CAA de NANTES, 6ème chambre, 2 juillet 2018, 17NT00944, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 6e ch., 2 juill. 2018, n° 17NT00944
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 17NT00944
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Caen, 7 février 2017, N° 1601493
Identifiant Légifrance : CETATEXT000037188846

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :
Mme D… C… a demandé au tribunal administratif de Caen :

1 – d’annuler la décision du 2 mars 2016 par laquelle le président du conseil départemental du Calvados a prononcé son licenciement pour faute grave ainsi que la décision du 24 mai 2016 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux ;

2 – de condamner le département du Calvados à lui verser les sommes de 1 489,63 euros à titre d’indemnité de licenciement, de 4 249,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts à compter du 20 avril 2016, et de 25 497 euros en réparation du préjudice subi suite à son licenciement.

Par un jugement n°1601493 du 8 février 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 mars 2017, le 28 novembre 2017 et le 27 janvier 2018, Mme C…, représentée par Me A…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 8 février 2017 ;

2°) d’annuler la décision du 2 mars 2016 par laquelle le président du conseil départemental du Calvados a prononcé son licenciement pour faute grave ainsi que la décision du 24 mai 2016 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux ;

3°) de condamner le département du Calvados à lui verser les sommes de 1 489,63 euros à titre d’indemnité de licenciement, de 4 249,50 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, de 424,95 euros à titre de congés payés, avec intérêts de droit à compter du 20 avril 2016, et de 25 497 euros en réparation du préjudice subi suite à son licenciement ;

4°) de mettre à la charge du département du Calvados la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— les décisions attaquées ont été prises par une autorité incompétente ;

 – elles sont entachées d’un défaut de motivation ;

 – les droits de la défense ont été méconnus lors de la procédure de licenciement :

* les motifs de la lettre de convocation à l’entretien préalable et les motifs de la lettre de licenciement sont différents ;

* elle n’a pas été en mesure de présenter des observations utiles sur la mesure de licenciement envisagée ;

 – les décisions sont entachées d’une erreur dans la qualification juridique des faits qui prive son licenciement de cause réelle et sérieuse ;

 – elles sont entachées d’une erreur d’appréciation des faits dans la qualification de faute grave ;

 – son licenciement est entaché de détournement de pouvoir ;

 – une indemnité de licenciement doit lui être versée en application des articles L. 423-12 et D. 423-4 du code de l’action sociale et des familles ;

 – elle a droit au versement d’une indemnité de préavis de licenciement sur le fondement de l’article L. 423-11 de ce même code ;

 – la somme de 25 497 euros doit lui être versée à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 juin 2017 et le 16 janvier 2018, le département du Calvados conclut, à titre principal, au rejet de la requête et à titre subsidiaire à ce que les sommes demandées au titre de réparation des préjudices soient réduites.

Il soutient que :

— la requête en appel et les conclusions indemnitaires de Mme C… sont irrecevables ;

 – les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;

 – à titre subsidiaire, les indemnités de licenciement et compensatrice de préavis ainsi que les dommages et intérêts devraient être fixés respectivement à 1 235,46 euros, 2 320,80 euros, avec intérêts à compter du 9 novembre 2016, et 7 000 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’action sociale et des familles ;

 – le code du travail ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Pons,

 – les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C…, assistante familiale agréée depuis le 14 juillet 2012 pour l’accueil permanent d’enfants de 0 à 21 ans, a conclu avec le conseil départemental du Calvados un contrat à durée déterminée, puis un contrat à durée indéterminée du 17 mai 2013 ayant pris effet le 5 avril 2013. Par une décision du 2 mars 2016, suite à un entretien préalable du 25 février 2016, la requérante a été licenciée pour faute grave. Par décision du 24 mai 2016, le président du conseil départemental du Calvados a rejeté le recours gracieux formé par Mme C… à l’encontre de cette décision. Par sa présente requête, Mme C… relève appel du jugement du 8 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l’annulation des décisions du 2 mars et 24 mai 2016 et à la condamnation du conseil départemental du Calvados à l’indemniser pour les préjudices subis.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. En premier lieu, par des arrêtés du 2 avril 2015 et du 15 janvier 2016, régulièrement publiés au recueil des actes administratifs du département et transmis à la préfecture du Calvados, délégations ont été accordées à M. G… F… et à Mme E… B…, signataires des décisions attaquées, à l’effet, notamment, de signer " tous actes et toutes conventions relatifs aux affaires relevant de [leur] compétence ", à l’exception de trois matières dont ne font pas partie les décisions de licenciement d’assistantes familiales. Dès lors, le moyen tiré de l’incompétence des signataires des décisions attaquées manque en fait et doit être écarté.

3. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision de licenciement mentionne les considérations de droit et de fait qui la fondent. Elle fait référence aux dispositions de l’article L. 423-10 du code de l’action sociale et des familles et aux deux refus opposés par l’intéressée à l’accueil d’adolescentes, constitutifs d’une faute grave en raison de la méconnaissance par Mme C… de ses obligations contractuelles. La lettre du 24 mai 2016 rejetant le recours gracieux de la requérante reprend le même motif et précise les éléments de fait fondant la décision de licenciement. La circonstance que la lettre de convocation à l’entretien préalable indique un autre motif de licenciement est sans incidence sur la motivation des décisions attaquées. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation des décisions doit être écarté.

4. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 423-10 du code de l’action sociale et des familles : « L’employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel ou un assistant familial qu’il emploie depuis trois mois au moins convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l’entretien, l’employeur est tenu d’indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié (…) ». Aux termes de l’article L. 1232-2 du code du travail : « L’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation ». Aux termes de l’article L. 1232-6 du même code : « Lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. / Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. (…) ». Aux termes de l’article L. 1232-3 du même code : « Au cours de l’entretien préalable, l’employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié »

5. Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la convocation du 10 février 2016 de Mme C… à un entretien préalable, que celle-ci a été informée qu’une " mesure de licenciement était envisagée à [son] égard « sur le fondement de l’article L. 423-32 du code de l’action sociale et de la famille et qu’elle pouvait consulter préalablement son dossier administratif et se faire assister par un agent du conseil départemental. Les décisions attaquées retiennent néanmoins le motif de licenciement tiré de la faute grave pour manquement aux obligations contractuelles de la requérante, sur le fondement de l’article L. 423-10 du code de l’action sociale et de la famille. Toutefois, ainsi que l’a relevé le tribunal, il est constant que Mme C… a été informée au cours de l’entretien préalable de ce changement de motif de licenciement, ainsi qu’il ressort du procès-verbal de cet entretien signé par l’intéressée, dont la rubrique » Motif de licenciement « est renseignée par la formule : » Motif réel et sérieux : refus d’accueillir des enfants proposés (2) " et qui comporte les explications écrites de Mme C… par lesquelles elle confirme avoir refusé l’accueil de deux enfants et s’interroge sur les raisons pour lesquelles aucune proposition d’accueil d’enfants âgés de dix ans ou moins ne lui a été faite. Dans ces conditions, alors que la lettre de convocation portant entretien préalable n’impose pas à l’employeur de préciser le motif du licenciement, les motifs de la décision envisagée ont été clairement indiqués à Mme C… qui a été mise en mesure de présenter des observations utiles sur la mesure de licenciement dont elle faisait l’objet. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

6. En premier lieu, aux termes de l’article L. 421-2 du code de l’action sociale et des familles : « L’assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s’insère dans un dispositif de protection de l’enfance, un dispositif médico-social ou un service d’accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du présent livre, après avoir été agréé à cet effet (…) ». Aux termes de l’article R. 422-20 du même code, applicable aux assistants maternels et assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public : " Les sanctions disciplinaires susceptibles d’être appliquées aux assistantes et assistants maternels sont : 1° L’avertissement ; 2° Le blâme ; 3° Le licenciement ". En vertu des articles L. 423-10 à L. 423-12 dudit code, rendus applicables aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public par l’article L. 422-1 de ce code, le licenciement des assistants maternels et assistants familiaux peut être prononcé notamment pour faute grave. Il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. En second lieu, aux termes de l’article 1er du contrat de travail conclu entre Mme C… et le conseil départemental du Calvados : « L’assistante familiale s’engage à accueillir les enfants qui lui sont confiés ». L’article 4 de ce contrat de travail prévoit la possibilité de résilier le contrat de l’assistante maternelle « pour faute grave (…) notamment en cas de non-respect du ou des contrats d’accueil signés par l’assistante familiale ».

