CEDH, BERLAND c. FRANCE, 31 janvier 2012, 42875/10

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CEDH, 31 janv. 2012, n° 42875/10
Numéro(s) : 42875/10
Type de document : Affaire communiquée
Niveau d’importance : Importance faible
Opinion(s) séparée(s) : Non
Identifiant HUDOC : 001-110064
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Sur les parties

Texte intégral

CINQUIÈME SECTION

Requête no 42875/10
Daniel BERLAND
contre la France
introduite le 21 juillet 2010

EXPOSÉ DES FAITS

EN FAIT

Le requérant, M. Daniel Berland, est un ressortissant français, né en 1987 et résidant à Châlons-sur-Saône.

A.  Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit.

Le 14 septembre 2007, le requérant fut mis en examen des chefs d’assassinat de son ex-compagne et de violences volontaires sur deux autres personnes, faits commis le 12 septembre 2007, et placé en détention provisoire.

A compter du 14 septembre 2008, il fut placé sous le régime de l’hospitalisation d’office au CHS (centre hospitalier spécialisé) de Sevrey.

Deux experts ayant conclu que le requérant était atteint, au moment des faits, d’un trouble psychique ayant aboli son discernement et le contrôle de ses actes, le juge d’instruction, par une ordonnance du 30 septembre 2008, en application de l’article 706-120 du code de procédure pénale (ci-après CPP) issu de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental (voir droit interne pertinent), constata qu’il existait des charges suffisantes à son encontre d’avoir commis les faits reprochés, qu’il y avait des raisons plausibles d’appliquer le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal (relatif à l’irresponsabilité pénale d’une personne en raison d’un trouble mental, voir droit interne pertinent) et ordonna la transmission du dossier au procureur général aux fins de saisine de la chambre de l’instruction.

Le 18 novembre 2008, le procureur général près la cour d’appel de Dijon prit des réquisitions tendant à saisir la chambre de l’instruction afin de statuer sur l’irresponsabilité pénale du requérant pour trouble mental.

Par une ordonnance du 25 novembre 2008, le président de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dijon constata l’impossibilité médicale pour le requérant de comparaître à l’audience.

Le représentant du requérant souleva des exceptions de procédure devant la chambre de l’instruction. Il fit valoir notamment que l’ordonnance du 30 septembre 2008 méconnaissait le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères.

Par un arrêt du 18 février 2009, la chambre de l’instruction déclara qu’il existait des charges suffisantes contre le requérant d’avoir volontairement donné la mort, le déclara irresponsable pénalement de ces faits, prononça son hospitalisation d’office (article 706-135 du CPP, voir droit interne pertinent) et lui fit interdiction, pendant une durée de vingt ans, de rentrer en relation avec les parties civiles et de détenir ou porter une arme (article 706‑136 du CPP, voir droit interne pertinent). Elle renvoya la procédure devant le tribunal correctionnel de Dijon pour qu’il soit statué sur la responsabilité civile du requérant et sur les demandes de dommages et intérêts. Auparavant, elle se prononça sur les exceptions de procédure dont celle ayant trait à l’application immédiate des dispositions de la loi du 25 février 2008 et à la violation alléguée de l’article 7 de la Convention :

« (...) La déclaration de l’existence de charges suffisantes d’avoir commis les faits reprochés ne constitue nullement une condamnation mais la constatation d’un état de fait susceptible d’avoir des conséquences juridiques, ainsi que l’a relevé le Conseil Constitutionnel.

Enfin contrairement à ce que soutient le mémoire et contrairement au régime de la rétention de sûreté, la chambre de l’instruction ne prononce pas un internement judiciaire sans limitation de durée mais ordonne l’hospitalisation d’office de la personne dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du code de la santé publique, le régime de cette hospitalisation étant celui prévu pour les hospitalisations d’office, le préfet étant immédiatement avisé de cette décision. Ainsi, l’intéressé sera soumis au régime de l’hospitalisation d’office ne relevant que de l’autorité médicale et administrative selon l’évolution de son état de santé.

