Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 4, 30 janvier 2019, n° 16/16506

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Chronologie de l’affaire

Commentaires2

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Marici Avocats · 20 novembre 2020

Le 6 février 2019, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt intéressant en droit des contrats, s'agissant de l'appréciation de la faute du cocontractant lors d'une rupture de relations commerciales, qui a retenu notre attention dans le contexte actuel de crise sanitaire liée au COVID-19. (Cass. com., 6 févr. 2019, n° 17-23.361. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CASS/2019/JURITEXT000038137147) La baisse d'activité consécutive à une crise économique peut justifier une rupture de la relation commerciale. En l'espèce, deux sociétés étaient en relation …

 

www.grall-legal.fr · 10 mai 2019

La lettre de l'actualité en droit économique mai 2019 Jean-Christophe Grall – Avocat Droit de la Concurrence Guillaume Mallen – Avocat Droit de la Concurrence Flora Oriot – Avocat Droit de la Concurrence Remerciements particuliers à Justine Ribayne et Camille Grall Focus Loi EGALIM Cinq ordonnances publiées au Journal officiel dans la droite ligne de la loi Egalim Par Jean-Christophe Grall – Avocat à la Cour Lire l'article ici Publication de deux nouveaux décrets s'inscrivant dans la droite ligne de la loi Egalim Par Jean-Christophe Grall et Caroline Bellone-Closset – Avocats à …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 ch. 4, 30 janv. 2019, n° 16/16506
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/16506
Importance : Inédit
Décision précédente : Tribunal de commerce de Lyon, 29 juin 2016, N° 2015J00075
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Date de dernière mise à jour : 15 octobre 2022
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Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 30 JANVIER 2019

(n° 34 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/16506 – N° Portalis 35L7-V-B7A-BZLOV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2016 – Tribunal de Commerce de LYON- RG n° 2015J00075

APPELANTE

SA DEXXON GROUPE, venant aux droits de la SAS DEXXON DATA MEDIA après fusion absorption

Ayant son siège social : […]

N° SIRET : 380 586 834 (NANTERRE)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Charles-Hubert X… de la SCP LAGOURGUE & X…, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029

Ayant pour avocat plaidant : Me Laetitia LEMMOUCHI-MAIRE de la SELASU L.A SOLUTIONS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2579

INTIMÉE

SASU VDI TECHNOLOGIES

Ayant son siège social : […]

N° SIRET : 444 119 192 (LYON)

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédérique Y…, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Ayant pour avocat plaidant : Me Edouard BERTRAND de LAMY LEXEL AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 Décembre 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:

Madame Irène LUC, Présidente de chambre, rédacteur,

Madame Dominique MOUTHON VIDILLES, Conseillère,

Madame Laure COMTE, Vice-Présidente Placée,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Irène LUC dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de Procédure Civile.

Greffier, lors des débats : Madame Cécile PENG

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Irène LUC, président et par Madame Marie BOUNAIX, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Vu le jugement rendu le 30 juin 2016 par le tribunal de commerce de Lyon qui a :

— constaté que la société Dexxon groupe s’était substituée à la société Dexxon data media dans la présente instance et dit recevable la demande de la société Dexxon groupe,

— jugé que la société VDI technologies n’a pas rompu les relations commerciales établies avec la société Dexxon groupe et débouté celle-ci de l’ensemble de ses prétentions,

— rejeté les demandes de la société VDI technologies au titre de la perte de marge brute, au titre du préjudice d’image et au titre du préjudice subi du fait du caractère abusif de la procédure intentée par la société Dexxon groupe,

— rejeté toutes autres demandes des parties,

— condamné la société Dexxon groupe aux dépens et à payer la somme de 20.000 euros à la société VDI technologies par application de l’article 700 du code de procédure civile ;.

