Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mars 2017, 15-82.305, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 28 mars 2017, n° 15-82.305
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 15-82.305
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Caen, 17 mars 2015
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 19 avril 2022
Identifiant Légifrance : JURITEXT000034337820
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2017:CR00499
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Sur les parties

Texte intégral

N° X 15-82.305 F-D

N° 499

ND

28 MARS 2017

REJET

M. GUÉRIN président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— 

La société Tissot industrie,

contre l’arrêt de la cour d’appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 18 mars 2015, qui, pour homicide involontaire et infractions à la réglementation sur la santé et la sécurité des travailleurs, l’a condamnée à 30 000 euros d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 7 février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DURIN-KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, de la société civile professionnelle RICHARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général LEMOINE ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du procès-verbal de l’autorité de sûreté nucléaire, en date du 17 novembre 2011, que [C] [I] avait été mis à la disposition de la société Normétal, par la société de travail intérimaire Sasic intérim, sur le site de construction du réacteur nucléaire de type EPR, à Flamanville ; qu’il réalisait, le 24 janvier 2011, au sein du bâtiment destiné à recevoir la cuve contenant le coeur du réacteur et constitué d’un cylindre de 47 mètres de diamètre, une opération de soudage en position allongée sur une plate-forme, lorsque la manoeuvre d’une grue positionnée au centre de l’enceinte et transportant une charge de 850 kilogrammes, a heurté cette plate-forme de travail, provoquant son décrochage et entraînant la chute mortelle d’une quinzaine de mètres de hauteur de [C] [I] ;

Attendu que l’enquête menée par l’autorité de sûreté nucléaire a permis de déterminer qu’aux côtés de la société EDF, maître de l’ouvrage et maître d’oeuvre et l’APAVE, coordinateur du chantier, la réalisation des travaux de génie civil avait été confiée à un groupement momentané d’entreprises composé des sociétés Quille, Baudin Chateauneuf et Bouygues travaux publics, cette dernière étant mandataire du groupement ; que la grue en cause était manoeuvrée en cabine par M. [M] [C], intérimaire mis à la disposition de la société Quille ; que la société Tissot industrie, propriétaire de la plate-forme sur laquelle travaillait la victime, était également sous- traitante de la société Quille pour le montage d’un liner constituant l’enveloppe intérieure du futur bâtiment, pour la fixation duquel travaillait [C] [I] ;

Attendu que les investigations sur les circonstances de l’accident ont montré que la grue a fait l’objet d’une manoeuvre d’accélération de la levée de charge par M. [C], dont le manque de réaction aux demandes répétées du chef de manoeuvre apparaissait lié aux effets d’une consommation récente de stupéfiants et cette manoeuvre provoquant un choc avec la plate-forme dont le système de verrouillage des crochets n’était pas en place ;

Attendu que la société Normetal, la société Tissot industrie, la société Bouygues travaux publics ont été poursuivies devant le tribunal correctionnel pour homicide involontaire et infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs, et M. [M] [C], grutier, pour homicide involontaire ;

Attendu qu’après avoir relaxé la société Normétal, les juges du premier degré ont déclaré coupables la société Bouygues et M. [C] pour homicide involontaire et la société Tissot industrie, pour homicide involontaire par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence, mise à disposition d’équipements de travaux en hauteur ne préservant pas la sécurité du travailleur et réalisation de travaux sans remise du plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs ; qu’ils ont déclaré la société Bouygues travaux publics, la société Tissot industrie et M. [C] solidairement responsables du préjudice subi par les parties civiles et ont prononcé sur les différents chefs de préjudice ; que les sociétés Bouygues, Tissot industrie et le ministère public ont relevé appel de cette décision ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article 121-2 du code pénal, et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré la société Tissot industrie coupable des délits d’homicide involontaire par imprudence, d’absence de mise en place d’équipements garantissant la sécurité des travailleurs contre les risques de chute lors de la réalisation de travaux temporaires en hauteur, et d’omission de remise d’un plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs ;

