Cour d'appel de Paris, 10 mars 2016, n° 15/00318

Note

Chronologie de l’affaire

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 5

ARRÊT DU 10 Mars 2016

(n° 233 , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/00318

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Décembre 2014 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F11/01949

APPELANT

Monsieur Y X

XXX

XXX

comparant en personne, assisté de Me Philippe PACOTTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0513

INTIMEE

SA VENTE-PRIVEE.COM

XXX

XXX

N° SIRET : 434 317 293

représentée par Me Véronique GARCIA ORDONEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : R284

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 janvier 2016, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. Stéphane MEYER, Conseiller, chargé du rapport.

Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

M. Stéphane MEYER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

— CONTRADICTOIRE

— mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

— signé par Madame Marie-Bernard BRETON, Présidente et par M. Franck TASSET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur Y X a été engagé par la société VENTE PRIVEE.COM, pour une durée indéterminée à compter du 1er octobre 2005, en qualité de 'sound designer'.

Par lettre du 25 janvier 2011, Monsieur X était convoqué pour le 3 février à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 9 février suivant pour refus réitéré de signer un avenant à son contrat de travail, relatif à la cession de ses droits d’auteur.

En dernier lieu, il percevait un salaire mensuel brut de 3.055,27 euros.

Le 12 mai 2011, Monsieur X a saisi le Conseil de prud’hommes de Bobigny d’une demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 10 décembre 2014 notifié le 19 décembre 2014, le Conseil de prud’hommes de Bobigny a débouté Monsieur X de l’ensemble de ses demandes .

Monsieur X a interjeté appel de cette décision le 7 janvier 2015.

Lors de l’audience du 29 janvier 2016, Monsieur X demande à la Cour d’infirmer le jugement et de condamner la société VENTE PRIVEE.COM à lui payer la somme de 50 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, avec capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du Code civil.

Au soutien de ses demandes, Monsieur X expose :

— qu’il était fondé à refuser la signature de l’avenant, lequel constituait une modification de son contrat de travail, puisque ce contrat ne prévoyait que la possibilité de négocier une cession des droits

— que l’employeur, qui connaissait parfaitement les raisons de son refus de signer l’avenant, a fait preuve de mauvaise foi en le licenciant

— qu’i justifie de son préjudice.

En défense, la société VENTE PRIVEE.COM demande la confirmation du jugement et fait valoir :

— que l’avenant que Monsieur X a refusé de signer ne faisait que préciser les modalités de la cession des droits d’auteur prévue par le contrat de travail et ne modifiait nullement ce contrat

— que face au refus persistant de Monsieur X de signer cet avenant, elle n’avait pas d’autre choix que de le licencier

— que Monsieur X ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions visées par le greffier et développées lors de l’audience des débats.

***

MOTIFS DE LA DECISION :

Si l’employeur est fondé, dans le cadre de son pouvoir de direction, à modifier les conditions de travail du salarié, il résulte des dispositions de l’article 1134 du Code civil qu’il ne peut lui imposer une modification de son contrat de travail.

Par conséquent, le refus du salarié d’accepter une telle modification ne peut, en soi, constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En l’espèce, l’article 15 du contrat de travail conclu le 1er octobre 2005 entre les parties stipulait :

'CREATIONS DU SALARIE : Les fonctions du salarié comportent principalement une mission de création d’oeuvres musicales inhérentes auxdites fonctions. Les droits d’auteur et les droits voisins issus de ces créations musicales sont organisées et/ou cédées au bénéfice de la Société. La portée et les modalités de cette cession et/ou gestion sont précisées par conventions distinctes successivement conclues entre le Salarié et la Société’ .

Il résulte des articles L. 111-1 et L 131-3 du Code de la propriété intellectuelle que l’existence d’un contrat de travail conclu par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance de ses droits de propriété incorporelle, dont la transmission est subordonnée à la condition que le domaine d’exploitation des droits cédés, soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.