Vu l’appel relevé par la société Dexxon groupe et ses dernières conclusions notifiées le 22 février 2017 par lesquelles elle demande à la cour, au visa des articles L 442-6, I, 5° du code de commerce ainsi que des articles 1382 et 1134 anciens du code civil, de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

* dit sa demande recevable,

* rejeté les demandes de la société VDI technologies relatives aux préjudices subis au titre de la marge brute, de l’image et du caractère abusif de la procédure engagée à son encontre,

— infirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau :

* dire que la société VDI technologies a rompu de manière brutale les relations commerciales entretenues avec elle,

* en conséquence, condamner la société VDI technologies à lui payer la somme totale de 326.860 euros en réparation des préjudices subis du fait de cette rupture brutale, soit 296.860 euros au titre de la perte de marge brute et 50.000 euros au titre du préjudice d’image,

* dire que la société VDI technologies a violé ses engagements contractuels demeurant en vigueur avec elle,

* en conséquence, condamner la société VDI technologies à lui payer la somme de 92.704,91 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de la violation de ses engagements contractuels,

— en tout état de cause, condamner la société VDI aux entiers dépens et à lui payer la somme de 45.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 10 avril 2018 par la société VDI technologies qui demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1382 du code civil ainsi que de l’article L 442-6, I, 5° du code de commerce , de :

— confirmer le jugement en ce qu’il a jugé qu’elle n’avait pas rompu de manière brutale les relations commerciales établies avec la société Dexxon et en ce qu’il a débouté celle-ci de ses demandes de dommages-intérêts à ce titre,

— l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau :

* dire que certains clients ont rompu leur contrat avec elle du fait du manquement de la société Dexon à ses obligations, dire que la rupture de ces contrats lui a fait perdre pour la durée restant à courir du chiffre d’affaires sur lequel le taux de marge est justifié par son expert-comptable et dire qu’elle subit une perte de marge brute du fait des manquements de la société Dexxon dans ses prestations fournies aux clients finaux,

* en conséquence, condamner la société Dexxon à lui payer la somme de 272.791,14 euros au titre de la perte de marge brute,

dire que certains clients ont perdu toute confiance en elle du fait des carences de la société Dexxon et qu’elle subit un préjudice d’image du fait de la dégradation de la qualité des prestations de la société Dexxon auprès des clients finaux,

* en conséquence, condamner la société Dexxon à lui payer la somme de 50.000 euros au titre du préjudice d’image,

* dire que l’action de la société Dexxon intervient à un moment où sa réputation est fragilisée vis à vis de sa clientèle, lui causant préjudice, et qu’elle subit un préjudice du fait du caractère abusif de la procédure engagée à son encontre,

* en conséquence, condamner la société Dexxon à lui payer la somme de 10.000 euros au titre du préjudice subi du fait du caractère abusif de sa procédure,

— en tout état de cause :

* débouter la société Dexxon de toutes ses demandes,

* condamner la société Dexxon aux entiers dépens et à lui payer la somme de 30.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

La société Dexxon groupe, venant aux droits et obligations de Dexxon data media suite à une opération de fusion absorption du 31 décembre 2014, se présente comme un grossiste informatique, multi-spécialiste de solutions de stockage, d’impression et de bureautique, qui distribue les marques de tous les constructeurs de matériels informatiques significatifs, dont notamment Brother, Canon, Epsom, HP, Lexmark et Kyocera.

La société VDI technologies, de son côté, exerce :

— d’une part une activité dite transactionnelle consistant à vendre et louer des matériels bureautiques et télécoms à ses clients qu’elle conseille et accompagne dans le changement de leur flotte de matériels d’impression (imprimantes, scanners, traceurs, fax et MFP),

— d’autre part une activité de service consistant dans la maintenance des appareils vendus à ses clients, activité qu’elle sous-traite à des prestataires.

Les factures et contrats versés aux débats montrent qu’en 2005, ces deux sociétés entretenaient des relations, la société VDI technologies achetant des matériels à la société Dexxon, essentiellement de marque HP, et lui confiant des prestations de maintenance, étant précisé que la société Dexxon était habilitée par HP pour ce faire.

Le 4 septembre 2014, la société Dexxon data media, ci-après Dexxon, a adressé un courriel à la société VDI technologies débutant ainsi :

'Nous revenons vers vous suite à la conférence téléphonique de ce matin.

