Tribunal de grande instance de Paris, 17 mars 2022, 22/51028

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Sur la décision

Référence :
TJ Paris, ct0196, 17 mars 2022, n° 22/51028
Numéro(s) : 22/51028
Importance : Inédit
Identifiant Légifrance : JURITEXT000045905272

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

No RG 22/51028 – No Portalis 352J-W-B7G-CVVXU

No : 1/MM

Assignation du :
08 Décembre 2021

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 17 mars 2022

par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier.
DEMANDERESSES

Société APPLE INC
[Adresse 9]
Cupertino
[Localité 7] États-Unis

Société APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED
Hollyhill Industrial Estate
Holyhill
CORK/ IRLAND

Société DISNEY ENTERPRISES, INC
Corporation Service Company
[Adresse 5]
[Localité 10] – États-Unis

Société THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV
Passage 144
1101 AX
AMSTERDAM – PAYS-BAS

Société NETFLIX INTERNATIONAL B.V.
Karperstraat 8-10
1075 KZ
AMSTERDAM – PAYS-BAS

Société NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S.
[Adresse 2]
[Localité 6]

Société NETFLIX INC
Corporation Trust Center
[Adresse 3]
[Localité 8]-États-Unis

représentées par Maître Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS – #K0035, Me Georgie COURTOIS, avocat au barreau de PARIS – #K0035

DEFENDERESSE

S.A.S. SPLIIIT
[Adresse 4]
[Localité 1]

représentée par Maître Matthieu BOURGEOIS de la SELAS KGA AVOCATS, avocats au barreau de PARIS – #K0110

DÉBATS

A l’audience du 15 Février 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties comparantes,

Vu l’assignation en référé introductive d’instance, délivrée le 08 décembre 2021, et les motifs y énoncés,

EXPOSÉ DU LITIGE :

Les sociétés APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES, INC., THE WALT DISNEY COMPAGNY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC. détiennent, directement ou par l’intermédiaire de filiales ou de sociétés affiliées, des droits d’auteur et/ ou des droits voisins sur un grand nombre de films et de programmes audivisuels, qu’elles proposent au public dans le cadre de services de vidéo à la demande, connus sous les noms de « Netflix », « Disney+ », « Apple TV+ », ces services n’étant accessibles qu’au moyen d’un abonnement.

Toutes ces sociétés sont regroupées au sein de l’Alliance for Creativity and Entertainment (« ACE »), une coalition des principaux créateurs de contenu et des services de divertissement à la demande, luttant contre le piratage en ligne.

Les sociétés APPLE INC., DISNEY ENTERPRISES, INC., et NETFLIX INC. sont également titulaires de nombreuses marques et en particulier les marques suivantes :

— La marque semi-figurative internationale désignant l’Union européenne no 1495466

déposée le 17 juillet 2019 et enregistrée le 19 février 2021 en classe de service 38 ;

— La marque verbale internationale désignant l’Union européenne « APPLE TV + » no 1535752 déposée le 17 juillet 2019 et enregistrée le 29 avril 2021 en classes de services 41 ;

— La marque semi-figurative internationale désignant l’Union européenne no 1583436 :

déposée le 22 octobre 2020 et enregistrée le 25 août 2021 en classes de services 38 et 41 ;

— La marque verbale internationale désignant l’Union européenne « APPLE ONE » no 1582239 déposée le 22 octobre 2020 et enregistrée le 17 août 2021 en classes de services 35 ; 42 ;

— La marque verbale internationale « APPLE MUSIC » no 1290632 déposée le 23 juin 2015 et enregistrée le 17 octobre 2019 en classe de service 38 ;

— La marque verbale internationale « APPLE ARCADE » no1486097 déposée le 26 avril 2019 et enregistrée le 13 février 2020 en classe de service 35 et 41;

— La marque verbale de l’Union européenne « ICLOUD » no 011571866 déposée le 13 février 2013 et enregistrée le 13 octobre 2017 en classes 9, 35, 39 et 42 ;

