Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 20 février 2008

  • Brevetabilité de l'invention ou validité du brevet·
  • Cession du droit de priorité·
  • Contrat de licence de brevet·
  • Présentation d'informations·
  • Revendications dépendantes·
  • Absence de droit privatif·
  • Application industrielle·
  • Action en contrefaçon·
  • Contrefaçon de brevet·
  • Partie caractérisante

Résumé de la juridiction

Doit être déclarer nul le contrat de licence de brevet qui viole les dispositions de l’article L. 614-14 du CPI. Le juge est tenu de constater cette nullité absolue, même si au jour de la demande la situation des titres a changé (le brevet européen ne vise plus la France), les conditions de validité d’un contrat s’appréciant à la date où il est conclu. Il importe peu que le contrat en cause ne soit pas un contrat de cession, l’article L. 614-14 précité n’ayant pas distingué entre les contrats transférant la propriété du titre de propriété industrielle à titre définitif ou opérant un transfert des droits d’exploitation à titre temporaire. En conséquence le licencié est irrecevable à agir en contrefaçon.

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Sur la décision

Référence :
TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 20 févr. 2008
Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
Publication : PIBD 2008, 874, IIIB-301
Domaine propriété intellectuelle : BREVET
Numéro(s) d’enregistrement des titres de propriété industrielle : FR9904752
Titre du brevet : Complément protéique, composition alimentaire le contenant, leur procédé de préparation et leur utilisation
Classification internationale des brevets : A21D ; A23G ; A23L ; A61K ; A21D
Référence INPI : B20080025
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Texte intégral

La société PRO DIETIC est titulaire d’un brevet d’invention français n° FR 9904752 qu’elle a déposé le 15 avril 1999 et qui a été publié et délivré sous le n° 2 777 751 le 2 novembre 2001. La société PILEJE est licenciée exclusive de ce brevet au titre d’un contrat du 11 octobre 2001 inscrit au registre national des brevets le 15 mars 2006 sous le numéro 144 395. Ce brevet porte sur la composition d’un complément protéique pour la préparation des compositions alimentaires pour augmenter le niveau de sérotonine cérébrale. Ayant appris que la société PROTEIKA commercialisait un complément protéique dénommé NUTRILIANCE et après avoir fait procéder après autorisation judiciaire à une saisie-contrefaçon dans les locaux de cette société à LA BAULE, la société PRO DIETIC et la société PILEJE ont assigné cette société et la société NUTRINOV, son fournisseur, par acte du 11 octobre 2006 en contrefaçon des revendications 1, 2, 4, 5, 7, 8, 11, 16, 17, 18, 19, 20 et 21 de leur brevet. Aux termes de leurs dernières écritures du 19 novembre 2007, les sociétés PRO DIETIC et PILEJE demandent au tribunal de :

- déclarer irrecevable l’exception d’irrecevabilité de l’intervention volontaire de la société PILEJE au motif de la nullité du contrat de licence du 11 octobre 2001 ainsi qu’en leurs demandes reconventionnelles en nullité des revendications du brevet litigieux qui leur sont opposées et en indemnisation pour procédure abusive, demandes en tout état de cause mal-fondées ;

- déclarer recevable l’intervention volontaire de la société PILEJE en sa qualité de licenciée ;

- dire que la société PROTEIKA et la société LR BEVA qui vient aux droits de la société NUTRINOV se sont rendues coupables de contrefaçon des revendications 4, 5, 7, 8 et 16 du brevet FR 99 04752 par détention, fabrication et offre en vente ou vente de produits reproduisant les caractéristiques de ces revendications et ce, en application des articles L. 615-1 et L. 613-3 du Code de Propriété Intellectuelle ;

- condamner in solidum les sociétés PROTEIKA et LR BEVA à payer à la société PRO DIETIC une somme provisionnelle de 100.000 euros à valoir sur la réparation définitive de leur préjudice à intervenir après dires d’expert dont la désignation est sollicitée ;

- ordonner la confiscation des produits contrefaisants aux fins de destruction ;

- interdire la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte dont le tribunal se réservera la liquidation ;

- condamner in solidum les sociétés PROTEIKA et LR BEVA à leur payer à chacune une indemnité de 50.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et de l’autorisation de publication de la décision à intervenir. Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 23 novembre 2007, les sociétés PROTEIKA et LR BEVA soutiennent que :