Vous nous avez annoncé votre volonté de mettre fin à l’intégralité des contrats de maintenance actuellement contractés avec Dexxon.

Vous avez invoqué le fait que vous aviez perdu beaucoup de clients notamment chez Salomon et Electrifil pour des raisons de mauvaise qualité de services. Nous sommes très surpris par cette annonce du fait que nous n’avons eu aucune remontée écrite (mail ou courrier) ou alerte de votre part nous annonçant une insatisfaction suite à une perte de clients…'.

Elle y soulignait ensuite que leurs relations avaient débuté en 2005 et regrettait la diminution du chiffre d’affaires pour l’activité transactionnelle ainsi que la chute drastique des contrats de maintenance en 2014, traduisant le désengagement de la société VDI technologies.

Puis, par lettre recommandée avec avis de réception du 16 octobre 2014, la société Dexxon a protesté de la bonne exécution de ses prestations de maintenance et a reproché à la société VDI technologies d’avoir entamé un processus de rupture brutale de leurs relations qui duraient depuis 2002, en contravention avec les dispositions légales ; elle lui a alors réclamé le versement, sous 8 jours, d’une indemnité de 199.550 euros.

Le 30 octobre 2014, après des échanges de courriels entre les parties qui n’ont pas abouti à l’organisation d’une réunion, la société VDI technologies a envoyé à la société Dexxon une lettre recommandée avec avis de réception dans laquelle :

— elle rappelait lui avoir fait part depuis plusieurs années, lors de réunions dans ses locaux, de son mécontentement quant à la piètre qualité des ses prestations et précisait avoir perdu des clients importants de ce fait,

— soulignant qu’elle avait toujours payé les factures correspondant aux prestations de service, elle l’informait que les contrats de maintenance seraient honorés jusqu’à leur date anniversaire, mais ne seraient pas poursuivis par tacite reconduction,

Dans une lettre recommandée avec avis de réception du 5 novembre 2014, la société Dexxon a constaté que la société VDI Technologies voulait rompre l’ensemble des contrats conclus avec elle et a soutenu que sa demande d’indemnisation pour rupture brutale était parfaitement justifiée.

C’est dans ces circonstances que le 30 décembre 2014, la société Dexxon a fait assigner la société VDI technologies devant le tribunal de commerce de Lyon pour se voir indemniser de ses préjudices, notamment sur le fondement de l’article L 442-6,I, 5° du code de commerce ; le tribunal, par le jugement déféré, l’a déboutée de ses demandes et a rejeté les demandes reconventionnelles présentées par la société VDI technologies.

Sur les demandes de la société Dexxon

a) Exposant qu’il existait avec la société VDI technologies une relation commerciale établie depuis avril 2003, la société Dexxon, appelante, lui reproche de l’avoir rompue de façon brutale et fautive ; elle fait valoir en ce sens :

— qu’en ce qui concerne l’activité transactionnelle, elle a constaté une baisse de chiffres d’affaires de près de 50 % entre 2012 et 2014, sans que cette diminution de volumes ait été précédée d’une notification écrite et d’un préavis,

— qu’en ce qui concerne l’activité de services, la rupture a consisté, sans aucune prévenance écrite, en une diminution puis un arrêt quasi total des volumes de création de contrats de maintenance.

Pour répondre aux arguments de l’intimée relatifs à l’absence de rupture, la société Dexxon allègue :

— que la chute significative du flux commercial pour l’activité transactionnelle s’analyse en une rupture partielle,

— qu’elle ne bénéficiait pas d’un monopole pour assurer la maintenance des machines de marque HP,

— que la décision de la société VDI technologies de ne pas renouveler les contrats de maintenance et de n’en signer aucun nouveau constitue bien une rupture de la relation commerciale établie malgré la continuation des contrats en cours,

Pour répondre aux arguments de l’intimée relatifs à l’absence de brutalité de la rupture, la société Dexxon prétend :