— La marque semi-figurative de l’Union européenne no 017982241:

déposée le 08 novembre 2018 et enregistrée le 21 janvier 2020 en classes de services 35 ; 38 ; 41 ;

— La marque semi-figurative de l’Union européenne no 018065091

déposée le 15 mai 2019 et enregistrée le 07 octobre 2019 en classe de produits 9 ;

— La marque verbale de l’Union européenne DISNEY PLUS no 017760836 déposée le 1er février 2018 et enregistrée le 5 juin 2019 en classes de services 38 et 41 ;

— La marque verbale française NETFLIX, no 4199078 déposée le 24 juillet 2015 et enregistrée le 13 novembre 2015 en classes de produits et services 9 ; 38 ; 41;

— La marque verbale de l’Union européenne NETFLIX no002822740 déposée le 30 août 2002 et enregistrée le 3 mars 2006 en classes de produits et services 35 et 41 ;

— La marque verbale de l’Union européenne NETFLIX no008590151 déposée le 2 octobre 2009 et enregistrée le 30 mars 2010 en classes de produits et services 35, 38 et 41 ;

— La marque verbale de l’Union européenne NETFLIX no16860462 déposée le 12 juin 2017 et enregistrée le 27 avril 2018 en classes de produits et services 3, 9, 14, 16, 18, 21, 25, 28, 30, 35 et 41 ;

— La marque semi-figurative internationale désignant l’Union européenne no 1235989

déposée le 15 septembre 2014 et enregistrée le 22 décembre 2015 en classes de produits et services 9 ; 38 ; 41 ;

— La marque semi-figurative de l’Union européenne no 016082761

déposée le 24 novembre 2016 et enregistrée le 19 mai 2017 en classes de services 38.

Ces sociétés exposent avoir découvert que la société SPLIIIT avait créé en 2019 un site internet accessible à l’adresse <www.spliit.com> proposant la mise en relation de vendeurs et d’acheteurs d’identifiants d’abonnés de leurs propres services et plus particulièrement, permettant à leurs abonnés de céder partiellement leurs abonnements multi-utilisateurs, moyennant le paiement d’une rétribution sur laquelle la société SPLIIIT prélève une commission, ce que les sociétés demanderesses ont fait constater par huissiers de justice.

Par une lettre des 12 juillet 2021, réitérée les 22 juillet et 20 septembre 2021, les sociétés APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES, INC., THE WALT DISNEY COMPAGNY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC. ont mis en demeure la société SPLIIIT de supprimer de son site toute référence à leurs services et de désactiver les comptes de leurs abonnés.

Ces mises en demeure n’ayant été suivies d’aucun effet, les sociétés APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES, INC., THE WALT DISNEY COMPAGNY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC. ont, par acte d’huissier du 8 décembre 2021, fait assigner en référé la société SPLIIIT devant le délégataire du président de ce tribunal aux fins qu’il lui soit fait défense de poursuivre ses agissements.

A l’audience du 15 février 2022, ces sociétés demandent au juge des référés, au visa des articles 835 du code de procédure civile, 1240 du code civil, L. 713-2, L. 713.3, L. 713-4, L. 716-4-6 et L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle, de:

In limine litis :
- Les Juger comme ayant qualité à agir au titre du référé contrefaçon de marque ;
- Les Juger comme ayant qualité et intérêt à agir au titre du référé conservatoire ;

Sur les mesures urgentes destinées à empêcher la poursuite d’actes de contrefaçon :

— Juger que la société SPLIIIT, en utilisant les signes « APPLE +», « APPLE ONE », « APPLE ARCADE », « APPLE MUSIC », « ICLOUD », « DISNEY + » et « NETFLIX », pour offrir de manière payante la possibilité aux internautes de vendre commercialement l’accès à leurs abonnements leurs abonnements sur le site www.spliiit.com qu’elle exploite et sur les réseaux sociaux y afférents, ont vraisemblablement porté atteinte aux droits d’ APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES, INC THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC. sur leurs marques ;