Dès lors cette mesure s’analyse non pas en une peine mais en une mesure de sûreté, critère d’ailleurs retenu par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 21 février 2008. La loi du 25 février 2008 ainsi que le décret du 16 avril 2008 sont applicables. »

Le requérant forma un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Dans ses moyens en cassation, il fit valoir, au visa des articles 6 § 1 et 7 de la Convention, que le principe de légalité des peines visé à l’article 112-1 alinéa 2 du code pénal faisait obstacle à l’application immédiate d’une procédure qui a pour effet de lui faire encourir des peines auxquelles son état mental ne l’exposait pas sous l’empire de la loi ancienne applicable au moment où les faits ont été commis. Il soutint que le prononcé de l’irresponsabilité pénale ne pouvait pas s’accompagner de mesures coercitives ordonnées par l’autorité judiciaire, sauf à violer le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.

Par un arrêt du 14 avril 2010, la Cour de cassation rejeta son pourvoi :

« Attendu que, devant la chambre de l’instruction, la personne mise en examen a soutenu qu’il ne pouvait être fait une application immédiate de la loi du 25 février 2008, les dispositions de l’article 706-36 qui en sont issues permettant de prononcer, à l’encontre de la personne déclarée pénalement irresponsable pour cause de trouble mental, des mesures qui, par leurs effets, ont une nature de « quasi sanction pénale » et sont inscrites au casier judiciaire ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation, l’arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces motifs, l’arrêt n’encourt pas le grief allégué dès lors que les dispositions de l’article 112-1 du code pénal prescrivant que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date de l’infraction ne s’appliquent pas aux mesures de sûreté prévues, en cas de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, par les articles 706-135 et 706-136 du code de procédure pénale issus de la loi no 2008-174 du 25 février 2008. »

B.  Le droit et la pratique internes pertinents

1.  Les articles pertinents du code pénal sont ainsi libellés :

Article 112-1

« Sont seuls punissables les faits constitutifs d’une infraction à la date à laquelle ils ont été commis.

Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même date.

Toutefois, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes. »

Article 112-2

« Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur :

1o  Les lois de compétence et d’organisation judiciaire, tant qu’un jugement au fond n’a pas été rendu en première instance ;

2o  Les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure ;

3o  Les lois relatives au régime d’exécution et d’application des peines ; toutefois, ces lois, lorsqu’elles auraient pour résultat de rendre plus sévères les peines prononcées par la décision de condamnation, ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur ; (...) »

Article 122-1

« N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.

La personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient compte de cette circonstance lorsqu’elle détermine la peine et en fixe le régime. »

2.  Les dispositions pertinentes du CPP issues de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental sont les suivantes :

Article 706-120

« Lorsqu’au moment du règlement de son information, le juge d’instruction estime, après avoir constaté qu’il existe contre la personne mise en examen des charges suffisantes d’avoir commis les faits reprochés, qu’il y a des raisons plausibles d’appliquer le premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, il ordonne, si le procureur de la République ou une partie en a formulé la demande, que le dossier de la procédure soit transmis par le procureur de la République au procureur général aux fins de saisine de la chambre de l’instruction. Il peut aussi ordonner d’office cette transmission.

Dans les autres cas, il rend une ordonnance d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui précise qu’il existe des charges suffisantes établissant que l’intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés. »

Article 706-125

« Dans les autres cas, la chambre de l’instruction rend un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental par lequel :

1o  Elle déclare qu’il existe des charges suffisantes contre la personne d’avoir commis les faits qui lui sont reprochés ;

2o  Elle déclare la personne irresponsable pénalement en raison d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits ;

3o  Si la partie civile le demande, elle renvoie l’affaire devant le tribunal correctionnel compétent pour qu’il se prononce sur la responsabilité civile de la personne (...), et statue sur les demandes de dommages et intérêts ;

4o  Elle prononce, s’il y a lieu, une ou plusieurs des mesures de sûreté prévues au chapitre III du présent titre. »

Article 706-135
(à l’époque des faits)

