Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 4 octobre 2019, n° 17/10064

  • Brevetabilité de l'invention ou validité du brevet·
  • Action en concurrence déloyale·
  • Problème à résoudre différent·
  • Revendications dépendantes·
  • Analyse non distincte·
  • Combinaison de moyens·
  • Difficulté à vaincre·
  • État de la technique·
  • Retrait de la vente·
  • Activité inventive

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le distributeur des produits mettant en oeuvre le brevet invoqué est recevable à agir sur le fondement de la concurrence déloyale. Le titulaire du brevet, aux côtés duquel il agit, ne conteste pas cette qualité qui résulte, en outre, de factures ainsi que d’un extrait du site internet archive.org. Cet extrait n’est pas dénué de toute force probante, à défaut d’un élément contraire de nature à jeter un doute sur sa fiabilité. Lorsqu’une revendication consiste en une combinaison de caractéristiques, elle doit être considérée comme un tout dont l’activité inventive ne peut être analysée pour chaque caractéristique prise de façon séparée, sauf lorsqu’il s’agit d’une simple juxtaposition de caractéristiques sans effet de synergie. En l’espèce, les caractéristiques de la revendication principale du brevet tel que limité s’influencent mutuellement pour produire un effet de synergie et forment donc un tout. Il n’est pas démontré que l’homme du métier, partant de la demande de brevet américain citée dans le rapport de recherche de l’OEB et considérée par les parties comme l’état de la technique le plus proche, pouvait, par de simples opérations d’exécution et sans vaincre aucun préjugé, adapter la solution décrite dans la demande de brevet japonais et parvenir à l’invention. En effet, cette dernière divulgue un dispositif qui ne correspond pas au problème technique défini par le brevet litigieux, de sorte qu’il n’était pas évident que l’homme du métier aurait combiné les deux antériorités invoquées. En outre, la combinaison de ces documents ne relève pas de simples essais de routine mais d’une démarche complexe. Par conséquent, la revendication principale présente une activité inventive.

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 2, 4 oct. 2019, n° 17/10064
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 17/10064
Publication : L'Essentiel, 1, janvier 2020, p. 5, note de François Herpe, La preuve de l'antériorité par le site < Archive.org > ; PIBD 2020, 1130, IIIB-38
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 29 mars 2017, N° 14/11093
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 29 janvier 2015, 2014/11093
  • Tribunal de grande instance de Paris, 30 mars 2017, 2014/11093
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : EP2174807
Titre du brevet : Tête fonctionnelle pour placer et supprimer des pneus de véhicules
Classification internationale des brevets : B60C
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Référence INPI : B20190064
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Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL DE PARIS ARRET DU 04 octobre 2019

Pôle 5 – Chambre 2

(n°132, 8 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 17/10064 – n° Portalis 35L7-V-B7B-B3LED Décision déférée à la Cour : jugement du 30 mars 2017 – Tribunal de grande instance de PARIS -3e chambre 1re section – RG n°14/11093

APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE S.A.R.L. EQUIP’GARAGE, exerçant sous le nom commercial Giuliano France, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé Lieudit mirande 82800 NEGREPELISSE Immatriculée au rcs de Montauban sous le numéro 385 237 003 Société GIULIANO GROUP S.p.A., société de droit italien, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé Via Costituzione, 69 42015 CORREGIO (Reggio Emilia) ITALIE Représentées par Me Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, toque J 049

INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE Société GEMCO EQUIPMENT LTD, société de droit anglais, prise en la personne de ses dirigeants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé […] NN11QG NORTHAMPTON Royaume-Uni Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L 0056 Assistée de Me Laurent L plaidant pour la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B 485

COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue le 20 juin 2019, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme Anne-Marie GABER, Présidente de chambre Mme Laurence LEHMANN, Conseillère Mme Françoise BARUTEL, Conseillère qui en ont délibéré Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : M Carole T

ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile Signé par Mme Anne-Marie GABER, Présidente, et par M Carole T, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement contradictoire du 30 mars 2017 rendu par le tribunal de grande instance de Paris,

Vu l’appel interjeté le 18 mai 2017 par les sociétés Equip’Garage et Giuliano Group SpA (Giuliano),

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées, par voie électronique, le 7 mai 2019 par les sociétés Equip’Garage et Giuliano, appelantes,

Vu les dernières conclusions remises au greffe, et notifiées par voie électronique le 10 mai 2019 par la société Gemco Equipment Ltd (Gemco), intimée,

Vu l’ordonnance de clôture du 16 mai 2019,

SUR CE, LA COUR,

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société Giuliano est titulaire du brevet européen n° EP 2 174 807 (EP 807) désignant la France intitulé 'Tête fonctionnelle pour placer et supprimer des pneus de véhicules', déposé le 14 avril 2010 sous priorité d’une demande de brevet italien du 13 octobre 2008 et délivré le 12 octobre 2011.

La société Equip’Garage se présente comme une filiale de la société Giuliano, ayant pour activité la commercialisation d’équipements de garage.

La société Gemco est une société de droit britannique spécialisée dans la fourniture d’équipements pour les garages automobiles.

Expliquant avoir noté sur le salon professionnel Equip’Auto au mois d’octobre 2013 la présence, sur le stand de la société Gemco, d’une

machine de montage/démontage de pneus constituant selon elle la contrefaçon de certaines revendications du brevet EP 807, la société Giuliano a fait réaliser un constat sur ledit salon par huissier de justice le 17 octobre 2013, et par acte du 30 avril 2014 la société Equip’Garage a fait assigner la société Gemco, en contrefaçon du brevet EP 807 et concurrence déloyale. La société Giuliano est intervenue volontairement à l’instance par conclusions du 6 octobre 2014.

Par jugement, dont appel, le tribunal de grande instance de Paris a notamment :

- déclaré irrecevables les demandes de la société Equip’Garage en concurrence déloyale,
- prononcé la nullité des revendications n°1 à 5, 7 à 14, 16 et 17 de la partie française du brevet européen n°EP 807 pour défaut d’activité inventive,
- déclaré irrecevables les demandes de la société Giuliano en contrefaçon de brevet,
- condamné in solidum les sociétés Equip’Garage et Giuliano à payer à la société Gemco les sommes de 15 000 euros au titre du caractère abusif de la procédure, et de 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le brevet EP 807 a fait l’objet, postérieurement au jugement, le 5 juillet 2017 d’une requête en limitation des revendications en application de l’article L 613-24 du code de la propriété intellectuelle, laquelle a été acceptée par l’INPI le16 octobre 2017.

Sur la recevabilité à agir de la société Equip’Garage

La société Gemco prétend que la société Equip’Garage est dépourvue de qualité à agir en ce qu’elle n’est pas titulaire d’une licence du brevet litigieux, ainsi que de tout intérêt à agir, en ce qu’elle ne justifie pas qu’au jour de l’assignation elle commercialisait des produits mettant en œuvre le brevet, les preuves apportées notamment extraites du site internet archive.org n’ayant aucune force probante.

La société Equip’Garage fait valoir qu’elle est la filiale distributrice en France des produits Giuliano, et qu’elle est en conséquence recevable à agir à l’encontre de la société Gemco sur le fondement de la concurrence déloyale.

La cour constate que la société Equip’Garage agit dans la présente instance au visa de l’article 1382 devenu 1240 du code civil sur le fondement de la concurrence déloyale en sa qualité de distributeur de produits incorporant le brevet EP 807 dont la société Giuliano est

titulaire, et que cette dernière qui agit à ses côtés, ne conteste pas sa qualité de distributeur de produits incorporant le brevet litigieux.

