Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 11 mars 2021, n° 17/06211

  • Reclassement·
  • Poste·
  • Salariée·
  • Sociétés·
  • Employeur·
  • Licenciement·
  • Titre·
  • Obligation·
  • Arrêt de travail·
  • Accident de travail

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

7e Ch Prud’homale

ARRÊT N°301/2021

N° RG 17/06211 -

N° Portalis DBVL-V-B7B-OGNF

Mme Z X

C/

SAS HYDROGREEN

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 11 MARS 2021

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame A B, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Janvier 2021

devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame C D, médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 11 Mars 2021date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 04 Mars précédent, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

Madame Z X

[…]

[…]

Représentée par Me A NGUYEN de la SELARL AMALYS, avocat au barreau de BREST

INTIMÉE :

La SAS HYDROGREEN prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[…]

[…]

Représentée par Me Tiphaine LE NADAN de la SELARL MAZE-CALVEZ & ASSOCIES, avocat au barreau de BREST

EXPOSÉ DU LITIGE

La SAS HYDROGREEN dont le siège social était fixé à […] (29) est spécialisée dans la végétalisation par semis hydraulique, la distribution de produits pour les espaces verts et horticoles.

La société HYDROGREEN qui employait un effectif de plus de 10 salariés au 31 décembre 2011 (18 selon attestation Pôle Emploi), fait partie du Groupe Le FLOC’H.

Mme Z X a été embauchée par la SAS HYDROGREEN le 3 novembre 1988 suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de secrétaire sténo dactylographe.

A compter du 1er septembre 1996, elle a été promue au poste de secrétaire de direction moyennant un salaire de 1 800€ brut par mois pour un temps complet.

La relation de travail est régie par la convention collective nationale des entreprises du paysage.

Le 15 septembre 2010, la salariée a informé son employeur qu’elle devait subir le 8 décembre 2010 une nouvelle intervention chirurgicale au niveau de sa prothèse de hanche avec un arrêt de travail prévisible de 6 à 8 mois.

Le 3 décembre 2010, la salariée a été placée en arrêt maladie jusqu’au 30 mars 2011, prolongé jusqu’au 2 octobre 2011 inclus.

Lors de la visite de reprise du 3 octobre 2011, le médecin du travail a déclaré la salariée apte à la reprise avec les réserves suivantes : 'Pas de port de charges, pas de piétinement ni de station debout immobile prolongée'.

A sa reprise de poste le 3 octobre 2011, Mme X a été reçue au siège du groupe Le FLOC’H à Morlaix en entretien par un groupe de 9 salariés, dont elle ignorait l’identité, au cours duquel il lui aurait été reproché d’avoir témoigné en faveur d’un ancien salarié Responsable en litige prud’hommal avec la société HYDROGREEN, de fournir des informations à ce dernier désormais à la tête d’une entreprise concurrente. Elle aurait été avertie qu’en raison de cette situation, elle ne pourrait pas réintégrer son poste de secrétaire de direction à HYDROGREEN et qu’elle serait transférée au sein des Etablissements LE FLOCH sans accès aux dossiers ni aux appels d’offre ni au téléphone ; qu’il fallait que ' le personnel soit présent et mis au courant de ce qu’elle avait fait et sache comment se comporter avec elle en évitant de lui parler.'

Suite à cet entretien, elle a rencontré en urgence son médecin traitant, le docteur X qui a établi un arrêt de travail jusqu’au 16 octobre 2011, mentionnant un 'choc psychologique'. A l’issue d’une consultation le 7 octobre 2011 auprès d’un médecin hospitalier spécialisé dans les pathologies professionnelles, un nouvel arrêt de travail, se substituant au précédent, a été établi pour accident du travail pour ' choc psychologique suite à l’entretien à la reprise du travail.'

