Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 juin 2018, 17-83.769, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 26 juin 2018, n° 17-83.769
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 17-83.769
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Caen, 27 avril 2017
Textes appliqués :
Article 464 du code de procédure pénale.

Articles 1382 devenu 1240 et 1351 devenu 1355 du code civil.

Dispositif : Cassation partielle
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000037196375
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:CR01572
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Texte intégral

N° E 17-83.769 F-D

N° 1572

FAR

26 JUIN 2018

CASSATION PARTIELLE

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par

— M. Paul G… ,

— La société Condor Limited,

— La société Condor Marine Crewing Services Limited,

parties intervenantes

contre l’arrêt de la cour d’appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 28 avril 2017, qui, dans la procédure suivie contre le premier des chefs d’homicide involontaire, blessures involontaires et abordage, a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 29 mai 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. X…, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller X…, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, de la société civile professionnelle LESOURD, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général H… ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun, aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 464, 485, 509, 515, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que la cour d’appel a infirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions et déclaré, sur le plan civil, M. G… entièrement responsable des dommages subis par les parties civiles, les sociétés Condor Marine Crewing Service Limited et Condor Limited étant tenues de le garantir en leur qualité de civilement responsable ;

« aux motifs que, par arrêt définitif, en date du 2 février 2015, la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Caen a confirmé, sur l’action civile, le jugement rendu le 11 septembre 2013 par le tribunal correctionnel de Coutances qui après avoir déclaré recevables les constitutions de partie civile de M. Pascal I… , de Mme Delphine Y…, veuve Z…, de Mme A…, M. B…, Mmes Pauline Z… et Elodie Y…, de MM. William C… et de François D…, a condamné M. Paul G… à payer à chacun une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de leur préjudice moral, et dit que les sociétés Condor Marine Crewing Services Limited et Condor Limited en leur qualité de civilement responsables, seront tenues de garantir le paiement des sommes ainsi mises à la charge de M. Paul G… ; qu’une provision ne peut être fixée et allouée que sur le fondement d’une créance certaine ; qu’il sera relevé que dans son jugement, le tribunal correctionnel de Coutances a motivé le renvoi de l’affaire sur intérêts civils à une audience ultérieure non sur la question d’un éventuel partage de responsabilité mais sur le fait qu’il ne disposait pas à la date du 11 septembre 2013 de tous les éléments nécessaires lui permettant de statuer sur les demandes d’indemnisation ; que dès lors, en étant condamné, seul, au versement d’une indemnité provisionnelle, M. G… a implicitement été déclaré entièrement responsable des dommages causés et subis par les parties civiles du fait des agissements délictueux dont il s’est rendu coupable ; que c’est donc à tort que par jugement, en date du 15 décembre 2015, le tribunal correctionnel de Coutances statuant sur intérêts civils a estimé pouvoir revenir sur cette décision définitive et opérer un partage de responsabilité ; que par conséquent, le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions, M. G… étant sur le plan civil, entièrement responsable des dommages subis par les parties civiles ;

« 1°) alors que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet du jugement tant dans ses motifs que dans son dispositif ; qu’en affirmant que M. G… avait par décision définitive été déclaré civilement entièrement responsable des dommages causés et subis par les parties civiles lorsqu’il ne résulte ni des motifs ni du dispositif de ladite décision une telle affirmation, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

« 2°) alors que l’allocation d’une provision, fondée sur une créance certaine au moment où elle est prononcée, ne présage rien sur l’étendue finale de la responsabilité civile de celui qui y est condamné ; qu’en déduisant de la condamnation du prévenu, seul, au versement d’une indemnité provisionnelle, son entière responsabilité des dommages causés, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

« 3°) alors qu’au surplus, en se fondant, pour déclarer M. G… civilement entièrement responsable des dommages causés, sur le fait que le renvoi à une audience ultérieure n’aurait pas été motivé par la question d’un éventuel partage de responsabilité mais par le manque d’éléments nécessaires permettant de statuer sur les demandes d’indemnisation au jour du jugement, lorsque ces deux justifications ne sont en rien contradictoires, le manque d’éléments nécessaires pouvant précisément répondre à la volonté des juges de réaliser ultérieurement un partage de responsabilité, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision » ;

Vu l’article 464 du code de procédure pénale, ensemble les articles 1382 devenu 1240 et 1351 devenu 1355 du code civil ;

Attendu, d’une part, qu’en vertu de l’article 1240 du code civil, la faute de la victime ayant concouru avec celle du prévenu à la production d’un dommage résultant d’une infraction d’homicide involontaire, est de nature à entraîner un partage de responsabilité entre l’auteur et les ayants-droit victimes par ricochet dans une mesure dont l’appréciation appartient aux juges du fond ;

Attendu d’autre part qu’en vertu de l’article 1355 du même code, l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui fait l’objet du jugement tant dans ses motifs que son dispositif ;