Il résulte en outre d’un extrait du site archive.org daté du 11 juin 2013 auquel il ne peut être dénié toute force probante, à défaut de tout élément contraire de nature à jeter un doute sur sa fiabilité, qu’à cette date, qui est antérieure à l’assignation introductive d’instance délivrée le 30 avril 2014, la société Equip’Garage présentait sur son site notamment le produit Crossage Evo, 'démonte-pneux automatique équipé du dispositif pneumatique QX pour le montage et le démontage de pneu sans l’emploi du levier décolle-talon’ dont les sociétés Giuliano et Equip’Garage allèguent qu’il met en œuvre le brevet EP 807, cette pièce étant corroborée par les factures produites en date des 4 et 11 août 2011 justifiant que la société Giuliano a vendu le démonte pneu susvisé à la société Equip’Garage laquelle l’a revendu à un client. La société Equip’Garage est en conséquence recevable à agir sur le fondement de la concurrence déloyale aux côtés de la société Giuliano, titulaire du brevet. Le jugement entrepris sera donc infirmé de ce chef.

Sur la présentation du brevet

Ainsi qu’il a été dit le brevet EP 807 déposé le 14 avril 2010 sous priorité d’une demande de brevet italien du 13 octobre 2008 et délivré le 12 octobre 2011 est intitulé 'Tête fonctionnelle pour placer et supprimer des pneus de véhicules'. Ce brevet a depuis la décision entreprise fait l’objet le 5 juillet 2017 d’une requête en limitation des revendications en application de l’article L 613-24 du code de la propriété intellectuelle, laquelle a été acceptée par l’INPI le16 octobre 2017.

Il est rappelé dans la partie descriptive qu’il existe différents types de machines de changement de pneumatiques automatiques, qui comprennent une tête de travail munie d’un outil de rétractation pour démonter le pneumatique et associée à un bras mobile déplacé à l’aide d’actionneurs appropriés, et que ces machines présentent des inconvénients en ce que les actionneurs sont intégrés sur le bras mobile de la machine elle-même, ce qui nécessite l’utilisation de têtes de travail possédant des caractéristiques structurelles spécifiques pour chaque type de machine, qui sont en conséquence difficilement adaptables sur d’autres types de machines, outre que les têtes de travail communément utilisées entraînent des déformations du bourrelet du pneumatique en raison de la tension excessive exercée par l’outil durant le mouvement d’extraction du bourrelet.

Le problème technique posé est donc de fournir une tête de travail pouvant être adaptée de manière simple et rapide sur différents types de machines de changement de pneumatiques, et permettant de réduire les tensions exercées par l’outil sur le bourrelet du

pneumatique durant le mouvement d’extraction au-dessus de la bride annulaire de la jante.

Le brevet dans sa version limitée comporte 18 revendications, la revendication 1 correspondant aux anciennes revendications 1, 2, 3, 4, 7 et 10, et les revendications 2, 4, 5, 6 à 9, et 11 à 12 correspondant respectivement aux anciennes revendications 8, 9, 11 à 14, 16 et 17 du brevet tel qu’initialement délivré.

La cour constate que la demande aux fins d’annulation du brevet pour extension au-delà du contenu de la demande, formée dans le corps des conclusions de la société Gemco, n’a pas été reprise dans le dispositif desdites conclusions de sorte que la cour ne statuera pas de ce chef en application de l’article 954 du code de procédure civile.

En outre, les demandes de la société Giuliano de confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré irrecevables les demandes de la société Gemco en nullité des revendications limitées 3, 10, 13 à 18 (anciennement revendications 6, 15 et 18 à 23 du brevet délivré) sont sans objet, la société Gemco ne sollicitant pas la nullité desdites revendications.

