Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 22 juin 1994, 93-83.900, Publié au bulletin

  • Faits visés dans l'ordonnance de renvoi ou la citation·
  • Dérivés du sang fabriqués industriellement·
  • Décision statuant sur la compétence·
  • Moyen proposé par la partie civile·
  • Centre de transfusion sanguine·
  • Juridictions correctionnelles·
  • Fraudes et falsifications·
  • Éléments constitutifs·
  • Responsabilité pénale·
  • Délit de tromperie

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

°

En l’absence de pourvoi du ministère public, la partie civile, sur son pourvoi et celui du prévenu, est irrecevable à soulever devant la Cour de Cassation l’incompétence de la juridiction correctionnelle qui, par un même arrêt, a statué sur la compétence et l’action publique, lorsque le prévenu n’invoque pas cette incompétence(1).

Les dispositions du Code de la santé publique applicables à la préparation, la détention et la délivrance de produits sanguins ne font pas obstacle à ce que les dérivés du sang, fabriqués industriellement, entrent dans la catégorie des marchandises visées par les articles 1 et 2 de la loi du 1er août 1905.

Dès lors, ni le respect formel de la réglementation en vigueur ni la tutelle de l’Etat sur un Centre de transfusion sanguine ne sauraient, à cet égard, exonérer les agents de cet établissement de leur responsabilité pénale à raison de leur fait personnel.

Saisie de la prévention de tromperie, une juridiction correctionnelle ne saurait, sans ajouter à cette prévention, retenir une qualification criminelle d’empoisonnement comportant des éléments constitutifs distincts, au regard notamment de l’intention coupable essentiellement différente, et qui serait susceptible de poursuites séparées(2).

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 22 juin 1994, n° 93-83.900, Bull. crim., 1994 N° 248 p. 604
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 93-83900
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 1994 N° 248 p. 604
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 12 juillet 1993
Précédents jurisprudentiels : Confère :
(1°). (1)
(3°). (2)
Chambre criminelle, 03/03/1960, Bulletin criminel 1960, n° 138, p. 286 (rejet)
Chambre criminelle, 12/05/1970, Bulletin criminel 1970, n° 161, p. 377 (cassation partielle)
Chambre criminelle, 17/06/1992, Bulletin criminel 1992, n° 241, p. 660 (cassation).
Chambre criminelle, 19/10/1982, Bulletin criminel 1982, n° 225, p. 612 (cassation)
Chambre criminelle, 22/04/1986, Bulletin criminel 1986, n° 136, p. 346 (cassation), et l'arrêt cité.
Chambre criminelle, 22/11/1983, Bulletin criminel 1983, n° 308, p. 787 (rejet)
Chambre criminelle, 24/02/1967, Bulletin criminel 1967, n° 37, p. 88 (rejet)
Chambre criminelle, 24/06/1980, Bulletin criminel 1980, n° 202, p. 527 (rejet)
Chambre criminelle, 26/04/1972, Bulletin criminel 1972, n° 144, p. 358 (cassation)
Chambre criminelle, 28/06/1983, Bulletin criminel 1983, n° 202, p. 518 (rejet)
A rapprocher :
Chambre criminelle, 03/02/1992, Bulletin criminel 1992, n° 46, p. 112 (cassation).
Chambre criminelle, 27/01/1992, Bulletin criminel 1992, n° 29, p. 68 (cassation partielle)
A comparer :
Chambre criminelle, 17/03/1993, Bulletin criminel 1993, n° 124, p. 314 (cassation), et les arrêts cités.
Textes appliqués :
1° : 3° : 3° :

Code de procédure pénale 469

Code de procédure pénale 593

Code pénal 301

Loi 1905-08-01 art. 1

Nouveau Code pénal 221-5

Dispositif : Irrecevabilité et rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007065935
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Sur les parties

Texte intégral

IRRECEVABILITE et REJET des pourvois formés par :

1° X… Jean-Pierre,

contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 13e chambre, du 3 mai 1993, qui, dans la procédure suivie notamment contre lui pour tromperie, sur ses conclusions contestant la régularité de sa citation et sollicitant un renvoi, a joint l’incident au fond ;

2° X… Jean-Pierre, Y… Michel,

contre l’arrêt de la même cour d’appel, du 25 mai 1993, qui, dans cette procédure suivie notamment contre eux pour tromperie et, en outre, contre le second, pour homicide involontaire, a dit n’y avoir lieu à audition d’un témoin ;

3° X… Jean-Pierre, prévenu, Z… Joëlle, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administrateur légal des biens de son fils mineur Ludovic, A… Jean-Yves, B… Marie-Christine, épouse A…, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administrateur légal des biens de ses enfants mineurs Jean-Christophe et Vincent, C… Renée, épouse D…, agissant tant en son nom personnel qu’aux droits de son fils François D… décédé le 28 janvier 1991, E… Rosita, agissant tant en son nom personnel qu’en sa qualité d’administrateur légal des biens de son fils mineur Frankie E…, F… Edmond-Luc, G… Jean-Pierre, H… Jeannette, I… Bernard, J… Alain, K… Alexandrine, épouse J…, L… Dominique, veuve M…, l’Association française des hémophiles, N… Jonathan, parties civiles,

contre l’arrêt de la même cour d’appel, du 13 juillet 1993 qui, notamment, a relaxé Michel Y… du chef d’homicide involontaire, a condamné :

