Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 13 avril 2021, n° 19/13381

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 3 - ch. 5, 13 avr. 2021, n° 19/13381
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 19/13381
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 26 juin 2019, N° 14/16084
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 3 – Chambre 5

ARRET DU 13 AVRIL 2021

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/13381 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAH3P

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 14/16084

APPELANT

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GENERAL – SERVICE CIVIL

[…]

[…]

représenté à l’audience par Mme Sylvie SCHLANGER, avocat général

INTIME

Monsieur X F G B né le […] à […],

Chez Mme Y Z

[…]

[…]

représenté par Me Stéphanie CALVO, avocat au barreau de PARIS, toque : A0599

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 février 2021, en audience publique, le ministère public et l’avocat de l’intimé ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :- contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement rendu le 27 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a rejeté la demande de M. X F G B tendant à voir déclarer irrecevables comme mode de preuve les mesures d’authentification de son acte de naissance opérées par le consulat général de France à Douala, jugé que le certificat de nationalité française délivré le 23 septembre 2005 sous le n° 361/2005 par le greffier en chef du tribunal d’instance d’Ivry-sur-Seine l’a été à tort, dit que M. X F G B, né le […] à […], est de nationalité française, ordonné la mention prévue par l’article 28 du code civil et condamné le Trésor public aux dépens ;

Vu la déclaration d’appel en date du 2 juillet 2019 et les dernières conclusions notifiées le 15 février 2021 par le ministère public qui demande à la cour de dire que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré, d’infirmer le jugement, statuant à nouveau, de dire que M. X F G B n’est pas de nationalité française, ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 23 février 2021 par M. X F G B qui demande à la cour de :

Vu l’article 455 du code de procédure civile,

— dire qu’en soutenant que les jugements rendus par le tribunal de grande instance du Wouri respectivement le 20 janvier 2017 et le 24 juin 2017 sont, d’une part, manifestement faux et, d’autre part, obtenus par fraude de sa part et qu’il a trompé la religion de ce tribunal camerounais en lui présentant des faits faux, le ministère public a invoqué un moyen comportant des termes contradictoires et, par voie de conséquence, irrecevable ;

Vu l’article 34 de l’Accord de coopération en matière de justice entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République unie du Cameroun du 21 février 1974,

— juger que les jugements rendus par le tribunal de grande instance du Wouri respectivement le 20 janvier 2017 et le 24 juin 2017 sont reconnus de plein droit en France;

— constater qu’il dispose d’un état civil fiable et probant ;

— par ailleurs, constater que son éventuelle déclaration d’extranéité aurait pour conséquence de le placer en situation d’apatridie,

En conséquence,

— confirmer le jugement, débouter le ministère public de son action négatoire de nationalité française, ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil et condamner l’Etat représenté par le ministère public aux dépens ;

MOTIFS :

Il est justifié de l’accomplissement de la formalité prévue par l’article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 30 août 2019 par le ministère de la Justice.

Le tribunal, pour statuer comme il l’a fait, a considéré que certes le certificat de nationalité française délivré à M. X F G B l’avait été à tort au vu d’un acte de naissance n°1599/89 dressé le 2[…], dont l’irrégularité n’était pas contestée par l’intéressé, mais que celui-ci disposait d’un état civil fiable établi au vu d’un jugement rendu le 20 janvier 2017 ordonnant la reconstitution de son acte de naissance, portant annulation de l’acte n°1599/89, ainsi que du certificat de non appel dudit jugement et qu’en outre, la nationalité française de M. H-C E qui l’a reconnu le 21 avril 2004 n’était pas contestée.

Sur la recevabilité des mesures d’authentification de l’acte de naissance de M. X F G B

C’est par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, au demeurant non expressément critiqués par le ministère public et M. X F G B, que les premiers juges ont admis aux débats le compte-rendu de vérifications consulaires adressé au procureur de la République de Nantes par le consulat général de France à Douala le 25 septembre 2006 et une note du même consulat en date du 1er avril 2016 relatant de nouvelles vérifications des registres concernés auprès des autorités locales.

Sur le certificat de nationalité française

Le ministère public conclut à l’infirmation du jugement dans son intégralité mais soutient néanmoins dans le corps de ses conclusions que le certificat de nationalité française a été délivré à tort à M. X F G B, ce qui a été jugé par le tribunal.

M. X F G B tout en sollicitant la confirmation du jugement en toutes ses dispositions dans le dispositif de ses conclusions, fait valoir dans les motifs que le ministère public échoue à démontrer que le certificat de nationalité française lui aurait été délivré à tort.

A l’appui de la demande de certificat de nationalité française présentée devant le greffier en chef du tribunal d’instance d’Ivry-sur-Seine, il est établi qu’avaient été produits:

— une copie d’un acte de naissance n°1599/89 issu du registre des naissances du centre d’état civil de Deïdo et Akwa-Nord (Cameroun) au terme duquel X F G B est né le […] à […] de H-C D E, né à […]) le […], et de Y Z I J, née à Douala le […], l’acte ayant été dressé le 2[…] sur déclaration de la polyclinique de Douala, et portant au verso mention d’une reconnaissance n° 000028/2004 de l’intéressé par H-C D E le 21 avril 2004 ;

— l’acte de reconnaissance de l’intéressé par son père en date du 21 avril 2004 enregistré par l’officier d’état civil d’Orly (Val-de-Marne).