Dans un courrier recommandé du 14 octobre 2011, avec copie à l’inspection du travail et la médecine du travail, Mme X a dénoncé auprès du Président de la Société HYDROGREEN les faits dont elle s’estimait victime à l’occasion de 'cette mise en scène d’un Tribunal improvisé'

Le Président de la société HYDROGREEN lui a répondu le 26 octobre 2011 en précisant qu’il n’était pas présent lors de l’entretien décrit par Mme X ; qu’il s’agissait seulement d’une réunion d’accueil par le personnel à l’issue d’une longue période d’arrêt de travail pour refaire le point sur la situation de l’entreprise.

Après un refus de prise en charge par l’organisme social de prise en charge de l’arrêt au titre d’un accident du travail, il a été jugé par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Quimper en date du 27 mai 2013, confirmé par arrêt du 24 septembre 2014, que Mme X avait subi le 3 octobre 2011 un choc émotionnel dans le cadre professionnel ayant entraîné des troubles psychologiques constituant un accident du travail.

L’arrêt de travail de la salariée du 3 octobre 2011 a fait l’objet de prolongations jusqu’au 11 décembre 2011.

Lors de la visite de reprise le 12 décembre 2011, le médecin du travail a déclaré Mme X 'inapte à son poste et à tout poste de travail dans l’entreprise' en une seule visite pour danger immédiat.

Le 28 décembre 2011, la salariée a été convoquée en vue d’un entretien préalable à licenciement fixé au 6 janvier 2012. Au cours de cet entretien préalable, l’employeur lui a transmis deux offres de postes de reclassement à Marseille et en région parisienne et un contrat à durée déterminée dans le Morbihan.

Le 9 janvier 2012, Mme X a refusé ces offres de reclassement en invoquant la modification profonde de contrat de travail, l’éloignement géographique pour les deux premiers postes et le caractère précaire du troisième poste.

Le 12 janvier 2012, elle a été licenciée pour inaptitude avec impossibilité de reclassement dans un autre poste, dans un courrier ainsi libellé ' Nous vous notifions notre décision de mettre fin à votre contrat de travail pour le motif suivant : inaptitude médicale à votre poste constatée par le médecin du travail (..) et impossibilité de reclassement dans un autre poste. En effet, tous les postes conformes aux prescriptions médicales sont pourvus dans notre entreprise. Nous avons consulté le médecin du travail sur toutes solutions de reclassement. Nous vous avons adressé un questionnaire de reclassement afin de pouvoir orienter notre recherche compte tenu notamment des recherches sur les autres sociétés ayant des liens avec la société qui sont reparties comme vous le savez notamment en dehors de la Bretagne. Il s’avère que vous n’avez pas répondu à ce questionnaire ni par écrit no lors de l’entretien.

Dans un premier temps, nous n’avons pas été à même de vous proposer un poste de reclassement compte tenu de l’absence de possibilité au sein de notre entreprise ni au sein des entreprises que nous avons sollicitées.

En effet, l’ensemble de sociétés interrogées nous a répondu ne pas disposer de poste vacant.

C’est la raison pour laquelle nous avons envisagé la procédure de licenciement.

Il s’avère que les sociétés PROFIL et ECONERPHILE nous ont fait part par la suite de la possibilité de vous proposer les postes d’assistantes et pour la société LE FLOCH DEPOLLUTION un poste de secrétaire.

Nous n’avions pas connaissance de ces postes avant l’entretien et c’est la raison pour laquelle nous vous en avons fait part lors de cet entretien.

Nous sommes bien conscients que vous êtes en droit de refuser les postes.

En tout état de cause nous sommes dans l’impossibilité de vous proposer d’autres postes de reclassement ce qui nous oblige à procéder à votre licenciement en raison de votre inaptitude et de notre impossibilité de vous reclasser.(…)'

Par requête du 12 novembre 2013, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Morlaix afin de voir :

- A titre principal,

— Dire que la société HYDROGREEN a manqué à son obligation de consulter les délégués du personnel dans le cadre de ses recherches de reclassement et a manqué à son obligation de reclassement.

