Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 17 mars 2022, n° 20/02264

  • Engagement·
  • Conservation·
  • Donations·
  • Exonérations·
  • Impôt·
  • Associé·
  • Titre gratuit·
  • Administration fiscale·
  • Sociétés·
  • Finances

Chronologie de l’affaire

Commentaires2

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

www.cabinet-z.fr · 5 février 2024

On sait que le pacte Dutreil suppose la conclusion d'un engament collectif de conservation des titres objet de la transmission pour une durée minimale de deux ans entre le donateur ou de cujus et ses associés. On distingue trois types d'engagement selon qu'il soit réputé acquis, post-mortem ou écrit au jour de la transmission. Photo de Damir Kopezhanov sur Unsplash Dans le premier cas de figure qui suppose l'absence d'écrit, l'engagement de conservation collectif des titres est réputé acquis si les trois conditions cumulatives suivantes sont remplies : Les titres doivent être détenus …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CA Douai, ch. 1 sect. 1, 17 mars 2022, n° 20/02264
Juridiction : Cour d'appel de Douai
Numéro(s) : 20/02264
Décision précédente : Tribunal judiciaire de Valenciennes, 27 mai 2020
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

République Française


Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 1

ARRÊT DU 17/03/2022

****


N° de MINUTE :


N° RG 20/02264 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TBNA


Jugement rendu le 28 mai 2020

par le tribunal judiciaire de Valenciennes

APPELANTS

Monsieur X A

né le […] à […]

demeurant […]

[…]

Monsieur Y A

né le […] à […]

demeurant […]

[…]

Monsieur Z A

né le […] à Braye-en-Laonnois (02000)

demeurant […]

[…]

représentés par Me Eric Laforce, membre de la SELARL Eric Laforce, avocat au barreau de Douai

assistés de Me B C, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, substituée par Me Bénédicte Vazeille, avocat au barreau des Hauts-de-Seine

INTIMÉ

Monsieur le directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et de Paris domicilié Pôle fiscal parisien 1 11/13, Pôle juridictionnel judiciaire

[…]

représenté par Me Loïc Le Roy, membre de la SELARL Lexavoué, avocat au barreau de Douai

DÉBATS à l’audience publique du 03 janvier 2022 tenue par Christine Simon-Rossenthal magistrat chargé d’instruire le dossier qui, après rapport oral de l’affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).


Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : G H

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ


Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre


Emmanuelle Boutié, conseiller


I J, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par I J, conseiller, en remplacement de Madame Christine Simon-Rossenthal, présidente et G H, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 décembre 2021

****

Rappel des faits et de la procédure


Par actes notariés des 5 mai 2012, 4 mai 2014 et 22 novembre 2014, Monsieur Z A a effectué des donations partages au profit de ses deux enfants, X et Y A en revendiquant l’application des dispositions de l’article 787 B du code général des impôts.


L’acte du 5 mai 2012 porte notamment sur la donation de la moitié indivise à chacun de ses enfants de la pleine propriété de 364 actions de la société Sphinx. La valeur des actions a été estimée dans l’acte à la somme de 721 448 euros pour chacun des donataires.


Le second acte du 4 mai 2014 porte sur la donation en pleine propriété de 508 actions de la société Sphinx attribués par parts égales à ses deux enfants. La valeur des actions a été estimée dans l’acte à la somme de 1 219 200 euros pour chacun des donataires.


L’acte du 22 novembre 2014 porte sur la donation des titres de la société Stone attribués en nue-propriété par parts égales aux deux enfants.


Par trois propositions de rectification datées des 11 décembre 2017 relatives à ces donations, la direction générale des finances publiques a remis en cause l’existence du pacte Dutreil transmission au motif que la condition d’exercice d’une fonction de direction susmentionnée et visée à l’alinéa d de l’article 787 B du code général des impôts n’avait pas été respectée.
Par trois courriers en date du 9 février 2018, Messieurs X, Y et Z A ont présenté leurs observations et contesté le bien-fondé des rectifications envisagées par la direction générale des finances publiques pour chacune des trois donations, ainsi que l’application de la majoration pour manquement délibéré.


En date du 15 juin 2018, un avis de recouvrement a été émis à l’encontre de M. Z A portant sur la totalité des rappels des droits de donation pour les trois donations ainsi que les intérêts de retard y afférents, pour un montant de 1 086 139 euros.