Sur l’activité inventive

La société Gemco, au soutien de sa démonstration de l’absence d’activité inventive de la revendication 1, fait valoir que l’invention vise à solutionner deux problèmes distincts et indépendants : un premier résolu par la caractéristique 1.i consistant à fournir une tête de travail qui peut être installée de manière simple et rapide sur différents types de machines, et un second résolu par les caractéristiques 1.j à 1.m consistant à réduire les tensions exercées par l’outil sur le bourrelet du pneumatique durant le moment d’extraction. Elle en déduit que l’analyse de l’activité inventive doit être effectuée de manière distincte, et allègue que la caractéristique 1.i de la revendication 1 est dépourvue d’activité inventive au vu de la combinaison des documents A et B, et que les caractéristiques 1.j à 1.m sont privées d’activité inventive par la combinaison des enseignements des documents A et C.

Il convient de rappeler que le brevet a été limité et que seule la version telle que limitée sera examinée au regard de l’activité inventive.

En outre, lorsqu’une revendication consiste en une combinaison de caractéristiques, elle doit être considérée comme un tout dont l’activité inventive ne peut être analysée pour chaque caractéristique prise de façon séparée, sauf lorsqu’il s’agit d’une simple juxtaposition de caractéristiques sans effet de synergie.

En l’espèce, la revendication n°1 du brevet litigieux tel que limité est rédigée comme suit selon un découpage de la partie caractérisante agréé par les parties : 'Tête de travail (1) pour monter et démonter des pneumatiques de roues de véhicules comprenant, des moyens de support (2) associables au bras (B) d’une machine (A) de montage et de démontage de pneumatiques, au moins un outil (3) de démontage ayant une extrémité libre (4) sensiblement en forme de crochet, associé audits moyens de support (2) et se déplaçant entre une position de serrage d’au moins une section du bourrelet (C) d’un pneumatique (D) d’une roue (E) fixée sur ladite machine (A) de montage et de démontage de pneumatiques et une position d’extraction de ladite section du bourrelet (C) au-delà d’une bride annulaire (F) de la jante (G) de ladite roue (E), ladite tête de travail comprenant des moyens (5) de vérin supportés par lesdits moyens de support (2) et associés audit outil (3), lesdits moyens de vérin (5) comprenant au moins un vérin linéaire (5), ledit vérin (5) comprenant une première partie (6) associée auxdits moyens de support (2) et une deuxième partie (7) coulissant par rapport à ladite première partie (6) dans une direction essentiellement droite, et associée audit outil (3) caractérisée en ce que :

1.h) lesdits moyens de vérin (5) sont aptes à déplacer ledit outil (3) entre ladite position de serrage et ladite position d’extraction,

lesdits moyens de support (2) comprenant des moyens (9) d’accouplement rapide associables audit bras (B) de la machine (A) de montage et de démontage de pneumatiques,

1.j) ladite tête de travail comprenant des moyens de transformation (12, 15) pour transformer le mouvement créé par lesdits moyens de vérin (5) en un mouvement de rototranslation dudit outil (3),

1.k) dans lequel ledit outil (3) est déplacé entre ladite position de serrage et ladite position d’extraction,

1.l) et ladite extrémité libre (4) en forme de crochet suit, au moins en partie, le profil de la jante (G) de ladite roue (E),

1.m) ladite deuxième partie (7) du vérin (5) étant articulée par rapport audit outil (3) au moyen d’une première broche (8) et ledit vérin (5) étant associé auxdits moyens de support (2) de manière pivotable'.

Il résulte de la revendication susvisée et des figures notamment 3 et 4 du brevet que la tête de travail forme un ensemble autonome qui comprend les moyens de support, l’outil et les moyens d’actionnement permettant de déplacer l’outil entre sa position de serrage et sa position d’extraction, et qui est susceptible d’être adapté facilement sur le bras de n’importe quelle machine de montage, de sorte que les caractéristiques 1.h) et présentent un effet de synergie. Par ailleurs, les caractéristiques à 1.m) permettent de déplacer l’outil entre les deux

