Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 15 décembre 2020, n° 15/20625

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 5 - ch. 8, 15 déc. 2020, n° 15/20625
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/20625
Sur renvoi de : Cour de cassation, 12 octobre 2015, N° 13/00422
Dispositif : Statue à nouveau en déboutant le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 15 DÉCEMBRE 2020

(n° / 2020 , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 15/20625 – N° Portalis 35L7-V-B67-BXJOM

Décision déférée à la Cour : sur renvoi près cassation du 13 Octobre 2015 ( Pourvois n° T14-18.426 et C 14-18.527) d’un arrêt rendu le 13 mars 2014 par la cour d’appel de Paris (chambre 9 du pôle 5) (RG 13/00422) sur appel d’un jugment rendu le 19 décembre 2012 par le Tribunal de commerce d’EVRY. (RG2012F00099)

APPELANTE:

Monsieur Z X

[…]

[…]

Représenté par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Assisté de Me Geneviève SROUSSI de la SELARL ALIENCE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0072,

INTIMÉS :

SA TEAMNET, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège en cette qualité,

Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 339 220 006

Ayant son siège social […]

[…]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055,

Assistée de Me Farid BOUZIDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1097

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[…]

[…]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’ article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour, composée de :

Madame Y-F G-H, Présidente de chambre,

Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,

Madame B C-STEVANT, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame B C-STEVANT dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame […]

ARRÊT :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Y-F G-H, Présidente de chambre et par […], greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE:

Par jugement du 8 décembre 2004, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société Logitud sa ('la société Logitud'), spécialisée dans les logiciels destinés aux collectivités territoriales.

Dans le cadre de cette procédure, cinq candidats repreneurs ont présenté des offres de reprise dont la société Tegelog et M. X au nom de la SAS Logitud solutions en cours de constitution.

Le 18 janvier 2005, un protocole d’accord a été signé entre la société Tegelog et M. X aux termes duquel la société Tegelog s’est engagée à retirer son offre et M. X à inclure la société Tegelog dans l’offre de reprise présentée par la société Logitud solutions et à lui attribuer 46,25 % du capital de cette dernière moyennant le prix de 100.000 euros, chacun s’engageant en outre à verser en sus 100.000 euros en compte courant bloqué durant un an dans les livres de la société Logitud solutions, un pacte d’actionnaires devant par ailleurs être signé.

Par jugement du 19 janvier 2005, le tribunal de grande instance de Mulhouse a retenu l’offre modifiée de la société Logitud solutions en ordonnant la cession des éléments d’actifs de la société Logitud moyennant le prix de 700.000 euros payable comptant à la signature de l’acte de cession.

Le 2 janvier 2009, le protocole d’accord n’ayant pas été exécuté et les cocontractants s’en rejetant mutuellement la responsabilité, la société Teamnet, venant aux droits de la société Tegelog, a assigné

M. X devant le tribunal de grande instance d’Evry qui, par jugement du 17 février 2009, s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce d’Evry.

Dans le dernier état de ses écritures, la société Teamnet a demandé l’exécution du protocole par M. X, à défaut sa condamnation à réparer le préjudice matériel subi en raison de l’inexécution du protocole, subsidiairement la perte de chance de voir son offre retenue résultant de la faute de M. X outre un préjudice commercial et les frais exposés.

M. X a demandé le débouté de la société Teamnet de toutes ses demandes, invoquant notamment la nullité du protocole et une exception d’inexécution du protocle par la société Teamnet, et sa condamnation pour procédure abusive.

Par jugement du 19 décembre 2012, le tribunal de commerce d’Evry a

— condamné M. X à payer à la SA Teamnet la somme de 223.750 euros,

— débouté la SA Teamnet du surplus de ses demandes,

— débouté M. X de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts et de ses demandes subsidiaires,

— condamné M. X à payer à la SA Teamnet la somme de 4.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

— ordonné l’exécution provisoire de la décision,

— débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

— condamné M. X aux dépens.