Par acte unique de réclamation en date du 2 juillet 2018, Messieurs X, Y et Z A ont demandé le dégrèvement de l’intégralité des impositions mises à leur charge en contestant l’interprétation faite par l’administration fiscale des dispositions de l’article 787 Bd du code général des impôts relatives à la condition d’exercice d’une fonction de direction ainsi que l’application du sursis de paiement des sommes en application des dispositions de l’article L277 du livre des procédures fiscales.


Par décision en date du 22 novembre 2018, la DIRCOFI Nord a rejeté leur réclamation et l’intégralité de leurs demandes.


Par acte d’huissier séparé en date des 22 et 25 janvier 2019, Messieurs X, Y et Z A ont assigné Monsieur le directeur de la direction générale des finances publiques devant le tribunal de grande instance de Valenciennes afin d’obtenir l’annulation de la décision de rejet du 22 novembre 2018, la décharge des droits de donation et des pénalités supplémentaires mis en recouvrement.


Par un jugement en date du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Valenciennes a ordonné la jonction des procédures 19/00381, 19/00443 et 19/00444 sous le numéro 19/00444, rejeté les demandes de Messieurs X, Y et Z A et les a condamnés in solidum aux dépens.


Messieurs X, Y et Z A ont interjeté appel de cette décision.


Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 5 février 2021, Messieurs X, Y et Z A demandent à la cour, à titre principal d’annuler le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, sur la décharge du rappel des droits de mutation à titre gratuit et de leurs accessoires, de prononcer la décharge du rappel des droits de mutation à titre gratuit et de leurs accessoires mis la charge de M. Z A, pour un montant de 1 086 139 euros et de condamner l’administration fiscale à leur payer une indemnité de procédure de 15 000 euros pour la procédure de première instance,


A titre subsidiaire, si l’annulation devait ne pas être prononcée, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, sur la décharge du rappel des droits de mutation à titre gratuit et de leurs accessoires, prononcer la décharge du rappel des droits de mutation à titre gratuit et de leurs accessoires mis la charge de M. Z A, pour un montant de 1 086 139 euros et condamner l’administration fiscale à leur payer une indemnité de procédure de 15 000 euros pour la procédure de première instance.


Ils sollicitent la condamnation de l’administration fiscale à leur payer la somme de 15 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’instance et d’appel.


Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 décembre 2020, le directeur de la direction générale des finances publiques demande à la cour de juger les consorts A mal fondés en leur appel et de les débouter de toutes leurs demandes, de rejeter la demande d’annulation du jugement entrepris et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de les condamner en tous les dépens de première instance et d’appel et de rejeter leur demande en paiement de la somme de 15 000 euros fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner à lui verser une indemnité de procédure de 3 000 euros.

SUR CE,

Sur la demande d’annulation du jugement


Les consorts A exposent que ni leur avocat ni eux-mêmes n’ont été informés de l’audiencement de leur affaire, si bien que l’audience ayant donné lieu au jugement attaqué s’est tenue le 13 février 2020 hors de leur présence et de celle de leur avocat ce qui ne leur a pas permis de présenter dans les délais les pièces justificatives à l’appui de leurs prétentions et des explications orales et ce, en méconnaissance des droits de la défense et de l’article R. 202-2 du livre des procédures fiscales.


Ils soutiennent qu’en n’informant pas les consorts A et leur avocat de la tenue de l’audience, le tribunal a méconnu le principe constitutionnel des droits de la défense et du droit à un procès équitable garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ainsi que l’article R. 202-2 du livre des procédures fiscales et cela, pour les raisons suivantes au motif qu’ils n’ont pas pu user de la faculté qui leur était donnée par le 2ème alinéa de l’article R. 202-2 du LPF de présenter des explications orales.


L’administration fiscale soutient que les appelants ne démontrent pas que l’avocat les représentant dans la procédure, n’ait pas été informé des audiences de procédure alors que les bulletins de mises en état signés du juge de la mise en état transmis par le greffe à l’administration portent tous la mention "copie à Me B C" ; qu’ils sont également mal fondés à prétendre avoir été empêchés de produire les pièces invoquées alors que ces productions doivent être spontanées et mises à disposition de la partie adverse dans le seul respect du caractère contradictoire de la procédure ; que s’agissant des explications orales, l’article R*202-2 précise en son alinéa 2, les contribuables comme l’administration peuvent présenter à l’audience des explications orales, ce qui est une simple faculté ; que compte tenu du caractère essentiellement écrit de l’instruction, les parties ne peuvent valablement demander la nullité du jugement au motif qu’elles n’auraient pas été convoquées à l’audience à laquelle l’affaire a été appelée et qu’elles ont été de ce fait dans l’impossibilité de présenter des explications orales.