« aux motifs qu’il résulte des dispositions de l’article 121-2 du code pénal que les personnes morales, à l’exclusion de l’État, sont responsables pénalement des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; que la reconnaissance de la responsabilité pénale d’une personne morale est soumise à la reconnaissance préalable d’une infraction pénale commise par une personne physique identifiée, agissant pour son compte, en qualité d’organe ou de représentant de celle-ci, auteur du comportement fautif en cause ; qu’ont la qualité de représentants au sens de l’article 121-2 du code pénal les personnes pourvues de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires en raison d’une délégation de pouvoir de la part des organes de la personne morale ou d’une subdélégation des pouvoirs d’une personne déléguée par ces mêmes organes ; que s’agissant de la société Tissot industrie, il n’est pas contesté que, comme il est dit au procès-verbal de l’ASN (p. 40/44) les conditions ci-dessus énoncées sont réunies en la personne de M. [I] [W], en sa qualité de directeur des opérations ; que s’agissant de la société Bouygues travaux publics, il sera retenu, conformément à l’analyse qu’a pu en faire l’ASN (p. 38/44 du procès-verbal) que les conditions ci-dessus énoncées sont réunies en la personne de M. [V] [O], directeur de projet pour le groupement Bouygues, disposant seul de l’autorité sur l’ensemble des auteurs concernés, des moyens et de la compétence pour faire appliquer les dispositions réglementaires relatives à la sécurité sur le chantier ; que c’est ainsi que les infractions concernées étant imputables à ces représentants des sociétés prévenues agissant pour le compte de celles-ci, la société Tissot industrie sera déclarée coupable :

— des délits d’omission de mise en oeuvre, lors de la réalisation de travaux temporaires en hauteur, d’équipements garantissant la sécurité des travailleurs contre les risques de chute, et de remise d’un PPSPS satisfaisant complètement aux exigences de l’article L. 4744-5 du code du travail, le jugement entrepris devant être confirmé de ces chefs,

— du délit d’homicide involontaire par imprudence, inattention ou négligence, le jugement entrepris devant être infirmé de ce chef ;

« alors que les personnes morales ne peuvent être déclarées responsables que s’il est établi qu’une infraction a été commise pour leur compte par leurs organes ou représentants ; qu’à cet égard, les juges sont tenus d’identifier les faits personnellement imputables à cet organe ou à ce représentant ; qu’en se bornant en l’espèce à identifier le représentant de la société Tissot industrie en la personne de M. [I] [W] et à affirmer que l’ensemble des infractions commises par la société lui était également imputables, sans s’assurer que ce représentant était l’auteur des faits à l’origine des infractions poursuivies, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés, et notamment de l’article 121-2 du code pénal" ;

Attendu que, pour retenir la société Tissot industrie dans les liens de la prévention, l’arrêt énonce qu’ont la qualité de représentants au sens de l’article 121-2 du code pénal les personnes pourvues de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires en raison d’une délégation de pouvoirs de la part des organes de la personne morale ou d’une subdélégation des pouvoirs d’une personne déléguée par ces mêmes organes ; que les juges retiennent qu’il n’est pas contesté, comme il est dit au procès-verbal de l’autorité de sûreté nucléaire, que les conditions ci-dessus énoncées sont réunies en la personne de M. [I] [W], en sa qualité de directeur des opérations ; qu’ils ajoutent que les infractions concernées sont imputables au représentant de la société prévenue agissant pour son compte ;

Attendu qu’en prononçant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision dès lors que, ayant identifié le représentant légal de la personne morale en la personne de M. [W], en ce que celui-ci était directeur des opérations, et le fait que les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des personnes intervenant sur la plate-forme lui incombaient à ce titre, son abstention fautive d’y avoir procédé ne pouvait être imputée qu’à lui seul ;

Que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 221-6 du code pénal, de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, des articles préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a requalifié les faits poursuivis en homicide involontaire par imprudence et a déclaré la société Tissot industrie coupable de cette infraction ;