Le tribunal, après avoir rejeté le moyen de nullité du protocole, a retenu que son inexécution était imputable uniquement au refus de M. X de voir entrer la société Teamnet au capital de la société Logitud solutions. Il a par ailleurs estimé que, pour évaluer le préjudice né de l’inexécution du protocole, il convenait de valoriser la société Logitud solutions à hauteur du prix d’achat du fonds de commerce au jour du jugement du 19 janvier 2005, soit 700.000 euros, en prenant en compte la part du capital social qui aurait dû revenir à la société Teamnet (46,25 %), sous déduction du versement de 100.000 euros qui n’a pas été fait, et a en conséquence condamné M. X à payer à la société Teamnet la somme de 223.750 euros, outre 4.000 euros au titre des frais irrépétibles. Il a débouté la société Teamnet de sa demande au titre de la perte d’une chance de voir son offre retenue.

M. X a fait appel du jugement selon déclaration du 9 janvier 2013.

Par arrêt du 13 mars 2014, la cour d’appel de Paris a :

— rejeté la demande de M. X de 'suppression par batonnage',

— confirmé, par substitution partielle de motifs, le jugement déféré,

— condamné M. X aux dépens et au paiement de 10.000 euros de frais irrépétibles

à la société Teamnet.

Après avoir confirmé le jugement en ce qu’il avait retenu la responsabilité de M X dans l’inexécution du protocole, la cour l’a également, par substitution de motifs, confirmé sur le montant

de la réparation du préjudice en considérant que la société Teamnet ne poursuivait pas l’exécution forcée de l’attribution de 46,25 % des titres de la société Logitud solutions mais se limitait à demander la réparation du préjudice résultant de la perte d’une chance tant de participer dès l’origine à la constitution de cette société qu’à l’éventuelle attribution des actifs de l’ancienne société Logitud.

Suivant arrêt du 13 octobre 2015, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. X et, sur le pourvoi formé par la société Teamnet, elle a cassé l’arrêt de la cour d’appel mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il condamne M. X à payer la somme de 223.750 euros à la société Teamnet et rejette le surplus des demandes de celle-ci.

La Cour a considéré que la cour d’appel avait modifié l’objet du litige car la société Teamnet n’avait invoqué une perte de chance que pour le seul préjudice résultant du retrait de son offre de reprise des actifs de la société Logitud en application de l’accord conclu avec M. X, et non pour le dommage causé par l’inexécution par celui-ci de son engagement de lui attribuer 46,25 % du capital social de la société Logitud solutions, dont la réalisation n’était affectée d’aucun aléa.

Suivant déclaration en date du 19 octobre 2015, la société Teamnet a demandé l’inscription de l’affaire au rôle (dossier n°15/26625), M X ayant procédé de même par déclaration du 25 février 2016 (dossier n°16/05238).Par arrêt du 21 juillet 2016, la cour a :

— ordonné la jonction des affaires 15/20625 et 16/05238,

— dit que la demande de la société Teamnet tendant à enjoindre à M. X de lui attribuer 46,25 % des actions de la société Logitud solutions ainsi que la demande de paiement de la somme de 1.470.671 euros au titre des dividendes sont irrecevables,

— infirmé le jugement sur l’étendue et la réparation des préjudices subis par la société Teamnet,

— statuant à nouveau, avant dire droit, ordonné une expertise, commis M. D E pour y procéder et :

— dit que celui-ci, après avoir pris connaissance du dossier et des pièces de la procédure devra, après avoir régulièrement convoqué les parties et entendu leurs observations, donner son avis sur l’ensemble des préjudices subis par la société Teamnet, issus, d’une part, de la perte d’une chance résultant du retrait par la société Tegelog, aux droits de laquelle vient la société Teamnet, de voir valider son offre de reprise des actifs de la société Logitud en application de l’accord conclu avec M. X compte tenu des capacités financières dont elle disposait pour se porter acquéreur de la société Logitud, et, d’autre part, des conséquences directes de l’inexécution par M. X de son engagement d’attribuer 46,25 % du capital social de la société,