En conséquence,
- Interdire à la société SPLIIIIT, sous astreinte de 5.000 euros par acte de contrefaçon constaté, par Demanderesse et par jour de retard passé un délai de 48 heures à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, de reproduire ou faire usage, ou réinsérer de quelque manière que ce soit et à quelque titre que ce soit, des marques dont sont titulaires les sociétés APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES, INC THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC. ;

Sur les mesures destinées à faire cesser le trouble manifestement illicite caractérisé par les actes de complicité de violation des conditions générales d’utilisation des différents services, de concurrence déloyale et de parasitisme :

— Juger que l’incitation au partage d’identifiants sur les Services de VOD sur le site www.spliiit.com, les actes de concurrence déloyale et le parasitisme sont illicites et constitutives d’un trouble manifestement illicite ;

— Ordonner à la société SPLIIIT, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard, passé un délai de 48 heures à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, d’empêcher toute vente ultérieure de comptes/mots de passe des services APPLE +, APPLE ONE, APPLE ARCADE, APPLE MUSIC, ICLOUD, DISNEY + et NETFLIX sur le site www.spliiit.com, sur tout autre site internet qu’elles viendraient à exploiter et sur tout réseaux sociaux qui y sont liés, et de désactiver/supprimer immédiatement les comptes des abonnés au Service Spliiit qui ont vendu/acheté l’abonnement;
Sur le droit d’information :

— Juger qu’APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES, INC THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC. disposent de motifs légitimes pour solliciter les mesures prévues par l’article L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle afin de chiffrer le préjudice subi ;

— Ordonner à la société SPLIIIT, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, passé un délai de 48 heures à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, de communiquer toutes informations de nature à permettre aux demanderesses de chiffrer le préjudice résultant de l’activité de partage d’identifiants des services APPLE +, APPLE ONE, APPLE ARCADE, APPLE MUSIC, ICLOUD, DISNEY + et NETFLIX sur le site www.spliiit.com , et notamment:
? Le nombre d’abonnements partagés sur le site www.spliiit.com pour les services APPLE +, APPLE ONE, APPLE ARCADE, APPLE MUSIC, ICLOUD, DISNEY + et NETFLIX ;
? Les sommes perçues par la société SPLIIIT par service (APPLE +, APPLE ONE, APPLE ARCADE, APPLE MUSIC, ICLOUD, DISNEY + et NETFLIX) le chiffre d’affaires correspondant ;

Sur l’allocation d’une provision :
- Condamner la société SPLIIIT à payer à chacune des Demanderesses la somme de 100.000 euros à titre de provision en réparation des préjudices subis du fait des atteintes à ses droits ;

En tout état de cause :
- Débouter la société SPLIIIT de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Se réserver la liquidation des astreintes ordonnées au titre de l’ordonnance à intervenir ;
- Condamner la société SPLIIIT à payer aux Demanderesses la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société SPLIIIT aux entiers dépens du référé.

La société SPLIIIT demande quant à elle au juge des référés, au terme de conclusions écrites régulièrement développées à l’audience du 15 février 2022, de :

SUR LES FINS DE NON-RECEVOIR :
- DIRE que sont dépourvues de qualité et d’intérêt à agir, sur le fondement de l’article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, car elles ne sont titulaires d’aucune des marques visées dans leurs écritures, ni ne détiennent aucun droit leur permettant d’agir en contrefaçon de ces dernières, les sociétés suivantes : APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S ;
- DIRE que sont dépourvues de qualité et d’intérêt à agir, sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, les sociétés APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC., car elles ne prouvent pas de manière évidente être les exploitantes des services numériques visés par les Conditions Générales d’Utilisation versées aux débats ;

— DÉCLARER par conséquent irrecevables les sociétés APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V. et NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. de l’ensemble de leurs demandes fondées sur les articles L.716-4-6 et L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle et les en débouter ;

— DÉCLARER irrecevables les sociétés APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC., de l’ensemble de leurs demandes fondées sur l’article 835 du code de procédure civile et les en débouter ;

