Cour d'appel de Colmar, Chambre 1 a, 21 septembre 2020, n° 19/04534

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Référence :
CA Colmar, ch. 1 a, 21 sept. 2020, n° 19/04534
Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro(s) : 19/04534
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Strasbourg, 29 septembre 2019
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

PR/SD

MINUTE N°

418/20

Copie exécutoire à

—  Me Christine LAISSUE -STRAVOPODIS

— la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 21.09.2020

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 21 Septembre 2020

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 19/04534 – N° Portalis DBVW-V-B7D-HGRM

Décision déférée à la Cour : 30 Septembre 2019 par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DE STRASBOURG

APPELANTS :

Monsieur Y X

[…]

EURL RADICAL Pest Control

prise en la personne de son représentant légal

[…]

Représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat à la Cour

INTIMEES :

SARL FLASHGUARDS anciennement dénommée NET CONCEPT 3D, prise en la personne de son représentant légal

[…]

EURL NET CONCEPT prise en la personne de son représentant légal

[…]

Représentées par Me Marion BORGHI de la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 modifiée par ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020 et de l’ordonnance en date du 31 mars 2020 de la Première Présidente de la Cour d’Appel de Colmar, l’affaire fixée à l’audience du 22 juin 2020 a été mise en délibéré, sans débats, les parties ne s’y étant pas opposées.

M. ROUBLOT, Conseiller, a été chargé du rapport dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme PANETTA, Présidente de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

M. FREY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier : Mme VELLAINE

ARRET :

— Contradictoire

— rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. Y X est un ancien salarié, entre 2010 et 2015, de l’EURL Net Concept, dont l’activité consiste en la réalisation de travaux en hauteur ou dans des zones d’accès difficile, puis il a créé, en lien avec cette société, une société Net Concept 3D, aux droits de laquelle vient la SARL Flashguards, avec pour objet l’extermination de nuisibles, société au sein de laquelle il a exercé, jusqu’au 30 décembre 2016, un mandat d’administrateur avant de céder ses parts à la société Net Concept, devenant ensuite, entre le 2 janvier 2017 et le 30 avril 2017, date à laquelle a pris effet une rupture conventionnelle, salarié de la société Net Concept 3D.

M. X a ensuite créé l’EURL Radical Pest Control, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) le 22 juin 2017.

Plusieurs litiges ont opposé les parties :

— devant le conseil de prud’hommes de Schiltigheim, saisi par M. X aux fins d’obtenir la condamnation de ses deux employeurs successifs au paiement de ses droits en qualité de salarié, et devant lequel ces sociétés ont formulé une demande reconventionnelle de condamnation à l’encontre de M. X pour manquement à son obligation de loyauté, la procédure ayant ensuite été radiée le 10 mai 2019 pour défaut de diligence, des parties qui n’ont pas plaidé après injonction de le faire ;

— devant le juge des référés commerciaux du tribunal de grande instance de Strasbourg, saisi par M. X à l’encontre de la société Net Concept en paiement du prix des parts sociales de la société Net Concept 3D, laquelle a entendu intervenir volontairement à cette procédure, notamment pour tenter de faire établir l’existence d’actes de concurrence déloyale, le juge des référés devant, par ordonnance du 14 mai 2018, déclarer cette intervention volontaire irrecevable, la société Net Concept ayant, pour sa part, été condamnée à payer à M. X une provision de 6 000 euros ;

— devant le juge de l’exécution, qui, sur saisine de la société Flashguards, après exécution par la société Net Concept de l’ordonnance précitée, a autorisé, en avril 2018, une mesure conservatoire sur les fonds versés à M. X, avant qu’il en soit ordonné mainlevée, par décision du 10 janvier 2019, à la demande de ce dernier ;

— dans le cadre d’une procédure sur requête, à l’occasion de laquelle la société Net Concept 3D a sollicité d’être autorisée à saisir entre les mains de la société Radical pest control l’ensemble des factures établies par cette dernière depuis sa création, ce qui lui a été accordé par ordonnance en date du 17 novembre 2017.

Par actes introductifs d’instance délivrés les 3 et 4 mai 2018, les sociétés Net Concept et Flashguards ont fait citer M. Y X et la société Radical Pest Control devant la première chambre civile du tribunal de grande instance de Strasbourg, leur reprochant des actes de concurrence déloyale et, notamment, de détournement de clientèle.

Par requête déposée le 3 janvier 2019, M. X et la société Radical Pest Control ont saisi le juge de la mise en état, notamment d’exceptions d’incompétence matérielle, de litispendance et de connexité.