Attendu enfin que la faculté ouverte, par l’article 464 du code de procédure pénale, à la juridiction qui renvoie une affaire sur intérêts civils, de condamner le prévenu à une indemnité provisionnelle, ne fait pas obstacle, à elle seule, à ce qu’il soit ultérieurement statué sur un partage de responsabilité entre ce prévenu et les victimes de l’infraction ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 28 mars 2011, le ferry Condor Vitesse est entré en collision avec le bateau de pêche Les Marquises au large du plateau des Minquiers, que le capitaine du bateau, Philippe Z…, est décédé, les matelots présents à bord, MM. François D… et William C…, ayant pu être secourus ; que le capitaine du ferry, M. Paul G… , ainsi que son second, M. Yves E…, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, notamment des chefs d’homicide involontaire et blessures involontaires ; que l’épouse et les enfants de Philippe Z…, ainsi que MM. C…, D… et I… (armateur du navire),se sont constituées parties civiles, les sociétés société Condor Maritime Crewing Services Limited et Condor Limited, en leur qualité de civilement responsables, intervenant volontairement à l’instance ; que, par jugement en date du 11 septembre 2013, le tribunal a déclaré les prévenus coupables et les a condamnés à des peines, et, renvoyant l’affaire sur intérêts civils, a alloué aux parties civiles des indemnités provisionnelles, mises à la charge des prévenus solidairement, garantis par les sociétés civilement responsables ; que, sur appel de M. E…, du procureur de la République seulement sur la peine infligée à M. G… , et des civilement responsables, la cour d’appel de Caen, par arrêt en date du 2 février 2015 a relaxé M. E…, et, confirmant le jugement sur intérêts civils, a mis les sommes dues à la seule charge de M. G… ; que le tribunal a, par jugement du 15 septembre 2015, rejeté des demandes de provisions complémentaires formées par les parties civiles, puis, par jugement du 14 septembre 2015, a prononcé un partage de responsabilité entre M. G… et Philippe Z…, à hauteur de 75 % pour le premier et 25 % pour le second et condamné le premier, in solidum avec les sociétés civilement responsables, à indemniser les parties civiles de leurs préjudices, le partage étant opposable aux consorts Z… ; que le prévenu, les civilement responsables et les parties civiles ont interjeté appel de ce jugement, l’établissement National des Invalides de la Marine (ENIM), subrogé dans les droits des consorts Z…, intervenant à l’instance ;

Attendu que, pour infirmer le jugement en ce qu’il avait prononcé un partage de responsabilité et condamner M. G… à indemniser l’intégralité du préjudice subi par les consorts Z… et l’ENIM, l’arrêt retient que, par arrêt définitif, en date du 2 février 2015, la chambre des appels correctionnels de la cour d’appel de Caen a confirmé, sur l’action civile, le jugement rendu le 11 septembre 2013 par le tribunal correctionnel de Coutances qui après avoir déclaré recevables les constitutions de partie civile de M. Pascal I… , de Mme Delphine Y…, veuve Z…, d’A…, B…, Pauline Z… et Elodie Y…, de William C… et de François D…, a condamné M. G… à payer à chacun une indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation de leur préjudice moral, et qu’une provision ne peut être fixée et allouée que sur le fondement d’une créance certaine ; que les juges ajoutent qu’il sera relevé que dans son jugement, le tribunal correctionnel de Coutances a motivé le renvoi de l’affaire sur intérêts civils à une audience ultérieure non sur la question d’un éventuel partage de responsabilité mais sur le fait qu’il ne disposait pas à la date du 11 septembre 2013 de tous les éléments nécessaires lui permettant de statuer sur les demandes d’indemnisation ; que la cour en déduit qu’en étant condamné, seul, au versement d’une indemnité provisionnelle, M. G… a implicitement été déclaré entièrement responsable des dommages causés et subis par les parties civiles du fait des agissements délictueux dont il s’est rendu coupable et que c’est donc à tort que par jugement, en date du 15 décembre 2015, le tribunal correctionnel de Coutances statuant sur intérêts civils a estimé pouvoir revenir sur cette décision définitive et opérer un partage de responsabilité ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, alors que le jugement du 11 septembre 2013 n’avait, ni dans son dispositif, ni dans ses motifs, déclaré le prévenu entièrement responsable du préjudice subi par les ayants droit de Philippe Z…, et que sa condamnation à leur verser des indemnités provisionnelles ne faisait pas obstacle à un partage de responsabilité ultérieur, la cour d’appel, à qui les parties civiles demandaient, dans leurs écritures, de revenir sur la part de responsabilité incombant à leur auteur, a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Caen, en date du 28 avril 2017, mais en ses seules dispositions relatives aux condamnations prononcées contre M. G… , les sociétés Condor Limited et Condor Marine Crewing Services Limited envers Mme Delphine Y…, veuve Z…, A…, B…, et Pauline Z… et Elodie Y…, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Rouen à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six juin deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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