« Sans préjudice de l’application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique, lorsque la chambre de l’instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner, par décision motivée, l’hospitalisation d’office de la personne dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du même code s’il est établi par une expertise psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l’intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public. Le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les hospitalisations ordonnées en application de l’article L. 3213-1 du même code, dont le deuxième alinéa est applicable. L’article L. 3213-8 du même code est également applicable. »

Article 706-136

« Lorsque la chambre de l’instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner à l’encontre de la personne les mesures de sûreté suivantes, pendant une durée qu’elle fixe et qui ne peut excéder dix ans en matière correctionnelle et vingt ans si les faits commis constituent un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement :

1o  Interdiction d’entrer en relation avec la victime de l’infraction ou certaines personnes ou catégories de personnes, et notamment les mineurs, spécialement désignées ;

2o  Interdiction de paraître dans tout lieu spécialement désigné ;

3o  Interdiction de détenir ou de porter une arme ;

4o  Interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole spécialement désignée, dans l’exercice de laquelle ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise ou impliquant un contact habituel avec les mineurs, sans faire préalablement l’objet d’un examen psychiatrique déclarant la personne apte à exercer cette activité ;

5o  Suspension du permis de conduire ;

6o  Annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis.

Ces interdictions, qui ne peuvent être prononcées qu’après une expertise psychiatrique, ne doivent pas constituer un obstacle aux soins dont la personne est susceptible de faire l’objet.

Si la personne est hospitalisée en application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique, les interdictions dont elle fait l’objet sont applicables pendant la durée de l’hospitalisation et se poursuivent après la levée de cette hospitalisation, pendant la durée fixée par la décision. »

Article 706-137

« La personne qui fait l’objet d’une interdiction prononcée en application de l’article 706-136 peut demander au juge des libertés et de la détention du lieu de la situation de l’établissement hospitalier ou de son domicile d’ordonner sa modification ou sa levée. Celui-ci statue en chambre du conseil sur les conclusions du ministère public, le demandeur ou son avocat entendus ou dûment convoqués. Il peut solliciter l’avis préalable de la victime. La levée de la mesure ne peut être décidée qu’au vu du résultat d’une expertise psychiatrique. En cas de rejet de la demande, aucune demande ne peut être déposée avant l’expiration d’un délai de six mois. »

Article 706-139

« La méconnaissance par la personne qui en a fait l’objet des interdictions prévues par l’article 706-136 est punie, sous réserve des dispositions du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal, de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende. »

Article D47-29-1

Créé par Décret no 2010-692 du 24 juin 2010

« L’ordonnance aux fins d’hospitalisation d’office prise en application de l’article 706-135 du présent code est immédiatement exécutoire, sans préjudice de la possibilité de saisine du juge des libertés et de la détention conformément aux dispositions de l’article L. 3211-12 du code de la santé publique afin qu’il soit mis fin à l’hospitalisation.

A peine d’irrecevabilité, cette ordonnance ne peut faire l’objet d’un appel ou d’un pourvoi en cassation qu’en même temps qu’un appel ou qu’un pourvoi formé contre la décision portant déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

L’appel ou le pourvoi formé contre l’ordonnance aux fins d’hospitalisation d’office n’est pas suspensif (...) »

Article D. 47-29-3

Créé par décret no 2010-692 du 24 juin 2010

« Conformément aux dispositions de l’article 706-135 du présent code, le régime de l’hospitalisation d’office ordonnée par une juridiction en application de cet article est, s’agissant des conditions de levée et de prolongation de cette mesure, identique à celui de l’hospitalisation ordonnée par le représentant de l’Etat en application des articles L.3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique à l’égard d’une personne déclarée pénalement irresponsable en raison d’un trouble mental. En particulier, il ne peut être mis fin à cette hospitalisation que selon les modalités prévues par l’article L 3213-8 du code de la santé publique, et les dispositions de l’article L. 3213‑4 de ce code exigeant, sous peine de mainlevée automatique de l’hospitalisation, le maintien de cette mesure par le représentant de l’Etat à l’issue des délais prévus par cet article ne sont par conséquent pas applicables. »

Article D 47-29-6

Créé par décret no 2010-692 du 24 juin 2010

« Les mesures de sûreté prévues à l’article 706-136 ne peuvent être prononcées par la juridiction que s’il apparaît, au moment où la décision est rendue et au vu des éléments du dossier et notamment de l’expertise de l’intéressé, qu’elles sont nécessaires pour prévenir le renouvellement des actes commis par la personne déclarée pénalement irresponsable, pour protéger cette personne, pour protéger la victime ou la famille de la victime, ou pour mettre fin au trouble à l’ordre public résultant de la commission de ces actes.