8. D’une part, il n’est pas contesté que Mme C… a, par deux fois, refusé l’accueil d’adolescentes, alors même qu’elle a reçu un agrément pour accueillir des enfants ou des jeunes de 0 à 21 ans et qu’elle n’en accueillait aucun depuis le 29 août 2015. Dès lors, le président du conseil départemental du Calvados pouvait qualifier de faute grave le fait d’avoir refusé l’accueil de deux enfants et retenir cet élément comme un motif de licenciement de l’intéressée sur le fondement des dispositions précitées du code de l’action sociale et des familles. La circonstance que le refus d’accueillir les enfants proposés ne soit pas explicitement envisagé par le contrat de travail comme constitutif d’une faute ne s’oppose pas à ce que l’employeur le qualifie comme telle, notamment lorsqu’il apparaît que ce refus méconnait le contrat d’accueil signé par l’assistante familiale. Si le procès-verbal de l’entretien préalable fait référence à un « motif réel et sérieux », cette mention n’est pas de nature à remettre en cause le fondement disciplinaire du licenciement contesté, qui ressort clairement, notamment, de la décision rejetant le recours gracieux de la requérante. Par suite, les faits reprochés à Mme C… constituent une faute grave de nature à justifier une sanction et le moyen tiré de l’inexacte qualification de ces faits ne saurait être accueilli.

9. D’autre part, ainsi qu’il a été dit, Mme C… a refusé d’accueillir consécutivement deux adolescentes en janvier et février 2016 alors qu’aucun enfant ne lui était confié et que son contrat de travail stipulait qu’elle s’engageait à accueillir les enfants confiés par l’employeur dans la limite du nombre fixé par l’agrément et dans les conditions prévues par le contrat d’accueil établi pour chaque enfant accueilli. La requérante ne justifie pas utilement ces refus réitérés en faisant valoir que son fils adolescent réside chez elle ou que son refus d’héberger des adolescentes est conforme à la formation délivrée par le conseil départemental aux assistants familiaux. Il ressort en outre des pièces du dossier que le service « Vie professionnelle des assistants familiaux » du conseil départemental qui l’employait a rappelé à Mme C…, le 26 février 2015, lors d’un entretien individuel, que son agrément lui permettait « d’accueillir tout profil d’enfant » et qu’elle pouvait se voir confier des enfants qui ne correspondaient pas à ses souhaits et qu’elle encourrait un licenciement à l’issue de deux refus d’accueillir les enfants présentés. Dans ces conditions, en se fondant sur ces faits et leur caractère répété, quand bien même Mme C… n’aurait jamais fait l’objet de sanctions antérieures, le président du conseil départemental du Calvados a pu licencier l’intéressée pour faute grave sans que sa décision ne soit entachée de disproportion.

10. En faisant valoir que les propositions d’accueil formulées par le département du Calvados n’avaient que pour objet de se voir opposer un refus par la requérante, cette dernière n’établit pas le détournement de pouvoir allégué.

Sur les conclusions indemnitaires :

11. Il résulte de ce qui précède que le président du conseil départemental du Calvados n’a commis aucune faute en prononçant le licenciement pour faute grave de Mme C…. Par suite, les conclusions indemnitaires de la requête doivent être rejetées.

12. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les fins de non recevoir soulevées en défense, que Mme C… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge du conseil départemental du Calvados, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme C… au titre des frais liés au litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de Mme C… la somme de 500 euros au titre des mêmes frais.


DECIDE :


Article 1er : La requête de Mme C… est rejetée.

Article 2 : Mme C… versera au conseil départemental du Calvados la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du conseil départemental du Calvados est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D… C… et au président du conseil départemental du Calvados.

Délibéré après l’audience du 15 juin 2018, à laquelle siégeaient :

— M. Francfort, président de chambre,

 – M. Pons, premier conseiller.

 – M. Bouchardon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2018.

Le rapporteur,

F. PONSLe président,

J. FRANCFORT

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N°17NT00944

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