a) pour tromperie sur la marchandise avec la circonstance que le délit a eu pour conséquence de rendre l’utilisation de celle-ci dangereuse pour la santé de l’homme, Michel Y…, à 4 ans d’emprisonnement et 500 000 francs d’amende, Jean-Pierre X…, à 4 ans d’emprisonnement dont 2 ans assortis du sursis simple, en ordonnant le maintien en détention de Michel Y… et décernant mandat de dépôt contre Jean-Pierre X… ;

b) pour abstention volontaire d’empêcher la commission des délits de tromperie précités, contre l’intégrité corporelle des personnes, Jacques O…, à 3 ans d’emprisonnement assortis du sursis simple, Robert P…, à 1 an d’emprisonnement assorti du sursis simple, et qui a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I. Sur les pourvois formés par Jean-Pierre X… contre l’arrêt du 3 mai 1993 et par le même prévenu et Michel Y… contre l’arrêt du 25 mai 1993 :

Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;

II. Sur le pourvoi de Jean-Yves A… :

Attendu que le pourvoi formé le 13 juillet 1993 au nom de Jean-Yves A…, contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le même jour, l’a été par Marie-Christine B…, épouse A…, sans que celle-ci justifie d’un pouvoir spécial du demandeur, en méconnaissance des prescriptions de l’article 576, alinéa 2, du Code de procédure pénale ; que ce pourvoi est, dès lors, irrecevable ;

III. Sur les pourvois de Renée C…, épouse D…, de Rosita E… et de Jeannette H… :

Attendu qu’aucun moyen n’est produit ;

IV. Sur les pourvois des autres parties civiles et sur le pourvoi de Jean-Pierre X… contre l’arrêt du 13 juillet 1993 :

Vu les mémoires ampliatifs, le mémoire additionnel et le mémoire personnel produits par les demandeurs et les mémoires en défense ;

Attendu que Michel Y… et Jean-Pierre X…, qui ont exercé respectivement les fonctions de directeur général du Centre national de la transfusion sanguine (CNTS) et de responsable du département « recherches et développement » de cet établissement, sont poursuivis pour avoir, entre le 21 mars 1985 et le 1er octobre 1985, trompé les cocontractants en l’espèce tous les hémophiles acquéreurs de produits sanguins dits « concentrés facteur 8 ou facteur 9 de coagulation », fabriqués, importés ou distribués par le CNTS sur l’aptitude à l’emploi, les risques inhérents à l’utilisation du produit, les contrôles effectués ou les précautions à prendre, avec la circonstance que la tromperie a eu pour effet de rendre l’utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l’homme, faits prévus et réprimés par les articles 1 et 2 de la loi du 1er août 1905, devenus les articles L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation ;

Que Jacques O… et Robert P…, qui ont été respectivement directeur général de la santé publique et directeur général du laboratoire national de la santé, sont poursuivis pour s’être, dans les mêmes circonstances de temps, volontairement abstenus d’empêcher, par une action immédiate qui ne présentait pas de risques pour eux ou pour les tiers, la commission de délits contre l’intégrité corporelle des personnes, en l’espèce les délits de tromperie sur les qualités substantielles de produits dont les hémophiles étaient acquéreurs et dont l’utilisation était rendue dangereuse pour leur santé, faits prévus et réprimés par l’article 63, alinéa 1er, du Code pénal ancien, remplacé par l’article 223-6, alinéa 1er, du Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, proposé par Edmond-Luc F…, Jean-Pierre G…, Bernard I…, Alain J…, Alexandrine K…, épouse J…, Dominique L…, veuve M… et l’Association française des hémophiles, et pris de la violation des articles 4 et 301 du Code pénal, 231, 381, 469, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

«  en ce que, statuant sur les faits reprochés aux docteurs Y…, X…, O… et P… qui, entre le 21 mars et le 1er octobre 1985, ont sciemment fait administrer aux hémophiles des facteurs sanguins de coagulation contaminés par le virus du sida, l’arrêt attaqué a écarté la qualification d’empoisonnement et, par voie de conséquence, a rejeté l’exception d’incompétence du tribunal correctionnel soulevée par les parties civiles au profit de la cour d’assises ;

«  aux motifs qu’en application du principe de légalité des délits et des peines, consacré par l’article 4 du Code pénal, la loi répressive est d’interprétation stricte ; qu’il résulte des articles 295 à 304 du Code pénal que l’empoisonnement visé à l’article 301 constitue un meurtre spécial en raison du moyen employé par son auteur ; que ce crime implique, pour être constitué, que soit rapportée la preuve chez son auteur de la volonté de donner la mort ; que, si l’on peut induire l’intention homicide de la connaissance par l’agent du caractère mortifère du produit qu’il administre à autrui, cette induction n’est possible que lorsque les circonstances de la cause le justifient ainsi l’existence par exemple de rapports conflictuels entre l’auteur et la victime, qu’il n’en va pas de même dans la présente espèce où les faits incriminés s’inscrivent dans le cadre d’une relation fabricant de produit thérapeutique-médecin-malade ; qu’en effet, bien que les docteurs Y… et X… aient connu les dangers présentés par l’utilisation des facteurs de coagulation, contaminés par le VIH, cédés par le CNTS, il est constant qu’ils n’avaient pas, à l’égard de quiconque, d’intention homicide ; qu’au surplus l’utilisation de ces fractions coagulantes contaminées pouvait, à titre exceptionnel, être justifiée par l’état de nécessité à défaut de toute autre solution, en cas de péril grave et imminent mettant en danger la vie d’un hémophile ;