— dit que, pour l’appréciation des conséquences de l’inexécution par M. X de son engagement, l’expert devra tenir compte notamment de la participation minoritaire de Teamnet au sein de la société Logitud solutions, des éventuelles augmentations de capital intervenues au sein de cette dernière, des résultats réalisés et des éventuelles décisions prises quant à leur affectation (distribution, mise en réserve…), du montant des dividendes auxquels la société Teamnet aurait pu prétendre si elle avait été associée de la société,

— dit qu’il formulera toute observation utile sur le préjudice commercial et matériel allégué,

— dit que la société Teamnet devra consigner à la régie de la cour d’appel la somme de 15.000 euros à valoir sur la rémunération de l’expert avant le 30 septembre 2016,

— dit que l’expert devra remettre son rapport au greffe de cette chambre dans un délai de 6 mois à compter de l’avis de consignation,

— dit qu’il sera référé de toute éventuelle difficulté d’exécution de ladite expertise à la présidente de cette chambre,

— réservé les dépens et tous autres chefs de demande.

L’expert a déposé son rapport le 29 mars 2019.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 12 octobre 2020, M. X demande à la cour :

— d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

— de déclarer la société Teamnet responsable de l’inexécution du protocole d’accord du 18 janvier 2005 et, en conséquence, de débouter la société Teamnet de l’ensemble de ses demandes ;

— à titre subsidiaire, si la cour le jugeait seul responsable de l’inexécution du protocole d’accord :

— de déclarer irrecevables les demandes indemnitaires cumulatives de la société Teamnet au titre d’une perte de chance de devenir acquéreur du fonds de commerce de Logitud et des conséquences directes de l’inexécution de son engagement d’attribuer 46,25 % du capital social à la société Teamnet,

— de constater le refus de la société Teamnet de communiquer à l’expert judiciaire tous documents justifiant de ses capacités financières à devenir associée de la société Logitud solutions à hauteur de 46,25 % ou à acquérir seule le fonds de commerce de la société Logitud au 19 janvier 2005,

— de relever en tout état de cause son incapacité à donner suite à la demande de pièces de l’expert judiciaire justifiant avec certitude de ses capacités financières au 19 janvier 2005,

— de débouter en conséquence la société Teamnet de l’ensemble de ses demandes ;

— à titre plus subsidiaire, de déclarer la société Teamnet responsable de son propre dommage et de la débouter de l’ensemble de ses demandes ;

— de condamner la société Teamnet aux dépens de première instance et d’appel avec droit de recouvrement direct ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 50.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 28 août 2020, la société Teamnet demande à la cour :

— de la recevoir en ses demandes et de condamner M. X à réparer l’intégralité des préjudices qu’elle a subis ;

— de condamner M. X à lui verser :

— au titre de l’inexécution contractuelle, la somme de 16.784.000 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 28 mai 2005 et capitalisation des intérêts,

— au titre des dividendes qu’elle aurait dû percevoir, la somme de 388.891 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts,

— au titre de la perte de chance, la somme de 19.858.500 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et capitalisation des intérêts ;

— de débouter M. X de ses demandes ;

— de condamner M. X à lui verser la somme de 70.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

— de condamner M. X aux dépens, en ce compris les frais d’expertise qu’elle a supportés à hauteur de 31.454,10 euros, avec droit de recouvrement direct.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l’article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Par arrêt du 21 juillet 2016, la cour a infirmé le jugement seulement sur l’étendue et la réparation des préjudices subis par la société Teamnet et ordonné avant-dire droit une expertise aux fins d’évaluation des dommages causés à la société Teamnet. Les motifs de cet arrêt retiennent que le principe de la responsabilité de M. X dans l’inexécution de l’accord du 18 janvier 2005 a été définitivement tranché par l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 mars 2014 à la suite du rejet du pourvoi formé contre cette partie de la décision et que la cour de renvoi est seulement saisie de l’indemnisation des dommages causés par M. X à raison de l’inexécution de son engagement stipulé dans le protocole d’accord.

