CAA de NANTES, 1ère chambre, 11 mars 2022, 20NT02345, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 1re ch., 11 mars 2022, n° 20NT02345
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 20NT02345
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 11 juin 2020, N° 1702854
Dispositif : Nonlieu
Identifiant Légifrance : CETATEXT000045340334

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) AMB Habitat a demandé au tribunal administratif de Nantes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période allant du 1er octobre 2011 au 30 avril 2015.

Par un jugement n° 1702854 du 12 juin 2020, le tribunal administratif de Nantes a déchargé la SARL AMB Habitat des seuls rappels de taxe sur la valeur ajoutée concernant la livraison de deux terrains à bâtir situés 62 ter rue de la Vincendière à Carquefou, ainsi que des intérêts de retard correspondants, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2020, la SARL AMB Habitat, représentée par Me Gavet, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement en tant qu’il n’a pas fait droit à la totalité de ses conclusions ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l’État une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge doit s’appliquer aux cessions de terrains à bâtir réalisées par elle car la seule condition posée par l’article 268 du code général des impôts est de ne pas avoir bénéficié de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée sur l’acquisition du terrain objet de la cession ;

 – le jugement attaqué va à l’encontre de la jurisprudence dominante interdisant à l’administration de se prévaloir d’une directive européenne imparfaitement transposée dans le droit français ;

 – la remise en cause du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au cas d’espèce n’est pas conforme au principe de la neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée et entraîne une distorsion de concurrence ;

 – elle se prévaut du paragraphe 20 de l’instruction BOI-TVA-IMM-10-10-10-40, du paragraphe 80 de l’instruction BOI-TVAIMM-10-20-10 et de la réponse ministérielle Raudière du 30 août 2016 (JO AN p. 7769 n° 94061) pour appliquer aux cessions litigieuses le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er février 2021, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement prononcé en cours d’instance, à concurrence de la somme de 22 146 euros, et au rejet du surplus des conclusions de la requête.

Il soutient qu’un dégrèvement de 22 146 euros a été prononcé le 20 janvier 2021 en faveur de la SARL AMB Habitat et que les autres moyens invoqués par la SARL AMB Habitat ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la directive n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

 – la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Picquet,

 – et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de son activité de marchand de biens, la société à responsabilité limitée (SARL) AMB Habitat a procédé à la cession, entre le 9 août 2011 et le 21 avril 2015, de vingt-trois parcelles situées sur le territoire des communes de Mauves-sur-Loire, Thouaré-sur-Loire, Carquefou et Saint-Mars-du-Désert, dont dix-sept terrains à bâtir, résultant de la division de cinq parcelles acquises auprès de particuliers entre le 10 juin 2011 et le 20 octobre 2014, supportant chacune une maison d’habitation et, pour l’une d’entre elles, une dépendance à rénover. A la suite d’une vérification de comptabilité, la SARL AMB Habitat s’est vue notifier une proposition de rectification en date du 25 novembre 2016 portant rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période allant du 1er octobre 2011 au 30 avril 2015 à raison, notamment, de la remise en cause du bénéfice du régime de taxation sur la marge auquel la redevable avait soumis la cession des dix-sept terrains à bâtir mentionnés ci-dessus. La SARL AMB Habitat a présenté des observations le 27 janvier 2016, auxquelles l’administration a partiellement fait droit dans sa réponse du 25 février 2016. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée demeurant à la charge de la société ont été mis en recouvrement par un avis du 18 avril 2016 pour un montant total de 97 674 euros, dont 85 458 euros en droits et 12 216 euros en pénalités. Une réclamation contentieuse présentée le 20 mai 2016 a été rejetée par une décision du 9 février 2017. La SARL AMB Habitat a demandé au tribunal administratif de Nantes la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qu’elle contestait. Par un jugement du 12 juin 2020, le tribunal a déchargé la SARL AMB Habitat des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la remise en cause du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge appliqué à la livraison des deux terrains à bâtir issus de la division cadastrale de la parcelle située 62 ter rue de la Vincendière à Carquefou, ainsi que des intérêts de retard correspondants, et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. La SARL AMB Habitat fait appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté le surplus de sa demande.

Sur l’étendue du litige :

2. Il résulte de l’instruction que, par une décision du 20 janvier 2021, postérieure à l’introduction de la requête, l’administration fiscale a prononcé en faveur de la SARL AMB Habitat un dégrèvement d’un montant de 22 146 correspondant au rappel de taxe concernant l’opération située 3 rue Marie Curie à Carquefou. Les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet. Dès lors, il n’y a plus lieu d’y statuer.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :

3. En premier lieu, le I de l’article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d’immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l’article 266 du même code, l’assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.

4. L’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : « Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n’a pas eu droit à déduction à l’occasion de l’acquisition, la base d’imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d’achat ». L’article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l’article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S’agissant de la livraison d’un terrain à bâtir (…), si l’acquisition par le cédant n’a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d’imposition est constituée par la différence entre : / 1° D’une part, le prix exprimé et les charges qui s’y ajoutent ; / 2° D’autre part, selon le cas : / – soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l’acquisition du terrain (…); / – soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu’il a effectués. ".

5. Il résulte de ces dispositions légales, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d’assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu’elles prévoient s’appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s’appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d’un terrain bâti.