— condamner la société à lui payer la somme de 43 200 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.1226-15 du code du travail

- A titre subsidiaire,

— Dire que son inaptitude résulte d’un manquement de la société HYDROGREEN à son obligation de sécurité de résultat.

— condamner la société à lui payer la somme de 43 200 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail

—  A titre infiniment subsidiaire :

— Dire que la société HYDROGREEN a manqué à son obligation de lui notifier par écrit les motifs qui s’opposaient à son reclassement.

— condamner la société à lui payer la somme de 21 600 € à titre de dommages et intérêts.

— En tout état de cause :

— Dire que son inaptitude est d’origine professionnelle

— Condamner la société à lui payer:

* 12 480 € au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,

* 3 600 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 360€ au titre des congés payés afférents,

* 1 935 € (brut) à titre de rappel de 13 ème mois,

* 193,50 € (brut) au titre des congés payés afférents,

* 4 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

— Condamner la SAS HYDROGREEN à lui délivrer, sous astreinte de 150€ par jour de retard : le bulletin de salaire afférent au préavis et congés payés sur préavis, l’attestation Pôle Emploi, et se réserver le contentieux de la liquidation de l’astreinte

— Condamner la SAS HYDROGREEN aux entiers frais et dépens de la présente procédure, y compris le remboursement du timbre fiscal;

— Assortir la décision à intervenir de l’exécution provisoire.

La SAS HYDROGREEN a demandé au conseil de :

— Se déclarer incompétent au profit du tribunal des affaires de la sécurité sociale de Quimper sur le prétendu manquement à l’obligation de sécurité et au profit de l’inspection du travail concernant la contestation de reclassement ;

— Débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes ;

— La condamner à une somme de 4 000€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement en date du 30 juin 2017, le conseil de prud’hommes de Morlaix a :

— S’est déclaré compétent,

— Dit que l’inaptitude de Mme X est d’origine professionnelle,

— Condamné la Société HYDROGREEN à payer à Mme X les sommes suivantes :

* 12.480 € à titre d’indemnité spéciale de licenciement,

* 3.600 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 360 € de congés payés sur préavis,

* 793,97 € de rappel de 13e mois y compris les congés payés,

— Ordonné la remise des documents sociaux assortie d’une astreinte de 50€ par jour dans les 15 jours à compter de la notification de la présente décision (attestation POLE EMPLOI rectifiée et bulletin de salaire rectifié),

— S’est réservé le contentieux de la liquidation de l’astreinte,

— Condamné la Société HYDROGREEN à verser à Mme X la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Dit que les créances salariales seront assorties des intérêts de droit avec capitalisation à compter de la demande introductive d’instance,

— Condamné la Société HYDROGREEN aux entiers frais et dépens et y compris en cas d’exécution forcée, les éventuels honoraires et frais d’huissier (article 696 du code de procédure civile) de la présente procédure, y compris le remboursement du timbre fiscal,

— Rappelé l’exécution provisoire de droit à laquelle sera assorti le présent jugement,

— Dit que la décision à intervenir sera assortie de l’exécution provisoire sur l’ensemble de la décision conformément à l’article 515 du code de procédure civile,

— Débouté les parties de leurs autres demandes.

***

Mme X a régulièrement interjeté appel par déclaration au greffe en date du 22 août 2017.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 07 avril 2020, Mme X demande à la cour de :

— Confirmer le jugement en ce qu’il :

— S’est déclaré compétent,

— A dit que l’inaptitude était d’origine professionnelle, et en ce qu’il lui a alloué :

* 12.480,00 € à titre d’indemnité spéciale de licenciement,

* 3.600,00 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 360,00 € de congés payés sur préavis,

— A ordonné la remise des documents sociaux assortie d’une astreinte de 50€/jour dans les 15 jours à compter de la notification de la décision (attestation POLE EMPLOI rectifiée et bulletin de salaire rectifié),

— A condamné la Société HYDROGREEN à lui verser à la somme de 2.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

— Infirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme X des autres demandes, et statuant de nouveau :

—  A titre principal :

— Dire que la Société HYDROGREEN ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de consulter les délégués du personnel dans le cadre de ses recherches de reclassement et a manqué à son obligation de reclassement,

— Condamner la Société HYDROGREEN à lui payer la somme de 43.200€ à titre de dommages et intérêts sur le fondement des dispositions de l’article L1226-15 du code du travail,

- A titre subsidiaire :

— Dire que son inaptitude résulte d’un manquement de la Société HYDROGREEN à son obligation de sécurité de résultat,

— Condamner la Société HYDROGREEN à lui payer la somme de 43.200€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail,

—  A titre infiniment subsidiaire :

— Dire que la Société HYDROGREEN a manqué à son obligation de lui notifier par écrit les motifs qui s’opposaient à son reclassement,

— Condamner la Société HYDROGREEN à lui payer la somme de 21.600 € à titre de dommages et intérêts,

— En tout état de cause :

— Dire que la Société HYDROGREEN a manqué à son obligation de formation et d’adaptation.

— Condamner la Société HYDROGREEN à lui payer la somme de 15 000 € à ce titre.

— Condamner la Société HYDROGREEN à lui verser la somme de 1.935€ brut à titre de rappel de 13 ème mois, outre celle de 193,50 € brut pour les congés payés afférents,

— Assortir les créances salariales des intérêts de droit avec capitalisation à compter de la demande introductive d’instance,

— Condamner la Société HYDROGREEN à lui verser la somme de 4.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en appel,

— Condamner la Société HYDROGREEN aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.

En l’état de ses dernières conclusions transmises par RPVA le 06 avril 2020, la SAS HYDROGREEN demande à la cour de :

— infirmer le jugement en ce qu’il a dit que l’inaptitude de Mme X était d’origine professionnelle, et qu’il a condamné la société HYDROGREEN au paiement des sommes suivantes :

* 12 480,00 € au titre de l’indemnité spéciale de licenciement,

* 3 600,00 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 360,00 € au titre des congés payés y afférents,

* 793,97 € au titre du rappel de 13 ème mois y compris les congés payés,

* 2 000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

* Astreinte de 50 € par jour pour les remises des documents sociaux

* Intérêts,

* Frais et dépens,

— confirmer le jugement en ce qu’il a :

— Débouté Mme X de ses demandes, à titre principal, relatives au prétendu non-respect par la société HYDROGREEN de son obligation de consulter les délégués du personnel dans le cadre de ses recherches de reclassement et au prétendu non-respect de son obligation de reclassement, et la débouter de sa demande de dommages-intérêts de 43 200 € ;

— Débouté Mme X de ses demandes, à titre subsidiaire, relatives au prétendu non-respect par la société HYDROGREEN de son obligation de sécurité de résultat, et la débouter de sa demande de dommages-intérêts de 43 200 € ;

— Débouté Mme X de ses demandes, à titre infiniment subsidiaire, relatives à un prétendu manquement de la société HYDROGREEN à son obligation de notifier par écrit à la salariée les motifs qui s’opposaient à son reclassement, et la débouter en conséquence de sa demande de dommages-intérêts de 21 600 €

— Débouté Mme X de sa demande, en tout état de cause, relative à un prétendu manquement de la société HYDROGREEN à son obligation de formation et d’adaptation, et la débouter de sa demande de dommages-intérêts de 15 000 € ;

— En tout état de cause :

— Débouter Mme X de ses demandes relatives au paiement de la somme de 1 935 € bruts à titre de rappel de 13 ème mois, outre la somme de 193,50 € bruts au titre des congés payés y afférents,

— Enfin, à titre infiniment subsidiaire, ramener les condamnations à de plus justes proportions,

— Condamner Mme X au paiement de la somme de 4 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

***

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 7 avril 2020 avec fixation de la présente affaire à l’audience du 12 mai 2020, qui a été annulée en raison de la crise sanitaire.