Par ordonnance rendue le 30 septembre 2019, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Strasbourg s’est déclaré incompétent pour statuer sur les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d’intérêt à agir de la société Net Concept, a rejeté les exceptions d’incompétence matérielle, de litispendance et de connexité, invitant le conseil des défendeurs à conclure et renvoyant la procédure à une nouvelle audience de mise en état.

Il a, notamment, retenu que :

— il n’était pas compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir, celles-ci relevant de la compétence du tribunal,

— sur la compétence du tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre civile à l’égard de M. X, si ce dernier invoquait un litige l’opposant à son ancien employeur, ce dernier avait formé devant le conseil de prud’hommes une demande reconventionnelle, non pas au titre de la concurrence déloyale, mais de la responsabilité contractuelle, pour non-respect de son obligation de loyauté, fondement distinct comme se rapportant à l’exécution du contrat de travail, alors que la concurrence déloyale se déploie après la rupture de celui-ci,

— sur la compétence du tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre civile à l’égard de la société Radical Pest Control, dès lors que le tribunal saisi était compétent pour connaître de l’action dirigée contre M. X, il était de l’intérêt d’une bonne administration de la justice qu’il connaisse de l’ensemble du litige,

— sur les exceptions de litispendance et de connexité, le conseil de prud’hommes et la première chambre civile du tribunal de grande instance n’étaient pas saisis pour les mêmes faits, ni sur le même fondement, de sorte qu’il ne s’agissait pas du même litige, outre qu’il n’existait pas de lien tel entre ces affaires pour qu’il soit de l’intérêt d’une bonne

administration de la justice de les juger ensemble.

M. Y X et l’EURL Radical Pest Control ont interjeté appel de cette décision par déclaration déposée le 10 octobre 2019.

Dans leurs dernières conclusions en date du 8 novembre 2019, ils demandent à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté les exceptions d’incompétence matérielle, de litispendance et de connexité, et statuant à nouveau sur ces points, de :

— dire et juger qu’il y a identité de parties, d’objet, de fait générateur et de cause entre l’action poursuivie par la société Net Concept 3 D devenue Flashguards à l’encontre de M. Y X devant le tribunal de grande instance de Strasbourg et celle formée à titre reconventionnel devant le devant le conseil de prud’hommes de Schiltigheim, première juridiction saisie,

— dire et juger, en tous les cas, que les actions poursuivies par la société Net Concept 3D devenue Flashguards à l’encontre de M. Y X devant le tribunal de grande instance de Strasbourg et concomitamment devant le conseil de prud’hommes de Schiltigheim, sont connexes,

En tout état de cause,

— dire et juger que le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre civile, est incompétent matériellement pour connaître du litige opposant la société Flashguards à M. Y X,

— ordonner son renvoi devant le conseil de prud’hommes de Schiltigheim – section encadrement dans le cadre de la procédure qui y est enregistrée sous RG F 18/00203,

— dire et juger que le tribunal de grande instance de Strasbourg, chambre civile, est incompétent matériellement pour connaître du litige opposant la société Flashguards à la société Radical Pest Control,

— ordonner son renvoi devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg,

— condamner les sociétés Net concept et Flashguards aux entiers frais et dépens d’appel, ainsi qu’au versement d’une indemnité de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Après avoir rappelé les différents litiges opposant les parties, ils font, ainsi, notamment valoir qu’au regard de la procédure prud’homale toujours en cours entre M. X et ses anciens employeurs, et singulièrement, des demandes reconventionnelles émises par ces dernières à l’encontre de leur salarié dans ce cadre, les exceptions de litispendance, voire de connexité, auraient dû être retenues par le juge de la mise en état. Ils soutiennent, en effet, que les agissements, tels qu’ils sont reprochés à M. X, auraient été commis ou permis par son statut de salarié, et se seraient produits principalement durant le contrat de travail, en tout cas avant la création de la société Radical Pest Control, la responsabilité personnelle de M. X pour agissements déloyaux ayant ainsi été mise en exergue par la société Flashguards devant le juge de l’exécution, qui a d’ailleurs retenu que la saisie conservatoire n’était pas fondée, dans l’attente de la décision du juge prud’homal, devant lequel aurait été soutenu un argumentaire identique à celui développé devant le tribunal de grande instance par les parties adverses, qui auraient ensuite soutenu l’inverse devant le juge de la mise en état. Ils en concluent que, faute de faits et de préjudices distincts, les litiges ainsi en cours sont

identiques puisqu’ils comportent une identité de parties, d’objet, de fait générateur et de cause.