Ceci étant exposé, les instances dont le tribunal judiciaire a à connaître sont instruites suivant les formes instituées par les articles R* 202-1 et suivants du livre des procédures fiscales.


En application de l’article R*202- 2 du livre des procédures fiscales l’instruction se fait par simples mémoires respectivement signifiés et le redevable a le droit de présenter, par lui-même ou par le ministère d’un avocat inscrit au tableau, des explications orales. La même faculté appartient à l’administration. Les modes de preuve doivent être compatibles avec le caractère écrit de l’instruction

». Le tribunal accorde aux parties ou aux agents de l’administration qui suivent les instances, les délais nécessaires pour présenter leur défense. Cette disposition est applicable, devant la cour d’appel, à l’égard des avoués constitués ». La procédure est écrite et contradictoire.


Les délais nécessaires pour présenter une défense prévus à l’alinéa 4 de l’ article R* 202-2 du livre des procédures fiscales peuvent être accordés soit d’office, soit sur demande au tribunal par voie de remise, lors de l’audience de fixation.


Les appelants ne sauraient se prévaloir du fait qu’ils n’auraient pas été mis en mesure de répliquer au mémoire en réponse de l’administration et que les actes de la procédure ont été dénaturés, dès lors qu’ils n’établissent pas qu’ils ont sollicité du tribunal un délai pour répliquer aux conclusions de l’administration fiscale signifiées le 24 avril 2019. Le jugement entrepris mentionne que les « débats ont eu lieu le 13 février 2020 devant D E statuant en juge unique, par application des articles 801 à 805 du code de procédure civile, avis préalablement donné aux avocats 2, assisté de Madame Laure Hasdenteufel, Greffier ».


Le fait que les appelants produisent l’ordonnance de clôture qui mentionne une date d’audience au 5 décembre 2019 alors que le jugement indique que l’audience a eu lieu le 13 février 2020 ne saurait, en l’absence d’un inscription de faux à l’encontre du jugement critiqué, invalider la mention du jugement selon laquelle les parties ont été avisées de la date d’audience.


L’exception de nullité sera dès lors rejetée.

Sur la remise en cause de l’exonération dont les consorts A ont bénéficié au titre des actions de la société Sphinx transmises


Le tribunal judiciaire de Valenciennes a estimé qu’il ressortait de la lecture de l’article 787 B du code général des impôts que la condition relative à l’exercice de fonctions de direction dans la société pendant trois ans postérieurement à la transmission ne pouvait être remplie que par les donataires et non par le donateur ; que dans la mesure où ni X, ni Y A n’ont exercé de telles fonctions, l’exonération partielle visée à l’article 787 B du code général des impôts n’est pas applicable aux donations litigieuses, peu important que M. Z A ait exercé de telles fonctions.


Selon l’administration, le d de l’article 787 B ne rend habile à l’exercice d’une fonction de direction, postérieurement à la date de la transmission à titre gratuit réalisée dans le cadre du dispositif de l’engagement collectif réputé acquis, que l’un des donataires à l’exclusion du donateur seul.


Elle considère que la référence faite par cet alinéa aux associés mentionnés au a ne permet de viser le donateur qu’à la condition que ce dernier ait effectivement conclu un engagement collectif formalisé par écrit avec d’autres associés à l’exclusion du donateur dont l’engagement collectif est réputé acquis par la loi.


Les consorts A font valoir que d de l’article 787 B, en visant à la fois l’un des associés mentionnés au a et l’un des donataires, rend habile à l’exercice d’une fonction de direction, postérieurement à la date de la transmission à titre gratuit réalisée dans le cadre du dispositif de l’engagement collectif réputé acquis, non seulement l’un des donataires mais aussi le donateur en sa qualité de signataire d’un engagement collectif réputé acquis par la loi.