«  alors, de première part, que l’élément moral du crime d’empoisonnement réside dans la conscience de l’agent d’administrer ou de faire administrer des substances pouvant entraîner la mort de la victime plus ou moins promptement ; qu’en écartant la qualification de crime d’empoisonnement au seul motif que les docteurs Y… et X… n’avaient eu aucune intention homicide envers les hémophiles contaminés par le virus du sida, la Cour a ajouté à l’infraction un élément constitutif qu’elle ne comporte pas et a violé les textes susvisés ;

«  alors, de seconde part, et en tout état de cause, qu’en écartant l’existence d’une intention homicide chez les docteurs Y… et X… au seul motif qu’il n’existait pas de relations conflictuelles entre ces derniers et les hémophiles tout en constatant, qu’en dépit de cette circonstance, les prévenus avaient, volontairement et sciemment, fait administrer, entre le 21 mars et le 1er octobre 1985, des facteurs sanguins de coagulation contaminés par le virus du sida en toute connaissance de ce que leur utilisation allait entraîner nécessairement la contamination puis la mort d’une partie au moins des hémophiles utilisateurs, éléments caractérisant l’intention homicide, la Cour s’est contredite et n’a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés ci-dessus ;

«  alors, de troisième part, qu’en se fondant sur l’absence de relations conflictuelles entre les prévenus et les victimes pour écarter l’existence de l’élément moral du crime d’empoisonnement, la Cour a confondu l’intention coupable, élément constitutif des délits et des crimes dont la définition est unique pour une même infraction, avec les mobiles de l’agent, variables pour une même infraction, et indifférents quant à la qualification, et violé les textes susvisés ;

«  alors, de quatrième part, qu’aux termes de leurs conclusions les parties civiles faisaient valoir que la juridiction correctionnelle était incompétente pour statuer, non seulement sur les faits reprochés aux docteurs Y… et X…, mais également sur ceux imputés au professeur O… et au docteur P… au motif que leur réunion caractérisait le crime d’empoisonnement ; que dès lors en se contentant d’examiner les faits reprochés à ces derniers au regard de la seule qualification du délit d’omission d’empêcher une infraction, la Cour a omis de répondre au chef péremptoire des conclusions des parties civiles tiré de la qualification de l’infraction en violation de l’article 593 du Code de procédure pénale ;

« alors, qu’enfin, en énonçant que l’utilisation des fractions coagulantes contaminées pouvait, à titre exceptionnel, être justifiée par l’état de nécessité à défaut de toute autre solution, en cas de péril grave et imminent mettant en danger la vie d’un hémophile sans constater précisément et concrètement que tel avait été le cas de chacune des parties civiles, la Cour, qui a statué par un motif d’ordre général et abstrait, n’a pas donné de base légale à sa décision » ;

Sur le second moyen de cassation proposé par les mêmes parties civiles et pris de la violation de l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

«  en ce que, statuant sur les faits reprochés aux docteurs Y…, X…, O… et P… qui, entre le 21 mars et le 1er octobre 1985, ont sciemment permis l’administration aux hémophiles des facteurs sanguins de coagulation contaminés par le virus du sida, l’arrêt attaqué a omis de dire, ainsi qu’il y était invité, que les inculpés avaient violé l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

«  alors qu’aux termes de l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi et la mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ; qu’en omettant de rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si la violation de l’article 2 de ladite Convention était établie, l’Etat et ses agents s’étant abstenus de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des hémophiles, la Cour a omis de statuer et violé les textes susvisés » ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par Marie-Christine B…, épouse A…, pour elle-même et ses enfants mineurs Jean-Christophe et Vincent et pris de la violation des articles 4 du Code pénal, VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 énonçant le principe de la légalité des délits et des peines, 301 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

«  en ce que l’arrêt attaqué, rejetant les conclusions d’incompétence déposées par Marie-Christine A…, a décidé que la juridiction correctionnelle était compétente pour connaître des faits reprochés aux docteurs Y… et X… en déniant qu’ils aient été constitutifs du crime d’empoisonnement ;

« aux motifs que la loi répressive est d’interprétation stricte, » qu’il résulte des articles 295 à 304 du Code pénal que l’empoisonnement visé à l’article 301 constitue un meurtre spécial en raison du moyen employé par son auteur et que ce crime implique pour être constitué « que soit rapportée la preuve chez son auteur de la volonté de donner la mort » ; « que si l’on peut induire l’intention homicide de la connaissance par l’agent du caractère mortifère du produit qu’il administre à autrui, cette induction n’est possible que lorsque les circonstances de la cause le justifient… », qu’il n’en est pas ainsi au cas de l’espèce « ou les faits incriminés s’inscrivent dans le cadre d’une relation fabricant de produit thérapeutique-médecin-malade », « qu’en effet, bien que les docteurs Y… et X… aient connu les dangers présentés par l’utilisation des facteurs de coagulation contaminés par le VIH cédés par le CNTS, il est constant qu’ils n’avaient pas, à l’égard de quiconque, d’intention homicide » ; qu’au surplus l’utilisation de ces fractions coagulantes contaminées « pouvait, à titre exceptionnel, être justifiée par l’état de nécessité à défaut de toute autre solution, en cas de péril grave et imminent mettant en danger la vie d’un hémophile » ;

