Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 16 décembre 2021, n° 18/04217

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Bordeaux, 2e ch. civ., 16 déc. 2021, n° 18/04217
Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
Numéro(s) : 18/04217
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Bordeaux, 4 juin 2018, N° 15/07690
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

— -------------------------

ARRÊT DU : 16 DECEMBRE 2021

AD

N° RG 18/04217 – N° Portalis DBVJ-V-B7C-KRQG

Monsieur I-J Y

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

c/

SARL ENERTEK

Compagnie d’assurances SMABTP

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 juin 2018 (R.G. 15/07690) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d’appel du 17 juillet 2018

APPELANTS :

I-J Y

né le […] à […]

de nationalité Française

Profession : Architecte,

demeurant […]

MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis […]

Représentés par Me Julien MAZILLE de la SCP LATOURNERIE – MILON – CZAMANSKI – MAZILLE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

SARL ENERTEK prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis […]

Représentée par Me CHAABAN substituant Me Emmanuelle MENARD de la SELARL RACINE, avocat au barreau de BORDEAUX

Société SMABTP, immatriculée au RCS de PARIS sous le n°775 684 764 dont le siège social est sis […] à […] prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me BEZZAZI substituant Me Xavier SCHONTZ de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 novembre 2021 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Catherine LEQUES, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

La SCI Les Chevêches (la SCI) à entrepris une opération de réhabilitation et d’extension d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), situé dans la commune de Caudrot et exploité par la S.A.R.L. Le Clos des Acacias.

Elle en a confié la maîtrise d’oeuvre à M. I-J Y, architecte, suivant un contrat établi le 1er juin 2005.

Ont également participé à la maîtrise d’oeuvre de l’opération :

— la société ETBA Thomas, en qualité de bureau d’études béton,

— la société Enertek, en qualité de bureau d’études CVC, plomberie électricité.

La SCI a par ailleurs confié une mission de contrôle technique à la société Socotec.

Les marchés ont été passés par lots séparés et confiés aux entreprises suivantes :

— lot gros-oeuvre : S.A.R.L. Perali,

— lot peinture : S.A. Laclide,

— lot ascenseur : société Z,

— lot sol et étanchéité salle d’eau : société Plamursol,

— lot chauffage, ventilation, plomberie : société E F,

— lot électricité : société A équipement électrique,

— lot plâtrerie : société Tout en Plâtre,

— lot menuiseries intérieure et extérieure : société H G,

— lot serrurerie : S.A.R.L. B,

— lot mur/rideau : S.A.S. C.

La phase 1 des travaux, portant sur la construction du bâtiment E, a débuté au mois d’octobre 2006 et réceptionnée avec réserves le 19 décembre 2007.

La phase 2, qui concerne la réhabilitation du bâtiment A et la construction du bâtiment D, a débuté au mois d’août 2007 et été réceptionnée avec réserves le 7 janvier 2009.

Enfin, la phase 3, portant sur les opérations de réhabilitation des bâtiments B et C, a débuté en novembre 2008, sa réception intervenant avec réserves le 2 juillet 2009.

Estimant avoir constaté l’existence de désordres et retards dans la réalisation des travaux, la SCI a confié l’organisation d’une mesure d’expertise amiable à M. X.

En l’absence de règlement amiable du litige, le maître d’ouvrage et sa société mère, la S.A.R.L. Financière Nical, ont assigné M. Y, les sociétés Socotec, Laclide, Perali, Plamursol, Z, E F, A, Tout en Plâtre, B, C ainsi que G H afin d’obtenir l’instauration d’une mesure d’expertise judiciaire.

L’ordonnance rendue le 18 janvier 2010 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux a fait droit à cette demande et désigné M. D.

Ce dernier a déposé un rapport le 10 juin 2013.

La SCI et la société Financière Nical ont, suivant une série d’exploits d’huissier délivrés au mois de juillet 2014, assigné M. Y, les sociétés Socotec, Laclide, Plamursol, Z, E F, A et G H devant le tribunal de grande instance de Bordeaux pour obtenir leur condamnation au paiement de diverses sommes en réparation de ses préjudices.

Par acte d’huissier du 27 juillet 2015 M. Y a régularisé un appel en garantie à l’encontre de la société Enertek. Cette procédure n’a pas été jointe à l’instance précédente.