Ils soulignent que la lecture faite par le tribunal de l’article 787 B du code général des impôts est erronée car l’analyse du texte est plus complexe. Ils font valoir que celle-ci conduit au contraire à considérer que la condition d’exercice de fonctions de direction postérieurement à la transmission peut être remplie par le donateur et que, contrairement à ce que soutient l’administration fiscale et ce qu’a jugé le tribunal, les donations litigieuses pouvaient bénéficier de l’exonération pacte Dutreil ; que la position restrictive de l’administration fiscale est fondée sur une application littérale des dispositions du a et du quatrième alinéa du b de l’article 787 B qui fait abstraction de l’évolution qu’a connu le dispositif Dutreil.


Ceci étant exposé, en vue de fidéliser l’actionnariat et de faciliter la transmission des entreprises, le législateur a introduit un dispositif d’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, repris à l’article 787 B du code général des impôts, en contrepartie, entre autres conditions, d’un engagement collectif de conservation minimum de deux ans et d’un engagement individuel de conservation minimum de quatre ans.


L’article 787 B du code général des impôts dispose que :
« Sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs si les conditions suivantes sont réunies :

a. Les parts ou les actions mentionnées ci-dessus doivent faire l’objet d’un engagement collectif de conservation d’une durée minimale de deux ans en cours au jour de la transmission, qui a été pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés.

Lorsque les parts ou actions transmises par décès n’ont pas fait l’objet d’un engagement collectif de conservation, un ou des héritiers ou légataires peuvent entre eux ou avec d’autres associés conclure dans les six mois qui suivent la transmission l’engagement prévu au premier alinéa ;

b. L’engagement collectif de conservation doit porter sur au moins 20 % des droits financiers et des droits de vote attachés aux titres émis par la société s’ils sont admis à la négociation sur un marché réglementé ou, à défaut, sur au moins 34 %, y compris les parts ou actions transmises.

Ces pourcentages doivent être respectés tout au long de la durée de l’engagement collectif de conservation. Les associés de l’engagement collectif de conservation peuvent effectuer entre eux des cessions ou donations des titres soumis à l’engagement. Ils peuvent également admettre un nouvel associé dans l’engagement collectif à condition que cet engagement collectif soit reconduit pour une durée minimale de deux ans.

L’engagement collectif de conservation est opposable à l’administration à compter de la date de l’enregistrement de l’acte qui le constate. Dans le cas de titres admis à la négociation sur un marché réglementé, l’engagement collectif de conservation est soumis aux dispositions de l’article L.233-11 du code de commerce.

L’engagement collectif de conservation est réputé acquis lorsque les parts ou actions détenues depuis deux ans au moins par une personne physique seule ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité atteignent les seuils prévus au premier alinéa, sous réserve que cette personne ou son conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce depuis plus de deux ans au moins dans la société concernée son activité professionnelle principale ou l’une des fonctions énumérées au 1° de l’article 885 O bis lorsque la société est soumise à l’impôt sur les sociétés.

Pour le calcul des pourcentages prévus au premier alinéa, il est tenu compte des titres détenus par une société possédant directement une participation dans la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement collectif de conservation visé au a et auquel elle a souscrit.

La valeur des titres de cette société qui sont transmis bénéficie de l’exonération partielle à proportion de la valeur réelle de son actif brut qui correspond à la participation ayant fait l’objet de l’engagement collectif de conservation ;

L’exonération s’applique également lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement de conservation.

Dans cette hypothèse, l’exonération partielle est appliquée à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l’actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte ayant fait l’objet d’un engagement de conservation.

Le bénéfice de l’exonération partielle est subordonné à la condition que les participations soient conservées inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement collectif. Toutefois, le bénéfice du régime de faveur n’est pas remis en cause en cas d’augmentation de la participation détenue par les sociétés interposées.

c. Chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l’engagement dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, de conserver les parts ou les actions transmises pendant une durée de quatre ans à compter de la date d’expiration du délai visé au a.

d. L’un des associés mentionnés au a ou l’un des héritiers, donataires ou légataires mentionné au c exerce effectivement dans la société dont les parts ou actions font l’objet de l’engagement collectif de conservation, pendant la durée de l’engagement prévu au a et pendant les trois années qui suivent la date de la transmission, son activité professionnelle principale si celle-ci est une société de personnes visée aux articles 8 et 8 ter, ou l’une des fonctions énumérées au 1° de l’article 885 O bis lorsque celle-ci est soumise à l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option ; »

['.].