— que la baisse de son chiffre d’affaires avec la société VDI technologies pour l’activité transactionnelle est plus forte que la baisse du chiffre d’affaires de la société VD technologies, soit selon le tableau repris dans ses écritures : -53,62 % pour elle contre -17,40 % pour l’intimée en 2012, -38,62 % pour elle contre -37,75 % en 2013 et -13,47 % pour elle contre 20,04 % en 2014,

— que la baisse du chiffre d’affaire alléguée par la société VDI technologie est d’autant plus étonnante que celle-ci a créé à la même époque une société EPS avec une activité identique qui a généré un chiffre d’affaires supérieur à 200.000 euros en 2012,

— qu’il n’y a pas eu octroi d’un délai raisonnable pour la cessation de l’activité de service, du fait de l’absence de maintien de la relation aux conditions antérieures et du fait que l’annonce de la décision de ne plus confier de nouveaux contrats est intervenue le 30 octobre 2014, alors que la rupture était déjà consommée,

— qu’elle n’a commis aucun manquement contractuel et a fortiori d’une gravité telle qu’il aurait justifié la rupture sans préavis,

— que les éléments versés aux débats par la société VDI technologies pour tenter de caractériser ses prétendus manquements sont inopérants : aucun reproche n’ayant été formulé à son encontre avant la mise en oeuvre de la rupture, les soi-disant plaintes de clients étant habilement présentées afin de mettre en évidence un effet de volume en réalité inexistant et les preuves de la prétendue piètre qualité de ses interventions étant inexactes et fabriquées afin de déformer la réalité et la société VDI technologies venant lui reprocher à elle ses propres manquements.

La société VDI technologies s’oppose aux prétentions de la société Dexxon en faisant valoir d’abord qu’il n’y a pas eu rupture brutale des relations commerciales établies, étant donné que :

— la société Dexxon était parfaitement informée de ses plaintes sur la mauvaise qualité de ses services depuis 2010,

— les contrats de maintenance en cours n’ont pas été résiliés mais la décision prise a été de ne pas les renouveler à leur terme soit, selon les contrats, dans les quatre prochaines années,

— la société Dexxon a donc bénéficié d’un préavis suffisant pour réorganiser son activité et pallier à la baisse de chiffre d’affaires annoncée,

— elle-même était libre de choisir un autre prestataire tout en continuant à exécuter les contrats signés avec la société Dexxon, ce qui l’a conduite à régler deux fois des prestations de maintenance pour ses clients ayant exigé un changement de prestataire,

— l’activité transactionnelle s’est poursuivie normalement puisque sur l’exercice 2014, elle a acheté des matériels à la société Dexxon pour 249.420 euros et qu’à la date du 23 mars 2015, elle lui a acheté pour plus de 32.000 euros de matériels ; la baisse du volume d’activité invoquée par la société Dexxon entre 2012 et 2014 résulte de la propre baisse de son chiffre d’affaires pendant cette période et sa filiale EPS, créée en décembre 2011 pour distribuer des produits Kyocera, n’a réalisé qu’un chiffre d’affaires de 132.000 euros pour l’exercice décembre 2011 / septembre 2012 et de 122.000 euros pour l’exercice septembre 2012 / septembre 2013 pour finalement être absorbée par elle en septembre 2013.

L’intimée soutient ensuite que la poursuite des contrats de maintenance jusqu’à leur terme contractuel constitue un préavis dont la durée est suffisante, que leur poursuite va générer un chiffre d’affaires de 215.921 euros au profit de la société Dexxon et que leur non reconduction annoncée quatre ans avant ne constitue pas une rupture brutale.

Elle ajoute que sa décision de ne plus conclure à l’avenir de contrats de maintenance avec la société Dexxon a été motivée par les fautes commises par cette dernière et qu’elle était donc prévisible, ni soudaine ni brutale ; elle fait grief à l’intimée de n’avoir pas respecté les délais d’intervention auprès de ses clients dont certains ont exigé que la maintenance de leurs matériels ne soit plus réalisée par la société Dexxon.