Dans son jugement du 27 octobre 2015, le tribunal de grande instance de Bordeaux a:

— débouté la société Financière Nical de l’ensemble de ses demandes ;

— condamné in solidum la société E F et M. Y à payer à la SCI la somme de

9 832,38 euros HT en réparation du dommage décennal né de la corrosion des canalisations et dit que dans leurs rapports entre-eux, M. Y et la société E F conserveront chacun la moitié de la charge de cette condamnation ;

— condamné in solidum la société E F et M. Y à payer à la SCI la somme de 48 183,40 euros HT en réparation du dommage décennal né de l’impossibilité d’obtenir de l’eau froide et dit que dans leurs rapports entre-eux, M. Y conservera un tiers de la charge de cette condamnation et la société E F deux tiers ;

— condamné in solidum la société E F et M. Y à payer à la SCI une indemnité de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles et dit que dans leurs rapports entre-eux, M. Y et la société E F conserveront chacun la moitié de la charge de cette condamnation ;

— rejeté les autres demandes au titre des frais irrépétibles ;

— ordonné, pour le tout, l’exécution provisoire ;

— condamné la SCI à supporter la part des dépens de l’instance au fond afférents à la mise en cause des sociétés Z et Laclide ;

— condamné in solidum la société E F et M. Y au surplus des dépens, en ce compris les frais de référé, mais non les frais prévus à l’article 10 du tarif des huissiers de justice et dit que dans leurs rapports entre-eux, M. Y et la société E F conserveront chacun la moitié de la charge de cette condamnation.

Cette décision est devenu définitive à l’égard de M. Y le 6 mars 2016.

L’architecte et son assureur, la Mutuelle des Architectes Français (la MAF), ont réglé à la société Financière Nical le montant des condamnations principales et l’indemnité pour frais irrépétibles prononcées à son bénéfice à concurrence de la part de responsabilité mise à la charge de M. Y. Ils ont également acquitté une partie de la condamnation aux dépens.

C’est au regard des dispositions du jugement rendu le 27 octobre 2015 que M. Y a entendu reprendre la procédure à l’encontre de la S.A.R.L. Enertek.

La MAF, partiellement subrogée dans les droits de son assuré, est intervenue volontairement à l’instance.

La S.A.R.L. Enertek a régularisé un appel en garantie à l’encontre de son assureur, la Société Mutuelle d’assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP).

Par jugement du 5 juin 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

— constaté l’intervention volontaire de la MAF en qualité d’assureur de M. Y ;

— débouté M. Y et son assureur de leurs demandes ;

— laissé à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

— condamné in solidum M. Y et la MAF aux dépens ;

— dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.

M. Y et la MAF ont relevé appel de cette décision le 17 juillet 2018.

Dans leurs dernières conclusions en date du 2 novembre 2021, M. Y et la MAF réclament l’entière infirmation du jugement de première instance. Ils demandent à la cour de :

— condamner in solidum la S.A.R.L. Enertek et la SMABTP à les garantir et relever indemnes de l’ensemble des condamnations prononcées par le tribunal de grande instance dans son jugement du 27 octobre 2015, en principal, frais et dépens ;

— constater qu’ils ont d’ores et déjà réglé le montant des condamnations principales et de l’indemnité pour frais irrépétibles prononcées au bénéfice de la société Financière Nical à concurrence de la part de responsabilité mise à la charge de l’architecte, soit la somme de 20 977,32 euros, ainsi qu’une partie de la condamnation aux dépens ;

— condamner la S.A.R.L. Enertek et la SMABTP à leur régler une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens de première instance et d’appel.