- le contrat de licence du 11 octobre 2001 intervenu entre la société PILEJE et la société PRO DIETIC étant nul en application de l’article L. 614-14 du Code de Propriété Intellectuelle, la société PILEJE est irrecevable en ses demandes en contrefaçon ;

- à titre subsidiaire, ce contrat n’ayant pas été inscrit au registre européen des brevets, la société PILEJE est également irrecevable en ses demandes ;

- au visa des articles L. 613-25 a), L. 611-10, L. 611-10.2, L. 611-11, L. 611-14 et L. 611-15 du Code de Propriété Intellectuelle, les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 11 et 16 à

21 sont nulles ;

- la preuve de la contrefaçon n’est pas rapportée. Aussi, les sociétés défenderesses sollicitent le débouté des demandes et la condamnation des sociétés demanderesses à leur payer une somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 50.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

I – Sur la nullité du contrat de licence du 11 octobre 2001 de la société PILEJE : Les sociétés PROTEIKA et LR BEVA soutiennent que le contrat de licence de brevet dont se prévaut la société PILEJE est nul car contraire aux dispositions de l’article L. 614- 14 du Code de Propriété Intellectuelle, la société PRO DIETIC ayant concédé à la société PILEJE une licence de son brevet français sans lui concéder simultanément une licence de la partie française de la demande de brevet européen désignant la France qui revendique la même priorité (US du 23 avril 1998) que celle du brevet français. La société PRO DIETIC et la société PILEJE répliquent que les dispositions de l’article L. 614-14 du Code de Propriété Intellectuelle ne peuvent être opposées que pendant la période au cours de laquelle coexistent une demande de brevet français ou un brevet français et une demande de brevet européen ou un brevet européen ayant la même priorité couvrant la même invention et appartenant au même inventeur ou à son ayant cause. Or ce cumul de protection avait cessé antérieurement au 11 octobre 2006, date à laquelle a été formée leur action puisque le 29 août 2006, il avait été renoncé à la désignation de la France par le brevet européen de sorte que celui-ci n’y produisait plus ses effets, seuls survivant les effets du brevet français présentement en cause. L’article L. 614-14 du Code de Propriété Intellectuelle dispose qu’une demande de brevet français ou un brevet français et une demande de brevet européen ou un brevet européen ayant la même date de dépôt ou la même date de priorité couvrant la même invention et appartenant au même inventeur ou à son ayant cause ne peuvent pour les parties communes faire l’objet indépendamment l’une de l’autre d’un transfert, gage, nantissement ou d’une concession de droits d’exploitation à peine de nullité. Ces dispositions légales sont claires : le législateur a entendu prémunir tant les tiers que les co-contractants contre la coexistence sur une même invention et sur un même territoire, après délivrance définitive des titres (français et européen), de deux titulaires de droits exclusifs et a pour ce faire, institué une clause de validité des contrats de transfert, gage, nantissement ou concession des droits d’exploitation portant sur une demande de brevet français ou un brevet français pour lesquels existent une demande de brevet européen ou un brevet européen ayant la même date de dépôt ou la même date de priorité couvrant la même invention et appartenant au même inventeur ou à son ayant cause. Il convient de rappeler que la double brevetabilité des inventions est prohibée pour éviter l’extension du monopole d’exploitation de celles-ci au détriment de la liberté du commerce et de l’industrie. Dans l’hypothèse du non-respect de cet article L. 614-14 du Code de Propriété Intellectuelle, la convention est donc nulle. Son vice ne peut être réparé puisqu’il affecte

l’une des conditions de la validité du contrat et que cette nullité est absolue, les dispositions légales en cause étant destinées à protéger un intérêt général (prévenir la double brevetabilité d’une invention sur un même territoire). Le juge est tenu de constater cette nullité absolue, même dans l’hypothèse où le jour de la demande la situation des titres en cause a changé (présentement, le brevet européen ne vise plus la France) les conditions de validité d’un contrat s’appréciant à la date où il est conclu. Il importe peu que le contrat en cause ne soit pas un contrat de cession, l’article L. 614-14 précité n’ayant pas distingué entre les contrats transférant la propriété du titre de propriété industrielle à titre définitif ou opérant un transfert des droits d’exploitation à titre temporaire. Il est acquis aux débats que la convention de licence de droits d’exploitation de la société PILEJE sur le brevet français présentement opposé conclu le 11 octobre 2001, n’a pas respecté les dispositions de l’article L. 614-14 précitées ; à cette date, la société PRO DIETIC était titulaire d’une demande de brevet EP n° 99 916948.5 qui désignait la France et qui revendiquait la même priorité US du 23 avril 1998 que celle du brevet français. Dans ces conditions, le contrat du 11 octobre 2001 doit être déclaré nul et les demandes de la société PIJEGE en sa qualité de licenciée déclarées irrecevables. II – Sur la portée du brevet FR 9904752 (ci-après brevet PRO DIETIC) : L’invention protégée par ce titre est relative à un complément protéique pour la préparation de compositions alimentaires utiles pour augmenter le niveau de sérotonine cérébrale. Le breveté expose que :