Le greffe ayant avisé les parties de la faculté de déposer leurs dossiers à une audience sans débat en vertu de l’ordonnance du 25 mars 2020, le conseil de la société HYDROGREEN a manifesté son opposition de sorte que l’affaire a été renvoyée à l’audience rapporteur du 12 janvier 2021.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l’exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu’elles ont déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’indemnité spéciale de licenciement

La société HYDROGREEN demande l’infirmation du jugement qui a alloué à Mme X l’indemnité spéciale de licenciement prévue par l’article L 1226-14 du code du travail alors que la

salariée a fourni un arrêt de travail initial pour une maladie d’origine non professionnelle, qu’elle a produit un nouvel arrêt de travail daté du même jour sous couvert d’un accident de travail, qu’au moment de la notification du licenciement, la MSA venait de refuser de prendre en charge l’arrêt de travail de la salariée et que le caractère professionnel de l’inaptitude de la salariée n’a été reconnu que 3 ans plus tard à l’issue d’une procédure judiciaire à laquelle l’employeur n’a pas été appelé à la cause.

La salariée conclut à la confirmation du jugement au motif que l’employeur était parfaitement informé lors du licenciement que l’accident avait une origine professionnelle et que les dispositions légales en cas d’inaptitude professionnelle de la salariée devaient s’appliquer, indépendamment de la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident par l’organisme social.

Dans le cas d’une inaptitude d’origine professionnelle, l’article L 1226-14 du code du travail dispose que la rupture du contrat de travail ouvre droit au profit du salarié à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L 1234-9 du code du travail.

Les règles protectrices applicables aux victimes d’un accident de travail ou d’une maladie professionnelle s’appliquent dès lors de l’inaptitude du salarié quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée a eu au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l’employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Il résulte des pièces produites que :

— Mme X a bénéficié d’un arrêt de travail délivré le 3 octobre 2014 par son médecin traitant le Docteur X (son ancien mari) dans le cadre d’un accident de travail survenu le même jour. Cet arrêt de travail s’est substitué à un arrêt initial pour maladie à la suite de la consultation le 7 octobre 2011 du docteur Y, médecin hospitalier des pathologies professionnelles, ayant constaté chez la salariée, très destabilisée par l’accueil fait à la reprise de son travail après de longs mois d’arrêt pour un traitement chirurgical, 'un traumatisme psychique ressenti le 3 octobre 2014 à 14 heures sur le site de Morlaix du groupe'. Le médecin traitant précise qu’il a établi en premier lieu un arrêt de travail en maladie , par ignorance que ce choc psychologique inattendu puisse être requalifié en accident du travail. ( Pièces 7, 8,9-1 et 10 ),

— le médecin se réfère à l’accident de travail du 3 octobre 2011 pour justifier les prolongations d’arrêt de travail le 14 octobre 2011, le 28 octobre 2011, le 10 novembre 2011, évoquant' un état psychologique fragile, des troubles de sommeil, de l’appétit, des angoisses revenant dès que la fin de l’arrêt approche',

— des arrêts de travail ultérieurs jusqu’au 31 mai 2012,

— la déclaration transmise le 12 octobre 2012 à la MSA par l’employeur contestant la qualification d’accident du travail,

— le jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Quimper du 27 mai 2013, confirmé en appel par arrêt du 24 septembre 2014,

— l’avis d’inaptitude rendu le 12 décembre 2011 par le médecin du travail en une seule visite pour danger immédiat précise une inaptitude de Mme X à son poste et à tout poste dans l’entreprise.

L’employeur, qui remet en cause la qualification d’accident de travail, se fonde sur le fait qu’à la date de la notification du licenciement, l’organisme social avait refusé une prise en charge au titre d’un accident du travail.

