Cour d'appel de Lyon, 8ème chambre, 3 octobre 2017, n° 16/05558

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Lyon, 8e ch., 3 oct. 2017, n° 16/05558
Juridiction : Cour d'appel de Lyon
Numéro(s) : 16/05558
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Lyon, 3 juillet 2016, N° 16/00826
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

R.G : 16/05558 Décision du

Tribunal de Grande Instance de LYON

Au fond

du 04 juillet 2016

RG : 16/00826

Y

Y

Y

Y

C/

X

F ÉPOUSE X

SA ENEDIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8e chambre

ARRET DU 03 OCTOBRE 2017

APPELANTS :

M. Z Y

[…]

[…]

Représenté par la SELARL BRUMM & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON (toque 768)

M. A Y

[…]

[…]

[…]

Représenté par la SELARL BRUMM & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON (toque 768)

M. B Y

[…]

[…]

Représenté par la SELARL BRUMM & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON (toque 768)

Madame C Y

[…]

[…]

Représentée par la SELARL BRUMM & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON (toque 768)

INTIMES :

M. D X

[…]

[…]

Représenté par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON (toque 1106)

Assisté de la SCP JAKUBOWICZ MALLET-GUY & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Madame E F épouse X

[…]

[…]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON (toque 1106)

Assistée de la SCP JAKUBOWICZ MALLET-GUY & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

SA ENEDIS

représentée par ses dirigeants légaux

[…]

[…]

Représentée par la SCP RIVA & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON (toque 737)

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 23 Août 2017

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 06 Septembre 2017

Date de mise à disposition : 03 Octobre 2017

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

— Agnès CHAUVE, président

— G H, conseiller

— Catherine ZAGALA, conseiller

assistés pendant les débats de Marine DELPHIN-POULAT, greffier

A l’audience, G H a fait le rapport, conformément à l’article 785 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Agnès CHAUVE, président, et par Marine DELPHIN-POULAT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur D X et madame E F, épouse X ont acquis de monsieur Z Y, de monsieur A Y, de monsieur B Y et de madame C Y, suivant acte notarié du 23 octobre 2000, une parcelle de terrain située à […]» cadastrée […], de 1 hectare 77 ares 28 centiares, le vendeur étant propriétaire du fonds voisin cadastré […]

L’acte de vente stipulait une servitude perpétuelle au bénéfice de la parcelle vendue […] sur les parcelles […] et BP 77 comportant un droit de passage en tous temps et avec tous véhicules et un «droit de passage de tous les réseaux».

Par courrier du 1er décembre 2014, la société ERDF a informé le conseil des consorts Y qu’elle devait passer sur le fonds de ces derniers pour réaliser des travaux sur les réseaux électriques des époux X et qu’il était nécessaire pour l’implantation de ses ouvrages sur des propriétés privées que soit régularisée avec elle une convention de servitude fondée sur les dispositions de l’article L.323-3 du code de l’énergie. Un projet de convention était jointe à ce courrier.

Les consorts Y ont fait réponse, le 05 mars 2015, que les servitudes de réseaux étaient des servitudes d’utilité publique qui obéissaient à une procédure administrative, que ERDF ne pouvait profiter d’une servitude de droit civil pour établir une servitude d’utilité publique, le réseau de distribution électrique ne pouvant constituer un fonds dominant et qu’il n’appartenait pas au juge de la propriété d’enjoindre un propriétaire de conclure un contrat administratif.

Le 1er avril 2015, les époux X ont mis en demeure les consorts Y, au titre de la servitude conventionnelle de passage, de signer la convention de servitude administrative avec

ERDF.

Après plusieurs échanges entre les parties, les consorts Y ont fait savoir par courrier du 12 juin 2015 qu’ils étaient d’accord pour que la société ERDF fasse usage de la servitude de passage pour effectuer les travaux nécessaires, dans le strict respect du droit de passage dont leur fonds était débiteur, mais qu’ils n’entendaient pas signer la convention de servitude qui leur était proposée.

Dans ce contexte, par acte d’huissier des 08, 11, 12 et 15 avril 2016, les époux X ont fait assigner en référé devant le président du tribunal de grande instance de LYON les consorts Y et la société ERDF pour voir :

— ordonner aux consorts Y de procéder à la signature de la convention de servitude avec ERDF pour réaliser les travaux nécessaires sur leur propriété,

— ordonner aux consorts Y de leur donner l’autorisation de passage ainsi qu’aux entreprises chargées des travaux sur leur fonds,

— ordonner à ERDF de réaliser les travaux dans les trois mois suivant la signature de la convention de servitude,

le tout à peine d’astreinte.

