morale, s’agissant d’un établissement secondaire de la société HZPC HOLLAND BV sise 5, Edisonweg 8501 XG JOURE (Hollande) est irrecevables à agir dans le cadre de la présente instance,

Déboute la défenderesse de sa demande en nullité de l’assignation fondée sur ce motif,

Dit que la société HZPC HOLLAND BV, titulaire du certificat d’obtention végétale français n° 1267 délivré le 17 octobre 1980, a qualité pour agir en contrefaçon de ce titre protégeant la variété de pommes de terre “ F G”,

Dit que cette société a qualité pour agir en contrefaçon du titre de protection communautaire relatif à la variété CAESAR enregistré le 24 juin 1997 sous le n° EU 2130 à compter du 15 juin 2003, date de la publication de la cession à son profit,

Dit que la société Z HOLLAND BV titulaire du certificat d’obtention végétale français délivré le 19 novembre 1991 sous le n° 6225 pour la variété B est recevable à agir en contrefaçon,

Reçoit la société HUCHETTE CAP GRIS NEZ, venant aux droits de la société HZPC HOLLAND France , la société E en leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale,

Déclare le GIE STATION DE RECHERCHE DU COMITE NORD, la société GERMICOPA et la Sica BRETAGNE PLANTS irrecevables en leurs demandes faute d’intérêt,

Rejette les exceptions tirées du défaut d’intérêt des titulaires des droits à agir à l’égard des défenderesses faute de preuve d’actes de contrefaçon , ce moyen relevant du fond du droit,

Dit que l’ EARL I X en pratiquant l’auto-production de plants a commis des actes de contrefaçon:

— du certificat d’obtention végétale n° 12 67 en date du 17 10 1980 protégeant la variété F-G au préjudice de la société HZPC HOLLAND Bv.,

— du certificat d’obtention végétale n° 6225 en date du 19 novembre 1991 protégeant la variété B au préjudice de la société Z HOLLAND Bv,

En conséquence,

Lui fait interdiction de poursuivre les actes de contrefaçon susvisés sous astreinte de 450 euros par quintal de plants contrefaisant utilisé postérieurement à la signification de la présente décision,

La condamne à payer à la société HZPC HOLLAND Bv, à la société Z HOLLAND Bv la somme de 10 000 euros à chacune d’elles à titre de dommages et intérêts en réparation des atteintes portées à leur titre,

Dit n’y avoir lieu à expertise,

Autorise, à titre de réparation complémentaire, la publication de la présente décision par extraits dans trois journaux ou revues au choix de la société HZPC HOLLAND Bv et de la société Z HOLLAND BV et aux frais de la l’ EARL I LEHERLEdans la limite de 3500 euros ht par insertion,

Déboute les demanderesses du surplus de leur prétentions fondées sur la contrefaçon,

Renvoie l’affaire pour le surplus à l’audience du 5 avril 2006 à 11 heures et invite les sociétés HUCHETTE CAP GRIS NEZ et E à justifier pour cette date de la réalité et de l’importance de leur préjudice,

Déboute l’ EARL I X de sa demande reconventionnelle,

Ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,

Condamne l’EARL I X à payer à la société HZPC HOLLAND Bv, et à la société Z HOLLAND Bv la somme de 3500 euros à chacune en application des dispositions de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne l’EARL I X aux dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

Fait et jugé à Paris

Le 9 mars 2006

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