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE
Sur le référé-contrefaçon de l’article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle :
- ORDONNER que l’exception de référence nécessaire de l’alinéa 3 de l’article L.713-4 du code de la propriété intellectuelle est applicable à l’utilisation par la société SPLIIIT des marques verbales sur son site www.spliiit.com ;

— ORDONNER, en tout état de cause, que l’utilisation de l’ensemble des marques semi-figuratives et verbales visées dans les écritures d’APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC., sur les comptes privés des utilisateurs du service Spliiit ainsi que sur la plateforme en ligne publique, accessible sur le site www.spliiit.com, n’est pas faite « à titre de marque » et ne porte atteinte à aucune « fonction essentielle » d’une marque ;

Et par conséquent :
- DIRE qu’aucune contrefaçon vraisemblable des marques verbales et semi-figuratives n’est caractérisée ;

— DÉBOUTER APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC., de l’ensemble de leurs demandes, assorties d’une astreinte ;

Sur le référé conservatoire fondé sur l’article 835 du code de procédure civile :
- CONSTATER que les sociétés APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC. ne justifient ni de l’existence d’un trouble ni d’un agissement manifestement illicite de la société SPLIIIT et partant, déclarer irrecevables ses dernières en référé et les débouter de leurs demandes ;

— DIRE que la société SPLIIIT ne se rend coupable d’aucune violation ou complicité de violation manifeste des Conditions Générales d’Utilisation des services Apple +, Apple One, Apple Arcade, Apple Music, Icloud, Disney+ et Netflix ;

— DIRE que la société SPLIIIT ne commet aucun acte manifeste de parasitisme ;

— DIRE que la société SPLIIIT ne commet aucun acte manifeste de concurrence déloyale ;

— DIRE qu’aucun préjudice réel, direct et certain n’est établi par les sociétés demanderesses;

— DIRE que les mesures conservatoires demandées ne sont pas proportionnées ;

— DIRE par conséquent qu’il existe une contestation sérieuse sur la licéité de l’activité de la société SPLIIIT ;

— DÉCLARER irrecevable, la demande des sociétés APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES, INC THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC., sur le fondement de la concurrence déloyale au motif qu’elle tend à faire condamner des faits identiques à ceux invoqués au soutien de ses demandes au titre de la prétendue contrefaçon ;

— DIRE qu’aucun trouble manifestement illicite n’est établi ;

— DÉBOUTER les sociétés APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC., de l’ensemble de leurs demandes assorties d’une astreinte au titre de l’article 835 du code de procédure civile;

Sur le droit à l’information :
- DECLARER irrecevables ET DÉBOUTER les sociétés APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC., car aucune contrefaçon vraisemblable de leurs marques semi-figuratives et verbales n’est établie ;

Sur l’allocation d’une provision :
- DECLARER irrecevables ET DÉBOUTER les sociétés APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC., car (i) aucune contrefaçon vraisemblable de leurs marques semi-figuratives et verbales n’est établie et au motif qu’il existe une contestation sérieuse sur l’existence d’un préjudice, et (ii) il existe une contestation sérieuse sur l’existence de l’obligation, rendant irrecevables en référé leurs demandes.

En tout état de cause :
- DÉBOUTER les sociétés APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC., de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;
- CONDAMNER la partie qui succombera, outre aux entiers dépens, à verser à la société SPLIIIT la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER la partie qui succombera, outre aux entiers dépens, à verser à la société SPLIIIT la somme de 1530,68 euros – sauf à parfaire – au titre des frais déboursés pour la réalisation des constats d’huissier.
- REJETER le cas échéant, l’exécution provisoire de droit toutes les demandes formées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les sociétés demanderesses font en premier lieu grief à la société SPLIIIT de faire un usage abondant et non autorisé de leurs marques sur son site internet. Elles soutiennent à ce titre que cette société est particulièrement mal fondée à se prévaloir de l’exception de référence nécessaire, le service qu’elle propose étant en lui-même illicite dès lors qu’il résulte clairement des conditions générales acceptées par tous leurs abonnés que ceux-ci s’interdisent de partager leurs identifiants avec des personnes ne vivant pas dans leur foyer. Elles ajoutent qu’au demeurant, le fondateur de la société SPLIIIT a parfaitement conscience de l’illicéité du service qu’il propose comme en témoigne sa pièce no25 et les modifications intervenues sur le site à la suite des mises en demeure (abandon de l’usage des signes semi-figuratifs).