Par ordonnance du 04 juillet 2016, le juge des référés a :

— ordonné aux consorts Y de procéder à la signature de la convention de servitude avec la société ENEDIS (anciennement ERDF) dans le mois suivant la signification de la décision,

— ordonné aux consorts Y de donner l’autorisation de passage à monsieur et madame X ainsi qu’à leur mandataire et aux entreprises chargées de la réalisation des travaux dans un délai d’un mois suivant la signification de la décision,

sous peine d’une astreinte de 500 € par jour de retard à l’issue du délai de deux mois suivant la signification de la décision, en se réservant la liquidation de l’astreinte,

— condamné les consorts Y aux dépens,

— condamné les consorts Y à payer aux époux X la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— laissé à la charge de la société ENEDIS les frais irrépétibles qu’elles a exposés.

Le 15 juillet 2016, monsieur Z Y, monsieur A Y, monsieur B Y et madame C Y ont interjeté appel de cette décision.

Les appelants demandent à la cour :

— d’infirmer l’ordonnance querellée,

— de condamner les époux X à leur payer la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— de condamner la société ENEDIS à leur payer la somme de 5.000 € sur le même fondement, outre les dépens.

Ils font d’abord valoir que la demande des époux X excède les pouvoirs du juge des référés en expliquant :

— que l’urgence n’est pas démontrée,

— que cette demande se heurte à des contestations sérieuses dès lors que la servitude conventionnelle de passage ne donne pas droit à la société ENEDIS d’établir une servitude d’utilité publique au titre du code de l’énergie, l’acte de vente ne stipulant pas qu’une convention devait être signée entre le propriétaire du fonds servant et les entreprises mandatées par le propriétaire du fonds dominant,

— qu’il n’existe pas de dommage imminent ni de trouble manifestement illicite, dès lors qu’eux-mêmes sont d’accord pour que les époux X fassent intervenir sur leur fonds l’entreprise chargée d’effectuer les travaux sur les réseaux.

Ils font valoir en second lieu et à titre subsidiaire qu’ils n’ont aucune obligation contractuelle de régulariser une convention avec ENEDIS en expliquant :

— qu’une servitude de droit privé ne saurait permettre l’établissement d’une servitude d’utilité publique qui obéit à des règles particulières (déclaration d’utilité publique prévue par l’article L.323-5 du code de l’énergie),

— que les époux X souhaitent en réalité transférer au profit de la société ENEDIS la servitude conventionnelle dont bénéficie leur fonds, ce qui n’est pas possible car cela reviendrait à instituer une servitude d’utilité publique qui est un contrat administratif échappant à la compétence du juge judiciaire,

— que la société ENEDIS, pour sa part, souhaite obtenir un droit sur leur fonds afin d’établir une bande inconstructible, d’installer des bornes, en conséquence de limiter leur droit de propriété et que la convention proposée restreint effectivement ce droit en empêchant les constructions sur l’emprise de l’ouvrage et en autorisant ENEDIS à encastrer des coffrets dans les murs et murets et à élaguer ou déraciner des arbres, ce qui n’entre pas dans le cadre de la servitude conventionnelle qui est une servitude de réseau en tréfonds.

Monsieur et madame X demandent de leur côté à la cour :

— de confirmer l’ordonnance querellée,

— de condamner solidairement les consorts Y à leur payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Ils font valoir, sous le visa des articles 808 et 809 du code de procédure civile, que l’urgence est caractérisée par l’état du réseau électrique provisoire de leur habitation qui subit des baisses fréquentes de tension et par la nécessité de sa modernisation, que le dommage imminent est caractérisé pour les mêmes raisons, que le trouble manifestement illicite résulte du refus non motivé des consorts Y de signer avec ENEDIS la convention nécessaire à la réalisation des travaux et qu’il n’existe pas de contestations sérieuses car ENEDIS s’est efforcée de rassurer les consorts Y sur les garanties apportées dans la convention de servitude au regard de leur droit de propriété (possibilité de construire, à charge pour ENEDIS de relocaliser ses ouvrages, indemnisation prévue en cas de dégâts causés par ENEDIS).

Ils font valoir en second lieu que la régularisation demandée d’une convention de servitude administrative avec la société ENEDIS est parfaitement justifiée en indiquant :

— que le propriétaire du fonds servant peut être contraint par la servitude de réaliser ou de supporter la construction d’un ouvrage,

— que le code de l’urbanisme subordonne la réalisation des ouvrages électriques à la signature d’une convention de servitude, de sorte qu’il en résulte une obligation contractuelle pour les consorts Y de signer une telle convention, sans qu’il soit question de transférer des droits quelconques à ENEDIS.