Il ressort des pièces comptables versées aux débats par la société VDI technologies que son chiffre d’affaires au titre de l’activité transactionnelle, à savoir la vente de marchandises, qui était de 2.576.914 euros pour l’exercice du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2012 n’a plus été que de 1.732.907 euros pour l’exercice du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2013 et de 2.105.233 euros pour l’exercice du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014 ; il est constant que pendant cette période, elle a subi une baisse importante de son chiffre d’affaires, étant observé que la société ETP qu’elle avait créée n’a réalisé qu’un chiffre d’affaires de 250.000 euros entre décembre 2011 et septembre 2013 ; ainsi la baisse corrélative de son chiffre d’affaires avec la société Dexxon ne résulte pas d’un fait volontaire de sa part mais de l’évolution de la conjoncture économique.

De surcroît, la société Dexxon qui se plaint de cette baisse au cours des années 2012 à 2014, en soutenant qu’elle ne serait pas dans la même proportion que celle subie par la société VDI technologies, ne produit aucun document comptable relatif à son activité de nature à étayer ses dires ; en outre elle ne permet aucune vérification dans la mesure où elle ne publie plus ses comptes depuis 2009 ; ses allégations relatives à une rupture brutale, à tout le moins partielle entre 2012 et 2014, de la relation commerciale tenant à l’activité transactionnelle doivent donc être rejetées. La société Dexxon n’invoque pas de rupture qui serait intervenue postérieurement.

S’agissant de l’activité de services, les multiples courriels adressés par la société VDI technologies à la société Dexxon entre le 1er octobre 2010 et le 16 septembre 2014 concernant de nombreux clients, notamment Salomon Z…, Bioacces, Bodycote, Clasquin (pièces produites sous les numéros 3 à 32), ainsi que les courriels ou lettres des clients produites sous les numéros 33 à 42 démontrent que la société Dexxon ne remplissaient pas ses obligations contractuelles, notamment en ce qui concerne ses délais d’intervention (J+1), ce qui a entraîné un vif mécontentement des clients, dont certains n’ont plus voulu que cette société assure la maintenance de leur matériel ; sous la pièce 73, la société VDI technologies détaille des exemples de délais d’intervention non respectés par la société Dexxon de 2010 à 2011, tels que résultant de documents importés de l’extranet de la société Dexxon.

En raison de ces manquements graves et répétés pendant plusieurs années, la société VDI technologies était bien fondée :

— à refuser de souscrire de nouveaux contrats de maintenance avec la société Dexxon,

— à résilier sans préavis écrit deux des contrats en cours : celui avec la mairie de Mions et celui avec l’étude notariale Z….

En effet, concernant ces résiliations, il ressort de sa lettre du 2 février 2015 que la mairie de Mions ne voulait plus recourir à la société Dexxon comme prestataire, lui reprochant le non respect de ses délais d’intervention et la mauvaise qualité de ses prestations techniques ; en suite de la résiliation du contrat de maintenance, la société Dexxon a facturé une indemnité de résiliation de 10.800 euros que la société VDI technologies lui a payé ; par ailleurs les courriels échangés du 23 décembre 2011 au 23 décembre 2012 entre la société VDI technologies et l’étude notariale Z… montrent que cette dernière dénonçait l’incompétence de la société Dexxon et menaçait la société VDI technologies d’une rupture de leurs relations, raison qui a justifié le changement de prestataire ; c’est en vain que la société Dexxon expose que la société VDI technologies s’était engagée à intervenir chez ce client en H+8 alors que dans leurs relations entre elles le délai était de J+1 puisque ce dernier délai n’était pas respecté et que les interventions ne réglaient pas les problèmes affectant les imprimantes.

Les autres contrats de maintenance se sont poursuivis jusqu’à leur terme; préalablement, par lettre du 20 octobre 2014, la société VDI technologies avait averti la société Dexxon qu’elle ne reconduirait pas ces contrat à leur échéance, lui accordant ainsi un préavis suffisant pour redéployer son activité.