Ils font notamment valoir que :

— sur le manquement de M. Y dans l’accomplissement de sa mission de direction et suivi des travaux : les deux désordres affectent des ouvrages relevant des lots chauffage, ventilation, climatisation, plomberie, sanitaires dont la maîtrise d’oeuvre avait été intégralement sous-traitée par lui à la société Enertek ; les fautes retenues sont ainsi exclusivement imputables à la société Enertek ; un sous-traitant est tenu à l’égard de son donneur d’ordre, d’une obligation de résultat (3ème Civ., 6 décembre 2000, n°98-19323); dès lors que le sous-traitant était tenu d’une obligation de résultat et qu’il ne démontre pas la commission par l’architecte de fautes distinctes de celles qui lui sont reprochées (3ème Civ., 10 janvier 2012, n°10-12926) aucune responsabilité ne pourra être laissé à sa charge ;

— sur l’action directe à l’encontre de la SMABTP : une action directe est possible sur le fondement de l’article L124-3 du code des assurances ; aux termes des dispositions de l’article 5.1.2 des Conventions spéciales de la police d’assurance souscrite par la société Enertek, la garantie d’assurance couvrant les désordres de nature décennale est, même après résiliation du contrat d’assurance, maintenue pendant un délai de 10 ans suivant la réception des travaux ; cette garantie couvrant les désordres de nature décennale, définie à l’article 3.1.2 des Conventions spéciales, est mobilisable dès lors que la responsabilité de l’assuré est recherchée en raison de l’obligation contractuelle de droit commun à laquelle il est tenu en qualité de sous-traitant du fait de désordres de nature décennale ; c’est la nature des désordres et non le fondement juridique de la responsabilité de l’assuré qui détermine la mobilisation de la garantie d’assurance de responsabilité décennale (3ème Civ., 8 novembre 2018, n° 17-13833).

Suivant ses dernières écritures du 14 janvier 2019, la SMABTP demande à la cour de:

— dire et juger que sa garantie ne peut être mobilisée dans le cadre du sinistre opposant M. Y et la société Enertek ;

— confirmer en conséquence le jugement déféré l’ensemble de ses dispositions ;

— débouter ainsi la MAF, M. Y et la S.A.R.L. Enertek de leur demande de garantie;

En toutes hypothèses :

— dire et juger qu’elle est fondée à se prévaloir de sa franchise contractuelle équivalente à 10% du montant du sinistre avec un minimum de 5 franchises statutaires et un maximum de 50 franchises statutaires ;

— condamner M. Y, la MAF et la S.A.R.L. Enertek à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle fait notamment valoir que :

— sur l’absence de responsabilité de la S.A.R.L. Enertek : la responsabilité de celle-ci ne peut être recherchée que sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ce qui implique la démonstration d’une faute dans l’exécution de sa mission à l’origine directe des désordres ; cette faute n’est pas automatiquement induite de la relation de sous-traitance ;

— sur l’absence de garantie : la responsabilité de la société Enertek est recherchée sur le fondement de l’ancien article 1147 du code civil ; la police souscrite la couvrait bien au titre des dommages engageant sa responsabilité sur le fondement contractuel ou quasi délictuel conformément à l’article 3.1.1 des conventions spéciales applicables ; néanmoins la police a été résiliée le 1er janvier 2009 ; l’article 5.1.1 des conventions spéciales précise que 'les garanties définies à l’exception de la garantie décennale visée à l’article 3.2 s’appliquent aux réclamations portées à notre connaissance entre la date de sa prise d’effet et celle de sa résiliation’ ; les dispositions relatives à la garantie décennale obligatoire ne peuvent être invoquées que par le seul maître d’ouvrage à l’exclusion de tout autre intervenant à l’acte de construire ; la société Enertek n’ayant pas été assignée au fond par le maître d’ouvrage seul habilité à invoquer la garantie obligatoire, elle a refusé toute prise en charge au titre de la garantie complémentaire à réception de l’assignation de mise en cause de l’architecte.

Dans ses dernières conclusions du 2 novembre 2021, la S.A.R.L. Enertek demande à la cour de :

— confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire :

— limiter le recours de M. Y pour tenir compte de ses propres fautes ;

— condamner M. Y à conserver à sa charge une partie des condamnations mises à sa charge suivant jugement du 27 octobre 2015, dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 10% ;

En tout état de cause :

— condamner la SMABTP à la garantir et la relever indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

— condamner toute partie succombante à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens d’instance, avec distraction au profit de la SELARL Racine en vertu de l’article 699 du code du même code.