« aux motifs que, pour déclarer la société Tissot industrie coupable de ce chef de prévention, les premiers juges ont retenu qu’en ne respectant pas les règles du code du travail, soit en l’espèce en fournissant une plate-forme ne permettant pas d’assurer la sécurité en raison de l’absence de dispositif anti-soulèvement et en ayant remis un PPSPS dont l’insuffisance l’assimilait à son inexistence, ainsi qu’en ayant commis des fautes de négligence, elle avait participé à la mort accidentelle de [C] [I], l’affirmation de l’existence de ces fautes de négligence devant être comprise comme la constatation, conformément aux dispositions de l’article 121 alinéa 3 du code pénal, qu’elle n’avait pas accompli les diligences normales, compte tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont elle disposait ; que contrairement à ce que soutient la société Tissot industrie, il ne peut qu’être raisonnablement constaté que dans la configuration dans laquelle étaient mises en oeuvre les plates-formes, qui étaient suspendues en encorbellement dans un environnement où elles étaient nécessairement susceptibles de supporter accidentellement un effort de levage, de nature à entraîner leur décrochage, il n’existait pas d’autre choix que de les munir d’un système d’accrochage non susceptible de devenir alors inopérant, ou de veiller à ce que le risque de soulèvement, et par suite de décrochage, soit éliminé par la suppression de toute occurrence de soulèvement accidentel ; qu’en l’espèce, l’absence de mise en place de l’étrier anti-soulèvement était de nature à éliminer toute résistance de la plate-forme à un effort de levage, autre que son propre poids, l’exposant ainsi nécessairement, en cas de soulèvement accidentel mais normalement prévisible, à un décrochage et à une chute d’autant plus inéluctable que l’absence des galets de guidage ne permettait pas de l’empêcher par l’effet d’un arc-boutement, certes non concevable en lui-même comme constituant un dispositif de sécurité, mais dont il n’est pas non plus contesté que sa survenance aurait été de nature à empêcher la chute de la plate-forme ; et qu’il doit être rappelé que la norme NF P 93-351, que la société Tissot industrie vante comme étant seule applicable auxdites plates-formes, prévoit spécialement en son paragraphe 5.1.4 que le dispositif de verrouillage-déverrouillage automatique devait s’opposer à tout soulèvement intempestif de la plate-forme en appui sur les supports et que le déverrouillage ne pouvait intervenir que lors de l’opération de manutention ; que si la dite norme ne peut recevoir la qualification de loi ou de règlement au sens des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, il n’en demeure pas moins qu’en ayant fourni et en tout cas mis en oeuvre les plates-formes dépourvues de tout système de verrouillage conforme à la norme dont elle se prévaut, la société Tissot industrie, qui avait par ailleurs connaissance de l’existence du risque, antérieurement avéré, de collision encouru par ses plates-formes lors des opérations de levage opérées au sein du bâtiment HR, a commis des fautes d’imprudence ou de négligence qui ont concouru à la réalisation de l’accident, de nature à engager sa responsabilité du chef d’homicide volontaire par maladresse, inattention, imprudence ou négligence, l’éventualité de la disqualification correspondante ayant été présente dans le débat tenu devant la cour comme découlant de la contestation des déclarations de culpabilité prononcées aux termes de la décision entreprise ;

« alors que, s’il appartient aux juges de restituer aux faits leur exacte qualification, c’est à la condition que le prévenu ait été en mesure de se défendre sur la nouvelle qualification envisagée ; qu’en l’espèce, l’arrêt attaqué a procédé d’office à la requalification des faits poursuivis du chef d’homicide involontaire par violation délibérée d’une obligation particulière de vigilance en homicide involontaire par imprudence, substituant ainsi l’article 221-6 alinéa 1er à l’article 221-6 alinéa 2 du code pénal pour texte d’incrimination ; qu’il ne résulte ni des mentions de l’arrêt ni des pièces de la procédure que la société Tissot industrie ait été invitée à se défendre sur cette nouvelle qualification ; qu’en affirmant le contraire, au prétexte que l’éventualité de cette requalification découlait de la seule contestation du jugement entrepris, qui ne s’était pourtant pas prononcé sur cette qualification, les juges du fond ont violé les textes susvisés, et notamment l’article 388 du code de procédure pénale, ensemble l’article préliminaire du même code et l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme" ;