En conséquence, selon eux, le juge de la mise en état aurait dû, à tout le moins, retenir l’existence de l’exception de litispendance, respectivement de connexité, et son incompétence matérielle pour examiner les demandes formées à l’encontre de M. X personnellement, relevant d’abord que le tribunal de grande instance de Strasbourg, saisi, en second lieu, des même demandes que celles présentées reconventionnellement au juge prud’homal, aurait dû se dessaisir à son profit, et qu’en tous les cas, ces demandes présentaient une connexité, selon eux indiscutable, s’agissant de manquements reprochés très majoritairement voir principalement durant ou à l’occasion de la relation de travail.

En tout état de cause, ils concluent à l’incompétence matérielle de la juridiction saisie, une action dirigée contre la personne d’un salarié devant, à leur sens, relever de la compétence de la juridiction prud’homale, peu important sa connexité avec une autre action introduite contre la société nouvellement créée, laquelle relève, par ailleurs, de la compétence du juge commercial. Ils entendent, ainsi, préciser que la compétence du conseil de prud’hommes doit être retenue, dès lors que les faits de concurrence déloyale allégués à l’encontre d’un salarié, soit ce sont produits avant la rupture des contrats de travail, soit, s’ils sont postérieurs, sont directement liés à ceux-ci.

L’EURL Net Concept et la SARL Flashguards se sont constituées intimées le 5 novembre 2019.

Dans leurs dernières écritures déposées le 23 janvier 2020, elles concluent à la confirmation de la décision entreprise, ainsi qu’à la condamnation des appelants aux dépens de l’appel, outre’à leur payer une indemnité de procédure de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elles entendent, d’abord, détailler le contexte du litige, et en particulier leurs griefs envers les appelants concernant un détournement de multiples clients représentant, selon elles, une part significative, de l’ordre de 10 %, du chiffre d’affaires de la société Flashguards, relevant, notamment, le nombre de contrats résiliés ou non reconduits préalablement à la signature des statuts de la société Radical Pest Control le 27 mai 2017, puis préalablement à son immatriculation le 22 juin, s’agissant donc d’un détournement qu’elles imputent à M. X lui-même, puis ultérieurement, M. X agissant alors en qualité de gérant de la société.

Concernant, ensuite, la compétence matérielle de la juridiction saisie, rappelant que le litige met en cause des actes de concurrence déloyale réalisés, après la rupture de son contrat de travail, par un ancien salarié qui n’est soumis à aucune clause de non-concurrence au terme dudit contrat de travail, et non la violation d’une obligation découlant de ce contrat, tout en relevant que les actes préparatoires, s’ils justifient des intentions, qualifiées de malfaisantes, de M. X, ne sont pas, en tant que tels, constitutifs de concurrence déloyale, mais uniquement de manquements à l’obligation de loyauté, elles entendent distinguer la violation de cette obligation ayant donné lieu à leur demande reconventionnelle durant la procédure prud’homale des faits fondant leur action en l’espèce.

Sur les exceptions de litispendance et de connexité, elles excluent que les deux juridictions soient saisies sur les mêmes faits et sur le même litige, l’un mettant en cause l’exécution du contrat de travail de M. X, l’autre sa responsabilité délictuelle, et le conseil de prud’hommes ne pouvant être compétent pour connaître d’une action en concurrence déloyale étrangère au contrat de travail, et dirigée à la fois contre M. X et la société Radical Pest Control, qui auraient bénéficié ensemble des agissements de concurrence déloyale et de détournement de clientèle, et qu’il leur paraît dès lors d’une mauvaise administration de la

justice de scinder artificiellement le litige concernant M. X et sa société dont les agissements sont intimement liés. Elles font encore valoir que la société Net Concept n’était pas partie à l’instance prud’homale.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 22 juin 2020, puis mise en délibéré à la date du 21 septembre 2020, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS :

L’article L. 1411-1 du code du travail dispose que le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient, ajoutant qu’il juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti. Le caractère exclusif et d’ordre public de cette compétence résulte de l’article L. 1411-4 du même code, lequel précise ainsi que le conseil de prud’hommes est seul compétent, quel que soit le montant de la demande, pour connaître des différends mentionnés, notamment ci-dessus, toute convention contraire étant réputée non écrite.

Il résulte, par ailleurs, de l’application combinée des articles L. 731-2 et L. 721-3 du code de commerce que la chambre commerciale du tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, connaît des contestations relatives aux sociétés commerciales, et notamment des demandes dirigées contre une telle société.