positions précitées grâce à des moyens de transformation du mouvement associés à des moyens de vérin montés sur les mêmes moyens de support, autorisant ainsi la tête de travail à embarquer sur lesdits moyens de support l’ensemble des moyens d’actionnement et de transformation du mouvement nécessaires au déplacement de l’outil entre la position de serrage et la position d’extraction, de sorte que les caractéristiques à 1.m) interagissent fonctionnellement avec les caractéristiques et 1.h) afin de proposer une tête de travail autonome qui soit simple et rapide à installer. Enfin le fait que les moyens de vérin sont montés sur les moyens de support pour constituer une tête de travail autonome permet de réduire les efforts de tensions sur le pneumatique. Il est dès lors démontré que l’ensemble des caractéristiques 1.h) à 1.m) de la partie caractérisante de la revendication 1 s’influencent mutuellement pour produire un effet de synergie, de sorte qu’elles forment un tout, dont l’activité inventive ne peut être détruite, comme tente de l’alléguer la société Gemco, par la démonstration de la prétendue évidence de chaque caractéristique prise isolément.

Il sera relevé que pour prétendre à l’absence d’activité inventive de la revendication 1, la société Gemco a besoin de procéder à la combinaison de trois documents, et elle ne démontre pas que l’homme du métier, dont il n’est pas contesté qu’il est le concepteur de machines ou d’équipements automatisés de montage et démontage de pneus, partant du document US 964 (document A) cité dans le rapport de recherche de l’OEB, que les parties s’accordent à considérer comme l’état de la technique le plus proche, et cherchant à mettre en œuvre une tête de travail pouvant être adaptée de manière simple et rapide sur différents types de machines de changement de pneumatiques, et permettant de réduire les tensions exercées par l’outil sur le bourrelet de pneumatique durant le mouvement d’extraction, pouvait, par de simples opérations d’exécution, et sans vaincre aucun préjugé, adapter la solution décrite dans le brevet JP 813 (document B), et parvenir à l’invention.

En effet, le brevet JP 813 invoqué par la société Gemco divulgue un dispositif d’accouplement rapide d’un outil de travail au bras d’une machine de changement de pneumatique pour permettre à un opérateur de mettre en place facilement plusieurs outils pour une même machine [0001], ce qui ne correspond pas au problème technique défini par le brevet litigieux, à savoir mettre en œuvre un seul outil associable à toutes les machines, de sorte qu’il n’est pas évident que l’homme du métier aurait combiné les deux documents allégués.

En outre, même à supposer que l’homme du métier ait tenté de combiner les documents A et B, il aurait rencontré des difficultés à associer le coulisseau 18 avec le bras 17 de la machine US 964 au moyen du dispositif d’accouplement du brevet JP 813 en ce qu’il est nécessaire de basculer le bras 17 de 90° pour le rendre vertical, puis

d’attacher avec le dispositif d’accouplement le coulisseau 18 qui perd ainsi sa possibilité de coulisser de sorte que l’actionneur 6a ne peut plus déplacer ledit coulisseau sur le bras. Ainsi, la combinaison des deux antériorités ne relève pas de simples essais de routine mais d’une démarche complexe et l’homme du métier n’était pas plus incité à les combiner avec une troisième antériorité.

En l’état de ces constatations, il sera retenu que la revendication 1 du brevet EP 807 tel que limitée est inventive. La demande de la société Gemco en nullité de ladite revendication sera donc rejetée et le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

La revendication n°2 est dépendante de la revendication n°1 de sorte qu’elle est également inventive tout comme les revendications n° 4, 5 6, 7, 8, 9, 11 et 12, chacune étant dépendante de revendications précédentes valides. Les demandes de la société Gemco en nullité de ces chefs seront donc également rejetées. Le jugement déféré sera infirmé sur ces points, tout comme en ce qu’il a déclaré de ce chef la société Giuliano irrecevable à agir en contrefaçon de brevet.

Sur les demandes en contrefaçon de brevet et en concurrence déloyale

Les sociétés Giuliano et Equip’Garage demandent de prendre acte de ce qu’elles se réservent de solliciter la réparation des actes de contrefaçon de brevet et de concurrence déloyale en résultant, 'en cas de survenance d’un fait de contrefaçon par l’effet de l’importation, la mise dans le commerce ou la détention d’une machine du type de celle présentée au salon Equip’Auto en 2013".