Attendu qu’après avoir relevé à l’encontre de la société Tissot industrie l’absence de mise en place d’étrier anti-soulèvement sur les plates-formes en cause, l’arrêt énonce qu’il n’est pas contesté que ce dispositif de sécurité aurait été de nature à empêcher la chute de la plate-forme ; que les juges ajoutent que la méconnaissance d’un tel dispositif ne peut recevoir la qualification de manquement à une disposition législative ou réglementaire au sens des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, mais qu’il n’en demeure pas moins qu’en ayant fourni et en tout cas mis en oeuvre les plates-formes en cause, dépourvues de tout système de verrouillage conforme à la norme dont elle se prévaut, la société Tissot industrie, qui avait, par ailleurs, connaissance de l’existence du risque, antérieurement avéré, de collision encouru par ses plates-formes lors des opérations de levage opérées au sein du bâtiment en cause, a commis des fautes d’imprudence ou de négligence qui ont concouru à la réalisation de l’accident, de nature à engager sa responsabilité du chef d’homicide volontaire par maladresse, inattention, imprudence ou négligence, l’éventualité de la disqualification correspondante ayant été présente dans le débat tenu devant la cour comme découlant de la contestation des déclarations de culpabilité prononcées aux termes de la décision entreprise ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, la cour d’appel, à laquelle il appartenait de rechercher toute faute d’imprudence ou de négligence entrant dans les prévisions de l’article 221-6 du code pénal, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 111-4 du code pénal, des articles L. 4532-8, L. 4532-9 et L. 4744-5 du code du travail, et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble défaut de motifs ;

« en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré la société Tissot industrie coupable du délit d’omission de remise d’un plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs (PPSPS) conforme aux exigences de l’article L. 4744-5 du code du travail ;

« aux motifs propres d’abord que « comme le fait valoir la société Tissot industrie, c’est évidemment de manière regrettablement sommaire qu’il est seulement mentionné au PGC (p. 64/99) que « lors de l’intervention de plusieurs entreprises sur un même lieu et/ou sur un même ouvrage, le coordonnateur sécurité et protection de la santé et EDF informeront des risques encourus en raison de leurs activités respectives et des mesures préventives à mettre en oeuvre » ; et que contrairement à ce que laisse entendre la société Bouygues travaux publics, rien n’autorise à considérer que ces énonciations doivent être tenues pour suffisantes quant à la définition du cadre de prévention des risques, tout particulièrement au sein du bâtiment HR, et en tout cas le caractère sommaire de ces énonciations ne saurait exonérer l’une ou l’autre des sociétés appelantes de l’éventuelle insuffisance d’exécution des obligations leur incombant personnellement quant à l’établissement de leur PPSPS respectif ; que s’agissant de la société Tissot industrie, rappel de la prévention : omission, commise entre le mois de septembre 2009 et le 24 janvier 2011, en qualité d’entrepreneur appelé à intervenir sur une opération de bâtiment ou de génie civil comportant des risques particuliers, de remettre avant le début des travaux au coordonnateur un PPSPS validé sous la forme « bon pour exécution » et ne tirant pas les conséquences de l’analyse faite au plan général de coordination des risques liés à la coexistence des travaux en hauteur et des opérations de levage réalisées à proximité ; que ce sont ainsi deux griefs qui sont faits au PPSPS de la société Tissot industrie, soit :

— son insuffisance d’une part, en ce qu’il ne tirait pas les conséquences de l’analyse, faite au PGC, des risques liés à la coexistence des travaux en hauteur et des opérations de levage réalisées à proximité ;