Quant au tribunal de grande instance, dorénavant tribunal judiciaire, il est compétent, par application de l’article L. 211-3 du code de l’organisation judiciaire, toutes les fois où le litige n’est pas confié à une autre juridiction.

Selon l’article 100 du code de procédure civile, si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l’autre si l’une des parties le demande, à défaut de quoi, elle peut le faire d’office, l’article 101 du même code disposant, pour sa part, que s’il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu’il

soit de l’intérêt d’une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l’une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l’état la connaissance de l’affaire à l’autre juridiction, ce dont il résulte que l’admission de l’exception de connexité est une simple faculté laissée à l’appréciation du juge.

En outre, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 105 du code précité, la décision rendue sur l’exception soit par la juridiction qui en est saisie, soit, comme, le cas échéant, en l’espèce, à la suite d’un recours s’impose tant à la juridiction de renvoi qu’à celle dont le dessaisissement est ordonné.

Le présent litige oppose les sociétés Net Concept et Flashguards, demanderesses, à M. Y X et à la société Radical Pest Control, défendeurs, les premières faisant, notamment et en substance, grief aux seconds, selon l’assignation, d’avoir commis des actes de concurrence déloyale, la responsabilité de M. X étant recherchée, à ce titre, en raison d’agissements constitutifs d’actes préparatoires à l’exercice d’une activité concurrente au détriment de son employeur, notamment par la souscription d’une formation en vue de réaliser l’activité concurrente, l’achat de matériel, la résiliation, au nom et pour le compte de l’employeur, d’un contrat en cours pour reprise ultérieure du marché, outre un démarchage systématique des

clients de l’employeur ou ex-employeur, l’usage des informations acquises au sein de l’entreprise pour lui faire concurrence, ainsi que de documents commerciaux, la tentative de débauchage de salarié et le dénigrement de l’entreprise ex-employeur. L’assignation précise encore que les agissements n’étaient imputables à la société Radical Pest Control, sous le couvert de laquelle il aurait été commis, qu’à compter de sa constitution, le 27 mai 2017. En définitive, il est demandé la condamnation solidaire de M. X et de la société Radical Pest Control à payer à la société Flashguards les sommes de 61 670 euros au titre du préjudice financier, 22 200 euros au titre du préjudice d’image et à la société Net Concept la somme de 16 220 euros au titre du préjudice d’image, outre paiement à la société Flashguards de frais de saisie conservatoire.

Quant aux demandes formulées, à titre reconventionnel, selon conclusions en défense du 10 avril 2018, devant le conseil de prud’hommes de Schiltigheim, initialement saisi par M. X, elles tendent à voir condamner M. X à payer à la société Net Concept, seule, en réalité à la société Net Concept 3D, une somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à son obligation de loyauté lui ayant causé un préjudice financier et d’image, sur le fondement, notamment, de l’exécution de bonne foi du contrat de travail, en application de l’article L. 1222-1 du code du travail, en relevant des agissements qualifiés de préjudiciables à 'Net Concept 3D', dans le but de favoriser sa future activité concurrente. Sont ainsi relevés la résiliation de contrats en cours, dont celui avec la société Norma, parmi de multiples autres, relevant, selon les concluantes, d’un détournement de clientèle opéré par M. X, auquel sont également reprochés un détournement des moyens de l’employeur, par le suivi d’une formation qualifiée d’inutile et l’achat de matériel.

Il doit encore être relevé que, dans son jugement du 10 janvier 2019, par lequel a été ordonnée la mainlevée de la saisie conservatoire opérée par la SARL Flashguards, selon ordonnance du 18 avril 2018, sur le compte de M. X et le compte CARPA de son conseil, le juge de l’exécution a retenu que le contrat de travail ne prévoyait de clause de non-concurrence pendant le contrat de travail et aucune après, et qu’une seule résiliation effective avait été enregistrée pendant ledit contrat, les autres relevant d’une période où M. X pouvait, en principe, démarcher librement la clientèle de la société Flashguards, de sorte que la créance alléguée au titre 'd’actes de concurrence déloyale commis par M. Y X’ ne paraissait pas suffisamment fondée en son principe pour autoriser une saisie conservatoire dans l’attente d’une décision du juge du fond saisi, soit le juge prud’homal.

Il doit encore être précisé que l’affaire pendante devant le conseil de prud’hommes, après une première radiation, puis une demande de reprise de la partie demanderesse, soit M. X, fait l’objet d’une nouvelle radiation en date du 10 mai 2019 pour défaut de diligences des parties, après dépôt préalable, en date du 24 avril 2019, de conclusions de sursis à statuer du conseil de M. X.