Ces mesures ne peuvent être prononcées à titre de sanction contre l’intéressé. »

Article D47-29-8

Créé par Décret no 2010-692 du 24 juin 2010

« Conformément aux dispositions du 11o bis du I de l’article 23 de la loi no 2003‑239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, le ministère public informe le gestionnaire du fichier des personnes recherchées des interdictions prononcées en application de l’article 706-136. »

Article D 47-31

« Le procureur de la République ou le procureur général avise le service du casier judiciaire national automatisé des jugements et arrêts de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental rendus par la chambre de l’instruction et les juridictions de jugement dans les cas où il a été fait application des dispositions de l’article 706-36.

Dans ce cas, lorsqu’il est informé de la levée d’une hospitalisation d’office conformément à l’article D. 47-30, le procureur de la République en avise le service du casier judiciaire national automatisé, afin que celui-ci puisse en tirer les conséquences sur la durée de validité de l’interdiction et sur sa mention aux bulletins no 1 et no 2 du casier judiciaire. »

3.  La loi du 25 février 2008 précitée comporte deux volets. En premier lieu, elle institue une nouvelle procédure de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental qui opère un changement en ce que la personne atteinte d’un trouble mental grave peut néanmoins comparaître devant une juridiction d’instruction ou de jugement qui se prononce sur la réalité des faits commis et peut appliquer certaines mesures de sûreté visées à l’article 706-136 du CPP. En second lieu, elle a ajouté s’agissant de la « procédure applicable aux infractions de nature sexuelles et de la protection des mineurs victimes » un chapitre intitulé « De la rétention de sûreté et de la surveillance de sûreté » composé des articles 706-53 à 706-53-21 du CPP. Ces dispositions prévoient les conditions dans lesquelles une personne peut être placée en rétention de sûreté ou en surveillance de sûreté après l’exécution d’une peine de réclusion criminelle d’une durée égale ou supérieure à quinze ans pour meurtre, assassinat, acte de torture ou de barbarie, viol. La rétention de sûreté consiste dans le placement de la personne en centre socio-médico-judiciaire.

S’agissant de la nouvelle procédure de déclaration d’irresponsabilité pénale, celle-ci peut être complétée par des mesures de sûreté, soit l’hospitalisation d’office, et c’est désormais le juge judiciaire qui dispose de cette possibilité (avant, les autorités judiciaires devaient aviser le préfet qui devait prendre toute mesure utile pour décider une hospitalisation), soit les mesures prévues à l’article 706-136 du CPP. L’article 5 du décret no 2008‑361 du 16 avril 2008 relatif notamment aux décisions d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental dispose que conformément aux dispositions de l’article 112-2 (2o) du code pénal, les articles D. 47-27 à D. 47-32 sont immédiatement applicables aux procédures en cours.

4.  Dans sa décision no 2008-562 DC du 21 février 2008, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la constitutionnalité de la loi en cause. A propos de la partie de la loi sur l’irresponsabilité pénale pour cause de « trouble mental » et en particulier des dispositions de l’article 706-139 et de l’inscription au casier judiciaire des déclarations d’irresponsabilité pénale. A leur propos, il jugea ce qui suit :

« (...) qu’ils dénoncent, enfin, comme étant contraire au principe de nécessité des délits et des peines, la création d’une infraction réprimant la méconnaissance d’une mesure de sûreté par une personne déclarée pénalement irresponsable ;