— son absence de validation sous la forme « Bon pour exécution » ; que pour retenir de ce chef la société Tissot industrie dans les liens de la prévention, les premiers juges ont relevé que l’examen du document remis par la société présentait d’importantes insuffisances, avec une présentation très schématique et générale des consignes de sécurité, donnant le sentiment de mentions facilement transposables d’un PPSPS à l’autre ; qu’ils poursuivaient : « aucune mention liée ou se rapportant aux risques induits par une co-activité n’y figure bien que cette hypothèse d’activités simultanées soit évoquée. Par ses lacunes, le PPSPS de la société Tissot peut être déclaré comme inexistant » ; que pour contester sa déclaration de culpabilité de ce chef, la société Tissot industrie soutient essentiellement que ce grief peut être adressé à l’ensemble des entreprises intervenant sur ce chantier, et au premier chef à l’APAVE, coordonnateur SPS, qui n’aurait jamais identifié ce risque non plus, ainsi qu’en témoigne l’absence de mention au dossier de compte-rendu de visite sécurité, de mention relevant ce risque et sollicitant de sa part qu’elle y apporte une solution ; mais qu’elle fait aussi valoir :

— qu’un PPSPS a pour objectif, de la part d’une entreprise, de définir les risques qu’engendre son activité envers les autres intervenants sur le chantier et doit leur permettre de connaître les risques engendrés par l’activité d’une entreprise intervenante et de prendre les mesures de prévention qui s’imposent pour empêcher leur concrétisation,

— qu’en l’occurrence, le risque qui s’est concrétisé ne provenait pas de son activité mais de celle de la société Bouygues qui ne l’aurait pas elle-même identifié dans son PPSPS, de telle sorte que l’infraction qui lui est reprochée ne lui serait pas imputable,

— et qu’enfin, les informations consécutives à l’identification des risques d’interférence dont il était prévu au PGC qu’elles devaient être données par l’APAVE et EDF ne l’ont jamais été, ces intervenants n’ayant jamais exigé qu’elle prenne ce risque en compte dans son PPSPS ; qu’ainsi, il résulte de l’argumentaire même de la société Tissot industrie qu’elle ne conteste ni le caractère superficiel si ce n’est lacunaire de son PPSPS, tel que retenu par les premiers juges, ni en tout cas son insuffisance au regard des risques liés à l’interférence entre ses activités et celles d’une autre entreprise, alors qu’il résulte des dispositions de l’article R. 4532-64 du code du travail qu’il lui incombait, outre la prise en compte dans son PPSPS des mesures de coordination générale décidées par le coordonnateur, de mentionner notamment dans ledit plan les mesures spécifiques prises par l’entreprise pour prévenir les risques spécifiques découlant de l’exécution par d’autres entreprises de travaux dangereux pouvant avoir une incidence sur la santé et la sécurité des travailleurs de l’entreprise ; que dans la mesure où la société Tissot industrie ne pouvait méconnaître que la coexistence des travaux en hauteur qu’elle réalisait pour la construction du liner, et des opérations de levage réalisées à proximité, était de nature à créer un risque spécifique pour ses propres salariés, ainsi qu’il résulte de la connaissance avérée qu’elle avait pu avoir de contacts antérieurs entre les câbles de la grue et les plates-formes, elle ne peut se retrancher derrière le fait que d’autres intervenants auraient eux-mêmes méconnu ce risque, alors que l’obligation de le prendre en compte dans son PPSPS lui incombait personnellement ; que s’il est exactement soutenu à l’inverse par la société Tissot industrie que l’absence de validation par un « Bon pour exécution » de son PPSPS ne saurait être retenue à son encontre, ainsi qu’il résulte des énonciations du procès-verbal de l’ASN (p. 40/44 §, 4), il résulte des éléments ci-dessus exposés que la méconnaissance ci-dessus décrite, par le PPSPS de la société Tissot industrie, des exigences notamment de l’article R. 4532-64 du code du travail (et non L. 4532-64, comme il est inexactement dit dans le procès-verbal, de l’ASN) constitue un manquement aux exigences de l’article L. 4532-9 dudit code faisant encourir à l’entrepreneur concerné la peine prévue à l’article L. 4744-5 du code du travail ;

« aux motifs propres ensuite que la société Tissot industrie sera déclarée coupable, des délits d’omission de mise en oeuvre, lors de la réalisation de travaux temporaires en hauteur, d’équipements garantissant la sécurité des travailleurs contre les risques de chute, et de remise d’un PPSPS satisfaisant complètement aux exigences de l’article L. 4744-5 du code du travail, le jugement entrepris devant être confirmé de ces chefs ;