En l’espèce, le service a remis en cause le bénéfice des exonérations partielles concernant les actes de donation des 5 mai 2012 et 4 mai 2014 au motif que la condition prévue au d de l’article 787 B du code général des impôts concernant la durée minimale de l’exercice d’une fonction de dirigeant au sein de la société transmise pendant les trois années qui suivent la date de transmission n’avait pas été respectée.


L’administration fiscale expose que dans l’hypothèse d’un engagement collectif « réputé acquis », le bénéfice de l’exonération partielle ne trouve pas à s’appliquer lorsque postérieurement à la transmission, aucun donataire n’assure une des fonctions énumérées au 1° de l’article 885 bis du code général des impôts.


Elle considère que cette réponse qui découle de la loi est conforme à la doctrine administrative reprise au BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10, applicable à la date des donations des 5 mai 2012 et 4 mai 2014, à savoir :

« La direction de la société doit être effectivement exercée durant cette période par :

- l’un des héritiers ou légataires ou par le donataire qui a pris l’engagement individuel de conserver les titres reçus du fait de la transmission à titre gratuit ;

- ou l’un des associés membres de l’engagement collectif de conservation. »


Elle soutient que c’est à bon droit que le service a remis en cause le bénéfice de l’exonération partielle quant aux donations des 5 mai 2012 et 4 mai 2014 et que le rappel concernant la donation du 22 novembre 2014, n’étant que la conséquence « mécanique » des rehaussements des donations antérieures, ne peut être que maintenu.


Les premiers juges ont validé la lecture et l’interprétation de l’article 757 B du code général des impôts de l’administration.


Les appelants contestent le rehaussement en faisant valoir que l’administration s’appuie sur une réponse ministérielle (Moreau AN n° 99759 du 7/03/2017) postérieure aux donations aux termes de laquelle « dans l’hypothèse d’un engagement « réputé acquis », le bénéfice de l’exonération partielle ne trouve pas à s’appliquer lorsque postérieurement à la transmission, le donateur assure lui-même la fonction de dirigeant de la société. En effet dans cette situation le donateur n’est pas signataire d’un engagement de conservation dès lors qu’il ne remplit pas les exigences fixées au d de l’article 787 B précité ».


Ils font valoir que la loi de finances rectificative pour 2006 (n° 2006-1771) a assoupli la condition tirée de la signature d’un engagement collectif conclu avec d’autres associés pour en étendre le bénéfice à certains contribuables qui, bien que n’ayant pas formellement signé un tel engagement, ont été considérés comme satisfaisant aux conditions exigées des associés ayant signé un engagement collectif et que l’analyse du mécanisme de l’abattement Dutreil et de son historique révèle ainsi que l’interprétation de l’administration fiscale est contraire à la logique du dispositif Dutreil tel qu’il a été conçu par le législateur ; durée minimale exigée d’un engagement collectif de conservation signé par une collectivité d’associés.


Ils ajoutent que l’article 57 de la loi de finances rectificative pour 2006 a créé un régime dérogatoire ne se distinguant du régime de droit commun que d’un double point de vue :


- nécessité pour le donateur pour lequel l’engagement collectif est réputé acquis de détenir seul (ou avec son conjoint) 34 % au moins du capital de la société alors que ce seuil peut être atteint en cumulant les participations détenues par l’ensemble des associés signataires d’un engagement collectif de conservation, – substitution à l’exercice de fonctions de direction pendant la durée de l’engagement collectif de conservation par l’un quelconque des signataires dudit engagement de l’exercice de ces mêmes fonctions par le seul donateur pendant une durée continue d’au moins deux ans avant la donation ;


- que ces deux points sont d’ailleurs intimement liés. En effet, le caractère collectif de l’engagement réputé acquis ne bénéficiant qu’au seul donateur, seul ce dernier est susceptible de cumuler la double qualité d’associé engagé dans un engagement collectif et de titulaire de fonctions de direction au sein de la société ;