« alors que, d’une part, en exigeant, pour qu’il y ait crime d’empoisonnement, que soit préalablement édifiée et constatée l’existence de » rapports conflictuels " entre l’agent et sa victime, la Cour a ajouté à la loi une condition qu’elle n’a pas prévue et a violé, par fausse application, l’article 301 du Code pénal ;

« alors que, d’autre part, l’article 301 du Code pénal fait du crime d’emprisonnement un crime spécifique, différent du meurtre, que le crime d’empoisonnement consiste dans l’administration de substances mortifères et est indifférent du résultat, qu’il constitue une infraction de moyen qui relève directement de son élément matériel, que l’intention criminelle induit l’accomplissement de l’action d’administrer une substance dont le prévenu sait qu’elle peut donner la mort, l’intention d’empoisonner n’étant pas strictement liée à l’intention homicide, que la conscience de pouvoir donner la mort suffit à caractériser l’élément intentionnel qui n’exige pas une volonté de tuer, que la Cour ayant constaté que les docteurs Y… et X… » connaissaient les dangers présentés par l’utilisation des facteurs de coagulation contaminés par le VIH cédés par le CNTS " et qu’ils avaient, malgré ce, administré le sang contaminé aux enfants des époux A…, éléments constitutifs du crime d’empoisonnement, elle ne pouvait refuser de faire droit aux conclusions déniant la compétence de la juridiction correctionnelle au profit de celle de la cour d’assises, qu’en violation de l’article 301 du Code pénal ;

« alors qu’enfin, la Cour ne pouvait écarter l’incrimination du crime d’empoisonnement au motif hypothétique que l’utilisation des substances contaminées » pouvait « à titre exceptionnel être justifiée par l’état de nécessité, en cas de péril grave et imminent mettant en danger la vie d’un hémophile, sans constater que tel ait été le cas, en fait, pour les enfants des époux A… » ;

Sur le moyen unique de cassation proposé par Jonathan N… et pris de la violation par non-application des articles 318, 59 et suivants du Code pénal, ensemble violation de l’article 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale :

«  en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a décidé que les faits compris dans la poursuite étaient de la compétence d’une juridiction correctionnelle parce que constitutifs du délit de tromperie prévu par la loi de 1905, avec comme peine encourue, celle de 6 mois à 4 ans d’emprisonnement ;

« alors qu’il ressort des faits compris dans la poursuite et déclarés établis par l’arrêt attaqué, que la qualification pénale desdits faits, était celle de l’infraction prévue et réprimée par l’article 318 du Code pénal, la substance nuisible à la santé et volontairement administrée sans être, par elle-même, de nature à entraîner la mort, ayant entraîné pour la partie civile une incapacité permanente de travail de plus de 20 jours, cependant que la peine encourue en ce cas est la réclusion criminelle à temps de 5 à 10 ans » ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Ludovic et Joëlle Z… et pris de la violation de l’article 301 du Code pénal ;

Sur le second moyen de cassation, proposé par Ludovic Z… et Joëlle Z… et pris de la violation des articles 386 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions ;

Les moyens étant réunis ;

Sur leur recevabilité :

Attendu qu’en l’absence de pourvoi du ministère public, la partie civile, sur son pourvoi et celui du prévenu, est irrecevable à soulever devant la Cour de Cassation l’incompétence de la juridiction correctionnelle qui, par un même arrêt, a statué sur la compétence et l’action publique, lorsque le prévenu n’invoque pas cette incompétence ;

D’où il suit que les moyens sont irrecevables ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Jean-Pierre X… et pris de la violation des articles L. 1, L. 17, L. 18, L. 372, L. 666 et L. 670, L. 673, L. 675 du Code de la santé publique, de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications, 6 et 15 de la Convention européenne des droits de l’homme, 593 du Code de procédure pénale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de tromperie visé par la loi du 1er août 1905 et en répression l’a condamné à 4 ans d’emprisonnement dont 2 ans avec sursis, outre des dommages-intérêts au profit des parties civiles ;