Sur le fondement de l’article 1240 du code civil, les sociétés demanderesses font encore valoir, qu’en encourageant leurs abonnés à commettre des violations de leurs contrats d’abonnement, la société SPLIIIT est à l’origine d’un trouble manifestement illicite qu’elles demandent au juge des référés de faire cesser.

Les sociétés APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC. indiquent enfin que les marques sont la propriété des sociétés APPLE INC., DISNEY ENTERPRISES INC., et NETFLIX INC., qui à ce titre sont recevables à agir en contrefaçon de marques, tandis que les sociétés APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., et NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S., exploitent les marques et les services et sont recevables à solliciter la réparation du préjudice qui leur est propre et qui résulte des faits de contrefaçon.

La société SPLIIIT soutient quant à elle que les sociétés APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., et NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S., qui ne justifient pas de leur qualité de licenciées, sont irrecevables à agir en contrefaçon.

Elle soutient ensuite que seules les sociétés APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, et NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S., sont recevables à agir au titre de la violation des conditions générales, seules ces sociétés étant les signataires des conditions générales d’abonnement qu’il leur est reproché d’avoir violé.

La société SPLIIIT soutient ensuite que l’activité de partage d’abonnements pluri-utilisateurs est parfaitement licite, soit que les conditions générales de vente des sociétés demanderesses ne comportent aucune limitation relative à la qualité des utilisateurs avec lesquels les codes d’accès peuvent être partagés, soit qu’elles s’abstiennent de définir contractuellement le « foyer » ou la « famille », donnant à ces notions une définition très large lorsqu’elles sont interrogées via leurs services clients comme le démontrent les procès-verbaux de constats d’huissiers versés aux débats.

La société SPLIIIT déduit ainsi de la licéité de son service, d’une part, qu’elle est recevable à invoquer l’exception de référence nécessaire, la reproduction des marques sous leur forme verbale étant nécessaire pour fournir à ses usagers une « information compréhensible et complète » (CJUE, 17 mars 2005, C-228/03 The Gillette Company ea), et, d’autre part, qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé.

Sur ce,

Selon l’article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, « Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. (…) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente. (…) »

Il résulte en outre de l’article L.716-4-2 de ce même code que "L’action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque ou par le licencié avec le consentement du titulaire, sauf stipulation contraire du contrat.(…)
Toute partie à un contrat de licence est recevable à intervenir dans l’instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d’obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre."

Selon l’Article 4 de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées constituent la transposition, « Personnes ayant qualité pour demander l’application des mesures, procédures et réparations », "Les États membres reconnaissent qu’ont qualité pour demander l’application des mesures, procédures et réparations visées au présent chapitre:
a) les titulaires de droits de propriété intellectuelle, conformément aux dispositions de la législation applicable;
b) toutes les autres personnes autorisées à utiliser ces droits, en particulier les licenciés, dans la mesure où la législation applicable le permet et conformément à celle-ci ;"

a – Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les sociétés APPLE INC., DISNEY ENTERPRISES INC., et NETFLIX INC., sont recevables à agir en contrefaçon vraisemblable de marque.

De la même manière, en leur qualité de distributrices des services de VOD, les sociétés APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V. et NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S., qui bénéficient nécessairement d’une licence, fût-elle verbale, sont recevables à agir aux fins d’obtenir la mise en oeuvre des mesures propres à faire cesser le trouble qu’elles subissent ou le respect de leurs contrats d’abonnement, et ce, sur le fondement du droit commun (articles 31, 122, 834 et 835 du code de procédure civile et 1240 du code civil).