- qu’en dehors de ces deux dérogations, et faute pour la loi de finances rectificative pour 2006 d’avoir organisé d’autres dérogations, l’ensemble des autres conditions d’application de ce régime doit recevoir application dans les mêmes conditions et dans le même esprit, que le donateur soit engagé dans un engagement collectif de conservation ou que cet engagement collectif lui soit réputé acquis ; qu’il ait conclu avec d’autres associés un engagement collectif de conservation ou qu’il revendique le bénéfice de l’engagement réputé acquis créé par l’article 57 de la loi de finances rectificative pour 2006 ne change rien hors les deux dérogations précitées ; que la qualification d’engagement collectif ainsi conférée par le I de l’article 57 de la loi de finances rectificative pour 2006 à la détention continue par un associé d’au moins 34 % pendant deux ans doit être respectée et appliquée strictement sous peine d’aller à l’encontre de l’objectif du législateur qui était, sans remettre en cause l’architecture générale du dispositif de l’abattement Dutreil, d’en assouplir les conditions d’application au regard des deux points visés par la réforme de 2006 et non d’en durcir les conditions d’application au regard d’autres dispositions qui n’ont fait l’objet d’aucun aménagement dans le cadre de cette même réforme ;


- qu’il n’y a pas lieu de vouloir appliquer de manière différenciée à l’un ou l’autre des engagements collectifs de conservation (l’engagement collectif signé par plusieurs associés visés par le a de l’article 787 B ou l’engagement collectif réputé acquis visé par le quatrième alinéa du b de l’article 787 B) les conditions d’application de l’abattement Dutreil autres que celles qui ont fait l’objet d’une adaptation par le I de l’article 57 de la loi de finances rectificative pour 2006. La décision du législateur de retenir la même qualification juridique d’engagement collectif pour ces deux situations actuellement distinctes ne serait pas respectée si le donateur revendiquant le bénéfice de cette qualification devait ou non, selon le cas, être considéré comme habile à respecter l’obligation d’exercice de fonctions de direction au sein de la société pendant les trois années suivant la donation ;


- qu’en introduisant en 2006 l’engagement réputé acquis, avec seulement deux adaptations par rapport au régime de droit commun, le législateur a clairement voulu que ce mécanisme soit régi par les mêmes règles dans un cas comme dans l’autre sous la seule réserve de ces deux adaptations ;


- qu’en ce qui concerne la condition relative à l’exercice d’une fonction de direction, cela signifierait que le d de l’article 787 B devrait être interprété de manière différente selon qu’est en cause :


- la condition d’exercice de fonctions de direction préalablement à la donation pour l’application de laquelle la qualification d’engagement collectif s’appliquerait pleinement à l’engagement réputé acquis,


- la condition d’exercice de fonctions de direction pendant les trois années suivant la donation pour laquelle la qualification d’engagement collectif serait limitée au seul engagement collectif formalisé par écrit entre plusieurs associés ;


- que si le a de l’article 787 B du code général des impôts auquel renvoie le d du même article fait littéralement référence à un engagement collectif pris par le donateur avec d’autres associés, le 4ème alinéa du b de l’article 787 B du code général des impôts relatif à l’engagement réputé acquis qualifie expressément cet engagement réputé acquis de collectif.


- que la condition d’exercice de fonctions de direction visée au d de l’article 787 B du code général des impôts peut être remplie par le donateur postérieurement à la transmission et, par conséquent, la remise en cause de l’exonération partielle pacte Dutreil dont ont bénéficié MM. Z, X et Y A au titre des donations des actions de la société Sphinx n’est pas fondée.


Ceci étant exposé, si le contribuable peut opposer à l’administration sa propre doctrine sur le fondement de l’article L 80 A du livre des procédures fiscales, il n’est en revanche pas lié par cette doctrine. Cette dernière représente le point de vue de l’administration et ne constitue pas une norme à respecter en tant que telle.


La finalité du dispositif d’exonération « Dutreil » est d’assurer la pérennité de l’entreprise en facilitant sa transmission à titre gratuit et à renforcer la stabilité de l’actionnariat de la société, en favorisant la constitution d’un noyau stable d’actionnaires signataires d’engagements collectifs de conservation dont seules peuvent bénéficier les sociétés exerçant une activité dite « opérationnelle » industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.


L’application du dispositif d’engagement collectif de conservation réputé acquis pose une difficulté particulière lorsque la transmission s’opère entre vifs concernant la détermination de la personne devant au regard de la condition imposée par le d de l’article 787 B du code général des impôts exercer une fonction de direction ou activité principale au sein de la société. La question posée est celle de déterminer si les bénéficiaires de la transmission peuvent à la fois bénéficier du régime d’engagement réputé acquis afin d’être dispensés de poursuivre l’engagement collectif de conservation jusqu’à son terme et, simultanément, se prévaloir de l’engagement collectif pour considérer que les conditions requises pour bénéficier de l’exonération sont réunies, la fonction de direction étant exercée pendant les 3 ans suivant la transmission par un signataire de l’engagement collectif aux termes du d de l’article 787 B du code général des impôts, autrement dit de déterminer si cette fonction peut être assurée par l’auteur de la transmission, soit en l’espèce le donateur.