M. X F G B ne conteste pas dans ses écritures que postérieurement, sa mère a produit à l’appui de la demande de transcription de l’acte de naissance de son fils, un autre acte de naissance n°973/87, issu du registre des naissances de l’année 1987 du centre d’état civil de Bell Douala, au terme duquel il serait né le […] de A B, né à Douala le […], et de Z Lydienne Marlyse, née à Douala le […].

Au regard de la levée d’acte et des vérifications consulaires des registres menées in situ auxquelles il a été procédé à la suite de cette demande de transcription, il est avéré que l’acte de naissance n°973/87 correspond à un tiers et que l’acte de naissance n°1599/89 correspond certes à M. X

F G B mais que censé avoir été dressé le 2[…], il est inséré entre deux actes datés du 24 mai 1989, qu’au surplus, il apparaît que le registre comporte trois actes n°1598/89.

Le caractère apocryphe de l’acte de naissance au vu duquel le certificat de nationalité française de M. X F G B a été délivré n’étant contesté ni par le ministère public ni par l’intimé qui en a demandé l’annulation aux juridictions camerounaises, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que le certificat de nationalité française délivré le 23 septembre 2005 sous le n° 361/2005 par le greffier en chef du tribunal d’instance d’Ivry-sur-Seine l’a été à tort.

Sur la nationalité française de M. X F G B

M. X F G B n’étant pas titulaire d’un certificat de nationalité française valide, la charge de prouver sa nationalité française lui incombe donc en vertu de l’article 30 du code civil.

Il produit notamment en cause d’appel :

— une requête du 17 octobre 2016 adressée au président du tribunal de grande instance du Wouri aux fins de nullité de son acte de naissance n° 1599/89 (sa pièce n°1) ;

— une requête de la même date aux fins de reconstitution d’un acte de naissance en application de l’article 22 de l’ordonnance n° 81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l’état civil et diverses dispositions relatives à l’état des personnes physiques au Cameroun (sa pièce n°2) et les réquisitions du ministère public sur cette requête (sa pièce n°4) ;

— le procès-verbal de transport judiciaire du 2 décembre 2016 ordonné par jugement avant dire droit, du magistrat qui s’est rendu au centre d’état civil de Deïdo et Akwa-Nord et s’étant fait présenter les registres n°8 et 9 de l’année 1989, a constaté l’ensemble des irrégularités dont étaient affectées tant la tenue des registres que l’acte n°1599/89 (sa pièce n°9) ;

— la grosse du jugement n°76/Civ, rendu le 20 janvier 2017 ordonnant la reconstitution et la transcription d’usage par l’officier d’état civil compétent de l’acte de naissance de X F G B, né le […] à Douala, de H C D E né le […] à Fort-de-France (Martinique) et de Y Z I J (sa pièce n°6), ainsi que la signification et le certificat de non-appel dudit jugement ;

— la grosse du jugement n°601/Civ, rendu le 24 juin 2017, annulant l’acte de naissance n°1599/89 du 2[…] (sa pièce n°11), ainsi que sa signification et son certificat de non appel.

Sur l’irrecevabilité alléguée par M. X F G B à l’encontre des moyens du ministère public

M. X F G B prétend que le ministère public invoque un moyen irrecevable comme comportant des termes contradictoires en soutenant que les jugements rendus par le tribunal de grande instance du Wouri respectivement le 20 janvier 2017 et le 24 juin 2017 sont, d’une part, manifestement faux et, d’autre part, obtenus par fraude de sa part et qu’il a trompé la religion de ce tribunal camerounais en lui présentant des faits faux.

En premier lieu, le fait pour le ministère public de prétendre que les jugements camerounais produits par l’intimé sont manifestement des faux, et 'en tout état de cause', qu’ils sont « à tout le moins irréguliers internationalement » et « obtenus par fraude », ne révèle pas de contradiction dans les griefs invoqués successivement dans son argumentation pour voir juger que M. X F G B ne justifie pas d’un état civil certain et n’est pas de nationalité française.

En second lieu, il n’est établi aucun comportement procédural du ministère public qui aurait été constitutif d’un changement de position, en droit, de nature à induire M. X F G B en erreur sur ses intentions et qui pourrait être une cause d’irrecevabilité des moyens que le ministère public développe pour voir juger, devant la cour, comme il l’avait fait devant les premiers juges, que l’intéressé n’est pas de nationalité française, faute de justifier d’un état civil probant au sens de l’article 47 du code civil.

La demande de M. X F G B de ce chef doit être rejetée.

Au fond

Le ministère public soutient à titre principal que les jugements produits par M. X F G B sont des faux. Il relève notamment des anomalies tenant à l’absence de mention du lieu du siège de la juridiction qui a rendu la décision et de reprise de la devise nationale du Cameroun en en-tête du jugement. Il fait valoir subsidiairement que ces jugements sont irréguliers internationalement aux motifs qu’ils ne sont pas motivés de façon cohérente, à tout le moins, qu’ils ont été obtenus par fraude.