« et aux motifs éventuellement adoptés que concernant l’infraction de réalisation de travaux de bâtiment ou de génie civil sans remise de PPSPS, l’examen du document remis par la société Tissot présente d’importantes insuffisances, avec une présentation très schématique et générale des consignes de sécurité, donnant le sentiment de mentions facilement transposables d’un PPSPS à l’autre ; qu’il n’est pas fait mention des modes opératoires pour les différentes phases de travail qui concernent pourtant la mise en place d’un liner sur une enceinte de bâtiment avec un déplacement des plates-formes de sécurité selon l’évolution du chantier ; que par ailleurs, aucune mention liée ou se rapportant aux risques induits par une co-activité n’y figure bien que cette hypothèse d’activités simultanées soit évoquée ; que par ses lacunes, le PPSPS de la société Tissot au regard des risques liés à l’activité exercée peut être déclaré comme inexistant ;

« 1°) alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu’en indiquant dans ses motifs y avoir lieu à confirmer le chef pénal par lequel le jugement a déclaré la société Tissot industrie coupable du délit d’omission de remise d’un plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs (PPSPS), tout en infirmant, dans son dispositif, « le jugement entrepris du chef de ses dispositions pénales », la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction entre ses motifs et son dispositif, en violation des textes susvisés, et notamment de l’article 593 du code de procédure pénale ;

« 2°) et alors que l’article L. 4744-5 du code du travail incrimine le fait pour un entrepreneur de n’avoir pas remis au maître d’ouvrage ou au coordonnateur du chantier le plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs prévu à l’article L. 4532-9 du même code ; qu’aux termes de l’article L. 4532-9, il est exigé de l’entreprise qu’elle établisse un plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs, sans qu’en soient précisées les mentions obligatoires, celles-ci ne figurant qu’à l’article R. 4532-64 du même code, auquel ne renvoie aucun des textes d’incrimination ; qu’en décidant que l’insuffisance des mentions figurant sur le plan établi et remis par la société Tissot industrie devait s’assimiler à une absence de remise du plan au sens de l’article L. 4744-5 du code du travail, les juges du fond ont violé les textes susvisés, ensemble le principe d’interprétation stricte de la loi pénale" ;

Attendu que pour retenir la culpabilité de la société Tissot industrie, pour avoir omis de remettre au coordonnateur le plan particulier de sécurité et de protection de la santé des travailleurs prévu à l’article L. 4532-9 du code du travail, l’arrêt retient que, dans le contexte des risques encourus du fait de l’interférence entre les activités de la prévenue et celles des autres entreprises, le plan a été établi de façon superficielle et lacunaire en particulier au regard de la coexistence de travaux en hauteur et des opérations de levage réalisées à proximité, ces manquements constituant l’infraction précitée ;

Qu’en cet état, la cour d’appel, qui n’a pas méconnu le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale, a justifié sa décision ;

Que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 1382 du code civil, des règles gouvernant l’autorité de la chose jugée, des articles 496, 509 et 515 code de procédure pénale, des articles 591 et 593 du même code, ensemble défaut de motifs ;

« en ce que, statuant sur les intérêts civils, l’arrêt infirmatif attaqué a déclaré la société Tissot industrie entièrement responsable des préjudices subis par les membres de la famille de [C] [I], la condamnant seule à leur verser la somme totale de 308 967 euros à titre de dommages-intérêts ;