Il résulte donc du dispositif de l’arrêt du 21 juillet 2016, tel qu’éclairé par ses motifs, que, contrairement à ce que soutient M. X, la cour n’est plus saisie de l’intégralité du litige de première instance mais qu’elle reste saisie uniquement de l’indemnisation des préjudices subis par la société Teamnet et des demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile. Il en résulte également qu’il a été définitivement jugé que la société Teamnet n’avait pas commis de faute dans l’exécution du protocole de sorte que la cour n’a pas à apprécier la demande de M. X tendant à voir déclarer la société Teamnet responsable de l’inexécution du protocole et à la débouter de ses demandes sur ce fondement.

Sur la demande d’indemnisation au titre de la perte de chance alléguée par la société Teamnet de voir son offre de reprise retenue :

M. X soutient que la société Teamnet n’est pas recevable à revendiquer une indemnisation cumulative au titre de deux dommages distincts. Il fait valoir que, compte tenu de l’infirmation du jugement sur l’indemnisation, il y a lieu de reprendre les demandes de la société Teamnet telles que formulées en première instance, qu’elle sollicite en appel des demandes cumulatives alors que ces demandes étaient alternatives en première instance, l’une portant sur une indemnisation liée à l’inexécution du protocole d’accord et l’autre sur une indemnisation découlant de la perte de chance d’acquérir le fonds de commerce de la société Logitud, que la cour doit donc statuer sur une demande principale d’indemnisation liée à l’inexécution du protocole d’accord et à titre subsidiaire sur l’indemnisation pour perte de chance d’acquérir le fonds de commerce, que la société Teamnet ne peut en tout cas cumuler une indemnisation à titre d’unique cessionnaire et à titre d’actionnaire de la société Logitud solutions.

Avant le dépôt du rapport d’expertise et par conclusions du 22 avril 2016, outre la condamnation en paiement de M. X au titre de l’indemnisation d’un préjudice commercial, des frais exposés et des dividendes dont elle a été privée, la société Teamnet a demandé à la cour la condamnation de M. X à exécuter ses obligations en nature à titre principal, à réparer le préjudice matériel subi faute de détenir les titres Logitud solutions à titre subsidiaire et à titre plus subsidiaire la condamnation de M. X au titre de la perte de chance de voir son offre retenue.

Dans ses dernières conclusions communiquées après le dépôt du rapport d’expertise, la société

Teamnet demande la condamnation de M. X au paiement de la somme de 16.784.000 euros au titre de l’inexécution contractuelle, celle de 388.891 euros au titre des dividendes qu’elle aurait dû percevoir et celle de 19.858.500 euros au titre de la perte de chance ressortant de sa renonciation à soutenir son offre. Elle soutient qu’ainsi elle ne modifie pas l’objet du litige quant aux préjudices dont il est demandé réparation et qu’il s’agit d’une réparation intégrale des préjudices subis et non d’une double réparation comme le soutient M. X.

La société Teamnet a ainsi modifié ses demandes formées devant la cour de renvoi en sollicitant en dernier lieu cumulativement l’indemnisation des préjudices subis en raison de l’inexécution du protocole et celle des préjudices résultant d’une perte de chance de voir son offre retenue. Or la circonstance que la cour a ordonné une mesure d’expertise ne permet pas aux parties de modifier, après le dépôt du rapport, leurs demandes. Il en résulte que la cour devra examiner en premier lieu la demande principale de la société Teamnet tendant à voir réparer les préjudices résultant de l’inexécution du protocole.