- la sérotonine est un précurseur d’un acide aminé neutre, le tryptophane (TRP) dont le transport à partir du sang dans le cerveau à travers la barrière hémato-encéphalique dépend du rapport mollaire plasmatique entre le tryptophane et un certains nombre d’acides aminés neutres (AAN) en particulier l’isoleucine, la leucine, la méthionine, la phénylalanine, la tyrosine et la valine. Le transport de ces AAN pour le passage de cette même barrière entre en compétition avec celui du tryptophane et durant la période de digestion des aliments, les concentrations de ces acides aminés varient de façon très importante et dépendent de la quantité et de la composition des éléments ingérés ;

- l’implication du système sérotoninergique cérébral et par conséquent de son précurseur le tryptophane dans un certain nombre de fonctions essentielles dont la régulation de l’humeur, de l’appétit et du sommeil a été mis en évidence et le déficit de sérotonine cérébrale entraîne des troubles du comportement alimentaire, des états dépressifs, une irritabilité etc… ; une corrélation a pu être établie entre l’importance de ces troubles et la valeur du ratio TRP/ANN ;

- il a été envisagé sans succès des traitements à base de tryptophane à des doses massives puis d’associer dans des compositions des polypeptides riches en tryptophane avec de l’arginine ou de l’ornithine sous forme libre ou peptidique mais ces traitements présentent des inconvénients notamment celui d’astreindre les sujets qui les ingèrent à suivre un régime alimentaire très contraignant. Aussi, pour le breveté le but de son invention est de pallier ces inconvénients en offrant un complément protéique et des compositions alimentaires dont l’utilisation adéquate permet d’augmenter la concentration cérébrale de sérotonine chez des individus présentant un déficit de cette substance.

Selon la revendication 1 du brevet, le complément protégé est un « complément protéique pour l’utilisation dans une composition augmentant le niveau de sérotonine cérébrale, caractérisé en ce qu’il comprend au moins 25 % et de préférence 50 % et tout préférentiellement 80 % en poids de protéine dont le ration Trp/ANN est supérieur ou égal à environ 0,06 ». Selon la revendication 2, le ratio Trp/ANN est compris entre 0,06 et 0,2. Selon la revendication 4 la composition alimentaire protégée est du type comprenant des fractions protéique, glucidique et lipidique dans laquelle la fraction protéique est constituée essentiellement du complément protéique défini à l’une quelconque des revendications 1 à 3. La revendication 5 prévoit que la composition alimentaire de la revendication 4 comprend en outre des fractions minérales et/ou vitaminiques. La revendication 7 protège une composition alimentaire selon l’une quelconque des revendications 4 à 6 caractérisée en ce qu’elle se présente sous la forme d’une formulation sèche ou liquide telles que les soupes déshydratées, des crèmes dessert aromatisées, des laits sans caséine, des barres chocolatées ou des biscuits. La revendication 8 protège l’utilisation selon l’une des revendications 8 à 9 pour la préparation d’une composition alimentaire utile pour augmenter le rapport Trp/ANN plasmatique chez un individu soumis à un régime alimentaire journalier où le ratio entre les glucides assimilables et les protéines totales absorbées est supérieur à environ 4. La revendication 11 protège l’utilisation selon l’une quelconque des revendications 8 ou 9 pur la préparation d’une composition alimentaire utile pour augmenter le rapport Trp/ANN plasmatique chez un individu soumis à un régime alimentaire journalier où le ratio entre les glucides assimilables et les protéines totales absorbées est supérieur à 4. La revendication 16 protège l’utilisation selon l’une quelconque des revendications 8 à 15 pour la préparation d’une composition alimentaire utile pour le traitement de la boulimie, l’instabilité, l’anxiété, les états dépressifs, les syndromes prémenstruels, l’irritabilité et les troubles du sommeil. Les revendications 17 à 21 couvrent les packs alimentaires comprenant au moins une composition selon les revendications 4 à 7 et une notice descriptive décrivant le régime alimentaire auquel le patient doit se soumettre pour l’efficacité de la composition. III – sur la validité des revendications :