Cela étant relevé, la cour observe que des demandes ont été formées, devant le juge prud’homal, des chefs de préjudice financier et d’image liés aux conséquences de la résiliation, par M. X, alors salarié de Net Concept 3D, de contrats en cours, ainsi que du suivi d’une formation, par le salarié, en vue d’exercer une activité concurrente, ou encore de l’achat de matériel, également à l’occasion du contrat de travail de M. X. Ces faits sont à nouveau évoqués à l’occasion du litige pendant devant le tribunal de grande instance, complétés par les griefs d’un démarchage systématique des clients de l’employeur ou ex-employeur, de l’usage des informations acquises au sein de l’entreprise pour lui faire concurrence, ainsi que de documents commerciaux, de la tentative de débauchage de salarié et du dénigrement de l’entreprise ex-employeur. À cela s’ajoute que la société Net Concept qui, contrairement à ce qui est indiqué dans le dispositif des conclusions déposées devant le conseil de prud’hommes, ne formait pas de demande reconventionnelle devant cette juridiction, réclame devant le tribunal de grande instance indemnisation d’un préjudice

d’image, lié, en substance, au lien étroit entre les deux sociétés.

Il apparaît, au vu de ce qui précède, que les griefs déjà formulés devant le conseil de prud’hommes, dans le cadre de la demande de la société Net Concept 3D, et renouvelés devant le tribunal de grande instance relèvent, en réalité, de la compétence de juridiction prud’homale, s’agissant de faits susceptibles d’avoir été commis à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail et avant l’expiration de celui-ci, quand même il s’agirait d’actes préparatoires à une activité devant être exercée après la rupture du contrat, et qui relèvent de la compétence exclusive du conseil de prud’hommes, peu important que leur réalisation, et en particulier la résiliation des contrats litigieux, ait eu lieu par la suite, dès lors qu’il est allégué par les sociétés Net Concept et Flashguards de ce que ces actes ont été, à tout le moins préparés durant le contrat de travail. Pour le surplus, s’agissant d’agissements reprochés à M. X alors qu’il n’était plus salarié ou à l’occasion de son contrat de travail, ils relèvent bien de la compétence du tribunal de grande instance.

L’absence d’identité de litige devant les deux juridictions, les chefs de demandes dirigées par la société Flashguards à l’encontre de M. X n’étant que partiellement les mêmes, fait obstacle à l’application des règles de la litispendance.

Il n’apparaît pas, par ailleurs, que les demandes dont reste saisi le tribunal judiciaire présentent un caractère de connexité avec celles soumises au conseil de prud’hommes, dans la mesure où le tribunal ne sera appelé à se prononcer que sur des faits commis postérieurement à la rupture du contrat de travail.

Quant aux faits imputés à la société Radical Pest Control, dès lors que les demandes correspondantes sont dirigées, par des sociétés commerciales, à l’encontre d’une autre société commerciale, ils ressortissent de la compétence exclusive de la juridiction spécialisée en matière commerciale, cette exclusivité faisant obstacle au jeu de la connexité au profit du tribunal de grande instance, les conditions de la litispendance n’étant, pour leur part, pas réunies.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les sociétés Net Concept et Flashguards, succombant pour l’essentiel seront tenues in solidum des dépens de l’appel, par application de l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Infirme l’ordonnance rendue le 30 septembre 2019 par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Strasbourg en ce qu’elle a rejeté les exceptions d’incompétence matérielle,

Et statuant à nouveau de ces chefs de demande,

Dit que le tribunal judiciaire de Strasbourg, chambre civile, est incompétent matériellement pour connaître du litige opposant M. Y X à la société Flashguards, uniquement en ce qu’il porte sur des demandes susceptibles d’avoir été commis à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail, et plus précisément sur le suivi d’une formation, l’achat de matériel et la résiliation de contrats,

Ordonne le renvoi de l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Schiltigheim – section encadrement dans le cadre de la procédure qui y est enregistrée sous RG F 18/00203,

Dit que le tribunal judiciaire de Strasbourg, chambre civile, est incompétent matériellement pour connaître du litige opposant la société Flashguards à la société Radical Pest Control,

Ordonne le renvoi de l’affaire devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg,

Confirme l’ordonnance entreprise pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne in solidum l’EURL Net Concept et la SARL Flashguards aux dépens de l’appel,

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre partie,

La Greffière : la Présidente :

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