«  aux motifs que par sa participation au processus décisionnel qui a abouti à la poursuite des cessions de produits contaminés, par la poursuite également de ses expérimentations sur les hémophiles de ces mêmes produits et par leur prescription aux hémophiles qu’il suivait, il s’est personnellement rendu coupable des faits qui lui sont reprochés en qualité d’auteur principal ; que connaissant la gravité de la situation et les risques qu’elle faisait courir aux hémophiles et à leurs proches (il estimait avec son épouse D. 687 que 10 à 50 hémophiles étaient contaminés par mois) il n’en a pas informé les membres du bureau de l’AFH le 10 mai 1985 lors de la réunion à laquelle il représentait le CNTS ; que de même le 19 juin 1985 lors de la réunion du CNH au cours de laquelle il a été décidé que durant une période intermédiaire de quelques semaines des produits non chauffés coexisteraient avec des produits chauffés, il n’a donné aucune indication sur l’étendue de la contamination des lots, confortant ainsi la dissimulation dont étaient victimes les membres du bureau de l’AFH assistant à cette réunion ; qu’il a participé aux réunions internes du CNTS au cours desquelles a été prise la décision de poursuivre la cession des produits incriminés ; il est l’un des destinataires de la note « Jacquin du 7 mai 1985 » où il est exposé que la stratégie reposant sur un « basculement à 100 % » à une date donnée suppose que le stock de produits « contaminants » soit distribué dans sa totalité avant de proposer les produits chauffés de substitution ; il est présent le 29 mai 1985 lorsqu’est prise la décision de poursuivre les cessions de produits contaminés sauf interdiction éventuelle par les autorités de tutelle ; qu’en outre, à la date du 20 juin 1985, il poursuivait encore ses expérimentations sur les hémophiles avec des produits non chauffés du CNTS dont il connaissait la dangerosité ; que ces faits sont d’autant plus graves, en ce qui le concerne, qu’il jouissait d’une confiance toute particulière de la part de l’AFH tant en raison de ses titres (docteur ès sciences et médecin), de sa qualité de secrétaire médical de la Fédération mondiale de l’hémophilie, que du fait qu’il représentait souvent le CNTS auprès d’elle et qu’il avait été pendant plusieurs années responsable médical au centre de traitement des jeunes hémophiles de la Queue-en-Yvelines ; que par sa présence effective à ces réunions, par ses silences, dissimulations et réticences à informer les hémophiles qui lui faisaient confiance, il a accrédité auprès d’eux les propres silences, dissimulations et réticences du docteur Y… (arrêt attaqué p. 100 et 101) ;

« 1° alors que les dispositions de la loi du 1er août 1905 qui sanctionnent une infraction aux biens sont inapplicables aux actes relevant de l’exercice de la médecine que cette loi ne vise ni les prescriptions médicales ni davantage les » expérimentations " sur des patients ; d’où il suit qu’en étendant la prévention à de tels actes, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;

« 2° alors qu’aucun des actes auxquels l’arrêt se réfère en les qualifiant abusivement d' » expérimentations " n’est l’oeuvre personnelle du professeur X… ; qu’il s’agit là d’actes collectifs établis et exécutés sous le contrôle des membres les plus éminents de la communauté scientifique et hospitalière ; que l’arrêt attaqué ne comporte aucun motif par lequel il critiquerait l’opinion commune des experts scientifiques ; qu’en reprochant dès lors au prévenu d’y avoir participé sans pour autant avoir relevé à la charge de ce dernier aucun fait par lequel il se serait écarté de l’observation stricte des principes mis en oeuvre par la communauté scientifique, la cour d’appel a entaché son arrêt d’un défaut de motifs et par là même d’une violation des textes visés au moyen ;

« 3° alors que l’essai thérapeutique se distingue de » l’expérimentation " en ce que cette dernière n’a pas pour objet de soigner le patient ; qu’il ne résulte d’aucune constatation de l’arrêt que le demandeur se serait livré à des « expérimentations » ; qu’au contraire, il résulte des constatations des juges du fond que le docteur X…, d’ailleurs associé à un groupe de professionnels de renom, a entrepris des essais thérapeutiques en vue de déterminer, parmi les dérivés sanguins disponibles, celui qui donnerait les meilleurs résultats, étant précisé que de tels essais ont été préalablement définis de manière à donner aux malades une chance d’amélioration et jamais de créer un risque d’aggravation ; d’où il suit que la cour d’appel n’a pu conférer à son arrêt une base légale au regard des textes visés au moyen ;

«  4° alors que les prescriptions du docteur X… à l’égard des malades qu’il suivait personnellement étaient fondées sur la distinction entre les patients présentant déjà une déficience immunitaire et ceux qui ne présentaient pas une telle déficience ; qu’il ne résulte d’aucune constatation de l’arrêt que les prescriptions de ce médecin aient entraîné chez aucun malade une séroconversion, pas plus d’ailleurs qu’une aggravation de l’état d’immuno-déficience contractée auparavant ; qu’en reprochant dès lors au praticien de tels actes médicaux par voie d’affirmation générale et lapidaire, la cour d’appel a derechef violé les textes visés au moyen » ;

Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Jean-Pierre X… et pris de la violation des articles L. 1, L. 17, L. 18, L. 666 à 670, L. 673, L. 675 du Code de la santé publique, de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications, du décret n° 54-65 du 16 janvier 1954, des articles 6 et 15 de la Convention européenne des droits de l’homme, 593 du Code de procédure pénale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de tromperie visé par la loi du 1er août 1905 et en répression l’a condamné à 4 ans d’emprisonnement dont 2 ans avec sursis, outre des dommages-intérêts au profit des parties civiles ;