Il convient de remarquer que la société HP a confirmé, par courriel du 10 juin 2015, que la société Dexxon n’intervenait plus sur les contrats HP PMPS, dont ceux de la société VDI technologies, depuis mi-avril 2015.

En conséquence, toutes les demandes d’indemnisation de la société Dexxon pour rupture brutale ou fautive des relations commerciales établies doivent être rejetées.

b) Par ailleurs, la société Dexxon demande la somme de 97.704,91 euros, en reprochant à la société VDI technologies d’avoir manqué à ses obligations contractuelles relativement au parc de machines de 3 clients : Bio access, EDF ENR et Boucheries André ; elle lui fait grief :

— d’avoir refusé de lui transmettre les relevés des compteurs des machines de ces 3 clients à compter du début de l’année 2015, l’empêchant de facturer sa rémunération au titre des contrats de maintenance,

— de lui avoir dissimulé le remplacement des machines 'sous contrat Dexxon’ par des machines 'hors contrat Dexxon’ chez ces 3 clients.

Elle en veut pour preuve les informations recueillies grâce au logiciel KPAX qui permet de gérer les alertes consommables ainsi que le recueil des relevés compteurs et produit aux débats une capture d’écran concernant le client EDF ENR.

Elle prétend qu’elle s’est trouvée privée de la facturation des derniers consommables expédiés aux clients ainsi que d’un manque à gagner sur les contrats toujours en vigueur mais ' désactivés ' et se réfère à un tableau ( pièce 30) chiffrant son manque à gagner à partir du chiffre d’affaires ' projeté ' jusqu’à l’échéance des contrats.

Mais la société VDI technologies oppose à juste raison qu’elle n’était pas tenue de transmettre les relevés des compteurs des machines, la société Dexxon les consultant directement via le logiciel KPAX installé sur les machines dont elle assurait la maintenance.

Conformément aux conventions signées entre les parties, le coût de la maintenance était calculé en fonction du nombre de copies que le client final réaliserait, un nombre étant fixé à la conclusion du contrat pour un coût forfaitaire et la société Dexxon qui consultait les relevés des compteurs 2 fois par an, facturait s’il y avait lieu le coût des copies qui auraient été réalisées au delà du nombre fixé.

Si la société VDI technologies a changé les matériels de ses clients, elle n’a pas pour autant résilié les contrats de maintenance conclus avec la société Dexxon ; cette dernière ne démontre pas qu’elle aurait subi un préjudice tenant à un manque à gagner pour des copies supplémentaires susceptibles d’être ou non réalisées au delà du forfait convenu ; le préjudice qu’elle invoque étant hypothétique, sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.

Sur les demandes de la société VDI technologies

Pour réclamer la somme de 272.791,40 euros au titre de la perte de marge brute, soit 154.410, 40 euros pour la vente de matériels et 118.381 euros pour la maintenance, la société VDI technologies expose :

— qu’elle a perdu 5 clients avec lesquels elle était engagée : le groupe Salomon pour une durée de 33 mois, Newdeal pour une durée de 52 mois, Integra pour une durée de 58 mois, Mylan sans précision de durée et la mairie de Mions pour une durée de 24,5 mois,

— qu’elle fixe son chiffre d’affaires avec ces clients perdus, au titre de l’activité transactionnelle comme au titre de la maintenance et applique un taux de marge brute de 24 % pour la première activité et de 39 % pour la seconde.

La société Dexxon conclut au rejet de cette demande en faisant valoir :

— que rien ne démontre que le client Mylan a été véritablement perdu ni que les clients New deal et Integra ont été perdus à cause d’elle,

— que si des clients ont choisi un autre partenaire commercial, il n’en résulte qu’une perte de chance de renouveler un contrat dans le cadre d’un appel d’offres,

— que les comptes clients 2014/2015 et 2015/2016 égaux à zéro présentés par la société VDI technologies et l’attestation de son expert-comptable ne sont pas probants dans la mesure où ces comptes ont toujours été dans cette position, les clients étant facturés par l’intermédiaire d’un tiers,

— que les éléments relatifs aux résiliations des clients Integra, Nexdeal et Mairie de Mions avec le loueur Grenke ne signifient pas la perte de ces clients, Grenke n’étant qu’un organisme de financement et les clients pouvant modifier le financement de leur matériel sans que leur relation avec la société VDI technologies soit impactée,

— que le tribunal a justement retenu que le fait de ne pas travailler avec un client sur une période donnée, 2014, ne signifiait pas pour autant une rupture définitive des relations et que les pièces 65, 66, 67,68, 74 et 75 produites par la société DVI technologies n’apportaient aucun élément de nature à justifier la demande.