Elle fait notamment valoir que :

— sur la confirmation du jugement entrepris : le sous-traitant a à l’égard de son donneur d’ordre a une obligation de résultat ; la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle du sous-traitant demeure subordonnée à la preuve de ce que les désordres de l’espèce sont

imputables à son intervention (3ème Civ., 13 juillet 2017, n°16-18136) ; aucune preuve de cette impunité n’est rapportée ; la circonstance selon laquelle elle est intervenue au titre de la mission de conception du lot CVC – plomberie ne permet pas d’établir que les désordres de l’espèce lui seraient imputables ; les divers constructeurs liés contractuellement au maître de l’ouvrage par des conventions distinctes, sont des tiers dans leurs rapports personnels et peuvent engager les uns à l’égard des autres une action récursoire de nature délictuelle sur le fondement de l’article 1240 du code civil (3ème Civ., 20 septembre 2011, n°10-21015 10-23061) ; la mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle est subordonnée à la preuve d’un manquement délictuel et la preuve d’un lien de causalité entre le préjudice subi et le manquement délictuel ; une telle preuve n’est pas rapportée ; le seul fait qu’elle se soit vue confier la mission direction de l’exécution des travaux (DET) ne suffit pas à engager sa responsabilité contractuelle ; la mission DET n’oblige pas à vérifier le respect des règles de l’art en phase d’exécution ; elle n’avait pas de mission EXE ni VISA qui sont restées à la charge de M. Y ;

— à titre subsidiaire, sur la responsabilité de M. Y : en sa qualité de maître d’oeuvre, il lui appartenait de s’assurer tant de la conformité de la conception que de celle de l’exécution des travaux avec les normes et les règles de l’art ; l’entrepreneur principal, en tant que professionnel qualifié et expérimenté de la construction, a l’obligation de vérifier et contrôler l’ouvrage, faute de quoi, il se rend coupable d’une faute susceptible de le priver au moins partiellement de son recours en garantie contre le sous-traitant (CA Bordeaux, 27 octobre 2005 ; 3ème Civ., 8 juillet 1980) ; l’entrepreneur principal doit également répondre de sa carence dans la surveillance des travaux (3ème Civ., 12 octobre 2005, n°03-14812) ; l’entrepreneur principal reste tenu de la bonne exécution des travaux sous-traités envers le maître de l’ouvrage, même s’il n’a pas commis de faute de surveillance (1ère Civ., 5 janvier 1978, n°76-14193) ;

— sur la garantie de la SMABTP :

— garantie des désordres de nature décennale : la violation de l’obligation de surveillance de l’architecte est susceptible de mettre en jeu sa responsabilité décennale dès lors que les désordres en découlant remplissent les critères de gravité posés par l’article 1792 du code civil (3ème Civ., 7 octobre 1992, n°90-14437) ; les désordres ont été qualifiés de nature décennale par le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 27 octobre 2015 ; cette qualification ne peut être remise en cause en vertu de l’autorité de la chose jugée ; la garantie décennale s’applique en cas de mise en oeuvre de la responsabilité décennale mais également en cas de manquement contractuel imputable à l’assuré en sa qualité de sous-traitant aux termes de l’articles 3.1.2 des conventions spéciales ;

— la reconnaissance par la SMABTP de sa garantie : l’assureur qui reconnaît sa garantie n’est plus fondé à se prévaloir par la suite d’exclusions de celle-ci (3ème Civ., 18 mars 2012, n°08-21775) ;

— la prise de direction du procès et la renonciation à se prévaloir des exceptions : l’article L113-17 du code des assurances dispose 'L’assureur qui prend la direction d’un procès intenté à l’assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu’il a pris la direction du procès. L’assuré n’encourt aucune déchéance ni aucune autre sanction du fait de son immixtion dans la direction du procès s’il avait intérêt à le faire’ ; ces dispositions concernent tout procès, fut-ce en référé (1ère Civ., 10 mai 2000).

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 novembre 2021.

MOTIVATION

La S.A.R.L. Enertek ne conteste pas, suivant contrat du 21 novembre 2005, être intervenue en qualité de sous-traitante du maître d’oeuvre en tant que bureau d’études CVC, plomberie et électricité.

En cette qualité, elle admet être tenue d’une obligation de résultat envers M. Y.

Cette obligation ne la contraint cependant pas à répondre de dégâts causés par des tiers ou de fautes commises par son cocontractant.

L’analyse de l’article III du contrat précité fait apparaître que la S.A.R.L. Enertek a été investie par le maître d’oeuvre de la mission DET.