« aux motifs que Mme [Y] [R], veuve de feu [C] [I], agissant en son nom personnel et en qualité de représentante légale des deux enfants mineurs communs [H], née le [Date naissance 1] 1998, âgée de 16 ans et demi, et [X], né le [Date naissance 2] 2002, âgé de 12 ans, ainsi que Mme [R] [I], fille de feu [C] [I], âgée de 19 ans, dont il convient de rappeler qu’elle a fait l’objet d’une adoption simple par Mme [I], suivant jugement prononcé le 4 mars 2013 par le tribunal de grande instance de Cherbourg, sollicitent à titre principal que le jugement entrepris soit confirmé en ce que les deux sociétés appelantes ont été, en conséquence de leurs déclarations de culpabilité, déclarées solidairement responsables des préjudices subis par elles et les deux autres enfants de feu [C] [I], ensuite du décès de celui-ci et condamnés sous la même solidarité à les indemniser de leur entier préjudice ; qu’elles demandent au subsidiaire de leurs prétentions, que les condamnations ci-dessus rappelées soient solidairement prononcées contre lesdites sociétés en cas de relaxe de celles-ci sur le fondement des dispositions de l’article 470-1 du code de procédure pénale ; que la société Tissot industrie ne conteste pas les condamnations civiles ainsi prononcées contre elle autrement que par ce qui découle de la contestation du principe de la déclaration de sa culpabilité ; qu’aucune condamnation ne saurait être prononcée, y compris sur le fondement des dispositions de l’article 470-1 du code de procédure pénale, contre la société Bouygues travaux publics, alors qu’il n’existe pas de lien de causalité entre la seule infraction dont elle est déclarée coupable et la survenance des dommages allégués ; que pour le surplus, les indemnisations allouées procédant d’une exacte appréciation des nécessités de la complète réparation des préjudices directement causés par l’infraction d’homicide involontaire dont la société Tissot industrie a été déclaré coupable, les condamnations à dommages-intérêts prononcées contre celle-ci seront confirmées ;

« 1°) alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu’en indiquant dans ses motifs y avoir lieu à confirmer les condamnations civiles prononcées en première instance contre la société Tissot industrie au profit des membres de la famille de la victime, tout en infirmant, dans son dispositif, « le jugement entrepris du chef des condamnations civiles prononcées », la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction entre ses motifs et son dispositif, en violation des textes susvisés, et notamment de l’article 593 du code de procédure pénale ;

« 2°) alors qu’une cour d’appel saisie du recours de l’un des prévenus et du ministère public ne peut aggraver les condamnations prononcées contre l’appelant au titre des intérêts civils ; qu’en l’espèce, l’ensemble des trois prévenus avaient été condamnés solidairement en première instance à indemniser les membres de la famille de la victime pour un montant total de 308 967 euros ; que l’appel ayant été formé par les deux sociétés prévenues, par le ministère public et, s’agissant des parties civiles, par la seule union syndicale de l’intérim CGT, ni M. [M] [C], condamné en première instance, ni les membres de la famille [I] ne contestaient les chefs les concernant ; qu’en infirmant néanmoins le jugement entrepris sur les intérêts civils et en condamnant la société Tissot industrie à réparer seule le préjudice subi par les parents de la victime de l’accident, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs, en violation des textes susvisés, et notamment des articles 509 et 515 du code de procédure pénale ;

« 3°) et alors que les chefs non critiqués du jugement entrepris s’imposent à la cour d’appel ; qu’en infirmant le jugement du 8 avril 2014 sur l’ensemble des chefs relatifs aux intérêts civils sans distinction, quand ni M. [M] [C], condamné en première instance, ni les victimes indemnisées n’avaient formé d’appel, en sorte que la condamnation à réparation de M. [C] était devenue définitive, la cour d’appel a encore violé les règles susvisées, et notamment, celles qui gouvernent l’autorité de la chose jugée" ;

Attendu qu’en confirmant, sur les intérêts civils, la condamnation de la société Tissot industrie au paiement des dommages-intérêts à hauteur des sommes retenues par les premiers juges, ladite société étant seule appelante du jugement avec la société Bouygues, laquelle a été relaxée par la cour d’appel, les juges qui n’ont pas excédé leurs pouvoirs, ni méconnu l’autorité de la chose jugée à l’égard de M. [C], ont justifié leur décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 3 000 euros la somme globale que la société Tissot industrie devra payer à Mmes [Y] [R], veuve [I], tant en son nom personnel qu’en sa qualité de représentante légale de ses enfants mineurs [H] et [X] [I] et [R] [I] au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mars deux mille dix-sept ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 mars 2017, 15-82.305, Inédit