La lecture du jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale révèle que la MSA du Finistère a informé la salariée par courrier du 10 janvier 2012 de son refus de prise en charge au titre de la législation des accidents du travail, confirmé par la commission de recours amiable le 27 avril 2012 avant d’être infirmé par le TASS. A supposer même que l’employeur ait pu avoir connaissance du refus initial opposé par la Caisse, ce qui n’est nullement démontré, il ne pouvait en tirer aucune conséquence pour s’affranchir des règles impératives de l’article L 1226-10 du code du travail, lesquelles ne sont pas subordonnées à la reconnaissance par l’organisme social du lien de causalité entre l’accident de travail et l’inaptitude.

Il résulte ainsi des pièces produites que l’inaptitude de Mme X qui a justifié son licenciement avait au moins partiellement pour origine des faits qualifiés d’accident du travail et que l’employeur avait connaissance de cette origine lors de la notification du licenciement.

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu’il a accordé à Mme X l’indemnité spéciale de licenciement prévue par l’article L 1226-14 du code du travail à concurrence de la somme de 12 480 euros nets.

Sur l’obligation de reclassement

En application des dispositions de l’article L 1226-10 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur, lorsque, à l’issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident de travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise.

Mme X demande l’infirmation du jugement qui a rejeté sa demande tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse d’une part pour manquement de l’employeur à son obligation de recherche de reclassement et d’autre part pour absence de consultation des délégués du personnel. Elle fait valoir que l’employeur ne prouve pas avoir régulièrement organisé les élections professionnelles les 20 mai et 1er juin 2011 ayant abouti à la rédaction d’un procès-verbal de carence dont l’authenticité est suspectée.

La société HYDROGREEN réplique que la consultation des délégués du personnel ne pouvait pas avoir lieu en raison de l’absence de représentant des salariés au sein de l’entreprise comme le confirme le procès-verbal de carence, transmis à l’inspection du travail. S’agissant de son obligation de reclassement, elle a effectué des recherches en interne et dans les entreprises du groupe LE FLOC’H et a reçu, dans un premier temps, verbalement des réponses négatives auprès des sociétés, celles implantées à l’étranger, et dans un second temps par écrit le 6 janvier 2012.

En application des dispositions de l’article L 1226-10 du code du travail dans le cas d’une inaptitude d’origine professionnelle, l’employeur propose au salarié un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur l’aptitude du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. L’emploi proposé est aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail.

L’obligation de reclassement dont la preuve doit être rapportée par l’employeur est une obligation de moyens renforcée.

Les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l’entreprise et le cas échéant en cas d’appartenance à un groupe de sociétés, aux entreprises du groupe dont les activités ;

l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel éventuellement à l’étranger, sauf dans ce dernier cas à l’employeur de démontrer que la législation locale ne permet aucun reclassement.

En l’espèce, la société HYDROGREEN a convenu de l’existence d’un groupe de reclassement en interrogeant 16 sociétés du groupe sur les postes disponibles susceptibles d’être offerts à la salariée et en lui proposant verbalement trois postes de reclassement dans des entreprises du groupe.

L’employeur produit la copie du courrier stéréotypé adressé en recommandé en date du 19 décembre 2011 par le Président à la Direction de 16 sociétés du groupe, sans plus de précision sur l’expérience professionnelle de Mme X, en poste depuis 23 ans, et sur les restrictions médicales. Il ne produit aucune des réponses de ces entreprises, qu’elles soient négatives ou positives.

Alors qu’il écrivait à la salariée dès le 27 décembre 2011 qu’il ne pouvait pas la reclasser sur un poste disponible et qu’il avait ' consulté les autres sociétés' sans précision sur le résultat de ses recherches, l’employeur lui communiquait le jour de l’entretien préalable le 6 janvier 2012, une liste de trois postes vacants à charge pour elle de répondre avant le 10 janvier 2012 :

— Assistante commerciale en contrat à durée indéterminée à Marseille, société PROFIL, 35 heures par semaine, 1 800 euros par mois,

— Assistante en contrat à durée indéterminée à Enghien les Bains (95), société Econerphile, 35 heures, 1 800 euros,

— secrétaire en contrat à durée déterminée dans le Morbihan (56), société Le Floch dépollution, 35 heures, 1 800 euros.