27.  Considérant (...) que les dispositions de l’article 706-139 du code de procédure pénale, qui répriment la méconnaissance des mesures de sûreté ordonnées à l’encontre d’une personne déclarée pénalement irresponsable, ne dérogent pas aux dispositions de l’article 122-1 du code pénal en vertu desquelles l’irresponsabilité pénale d’une personne à raison de son état mental ou psychique s’apprécie au moment des faits; que, dès lors, le délit prévu par l’article 706-139 n’aura vocation à s’appliquer qu’à l’égard de personnes qui, au moment où elles ont méconnu les obligations résultant d’une mesure de sûreté, étaient pénalement responsables de leurs actes ; que, dès lors, le grief tiré de l’atteinte au principe de nécessité des délits et des peines doit être écarté ;

(...)

31.  Considérant que la décision de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ne revêt pas le caractère d’une sanction ; que, lorsque aucune mesure de sûreté prévue par l’article 706-136 du code de procédure pénale n’a été prononcée, cette information ne peut être légalement nécessaire à l’appréciation de la responsabilité pénale de la personne éventuellement poursuivie à l’occasion de procédures ultérieures ; que, dès lors, eu égard aux finalités du casier judiciaire, elle ne saurait, sans porter une atteinte non nécessaire à la protection de la vie privée qu’implique l’article 2 de la Déclaration de 1789, être mentionnée au bulletin no 1 du casier judiciaire que lorsque des mesures de sûreté prévues par le nouvel article 706‑136 du code de procédure pénale ont été prononcées et tant que ces interdictions n’ont pas cessé leurs effets ; que, sous cette réserve, ces dispositions ne sont pas contraires à la Constitution ; »

Le Conseil constitutionnel s’est également prononcé dans cette décision sur la nature d’une rétention de sûreté mentionnée plus haut, qu’il juge être ni une peine ni une sanction, et sur son application dans le temps, consacrant le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère :

« 9.  Considérant que, si, pour les personnes condamnées après l’entrée en vigueur de la loi, la rétention de sûreté ne peut être ordonnée que si la cour d’assises a expressément prévu, dans sa décision de condamnation, le réexamen, à la fin de sa peine, de la situation de la personne condamnée en vue de l’éventualité d’une telle mesure, la décision de la cour ne consiste pas à prononcer cette mesure, mais à la rendre possible dans le cas où, à l’issue de la peine, les autres conditions seraient réunies ; que la rétention n’est pas décidée par la cour d’assises lors du prononcé de la peine mais, à l’expiration de celle-ci, par la juridiction régionale de la rétention de sûreté ; qu’elle repose non sur la culpabilité de la personne condamnée par la cour d’assises, mais sur sa particulière dangerosité appréciée par la juridiction régionale à la date de sa décision ; qu’elle n’est mise en œuvre qu’après l’accomplissement de la peine par le condamné ; qu’elle a pour but d’empêcher et de prévenir la récidive par des personnes souffrant d’un trouble grave de la personnalité ; qu’ainsi, la rétention de sûreté n’est ni une peine, ni une sanction ayant le caractère d’une punition ; que la surveillance de sûreté ne l’est pas davantage ; (...)

10.  Considérant, toutefois, que la rétention de sûreté, eu égard à sa nature privative de liberté, à la durée de cette privation, à son caractère renouvelable sans limite et au fait qu’elle est prononcée après une condamnation par une juridiction, ne saurait être appliquée à des personnes condamnées avant la publication de la loi ou faisant l’objet d’une condamnation postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement ; (...) »

5.  Dans une circulaire du 8 juillet 2010 relative à la présentation des dispositions du décret no 2010-692 du 24 juin 2010 précisant les dispositions du CPP relative à l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, il est précisé ceci :

« Nature et fondement des mesures de l’article 706-136

L’article D. 47-29-6 indique expressément qu’il s’agit de mesures de sûreté.

Il précise qu’elles ne peuvent être prononcées par la juridiction que s’il apparaît au moment où la décision est rendue, qu’elles sont nécessaires pour prévenir le renouvellement des actes commis par la personne, pour protéger cette personne, pour protéger sa victime ou la famille de la victime, ou pour mettre fin au trouble à l’ordre public résultant de la commission de ces actes. Il est précisé qu’elles ne peuvent être prononcées à titre de sanction contre l’intéressé.