6. Il résulte de l’instruction que les terrains à bâtir cédés par la SARL AMB Habitat correspondant aux rappels de taxe restant en litige faisaient chacun partie, au moment de leur acquisition, d’une seule et même unité foncière supportant une maison d’habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la nature d’immeuble bâti, et non de terrains à bâtir. Le fait que la division de l’unité foncière a été autorisée préalablement à la vente est sans incidence sur la qualification de ces terrains, dès lors que ceux-ci n’ont pas été acquis séparément par la SARL AMB Habitat, et alors même que cette dernière avait obtenu, préalablement aux acquisitions en litige, la délivrance d’un permis d’aménager autorisant la division en lots, qui avait été régulièrement affiché et auquel se référait l’acte de vente, un document d’arpentage prévoyant la division du terrain d’assiette et un arrêté de non-opposition à déclaration préalable autorisant également une telle division en lots.

7. En deuxième lieu, comme il a été dit aux points 4 et 5, les dispositions de l’article 268 du code général des impôts ont pour objet d’assurer la transposition de l’article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et doivent être lues à la lumière des dispositions de cette directive. Ainsi, alors même que l’article 268 du code général des impôts ne reprend pas la condition, mentionnée à l’article 392 de la directive, que les terrains soient « achetés en vue de la revente », la SARL AMB Habitat n’est pas fondée à soutenir que les dispositions de la directive communautaire n’ont pas fait l’objet d’une transposition dans le droit interne et que l’Etat ne pouvait donc pas se prévaloir des dispositions de cette directive.

8. En troisième lieu, le régime de taxation sur la marge a pour finalité de garantir le principe de neutralité fiscale, dans la mesure où ce régime vise à compenser une rémanence de taxe sur la valeur ajoutée non déductible. Toutefois, il ressort de l’article 392 de la directive « TVA » que le régime dérogatoire de la taxation sur la marge s’applique aux seuls terrains à bâtir et, comme il a été dit au point 6, les terrains acquis par la SARL AMB Habitat ne pouvaient pas être regardés comme tels. En tout état de cause, compte tenu de la longueur du cycle de commercialisation des immeubles anciens, la répercussion de la taxe sur la valeur ajoutée supportée en amont par le particulier dans le prix de revient du bien pour l’acheteur-revendeur est théorique et l’effet-prix de cette taxe sur la valeur ajoutée doit être replacé dans le contexte de l’ensemble des facteurs susceptibles d’influer sur les prix du marché de l’immobilier. Par conséquent, le moyen tiré de ce que la remise en cause du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge au cas d’espèce n’est pas conforme au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée doit être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, les opérateurs économiques sont soumis aux mêmes règles et les règles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée diffèrent en fonction de la situation de fait et notamment, en l’espèce, du point de savoir si a été acquis uniquement un terrain bâti ou un terrain bâti ainsi que différents lots nus pouvant être qualifiés de terrains à bâtir. Même si le prix d’achat est le même, les opérations économiques ne sont donc pas identiques et, par conséquent, le moyen tiré de la distorsion de concurrence doit, en tout état de cause, être écarté.

En ce qui concerne l’interprétation administrative de la loi fiscale :

10. La SARL AMB Habitat se prévaut, sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 20 de l’instruction BOI-TVA-IMM-10-10-10-40. Toutefois, cette instruction se borne à préciser le champ d’application de la taxe sur la valeur ajoutée en matière immobilière en définissant la notion de « livraisons d’immeubles réalisées par un assujetti en tant que tel ». En l’espèce, il est constant que la vente des terrains en question entrait bien dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée. Le présent litige ne portant que sur la question de savoir si la vente doit être taxée sur le prix total ou sur la marge, la société n’est pas fondée à se prévaloir de cette instruction.

11. La SARL AMB Habitat se prévaut également, toujours sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du paragraphe 80 de l’instruction BOI-TVA-IMM-10-20-10. Cependant, cette instruction rappelle que l’application du régime de la taxation sur la marge ne s’applique qu’aux terrains à bâtir qui n’avaient pas le caractère d’immeuble bâti au moment de leur acquisition, l’application de ce régime étant conditionnée au fait que l’immeuble ait conservé la même qualification entre l’achat et la revente. Cette instruction ne comporte donc pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il a été fait application dans le présent arrêt.

12. Il en est de même enfin de la réponse ministérielle Raudière du 30 août 2016 (JO AN p. 7769 n° 94061), en tout état de cause postérieure à la période d’imposition en litige, qui indique que « Lorsque la division parcellaire est antérieure à l’acte d’acquisition initial ou qu’un document d’arpentage a été établi pour les besoins de la cession, permettant d’identifier les différentes parcelles dans l’acte, la taxation sur la marge s’applique dès lors qu’aucun changement physique ou de qualification juridique des parcelles cédées n’est intervenu avant la revente. », alors qu’en l’espèce la division parcellaire effective, constatée par une modification du plan cadastral, n’est pas intervenue avant l’acte d’acquisition initial et que, si un document d’arpentage a été produit, l’acte de vente du terrain correspondant ne mentionnait pas les différents lots. Il suit de là que ce moyen doit également être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que la SARL AMB Habitat n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, sa demande relative aux frais liés au litige doit être rejetée.

DECIDE :

Article 1er : Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la SARL AMB Habitat à concurrence de la somme de 22 146 euros.


Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL AMB Habitat est rejeté.


Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée AMB Habitat et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.


Délibéré après l’audience du 10 février 2022, à laquelle siégeaient :

— Mme Perrot, présidente de chambre,

 – M. Brasnu, premier conseiller,

 – Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.


La rapporteure

P. PICQUETLa présidente

I. PERROT

La greffière

P. CHAVEROUX

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 20NT02345

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