Les simples omissions ou erreurs matérielles relevées par le ministère public dont sont affectées les jugements produits ne sont pas susceptibles de démontrer que ces jugements sont des faux. En effet, il n’est pas établi qu’elles porteraient sur des mentions obligatoires exigées à peine de nullité dans les jugements et elles ne permettent pas de douter de la juridiction qui les a rendues, s’agissant notamment de l’absence de précision que le tribunal de grande instance du Wouri siège dans la ville de Douala, alors qu’il s’agit d’un tribunal départemental, qui ne comporte que la communauté urbaine de Douala.

En outre, il résulte de l’article 34 f) de l’accord de coopération en matière de justice signé à Yaoundé le 21 février 1974 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République unie du Cameroun, que la reconnaissance de plein droit de la décision de l’un ou l’autre Etat sur le territoire de l’Etat requis est soumise à la condition que cette décision ne contienne rien de contraire à l’ordre public de l’Etat où elle est invoquée.

Contrairement à ce que soutient le ministère public, il n’appartient pas au juge français au titre du contrôle de la régularité internationale des jugements rendus par le tribunal de grande instance du Wouri les 20 janvier 2017 et le 24 juin 2017, d’examiner la cohérence de leur motivation.

En revanche, il résulte du jugement en date du 20 janvier 2017 qui ordonne la reconstitution d’un acte de naissance pour M. X F G B, que le tribunal a relevé que l’acte de naissance n° 1599/89 avait été frauduleusement inséré dans le registre des naissances, que les témoignages recueillis au cours de l’enquête prouvaient que la déclaration de naissance n’avait pas été effectuée dans les délais légaux et que cet acte de naissance était un faux. Il ressort en outre du jugement du 24 juin 2017, se fondant sur les pièces produites aux débats et le transport judiciaire effectué le 2 décembre 2016, que le tribunal y constate des irrégularités évidentes tenant notamment en l’absence de déclaration de naissance jointe à la souche de l’acte et au fait que le cachet apposé et les signatures sont distincts de ceux des signataires de l’époque figurant sur les deux actes de naissance encadrant l’acte. Le tribunal considère que ces éléments achèvent de convaincre de la grande suspicion, et partant de la fraude, qui a émaillé l’établissement de cet acte. Le tribunal prononce ainsi l’annulation de l’acte de naissance n° 1599/89 au motif qu’il est de principe que « la fraude corrompt tout ».

Dès lors, la reconnaissance de ces deux jugements camerounais d’annulation et de reconstitution de l’acte de naissance aboutirait à un résultat contraire à la conception française de l’ordre public international en ce que l’obtention de ces décisions fait partie intégrante d’une démarche frauduleuse ayant pour but exclusif la reconnaissance de la nationalité française de l’intéressé, recherchée à travers l’accomplissement de manoeuvres frauduleuses commises en France par la production, à cette fin, non seulement de l’acte de naissance irrégulier depuis annulé, mais également d’un deuxième acte de naissance apocryphe, établi ex nihilo, dont toutes les mentions différaient tant quant à l’identité de l’intéressé qu’à sa filiation, peu important que M. X F G B n’ait pas été lui-même, l’auteur ou le seul auteur, de ladite fraude.

Lesdits jugements étant inopposables en France, M. X F G B ne justifie pas d’un état civil probant au sens de l’article 47 du code civil, étant encore relevé que l’intimé n’apporte pas même la preuve qu’il disposerait d’un acte de naissance camerounais résultant de la transcription du jugement du tribunal de grande instance du Wouri en date du 20 janvier 2017.

M. X F G B ne démontre pas que la présente décision aurait pour conséquence de le placer dans une situation d’apatridie au regard de l’article 31 de la loi camerounaise portant code de la nationalité. En effet, il n’a jamais acquis la nationalité française. Cette nationalité, selon le certificat de nationalité française délivré à tort, lui aurait été attribuée à sa naissance par l’effet de la reconnaissance de M. H C D E au cours de sa minorité, en application de l’article 18 du code civil français. Il n’est donc pas établi qu’il serait placé effectivement dans l’une des conditions de perte de la nationalité camerounaise.

L’extranéité de M. X F G B doit donc être constatée.

Succombant en ses prétentions, il supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS :

Constate que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré,

Rejette la demande de M. X F G B tendant à voir déclarer irrecevables les moyens du ministère public,

Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de M. X F G B tendant à voir déclarer irrecevables comme mode de preuve les mesures d’authentification de son acte de naissance opérées par le consulat général de France à Douala et en ce qu’il a jugé que le certificat de nationalité française délivré à M. X F G B le 23 septembre 2005, sous le n° 361/2005, par le greffier en chef du tribunal d’instance d’Ivry-sur-Seine l’a été à tort,

Infirme le jugement pour le surplus,

Statuant à nouveau :

Dit que M. X F G B, né le […] à […], n’est pas de nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l’article 28 du code civil,

Condamne M. X F G B aux dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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