Si les deux premiers postes imposaient un déménagement à plus de 500 kms de son domicile, l’employeur est resté vague sur le dernier poste offert de secrétaire tant sur la période et le motif du contrat à durée déterminée que sur l’implantation dans le département du Morbihan. Le fait que Mme X ait refusé les postes s’agissant de postes éloignés géographiquement et d’un poste précaire ne permet pas d’en déduire que l’employeur a satisfait à son obligation de manière loyale et sérieuse puisqu’il appartient à ce dernier de démontrer qu’il ne disposait d’aucun autre poste vacant compatible avec l’état de santé de la salariée.

Il en résulte que l’employeur n’a pas produit les réponses écrites des entreprises consultées, le moindre organigramme des sociétés du groupe LFP, présentes en Z et à l’étranger selon la brochure communiquée par la salariée (pièce 28) ni leurs registres d’entrée et de sortie du personnel ; qu’il s’abstient de communiquer le courrier du médecin du travail sur l’aptitude de la salariée à occuper les trois postes offerts le 6 janvier 2012; que le courrier du 27 décembre 2011 informant la salariée de l’absence de possibilité de reclassement avant de se raviser lors de l’entretien préalable du 6 janvier 2012 et le délai bref de réponse octroyé à la salariée (4 jours), témoignent de sa précipitation et de son absence de loyauté à initier le licenciement dès le 28 décembre 2011 et à le notifier le 12 janvier 2012. Ces éléments permettent de conclure que la société HYGDROGREEN ne justifie pas avoir procédé de manière loyale et sérieuse à son obligation de reclassement de Mme X dont les restrictions médicales concernaient uniquement des postes en interne.

Sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le second moyen lié à l’absence de consultation des délégués du personnel, le licenciement de Mme X est intervenu en méconnaissance des dispositions issues de l’article L.1226-10 du code du travail, de sorte que la décision entreprise sera infirmée sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement en violation de l’article L. 1226-10 du code du travail

Mme X sollicite le versement de la somme de 43 200 euros correspondant à 24 mois de salaires au motif qu’elle a subi une période de plus de 3 ans de chômage avant la liquidation de ses droits à retraite.

Compte tenu de l’effectif de l’entreprise supérieur à 10 salariés, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération ( 1950 euros en moyenne:1800 euros et prime 13e mois), de son âge ( 59 ans) , de son ancienneté (23 ans), il convient d’allouer à Mme X une somme de 30 000 euros à titre d’indemnité par application des dispositions de l’article L.1226-15 sanctionnant précisément le manquement à l’article L.1226-10.

Il convient par ailleurs, après infirmation du jugement entrepris, de condamner la société intimée à régler à Mme X sur le fondement de l’article L. 1226-14, alinéa 1er, la somme de 3 600 euros à titre d’indemnité compensatrice d’un montant égal à celui de l’indemnité compensatrice légale de préavis.

Sur le manquement à l’obligation d’adaptation et de formation

Mme X maintient sa demande de 15 000 euros de dommages-intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation d’adaptation et de formation, dont elle a été déboutée.

Contrairement à ce qui a été retenu par les premiers juges, il n’appartient pas à la salariée de rapporter une demande de formation à l’appui de sa demande de dommages-intérêts alors que l’obligation de veiller au maintien de la capacité du salarié à occuper un emploi relève de l’initiative de l’employeur.