La question qui se pose est donc la suivante : la référence faite par le d de l’article 787 B du code général des impôts aux « associés mentionnés au a », c’est-à-dire aux associés signataires d’un engagement collectif formalisé par écrit, vise-t-elle uniquement l’associé-donateur ayant signé un tel engagement collectif avec d’autres associés ou inclut-elle également l’associé-donateur pour lequel, en application du quatrième alinéa du b de l’article 787 B, l’engagement collectif de conservation est réputé acquis '
L’administration fiscale y répond par la négative exigeant que cette fonction ou activité soit exercée par l’un au moins des bénéficiaires de la transmission.


Les appelants soutiennent que l’analyse de l’évolution de l’article 787 B du code général des impôts invalide l’interprétation de l’administration et que la condition relative à l’exercice de fonctions de direction postérieurement à la transmission est valablement remplie par le donateur même dans le cas d’un engagement collectif réputé acquis.


L’exonération partielle des droits de mutation prévue par l’article 787 B du code général des impôts est subordonnée à la conclusion préalable d’un engagement collectif de conservation portant sur les titres à transmettre, d’une durée minimale de deux ans, pris par le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés (art 787 B, a).


Lorsque les conditions sont remplies, par application de l’alinéa 4 du b de l’article 787 B précité, la conclusion formelle d’un engagement collectif n’est pas exigée, il est « réputé acquis ».


Cette disposition vise les situations dans lesquelles les parts ou actions sont détenues depuis deux ans au moins par une personne physique seule ou avec son conjoint ou le partenaire avec lequel elle est liée par un pacte civil de solidarité sous réserve, notamment, que cette personne ou son conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité exerce depuis plus de deux ans au moins dans la société concernée son activité professionnelle principale ou l’une des fonctions énumérées au 1° de l’article 885 O bis lorsque la société est soumise à l’impôt sur les sociétés.


A compter de la transmission, l’exercice d’une fonction de direction au sein de la société, doit être respectée pendant une durée de trois ans conformément au d l’article 787 B précité.


Or en renvoyant au a l’article 787 B, c’est-à-dire aux associés signataires d’un engagement collectif formalisé par écrit, il en résulte que la condition d’exercice de fonction de direction après la transmission ne peut pas s’appliquer au donateur dans l’hypothèse d’un engagement collectif de conservation « réputé acquis », prévu au d l’article 787 B précité.


Dans cette situation, si rien ne s’oppose à un exercice conjoint du donataire et du donateur des fonctions de direction, contrairement à ce que soutiennent les appelants à savoir que la condition relative à l’exercice de fonctions de direction postérieurement à la transmission est valablement remplie par le donateur même dans le cas d’un engagement collectif réputé acquis, le bénéfice de l’exonération partielle ne trouve à s’appliquer que lorsque le donataire exerce la fonction de direction.


En l’espèce, il n’est pas contesté que depuis la transmission, aucun des deux donataires n’a exercé de fonction de direction au sein de la société Sphinx. Seul le donateur, M. Z A exerçait effectivement une fonction de direction pendant cette période.


Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes des consorts A ainsi que sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.


Les consorts A succombant en leur appel seront condamnés solidairement aux dépens de la présente procédure et déboutés de leur demande d’indemnité de procédure. Ils seront condamnés, sur ce même fondement, à payer à l’administration fiscale, la somme de 3 000 euros.

PAR CES MOTIFS,


La cour,
Rejette l’exception de nullité du jugement entrepris ;


Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;


Condamne solidairement Monsieur X A, Monsieur Y A et Monsieur Z A aux dépens d’appel ;


Déboute Monsieur X A, Monsieur Y A et Monsieur Z A aux dépens de leur demande d’indemnité de procédure ;


Condamne in solidum Monsieur X A, Monsieur Y A et Monsieur Z A à payer à Monsieur le directeur régional des finances publiques d’Ile-de-France et de Paris la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, pour la présidente

G H I J
Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 1, 17 mars 2022, n° 20/02264