Il apparaît que par attestations des 18 juin 2015 et 15 décembre 2016, l’expert comptable de la société DVI technologies certifie que celle-ci n’a plus réalisé de chiffre d’affaires avec Salomon depuis le 2 septembre 2014, avec Nexdeal depuis le 21 août 2014, avec Integra depuis le 7 janvier 2014, avec Mylan depuis le 30 septembre 2014 et avec la mairie de Mions depuis le 14 janvier 2014.

Par convention du 17 janvier 2014, la mairie de Mions a résilié le contrat de location portant sur le matériel HP et s’est engagée à restituer ce matériel à la société Grenke location ainsi qu’à lui payer une indemnité de résiliation (pièce 85).

Les pièces 85 et 86 montrent que les sociétés New deal et Integra ont décidé de ne pas renouveler les contrats de maintenance à leur terme, soit le 31 mars 2014.

Le courriel sous la pièce 33 visée par la société VDI technologies, émanant de la société Salomon, rappelle que lors de la dernière année du contrat de maintenance, d’avril 2013 à avril 2014, les délais d’intervention de la société Dexxon n’ont fait qu’empirer et mentionne que HP a décidé de prendre en direct les nouveaux contrats et de se séparer de la société Dexxon.

La société VDI technologies indique que lors d’une réunion du 27 juin 2014, la société Mylan (qui avait souscrit un contrat Printservices le 14 juin 2011 pour une durée de 3 ans), lui a annoncé sa décision de recourir désormais à la société Xerox.

La preuve n’est ainsi rapportée, concernant l’activité de maintenance, que de la perte d’un client, la mairie de Mions ; pour les autres clients, il s’agit seulement d’une perte de chance de voir renouveler les contrats de maintenance à leur échéance ; mais eu égard à l’insatisfaction de la clientèle provoquée par les défaillances de la maintenance, la société VDI technologies a aussi perdu une chance de continuer à lui vendre du matériel ; en réparation du préjudice ainsi caractérisé, la société Dexxon devra lui payer la somme de 50.000 euros, à titre de dommages-intérêts.

Les manquements contractuels de la société Dexxon ont suscité un vif mécontentement des clients de la société VDI technologies ; l’image de celle-ci s’en est trouvée atteinte ; en réparation du préjudice en résultant, la société Dexxon devra lui payer la somme de 10.000 euros.

La société Dexxon n’ayant pas fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice, la demande de dommages-intérêts de la société VDI technologies pour procédure abusive sera rejetée.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

La société Dexxon, qui succombe, doit supporter les dépens de première instance et d’appel.

Vu les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d’allouer la somme de 30.000 euros à la société VDI technologies et de rejeter la demande de la société Dexxon de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en ce qu’il a :

— constaté que la société Dexxon groupe s’était substituée à la société Dexxon data media et dit recevable la demande de la société Dexxon groupe,

— débouté la société Dexxon groupe de l’ensemble de ses demandes,

— rejeté la demande de la société VDI technologies pour procédure abusive ;

L’INFIRME pour le surplus ;

et, statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Dexxon groupe à payer à la société VDI technologies :

— la somme de 50.000 euros au titre de son préjudice financier,

— la somme de 10.000 euros pour préjudice d’image,

— la somme de 30.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes ;

CONDAMNE la société Dexxon groupe aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

Marie BOUNAIX Irène LUC

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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 chambre 4, 30 janvier 2019, n° 16/16506