En l’absence de précision du contrat de travail quant à l’étendue de la cession, il convient de considérer que cette cession se limitait à l’objet de ce contrat, tel que définit ainsi par l’article 2 :

' […] la réalisation de la musique diffusée sur les bandes son du site sous la forme de boucles de 30 à 50 secondes […] de la réalisation de l’ambiance musicale et/ou bruitage de la page d’accueil, de la réalisation technique du message d’attente du call center […]'.

Or, il est constant que ce n’est qu’à compter du mois de décembre 2010, soit après cinq ans, que la société VENTE PRIVEE.COM a proposé à Monsieur X la signature d’une convention telle qu’annoncée par le contrat de travail, dont les trois versions accordaient à cette société un droit d’utilisation et d’adaptation sur tout ou partie des oeuvres et enregistrements, notamment par incorporation à des films de cinéma ou de télévision, des publicités commerciales, ainsi que le droit d’accorder à tous tiers, un droit d’utilisation secondaire ou dérivé sur tout ou partie de ses oeuvres et enregistrements, de telle sorte que l’étendue de la cession des droits dépassait de loin l’objet du contrat de travail.

Par ailleurs, le contrat de travail ne précisait pas les modalités financières de la cession des droits, plus précisément si le salaire englobait, ou non, la contrepartie de cette cession.

Or, la signature de l’avenant, qui, dans aucune de ses versions, ne prévoyait une quelconque contrepartie à la cession des droits, aurait eu pour conséquence de faire cesser le versement à Monsieur X, de redevances qu’il percevait depuis cinq ans de la SACEM, auprès de laquelle l’employeur cotisait, outre des redevances au titre des droits voisins.

Par conséquent, la signature de l’avenant proposé en l’espèce aurait entraîné, pour Monsieur X, une modification de l’étendue des droits patrimoniaux sur ses oeuvres et leur enregistrement, ainsi que la suppression des redevances qu’il percevait en complément de son salaire, éléments indissociables, dans la commune intention des parties, des autres stipulations du contrat de travail.

Le refus de signer les avenants ne constitue donc pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il convient en conséquence d’infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a estimé que le licenciement de Monsieur X comportait un cause réelle et sérieuse et l’a débouté de ses demandes.

L’entreprise comptant plus de dix salariés, Monsieur X, qui avait plus de deux ans d’ancienneté, a droit à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue par les dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail, et qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.

Au moment de la rupture, Monsieur X, âgé de 35 ans, comptait plus de 5 ans d’ancienneté. Il justifie de sa situation de demandeur d’emploi jusqu’au mois de mars 2015.

Au vu de cette situation, il convient de lui allouer une indemnité de 25 000 euros.

Sur le fondement de l’article L1235-4 du code du travail, il convient de condamner la société VENTE PRIVEE.COM à rembourser les indemnités de chômage versées depuis le jour du licenciement, dans la limite de six mois.

Il convient de condamner la société VENTE PRIVEE.COM à payer à Monsieur X une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu’il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts en première instance et en appel et qu’il y a lieu de fixer à 2 000 euros.

Il convient de dire que les sommes sus-visées produiront intérêts au taux légal, en application des dispositions de l’article 1153-1 du Code civil, à compter de la date du présent arrêt.

Conformément à la demande, il convient de faire application des dispositions de l’article 1154 du Code civil.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au secrétariat-greffe,

Infirme le jugement

Statuant à nouveau, condamne la société VENTE PRIVEE.COM à payer à Monsieur Y X la somme de 25 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu’une indemnité de 2 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile

Dit que ces sommes produiront intérêt au taux légal à compter du présent arrêt et que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1154 du même code.

Déboute Monsieur Y X du surplus de ses demandes

Ordonne le remboursement par la société VENTE PRIVEE.COM des indemnités de chômage versées à Monsieur Y X dans la limite de six mois d’indemnités

Rappelle qu’une copie certifiée conforme du présent arrêt est adressée par le Secrétariat-greffe à Pôle Emploi.

Condamne la société VENTE PRIVEE.COM aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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