«  aux motifs que par sa participation au processus décisionnel qui a abouti à la poursuite des cessions de produits contaminés, par la poursuite également de ses expérimentations sur les hémophiles de ces mêmes produits et par leur prescription aux hémophiles qu’il suivait, il s’est personnellement rendu coupable des faits qui lui sont reprochés en qualité d’auteur principal ; que connaissant la gravité de la situation et les risques qu’elle faisait courir aux hémophiles et à leurs proches (il estimait avec son épouse D. 687 que 10 à 50 hémophiles étaient contaminés par mois) il n’en a pas informé les membres du bureau de l’AFH le 10 mai 1985 lors de la réunion à laquelle il représentait le CNTS ; que de même le 19 juin 1985 lors de la réunion du CNH au cours de laquelle il a été décidé que durant une période intermédiaire de quelques semaines des produits non chauffés coexisteraient avec des produits chauffés, il n’a donné aucune indication sur l’étendue de la contamination des lots, confortant ainsi la dissimulation dont étaient victimes les membres du bureau de l’AFH assistant à cette réunion ; qu’il a participé aux réunions internes du CNTS au cours desquelles a été prise la décision de poursuivre la cession des produits incriminés ; il est l’un des destinataires de la note « Jacquin du 7 mai 1985 » où il est exposé que la stratégie reposant sur un « basculement à 100 % » à une date donnée suppose que le stock de produits « contaminants » soit distribué dans sa totalité avant de proposer les produits chauffés de substitution ; il est présent le 29 mai 1985 lorsqu’est prise la décision de poursuivre les cessions de produits contaminés sauf interdiction éventuelle par les autorités de tutelle ; qu’en outre, à la date du 20 juin 1985, il poursuivait encore ses expérimentations sur les hémophiles avec des produits non chauffés du CNTS dont il connaissait la dangerosité ; que ces faits sont d’autant plus graves, en ce qui le concerne, qu’il jouissait d’une confiance toute particulière de la part de l’AFH tant en raison de ses titres (docteur ès sciences et médecin), de sa qualité de secrétaire médical de la Fédération mondiale de l’hémophilie, que du fait qu’il représentait souvent le CNTS auprès d’elle et qu’il avait été pendant plusieurs années responsable médical au centre de traitement des jeunes hémophiles de la Queue-en-Yvelines ; que par sa présence effective à ces réunions, par ses silences, dissimulations et réticences à informer les hémophiles qui lui faisaient confiance, il a accrédité auprès d’eux les propres silences, dissimulations et réticences du docteur Y… (arrêt attaqué p. 100 et 101) ;

« 1° alors qu’en vertu du décret n° 54-65 du 16 janvier 1954, applicable à l’époque des faits, les établissements de transfusion sanguine étaient placés sous contrôle de l’Etat, dirigés par un » directeur « assisté d’un » comité consultatif » ; que chacun de ces organes devait être agréé par le ministre ; que l’arrêt constate que le docteur X… se trouvait dans une « situation de subordination » (arrêt p. 101, alinéa 3) vis-à-vis du directeur de l’établissement ; qu’en déclarant que le prévenu avait « participé au processus décisionnel » au prétexte qu’il aurait été « présent » à certaines réunions et « destinataire » d’une note émanant de la direction, la cour d’appel, qui ne relève pas que le prévenu fût investi d’une quelconque compétence définie réglementairement, a par là même entaché son arrêt d’une violation des textes visés au moyen ;

«  2° alors que la cour d’appel constate par ailleurs que le docteur X… avait protesté tant par écrit qu’oralement contre la décision prise par le directeur du CNTS de différer l’importation des techniques de chauffage et de refuser l’importation de produits chauffés destinés aux hémophiles, et par là même de poursuivre la délivrance de produits non chauffés ; d’où il suit qu’en imputant au docteur X… une adhésion, fût-elle passive, à la stratégie de l’établissement, la cour d’appel a derechef entaché son arrêt d’une contradiction de motifs ;

«  3° alors que l’arrêt attaqué ne justifie pas de ce que le docteur X… ait été jamais investi d’une fonction soit de conseil soit de représentation du CNTS auprès de l’Association française d’hémophilie ; que dès lors, en reprochant au docteur X… d’avoir manqué à l’obligation d’informer ou de conseiller cette institution, la cour d’appel n’a pu légalement justifier sa décision ;

« 4° alors que le délit de tromperie est exclu dès lors que le » contractant « est informé des » risques inhérents à l’utilisation du produit » ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt attaqué que, dès avant la période de la prévention, les hémophiles connaissaient les risques de contamination inhérents à l’utilisation des produits préparés par le CNTS ; qu’ils n’avaient dès lors à connaître ni le nombre de lots contaminés ni davantage leur taux d’infectivité ; qu’en effet, ces informations ne pouvaient éliminer le risque encouru lors de l’utilisation du produit infectant ; d’où il suit qu’en reprochant au demandeur de ne pas avoir diffusé de telles informations manifestement inutiles pour la prévention du risque individuel, la cour d’appel a violé par fausse application les textes visés au moyen ;

« 5° alors qu’il résulte du procès-verbal de l’Association française de l’hémophilie du 10 mai 1985 que cette association avait réclamé que des mesures soient prises » sans attendre « pour que » des produits à contamination virale atténuée soient immédiatement disponibles, ce qui peut impliquer des importations, pour assurer le traitement d’hémophiles dépourvus d’anticorps, anti-LAV… » ; qu’en outre, il avait été demandé qu’un dépistage soit mis en oeuvre de façon qu’il soit « rigoureusement établi » que les donneurs « sont dépourvus d’anticorps anti-LAV » ; qu’en déclarant dès lors que l’AFH n’était pas informée de la gravité du risque, la cour d’appel a amputé les documents auxquels elle s’est référée d’une partie substantielle de son contenu et a, par là même, entaché son arrêt d’une contradiction de motifs ainsi que d’une violation des textes visés au moyen » ;