Les demandes de donner acte sont dépourvues de caractère juridictionnel et ne sont pas susceptibles de conférer un droit à la partie qui l’a requis, de sorte qu’il n’y a pas lieu à statuer de ce chef.

Sur la procédure abusive

La société Gemco soutient que la procédure engagée par la société Equip’Garage qui n’est ni titulaire du brevet ni licenciée, sans mise en demeure préalable, plus de six mois après la constatation des faits litigieux, sur la base de simples constats dont la validité est douteuse, présente un caractère abusif. Elle demande la confirmation de la condamnation des sociétés Giuliano et Equip’Garage à lui payer la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice à ce titre, outre une condamnation complémentaire de 15 000 euros du fait de la procédure d’appel.

C’est à tort que les premiers juges ont retenu que le fait pour la société Equip’Garage d’avoir introduit l’instance en contrefaçon de brevet et concurrence déloyale était abusif alors qu’il s’agissait d’une fin de non-

recevoir qui a été régularisée par l’intervention volontaire à la procédure de la société Giuliano, titulaire dudit brevet, et qu’il n’est justifié d’aucun préjudice de la société Gemco de ce chef. Il n’est pas davantage fautif d’avoir introduit ladite instance sans 'prendre attache avec la défenderesse', l’absence de preuve de diligences en vue de parvenir à la solution amiable du litige n’étant sanctionnée que par la possibilité pour le juge de proposer aux parties une mesure de médiation, outre que la société Gemco avait eu connaissance du procès-verbal de constat que la société Equip’Garage a fait dresser sur son stand au salon Equip’Auto, et pouvait dès lors elle-même prendre attache avec cette dernière. Les possibles irrégularités affectant les procès-verbaux dressés par huissiers de justice à la requête des sociétés Equip’Garage et Giuliano ne peuvent pas plus suffire à caractériser un abus du droit d’ester en justice. Enfin, le fait que la société Gemco a pris la décision unilatérale, après le salon Equip’Auto, de ne plus exploiter la machine litigieuse n’est pas imputable à faute aux appelantes.

Aucun abus de procédure n’est ainsi caractérisé. Le jugement sera dès lors également infirmé de ce chef, et les demandes de la société Gemco au titre de son appel incident sur ce point seront rejetées.

Sur les autres demandes

Les sociétés Giuliano et Equip’Garage s’avérant fondées en leur appel ne seront pas tenues aux dépens de première instance, ni à la somme de 30 000 euros mise à leur charge par les premiers juges au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il convient donc d’infirmer le jugement entrepris de ces chefs, et de condamner la société Gemco aux dépens de première instance.

Les dépens de l’appel seront également mis à sa charge. En revanche, les demandes des sociétés Giuliano et Equip’Garage au titre de la contrefaçon de brevet et de la concurrence déloyale telles que formées en première instance n’étant pas maintenues en appel, l’équité ne commande pas de leur accorder une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Infirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare la société Equip’Garage recevable à agir en concurrence déloyale ;

Constate n’y avoir lieu à statuer au fond de ce chef ;

Déboute la société Gemco Equipment Ltd de sa demande de nullité des revendications limitées n°1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11 et 12 de la partie française du brevet EP 2 174 807 dont la société Giuliano Group SpA est titulaire ;

Dit en conséquence n’y avoir lieu à prononcer d’irrecevabilité de la société Giuliano Group SpA à agir en contrefaçon ;

Constate n’y avoir lieu à statuer au fond de ce chef ; Rejette toutes autres demandes des parties contraires à la motivation ; Condamne la société Gemco Equipment Ltd aux dépens de première instance et d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées à ce titre par chacune des parties pour leurs frais irrépétibles de première instance et d’appel.

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