Les fins de non-recevoir soulevées en défense doivent donc être écartées.

b – Force est par ailleurs de constater que l’appréciation de la vraisemblance de la contrefaçon suppose au cas particulier d’examiner en premier lieu la question de la licéité du service offert par la société SPLIIIT, de mise en relation d’abonnés aux plateformes de vidéo à la demande des sociétés demanderesses souhaitant céder une partie de leur abonnement pluri-utilisateur, avec des personnes intéressées par l’achat de ces parties d’abonnements. Cet examen suppose de déterminer si les conditions générales acceptées par les abonnés prohibent une telle cession ou, dit autrement, si la cessation de ce partage d’identifiants avec des tiers pourrait être ordonnée en exécution des termes du contrat (article 834 du code de procédure civile), ainsi qu’il l’est expressément sollicité quoique sous le couvert d’un trouble manifestement illicite (article 835 du code de procédure civile).

Il doit à cet égard être rappelé :

— qu’aux termes de l’article 1200 du code civil, « Les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat. »

— mais qu’il n’appartient pas au juge des référés d’interpréter un contrat, fût-ce par référence à une évidente commune intention des parties (Cass. Civ. 1ère, 4 juillet 2006, pourvoi no 05-11.591, Bull. 2006, I, no 337).

Or, il résulte des pièces versées aux débats que, si les conditions générales d’abonnement au service Disney+ (pièce 2c des demanderesses) mentionnent que l’abonné ne peut (b. Restrictions à l’utilisation du contenu Disney+, point x.) partager ses identifiants de connexion avec des tiers, la pièce no4 de la défenderesse révèle que le service de relations clients de la société THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV interprète le contrat d’abonnement comme autorisant un abonné à partager ses identifiants avec un collègue, qui devrait pourtant être regardé comme un tiers au contrat.

Les conditions générales d’abonnement au service NETFLIX n’autorisent quant à elles le partage qu’avec les personnes du « foyer », sans définir cette notion, tandis que, là encore, le service de relations clients de la société NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. interprète le contrat d’abonnement comme autorisant un abonné à partager ses identifiants avec une personne n’étant pas de la famille de l’abonné ni demeurant dans la même ville.

Quant aux conditions générales d’abonnement aux services de la société APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED elles ne comportent aucune limitation, autorisant le partage d’identifiant avec « cinq autres personnes ».

Il en résulte que la question de savoir si les abonnés violent les conditions générales en cédant partiellement leurs abonnements – nécessairement préalable à celle de la détermination de l’existence ou non d’un trouble manifestement illicite – se heurte à une contestation sérieuse qui ne peut que conduire ici à dire n’y avoir lieu à référé sur l’ensemble des demandes, y compris sur le fondement d’une contrefaçon vraisemblable, en l’état des usages des marques, sous leur seule forme verbale, lesquels usages apparaissent comme étant ici « en pratique le seul moyen pour fournir aupublic une information compréhensible et complète sur la destination » (CJCE, 17 mars 2005, C-228/03, The Gillette Company ea) des portions d’abonnements aux différents services de VOD.

Les sociétés demanderesses doivent ainsi être renvoyées à mieux se pourvoir (au fond).

Parties perdantes au sens de l’article 696 du code de procédure civile, les sociétés APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC. supporteront les dépens et seront condamnées à payer à la société SPLIIIT la somme de 10.000 euros (cette somme incluant les frais de constat d’huissier qui n’ont pas la nature de dépens mais de frais irrépétibles) par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance rendue contradictoirement et en premier ressort,

Le juge des référés,

Ecarte les fins de non-recevoir soulevées par la société SPLIIIT ;

Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes des sociétés APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC;

Condamne les APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC. Aux dépens ;

Condamne les APPLE INC., APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED, DISNEY ENTERPRISES INC., THE WALT DISNEY COMPANY (BENELUX) BV, NETFLIX INTERNATIONAL B.V., NETFLIX SERVICES FRANCE S.A.S. et NETFLIX INC. À payer à la société SPLIIIT la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision.

Fait à Paris le 17 mars 2022.

Le Greffier,Le Président,

Fabienne FELIXNathalie SABOTIER

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Tribunal de grande instance de Paris, 17 mars 2022, 22/51028