La SA ENEDIS, anciennement dénommée ERDF, demande à la cour :

— de confirmer l’ordonnance querellée,

— de lui donner acte de sa proposition de signature d’un avenant supprimant dans la convention initialement proposée son droit d’encastrer des coffrets dans les murs et murets,

— de condamner solidairement les consorts Y aux dépens ainsi qu’au paiement de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir la circonstance de l’urgence pour les mêmes motifs que les époux X et en précisant qu’en tant que gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité, elle est tenue de respecter les prescriptions réglementaires tant sur le plan de la sécurité que sur le plan de la qualité du réseau.

Elle fait valoir également la nécessité de la signature d’une convention de servitude à son bénéfice en expliquant que la servitude d’utilité publique par arrêté préfectoral n’est pas possible dans le cas de l’espèce où la propriété est close et bâtie et qu’il ne reste que la solution d’une servitude administrative de type A comme celle proposée, tout à fait possible en exécution d’une servitude civile.

Elle affirme que la servitude administrative ne Y pas atteinte aux droits du propriétaire du fonds servant et que le refus par les consorts Y de signer la convention litigieuse prive de tout effet la servitude conventionnelle de passage.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que l’article 808 du code de procédure civile prévoit que dans tous les cas d’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ;

Que l’article 809 du même code permet aussi au juge des référés, même en l’absence d’une contestation sérieuse, de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu qu’il est constant en l’espèce qu’aux termes de l’acte authentique de vente du 23 octobre 2000, le fonds des consorts Y est grevé d’une servitude de passage pour tous les réseaux au profit du fonds des époux X ;

Attendu que si les propriétaires du fonds dominant peuvent être contraints, en vertu de cette servitude conventionnelle, de supporter la réalisation d’ouvrages en tréfond, notamment pour la rénovation du réseau électrique alimentant le fonds servant, il n’est pas stipulé dans l’acte l’obligation pour eux de signer une quelconque convention au profit d’une personne étrangère à la convention des parties, notamment une convention de servitude administrative au profit d’ERDF, étant noté que le réseau de distribution électrique ne constitue pas en lui-même un fonds dominant ;

Attendu que les dispositions de l’article L.323-3 du code de l’énergie auxquelles se réfèrent ENEDIS rappellent que les travaux nécessaires à l’établissement et à l’entretien des ouvrages de la concession de transport ou de distribution d’électricité doivent être sur demande du concédant ou du concessionnaire déclarés d’utilité publique par l’autorité administrative avec la procédure de mise en servitude par les autorités préfectorales mais n’imposent pas en dehors de ce cas la signature d’une convention de servitude avec le concessionnaire de transport ou de distribution d’électricité ;

Attendu qu’en considération de ces éléments, la demande formée par les époux X et tendant à contraindre sous astreinte les consorts Y à signer une convention de servitude administrative avec la société ENEDIS, se heurte à une contestation sérieuse devant le juge des référés ;

Attendu par ailleurs que les époux X ont indiqué par courrier, puis devant le juge des référés et la cour d’appel, qu’ils entendent respecter la servitude de passage et qu’ils laisseront pénétrer sur leur fonds les entreprises mandatées par les propriétaires du fonds dominant, notamment ERDF pour effectuer les travaux sur les réseaux électriques ;

Attendu que les époux X ne justifient pas en l’état d’un dommage imminent, la nécessité de la modernisation de leur réseau électrique ne pouvant constituer la prévention d’un tel dommage ni davantage la signature de la convention proposée par ENEDIS ;

Que les époux X ne justifient pas non plus d’un trouble manifestement illicite causé par le refus des consorts Y de signer la convention de servitude proposée par ENEDIS dès lors que cette convention, comme il a été précédemment relevé, n’est imposée ni par les dispositions conventionnelles ni par les dispositions légales et que les consorts Y ne s’opposent pas à la mise en place des réseaux d’électricité sur l’assiette du droit de passage ;

Attendu que la société ENEDIS, de son côté, ne démontre pas qu’elle se trouve dans l’impossibilité de réaliser dans des conditions satisfaisantes les travaux nécessaires sur le réseau électrique des époux X, étant rappelé aucun obstacle n’étant opposé à son intervention par les propriétaires du fonds servant ;

Attendu en conséquence qu’il n’y a pas lieu à référé et que l’ordonnance querellée doit être infirmée ;

Attendu que les époux X et la société ENEDIS qui succombent supporteront les dépens de première instance et d’appel ;

Qu’ils devront régler, chacun, aux consorts Y la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Infirme l’ordonnance querellée et statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes formées par les époux X et par la SA ENEDIS, anciennement dénommée ERDF,

Condamne monsieur D X et madame E F épouse X ainsi que la SA ENEDIS aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile par ceux des mandataires des parties qui en ont fait la demande,

Condamne monsieur D X et madame E F épouse X à payer à monsieur Z Y, monsieur A Y, monsieur B Y, et madame C Y, ensemble, la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ENEDIS à payer à monsieur Z Y, monsieur A Y, monsieur B Y, et madame C Y, ensemble, la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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