S’agissant de mesures de sûreté et non de peines, ces dispositions sont immédiatement applicables, même si la personne a été déclarée irresponsable à la suite de faits commis avant la loi du 25 février 2008 (Crim. 16 décembre 2009). »

6.  La Cour de cassation, par un arrêt du 21 janvier 2009 (Cass crim. No 08-83.492), avait estimé que « le principe de la légalité des peines faisait obstacle à l’application immédiate d’une procédure qui a pour effet de faire encourir à une personnes des « peines » prévues à l’article 706-136 du CPP que son état mental ne lui faisait pas encourir sous l’empire de la loi ancienne applicable à la date à laquelle les faits ont été commis ». Cette jurisprudence fut infirmée par un arrêt du 16 décembre 2009, rendue en formation plénière (No 09-85-153), dans lequel la Cour de cassation a jugé que ledit principe ne s’applique pas aux mesures de sûreté prévues, en cas de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, par les articles 706-135 et 706-136 du CPP issus de la loi no 2008-174 du 25 février 2008.

7.  S’agissant de l’hospitalisation d’office prévue à l’article 706-135, il convient de rappeler qu’antérieurement à la loi de 2008, celle-ci relevait de la compétence de l’autorité administrative et non de l’autorité judiciaire. Désormais, lorsque cette dernière décide d’une hospitalisation d’office, elle doit immédiatement aviser le préfet et la commission départementale des hospitalisations psychiatriques pour qu’ils prennent les mesures utiles (article L 3213-7 du code de la santé publique). Dans sa rédaction antérieure à la loi du 5 juillet 2011, relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge, l’article L 3213-8 du code de la santé publique prévoyait qu’il ne peut être mis fin aux hospitalisations d’office intervenues en application de l’article L 3213-7 que sur les décisions conformes de deux psychiatres établissant que l’intéressé n’est plus dangereux ni pour lui-même ni pour autrui. Dans sa décision no 2011-185 QPC du 21 octobre 2011, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l’article L. 3213-8 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la loi no 2011-803 du 5 juillet 2011, à compter du 22 octobre 2011. Il a estimé qu’en subordonnant à l’avis favorable de deux médecins le pouvoir du juge des libertés et de la détention d’ordonner la sortie de la personne hospitalisée d’office, le législateur a méconnu les articles 64 et 66 de la Constitution faisant de l’autorité judiciaire la gardienne de la liberté individuelle et garantissant son indépendance. L’article L 3213-8 est désormais rédigé ainsi :

« Le représentant de l’Etat dans le département ne peut décider de mettre fin à une mesure de soins psychiatriques qu’après avis du collège mentionné à l’article L 3211‑9 ainsi qu’après deux avis concordants sur l’état mental du patient émis par deux psychiatres choisis dans les conditions fixées à l’article L 3213-5-1 :

1o  Lorsque la personne fait ou a déjà fait l’objet d’une hospitalisation ordonnée en application des articles L 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ; (...) »

GRIEF

Invoquant l’article 7 de la Convention, le requérant se plaint de l’application rétroactive de la loi du 25 février 2008. Il explique qu’à la date de la commission des faits, aucune forme de sanction ou de contraintes judiciaires n’existait pour les personnes irresponsables pénalement, et notamment pas la tenue d’une audience de jugement, une hospitalisation psychiatrique prononcée par un juge judiciaire et les interdictions prévues à l’article 706-136 du CPP dont la méconnaissance est sanctionnée de deux années d’emprisonnement.

QUESTIONS AUX PARTIES

1.  Les mesures de sûreté prononcées à l’égard du requérant en application des articles 706-135 et 706-136 du code de procédure pénale constituaient‑elles des peines au sens de l’article 7 de la Convention ?

2.  Dans l’affirmative, le requérant s’est-il vu infliger, en violation de l’article 7 de la Convention, des peines plus fortes que celles qui étaient applicables au moment où l’infraction a été commise ?

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