En toute hypothèse, comme il a été dit, il reste à la cour à définir l’étendue et l’évaluation chiffrée des préjudices causés l’inexécution du protocole. Or la perte de chance alléguée par la société Teamnet d’acquérir le fonds de commerce de la société Logitud, en tant que candidate à la reprise dans le cadre de la procédure collective de cette société, ne résulte pas de l’inexécution du protocole, laquelle tient au seul fait qu’il ne lui a pas été attribué 46,25 % du capital social de la société Logitud solutions et est intervenue postérieurement à la décision du tribunal. La demande de dommages-intérêts formée au titre de cette perte de chance sera donc écartée par la cour.

Sur la demande d’indemnisation au titre des dividendes que la société Teamnet aurait dû percevoir :

Dans ses dernières écritures, la société Teamnet demande à ce titre une somme de 388.891 euros. Mais, comme le soulève à juste titre M. X, dans son arrêt du 21 juillet 2016, la cour a déjà dit irrecevable la demande de la société Teamnet au titre des dividendes. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur cette demande.

Sur les préjudices résultant de l’inexécution contractuelle :

La réalisation des dommages subis par la société Teamnet du fait de l’inexécution du protocole est dépourvue de tout aléa. Il en résulte que la supposée incapacité financière de la société Teamnet, invoquée par M. X, de procéder au versement de la somme de 100.000 euros auquel elle s’était engagée en vertu du protocole, circonstance propre à l’évaluation d’une perte de chance, est sans incidence sur la détermination des préjudices de la société Teamnet. Il s’ensuit que doit être rejetée la demande de M. X tendant à voir débouter la société Teamnet de toutes ses demandes d’indemnisation au motif qu’elle n’a pas communiqué à l’expert les documents justifiant de ses capacités financières à devenir associée de la société Logitud solutions et qu’elle n’est pas capable de donner suite à la demande de pièces justifiant avec certitude de ses capacités financières au 19 janvier 2005, jour de la conclusion du protocole.

Au titre des dommages résultant de l’inexécution contractuelle, la société Teamnet réclame la somme de 16.784.000 euros, correspondant à la contrevaleur des actions Logitud solutions qu’elle aurait dû détenir arrêtée au jour de l’arrêt, en se fondant sur la méthode retenue par l’expert, elle-même définie par la mission d’expertise ordonnée par la cour, tout en proposant des corrections relatives à la valorisation de la société Logitud solutions qui doit comprendre celle des filiales, sociétés civiles immobilières, et les résultats après impôts du 2e trimestre 2019 au 3e trimestre 2020, à sa participation au capital qui se serait élevée à 54,41 % après le rachat et l’annulation des actions détenues par un troisième associé le 2 janvier 2012, et à la prise en compte d’une prime de contrôle compte tenu de cette part majoritaire dans le capital social.

Dès lors que la réalisation des dommages subis par la société Teamnet du fait de l’inexécution du

protocole est dépourvue de tout aléa, doivent être écartés car inopérants dans l’évaluation du préjudice les arguments de M. X relatifs aux aléas affectant, selon lui, le quantum du dommage et tenant aux capacités financières de la société Teamnet pour acquérir 46,25 % du capital de la société Logitud solutions, à l’impossibilité de savoir à quelle date elle avait l’intention de verser 100.000 euros, à l’impossibilité de savoir si la société Teamnet aurait ou non provoqué la procédure de cession de titres devant être incluse dans le pacte d’actionnaires à établir, à une perte éventuelle d’affectio societatis, à une probable liquidation judiciaire si le dirigeant de la société Teamnet avait été le dirigeant de la société Logitud solutions.

Ensuite, la seule responsabilité de M. X dans l’inexécution du protocole, à l’exclusion de celle de la société Teamnet, ayant été retenue, M. X ne peut, pour déterminer l’indemnisation due à la société Teamnet, invoquer comme il le fait une faute de la société Teamnet à l’origine de sa propre décision de ne plus l’intégrer au capital de la société à constituer, faute tenant selon lui à sa rétractation au jour de l’audience.