En l’espèce, Mme X, occupant un poste de secrétaire dactylographe en 1988 et promue secrétaire de direction en 1996, présente au sein de l’entreprise durant 23 ans, n’a bénéficié d’aucune formation à l’exception d’une formation de perfectionnement au traitement de texte Word en juin 2000. Les allégations selon lesquelles le Président fournissait à Mme X 'une aide dans l’exercice de ses tâches au quotidien' sont inopérantes et ne permettent pas à l’employeur de s’affranchir de son obligation de formation et d’adaptation. Les supports de cours et notices d’utilisation de logiciels informatiques, à supposer même qu’ils aient été remis à la salariée ce qui n’est pas établi, ne suffisent pas établir que l’employeur a satisfait à son obligation dans l’adaptation de Mme X aux outils informatiques nécessaires à la tenue de son poste. L’employeur ayant manqué à son obligation d’adaptation et de formation prévue par l’article L 6321-1 du code du travail, la cour dispose des éléments d’appréciation permettant d’évaluer le préjudice subi par la salariée à la somme de 10 000 euros. Le jugement critiqué sera infirmé sur ce point.

Sur le rappel de la prime de 13 ème mois

Mme X demande l’infirmation du jugement qui a limité sa demande de rappel de prime de 13e mois à la somme de 793,97 euros en réintégrant les périodes d’arrêt pour accident de travail, et maintient sa demande en paiement de 1 935 euros brut au titre de la période de décembre 2010 à décembre 2011. Elle soutient que l’employeur a réduit sa prime à tort en tenant compte de ses absences durant l’année 2010, alors que le versement de cette prime prévu dans son contrat de travail, n’est pas subordonné au temps de présence effective.

Mme X justifie que dans son contrat de travail , le versement de la prime de 13e mois n’est soumis à aucune condition de la présence effective de la salariée de sorte qu’il n’y a pas lieu pour l’employeur à procéder à des déductions de certaines périodes d’absence pour maladie et accident de travail.

Il s’ensuit que l’employeur a à tort, malgré les protestations de la salariée, procédé à des déductions en fonction des absences de la salariée durant ses arrêts maladie en 2010 et en 2011 à concurrence de

la somme de 1 935 euros brut. Mme X est en conséquence bien fondée à obtenir le paiement de la somme de 1 935 euros au titre du rappel de prime outre 193,50 euros pour les congés payés y afférents, par voie d’infirmation du jugement querellé.

Sur les autres demandes

Les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la date à laquelle l’employeur a accusé réception de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation- pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires. Le jugement sera infirmé en ce qui concerne le point de départ des intérêts.

Il convient d’ordonner à l’employeur de délivrer à Mme X les bulletins de salaire et les documents sociaux rectifiés conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt sans qu’il soit nécessaire de prévoir une astreinte.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Mme X les frais non compris dans les dépens. L’employeur sera condamné à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives de l’article 700 du code de procédure civile

L’employeur qui sera débouté de sa demande d’indemnité de procédure sera condamné aux entiers dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions relatives à l’indemnité spéciale de licenciement, à l’indemnité fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens;

L’INFIRME pour le surplus ;

STATUANT de nouveau des chefs infirmés et Y AJOUTANT :

— DIT que le licenciement de Mme X est intervenu en méconnaissance de l’article L. 1226-10 du code du travail.

— CONDAMNE la SAS HYDROGREEN à payer à Mme X les sommes suivantes :

—  1 935 euros bruts de rappel de la prime de 13e mois,

—  193,50 euros pour les congés payés y afférents,

—  30 000 euros de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L. 1226-15 du code du travail.

—  3 600 euros nets d’indemnité compensatrice équivalente au préavis en application de l’article L. 1226-14 du code du travail.

—  10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de formation,

—  2 000 euros en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

— DIT que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la date à laquelle l’employeur a accusé réception de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation pour les

créances salariales, et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.

— ORDONNE à la société HYDROGREEN de délivrer à Mme X les bulletins de salaires et les documents sociaux rectifiés conformes aux dispositions du présent arrêt et ce au plus tard dans le mois de la notification du présent arrêt.

— DEBOUTE la société HYDROGREEN de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société HYDROGREEN aux dépens de l’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 11 mars 2021, n° 17/06211