Cette mission comprend les opérations suivantes :

— S’assurer que les documents d’exécution ainsi que les ouvrages en cours de réalisation respectent les dispositions des études effectuées ;

— S’assurer que les documents qui doivent être produits par l’entrepreneur, en application du contrat de travaux ainsi que l’exécution des travaux, sont conformes audit contrat ;

— Délivrer tous ordres de service, établir tous procès-verbaux nécessaires à l’exécution du contrat de travaux, procéder aux constats contradictoires et organiser et diriger les réunions de chantier ;

— Vérifier les projets de décomptes mensuels ou les demandes d’avances présentés par l’entrepreneur, d’établir les états d’acomptes, de vérifier le projet de décompte final établi par l’entrepreneur, d’établir le décompte général ;

— Assister le maître de l’ouvrage en cas de différend sur le règlement ou l’exécution des travaux.

Dans son jugement du 27 octobre 2015 désormais définitif à l’égard de l’architecte et son assureur MAF, le tribunal de grande instance de Bordeaux a retenu que, constituaient des désordres de nature décennale :

— l’absence de raccordement du siphon de sol dans le local technique du bâtiment C, cette carence ayant occasionné la corrosion des canalisations ;

— l’insuffisante isolation des canalisations et robinets d’eau froide et leur proximité avec ceux d’eau chaude ne permettant pas aux occupants des lieux de bénéficier d’une eau à température basse.

S’agissant du premier désordre, la juridiction du premier degré a observé que M. Y a manqué à son obligation de surveillance du chantier et de direction des travaux en s’abstenant de vérifier la réalité du branchement du siphon.

Pour ce qui concerne le second désordre, la décision définitive du 27 octobre 2015 a reproché au maître d’oeuvre, dont la solution technique retenue pour l’acheminement de l’eau froide n’était pas remise en cause par l’expert judiciaire, d’avoir omis de s’assurer de la présence d’un calorifugeage adapté ce qui traduit la commission d’une faute de sa part dans la surveillance du chantier.

Or, au regard des stipulations contractuelles, les opérations de surveillance du chantier ne font pas partie de la mission DET confiée à l’intimée.

Les manquements relevés par le tribunal de grande instance pour le second désordre ne peuvent donc être imputés à une défaillance de la S.A.R.L. Enertek dans l’exécution de sa prestation.

Au regard du contenu précis de la mission DET figurant à l’article III du contrat du 21 novembre 2005, document qui n’avait pas été produit lors des opérations d’expertise judiciaire ni en première instance, il n’apparaît pas, pour ce qui concerne le premier désordre, que l’absence de raccordement du siphon, qui ne pouvait être constatée qu’à la fin des travaux relatifs aux canalisation et non 'en cours de réalisation’ comme le stipule le contrat, constitue une défaillance de la S.A.R.L. Enertek dans l’exécution de sa prestation.

De plus, et contrairement à l’affirmation des appelants, le sous-traitant n’était contractuellement pas investi de la mission VISA.

En conséquence, les demandes de garantie présentées par M. Y et la MAF à l’encontre de la S.A.R.L. Enertek et de son assureur SMABTP ne peuvent qu’être rejetées car les désordres relèvent d’une cause étrangère, en l’occurrence la commission de fautes d’exécution qui ne lui sont pas imputables. Le jugement attaqué sera donc confirmé sur ce point.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Si le rejet par le juge de première instance des demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile doit être confirmé, il y a lieu en cause d’appel de condamner in solidum M. Y et la MAF au versement à la S.A.R.L. Enertek et la SMABTP, chacune, au versement d’une indemnité de 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de rejeter les autres demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS

— Confirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 5 juin 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux ;

Y ajoutant ;

— Condamne in solidum M. I-J Y et la Mutuelle des Architectes Français à verser à la S.A.R.L. Enertek une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Condamne in solidum M. I-J Y et la Mutuelle des Architectes Français à verser à la Société Mutuelle d’assurance du Bâtiment et des Travaux Publics une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

— Rejette les autres demandes présentées sur ce fondement ;

— Condamne in solidum M. I-J Y et la Mutuelle des Architectes Français au paiement des dépens d’appel qui pourront être directement recouvrés par la Selarl Racine en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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