Enfin, contrairement à ce que soutient M. X, le préjudice subi par la société Teamnet ne résulte pas d’une rupture des pourparlers mais de l’inexécution du protocole conclu le 18 janvier 2005, la société Teamnet n’ayant pas pu entrer au capital de la société Logitud solutions à hauteur de 46,25 % postérieurement à la cession de la société Logitud et comme prévu par le protocole.

Le préjudice doit être apprécié au jour où il s’est produit, seule sa valeur étant susceptible d’être actualisée au jour où la cour statue. Comme le fait justement valoir M. X, seul le dommage prévisible est indemnisable et ce préjudice est constitué de la suite immédiate et directe de l’inexécution du protocole. En effet, les articles 1150 et 1151 anciens du code civil disposent que le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat et que les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l’égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention.

En l’espèce, le dommage subi par la société Teamnet, nécessairement prévu par les parties au protocole en cas d’inexécution, est la privation de la détention de 46,25 % du capital de la société Logitud solutions postérieurement à la cession de la société Logitud sa et le gain manqué est la valeur des actions qu’aurait dû détenir la société Teamnet à la suite de cette cession.

Il en résulte que, contrairement à ce que soutient M. X, ce préjudice ne peut pas être apprécié au regard de la valeur de la société Logitud au jour de l’audience d’analyse des offres de reprise telle que fixée par le mandataire de justice, soit 245.000 euros, en considérant que la société Logitud solutions n’existait pas au jour de l’exécution des obligations réciproques. Le préjudice subi par la société Teamnet ne résulte pas du fait de ne pas avoir repris la société Logitud mais de ne pas être entrée au capital de la société Logitud solutions dont la constitution était prévue par le protocole.

Il en résulte également qu’il n’y a pas lieu non plus de prendre en considération dans l’estimation du préjudice subi par la société Teamnet le fait qu’elle n’a pas versé la somme de 100.000 euros, comme le demande M. X.

En revanche, dès lors qu’ils ne constituent pas une suite immédiate et directe de l’inexécution du protocole, les gains résultant, d’une part,des changements d’actionnariat intervenus courant 2012, sept ans après la constitution de la socité Logitud solutions, qui auraient permis à la société Teamnet de passer selon elle de 46,25 % à 54,41 % du capital et de bénéficier d’une prime de contrôle, et, d’autre part, de la constitution de filiales ayant acquis des biens immobiliers plus de deux ans, huit ans et onze ans après la constitution de la socité Logitud solutions (les 29 novembre 2007, 2 septembre 2013 et 29 février 2016), acquisitions qui ont accru la valeur de la société Logitud solutions, doivent être exclus des dommages et intérêts alloués à la société Teamnet. Il s’ensuit qu’il convient, comme le soutient M. X, d’écarter de l’indemnisation la part du capital social

revendiquée par la société Teamnet et supérieure à celle prévue par le protocole du 18 janvier 2005 (cette différence étant de 8,16 points) et, en conséquence de ne prendre en compte qu’une détention de 46,25 % du capital social, de ne pas appliquer de prime de contrôle, et d’écarter la valeur apportée à la société Logitud solutions par les biens acquis par ses filiales.

Le préjudice ainsi défini, sa valeur doit être actualisée au jour où la cour statue. A cette fin, il convient de prendre en compte la valorisation des titres de la société Logitud solutions que l’expert a faite au jour du dépôt de son rapport à laquelle s’ajoutent les éléments d’actualisation au jour des débats proposés par la société Teamnet.