Sur le troisième moyen de cassation proposé par Jean-Pierre X… et pris de la violation des articles L. 1, L. 17, L. 18, L. 666 à L. 670, L. 673, L. 675 du Code de la santé publique, de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications, des articles 6 et 15 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de tromperie visé par la loi du 1er août 1905 et en répression l’a condamné à 4 ans d’emprisonnement dont 2 ans avec sursis, outre des dommages-intérêts au profit des parties civiles ;

«  aux motifs que les dispositions du Code de la santé publique ne sont en rien exclusives de l’application des articles 1 et 2 de la loi de 1905 en cas de tromperie ; que cette loi s’applique à tous les biens corporels, et notamment aux dérivés du sang ;

« 1° alors qu’aux termes de l’article L. 675 du Code de la santé publique, les dispositions répressives de la loi du 1er août 1905 ne sont applicables, en matière de dérivés sanguins, que si ce produit a été préparé ou délivré » en infraction aux dispositions des articles L. 666 et L. 670 dudit Code de la santé publique » ; que l’arrêt attaqué ne relève à la charge du prévenu aucune infraction à ces dispositions sanitaires lesquelles ne visent pas le délit de « tromperie » ; d’où il suit que les condamnations prononcées par l’arrêt attaqué procèdent de la violation des textes visés au moyen ;

«  2° alors que le délit de tromperie est exclu dès lors que l’effet déceptif du produit résulte exclusivement de la réglementation en vigueur, que l’arrêt attaqué constate que le produit litigieux préparé par un établissement placé sous le contrôle de l’Etat était strictement conforme à la réglementation en vigueur et que celle-ci n’autorisait la délivrance d’aucun autre produit similaire ; d’où il suit qu’en déclarant le demandeur coupable du délit de tromperie sur un tel produit réglementaire, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen » ;

Les moyens étant réunis ;

Sur la première branche du premier moyen et le troisième moyen :

Attendu que, pour écarter l’argumentation du prévenu qui soutenait que la loi du 1er août 1905 à laquelle l’article L. 675 du Code de la santé publique ne se réfère que lorsque la préparation, la détention ou la délivrance des produits sanguins ont lieu en infraction aux dispositions des articles L. 666 à L. 670 de ce Code, en leur rédaction en vigueur à l’époque des faits serait inapplicable aux dérivés sanguins distribués et administrés conformément à la réglementation, les juges d’appel retiennent, d’une part, que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les dérivés sanguins fabriqués industriellement, tant par le CNTS que par d’autres producteurs français ou étrangers, entrent dans la catégorie des marchandises visées par les articles 1 et 2 de la loi de 1905, d’autre part, qu’il n’importe qu’il n’ait pas existé de relation directe entre le prévenu et certains hémophiles ;

Attendu qu’en cet état, et dès lors que ni le respect formel de la réglementation en vigueur ni la tutelle de l’Etat sur le CNTS ne sauraient exonérer les agents de cet établissement, au cas de tromperie, de leur responsabilité pénale à raison de leur fait personnel, la cour d’appel n’encourt pas les griefs allégués ;

Sur le premier moyen en ses autres branches et sur le deuxième moyen :

Attendu que, pour déclarer Jean-Pierre X… coupable de l’infraction reprochée, la juridiction du second degré retient qu’à partir de 1983 les responsables du CNTS, dont l’activité consistait notamment à mettre à la disposition des hémophiles les produits sanguins précités, ont eu la révélation progressive que l’utilisation de tels dérivés sanguins, non chauffés, provoquait la contamination des hémophiles par le virus de l’immuno-déficience humaine (VIH), agent causal du Sida ; que, dès avant le 21 mars 1985, le docteur Y…, directeur général de cet établissement, et le docteur X…, hématologue responsable de son département « recherches et développement », étaient informés de la contamination massive des lots commercialisés ; que cependant le docteur Y… a alors manqué à son obligation de tout mettre en oeuvre, d’une part, pour faire cesser immédiatement l’usage de ces produits en informant par tous moyens les hémophiles et les prescripteurs du « danger mortel véhiculé par ces produits », d’autre part, pour faire cesser sans délai leur distribution « quitte à leur substituer des produits inactivés d’origine étrangère disponibles sur le marché ou d’origine française » ; qu’il a, au contraire, par souci d’épuiser les stocks, accepté le risque couru par les hémophiles en fonction de considérations économiques étrangères à la santé de ceux-ci ; que les juges ajoutent que le docteur X… s’est abstenu d’informer les membres du bureau de l’Association française des hémophiles (AFH) le 10 mai 1985, lors d’une réunion à laquelle il représentait le CNTS ; que, de même, le 19 juin 1985, lors de la réunion du Comité national de l’hémophilie au cours de laquelle il a été décidé que, durant une période intermédiaire de quelques semaines, des produits non chauffés coexisteraient avec des produits chauffés, il n’a donné aucune indication sur l’étendue de la contamination des lots, confortant ainsi la dissimulation dont étaient victimes les membres présents du bureau de l’AFH ; qu’il a participé aux réunions internes du CNTS au cours desquelles a été prise la décision de poursuivre la cession des produits contaminés, sauf interdiction éventuelle des autorités de tutelle ; que le 20 juin 1985 « il poursuivait encore ses expérimentations sur les hémophiles avec des produits non chauffés du CNTS dont il connaissait la dangerosité » ; qu’ainsi « il a accrédité » auprès des hémophiles « les propres silences, dissimulations et réticences du docteur Y… » et que « par sa participation au processus décisionnel ayant abouti à la poursuite des cessions de produits contaminés, par la poursuite également de ses expérimentations de ces mêmes produits et par leur prescription aux hémophiles qu’il suivait, il s’est personnellement rendu coupable des faits qui lui sont reprochés en qualité d’auteur principal » ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, exempts d’insuffisance ou de contradictions, qui procèdent de l’appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, ainsi que de la valeur et de la portée des éléments de preuve contradictoirement débattus, les juges du fond, qui n’avaient pas à répondre mieux qu’ils ne l’ont fait aux conclusions dont ils étaient saisis, ont caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, à l’encontre de Jean-Pierre X…, à raison de son fait personnel, le délit reproché ;