L’expert a ainsi valorisé ces titres à partir :

— en premier lieu, de la valeur de l’entreprise appréciée en fonction des données de l’EBITDA et du chiffre d’affaires (chiffre d’affaires hors maintenance et chiffre d’affaires maintenance) à (15.931.000 euros), sur laquelle il a légitimement appliqué un abattement de 20 % (- 3.186.000 euros), la société n’étant pas cotée et la valeur des entreprises non cotées du secteur étant moindre en 2019 que celle des entreprises du même secteur cotées,

— en deuxième lieu, des capitaux propres appréciés au 21 juillet 2016 (2.341.000 euros),

— en troisième lieu, des résultats après impôts dégagés depuis le 21 juillet 2016 (2.180.000 euros),

soit une valeur totale de 17.266.000 euros au 29 mars 2019, date du dépôt du rapport.

La valeur du préjudice devant être appréciée au jour où la cour statue, la société Teamnet demande à juste titre d’y ajouter les résultats après impôts du 2e trimestre 2019 au 3e trimestre 2020 (1.128.000 euros).

La valeur de la société s’établit ainsi à1a somme totale de 18.394.000 euros et celle des titres qu’aurait détenus la société Teamnet en exécution du protocole au montant de 8.507.225 euros (46,25 % x 18.394.000 euros).

Au soutien de sa demande de débouté, M. X fait encore valoir que la société Teamnet a aggravé volontairement le préjudice dont elle se prévaut en refusant d’entrer au capital de la société Logitud solutions en 2011 lorsque le troisième associé a souhaité céder ses propres parts, la perte de chance de devenir associée ayant ainsi disparu au cours du premier semestre 2011, en choisissant pendant quatre ans de ne pas lui notifier une offre réelle de paiement de 100.000 euros et en s’abstenant de le mettre en demeure de procéder à une augmentation de capital permettant son entrée au capital.

Toutefois, la circonstance que la société Teamnet n’est pas devenue associée de la société Logitud solutions après la commission par M. X de sa faute et la survenance du dommage qui en a résulté n’a pas aggravé ledit dommage, M. X remettant en réalité en cause l’actualisation de la valeur du dommage au jour où la cour statue. En tout cas, l’auteur d’un dommage devant en réparer toutes les conséquences et la victime n’étant tenue ni de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable, il ne peut être reproché à la société Teamnet d’avoir causé l’aggravation de son préjudice ou de ne pas en avoir minimisé l’étendue alors qu’elle n’avait nullement l’obligation de se porter acquéreur des titres lorsque M. X n’avait pas lui-même exécuté ses propres obligations, ni celle de solliciter une augmentation de capital de la société Logitud solutions, et qu’elle avait vainement mis en demeure le 18 mai 2005 la société Logitud solutions, en la personne de sa dirigeante, puis le 31 mars 2008 M. X d’exécuter le protocole puis acquis en 2011 les titres du troisième associé avant d’annuler cette cession au vu de l’opposition de M. X exprimée par l’exercice de son droit de sortie conjointe.

Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de fixer à la somme de 8.507.225 euros le montant des

dommages et intérêts dus à la société Teamnet au titre du préjudice résultant de l’inexécution du protocole.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement,

Vu l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 mars 2014,

Vu l’arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2015,

Vu l’arrêt partiellement avant-dire droit de la cour d’appel de Paris du 21 juillet 2016, statuant dans les limites de la cassation,

Dit n’y avoir lieu de statuer sur la demande de dommages-intérêts formée par la société Teamnet au titre des dividendes qu’elle aurait dû percevoir, demande déclarée irrecevable par arrêt du 21 juillet 2016 ;

Déboute la société Teamnet de sa demande de dommages-intérêts formée au titre de la perte de chance ;

Condamne M. Z X à payer à la société Teamnet la somme de 8.507.225 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, au titre de l’inexécution contractuelle ;

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière sur cette somme de 8.507.225 euros, la première capitalisation intervenant le 8 décembre 2021 ;

Ajoutant au jugement déféré,

Condamne M. Z X à payer à la société Teamnet la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Z X aux dépens d’appel comprenant les frais de l’expertise judiciaire et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière,

[…]

La Présidente,

Y-F G-H

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 8, 15 décembre 2020, n° 15/20625