D’où il suit que les moyens ne sont pas fondés ;

Sur le quatrième moyen de cassation proposé par Jean-Pierre X… et pris de la violation des articles 13 de la loi des 16-24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III, de la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et falsifications, de l’article 1382 du Code civil, des articles 6 et 15 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale :

«  en ce que l’arrêt attaqué a condamné le demandeur in solidum au paiement des indemnités allouées aux parties civiles ;

«  aux motifs que chacune des parties civiles a subi un préjudice moral résultant de l’atteinte à l’intégrité de son consentement ; qu’il importe peu qu’avant l’acquisition du produit, l’acquéreur ait été contaminé et même qu’il en ait eu connaissance ; qu’il n’y a pas lieu de rechercher s’il y a eu séroconversion ou surcontamination (arrêt p. 125) ;

«  1° alors que la partie civile ne peut poursuivre la réparation d’un dommage que pour autant que ce dernier découle directement des faits, objet de la poursuite ; que le délit de tromperie suppose, pour revêtir un caractère préjudiciable, notamment quant à « l’intégrité du consentement », que le produit délivré était déceptif ; que la cour d’appel s’est refusé à rechercher si le produit litigieux avait été agréé par l’acheteur et s’il était susceptible d’exercer sur ce dernier un effet aggravant de son état au moment de l’acquisition, et a par là même entaché son arrêt d’une violation des textes visés au moyen ;

«  2° alors que la cour d’appel n’a pu sans se contredire affirmer tout à la fois qu’il n’y avait pas lieu de rechercher s’il y a eu contamination, séroconversion ou surcontamination et que les malades hémophiles auraient été exposés à un risque mortel ; qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a violé l’article 593 du Code de procédure pénale ;

«  3° alors que, et à titre très subsidiaire, l’agent d’un service public n’est personnellement responsable des conséquences dommageables de l’acte délictueux que si celui-ci constitue une faute détachable des fonctions ; qu’il résulte des constatations de l’arrêt attaqué que le docteur X… aurait agi dans le cadre du CNTS, lui-même dépendant de l’Etat lors de la perpétration du fait délictueux, lequel n’est pas détachable du service public ; d’où il suit que la réparation des conséquences dommageables du délit ne peut être mise à la charge du prévenu ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen » ;

Attendu que, pour condamner Jean-Pierre X… au paiement d’indemnités envers un certain nombre de parties civiles, les juges d’appel retiennent notamment que, l’infraction établie à son encontre « étant constituée indépendamment de la contamination », il n’y a pas lieu « de rechercher s’il y a eu séroconversion ou surcontamination » ; qu’il n’importe qu’avant même l’acquisition, « l’acquéreur ait été contaminé et même qu’il en ait eu connaissance » ; que le préjudice découle de l’atteinte à l’intégrité du consentement de l’acquéreur, auquel il appartenait seul, même s’il était déjà contaminé, de décider s’il devait s’exposer au risque inhérent à l’utilisation des produits incriminés ;

Attendu qu’en cet état, et dès lors que la tutelle exercée par l’Etat sur un établissement de droit privé, même si celui-ci assume une mission de service public, n’est pas, par elle-même, de nature à exclure la compétence de la juridiction de l’ordre judiciaire pour statuer sur l’action en indemnisation dirigée contre un agent dudit établissement reconnu coupable d’une infraction, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le moyen relevé d’office, pris de la violation des articles 301 du Code pénal ancien et 221-5 du Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994 et de l’article 469 du Code de procédure pénale ;

Attendu qu’il ne peut être fait grief aux juges correctionnels des motifs surabondants par lesquels ils se sont reconnus compétents ; qu’étant saisis de la prévention de tromperie dont ils ont à bon droit déclaré Jean-Pierre X… coupable, ils ne pouvaient, sans ajouter à cette prévention, retenir une qualification criminelle d’empoisonnement comportant des éléments constitutifs distincts, au regard notamment de l’intention coupable essentiellement différente, et qui serait susceptible de poursuites séparées ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu d’ordonner la réouverture des débats demandée en cours de délibéré :

I. Sur le pourvoi de Jean-Pierre X… contre l’arrêt du 3 mai 1993 et sur les pourvois de Michel Y… et de Jean-Pierre X… contre l’arrêt du 25 mai 1993 :

Les REJETTE ;

II. Sur le pourvoi de Jean-Yves A… contre l’arrêt du 13 juillet 1993 :

Le DECLARE IRRECEVABLE ;

III. Sur les pourvois des autres parties civiles et sur celui de Jean-Pierre X… contre l’arrêt du 13 juillet 1993 :

Les REJETTE.

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 22 juin 1994, 93-83.900, Publié au bulletin