- R1 et R2 Selon les défenderesses, les revendications 1 et 2 qui protègent un complément protéique sont nulles pour défaut de nouveauté au regard des enseignements de la demande de brevet PCT WO-91/10441 (D1) et de la demande de brevet européen 0022.686 (D2). L’article 611-11 du Code de Propriété Intellectuelle dispose qu’une invention est considérée comme nouvelle si elle n’est pas comprise dans l’état de la technique. Il est constant qu’une antériorité n’est susceptible de détruire la nouveauté que si celle-ci s’y retrouve telle qu’elle es.

- sur D1 : D1 protège une invention concernant une composition à base de polypeptides et d’acides aminés. Le breveté rappelle le rôle du tryptophane qui précurseur de la sérotonine, influence plusieurs fonctions et comportements tels que l’appétit, la régulation de l’humeur, la

dépression… Des tests cliniques ont démontré que le tryptophane a notamment un effet sur le sommeil, de régulation pondérale, un effet régulateur de l’humeur et potentiateur des médicaments anti-dépressifs.Toutefois, l’ingestion de L-Tryptophane sous forme libre n’a pu être poursuivie en raison d’effets secondaires toxiques. D1 a pour but de fournir une composition ayant un effet sérotoninergique palliant les inconvénients du tryptophane sous forme libre. Le breveté a découvert que le L-tryptophane est absorbé préférentiellement dans une composition comportant un polypeptide à teneur élevée en tryptophane c’est-à-dire à une teneur supérieure à 2,2 % en poids ; cette teneur se retrouve notamment dans les albumines laitières ; telle que l’alpha-lactalbumine où elle est de l’ordre de 6,6 % ou dans un mélange riche en alpha-lactaibumine amenant plus de 2,2 % de tryptophane. Le breveté ajoute que le passage de la barrière cérébrale dépend du rapport existant dans le sang circulant à un moment donné entre certains acides aminés neutres à savoir le rapport tryptophane/phénylalinine+valine+isoleucine+leucine+tyrosine+méthionine. Le rapport le plus avantageux est compris entre 0,065 et 0,2 et le rapport tryptophane/tyrosine+phénylalaline est avantageusement compris entre 0,2 et 0,65 et de préférence entre 0,29 et 0,45. Le breveté ajoute encore que la composition de l’invention peut être utilisée dans des compositions diététiques ou nutritionnelles et notamment comme substitut de repas ou comme composition ayant un effet anti-dépresseur et rééquilibreur de l’humeur, complément de substances psychotropes sérotoninergiques. D1 expose encore que les compositions de l’invention peuvent contenir des glucides, des lipides et des vitamines et dans certains exemples de composition, des minéraux. D1 donne comme exemple un complément protéique appelé alpha-lactalbumine « qualité mélange » qui est constitué des protéines du lactosérum enrichi en alpha-lactalbumine. L’aminogramme de ce mélange permet de calculer le rapport Trp/ANN qui est de 0,0658. D’autres exemples mettant en oeuvre de l’alpha-lactalbumine dite « pure », ont un rapport Trp/ANN compris entre 0,06 et 0,2.

- sur D2 : Cette demande de brevet européen concerne un procédé pour l’obtention à partir du lactosérum d’une produit enrichi en alpha-lactalbumine et les applications de ce produit notamment dans le domaine alimentaire. Le breveté rappelle que ces produits riches en alpha-lactalbumine sont riche en tryptophane, précurseur de la sérotonine et présentent un rapport du tryptophane aux acides aminés dits neutre élevé (supérieur ou égal à 0,06). Ils peuvent être employés comme aliments à des fins diététiques et thérapeutiques. L’exemple 1 constitue un complément protéique dont la composition pondérale en protéine est donnée et dont on peut calculer à partir de l’aminogramme donné que le rapport Trp/ANN est égal à 0,115. Dans un autre exemple, ce rapport est de 0,132. Le tribunal constate que ces antériorités divulguent les compléments protéiques des revendications 1 et 2 du brevet PRO DIETIC tant dans leur constitution que dans leur application. Ces revendications sont nulles pour défaut de nouveauté, ce que les sociétés demanderesses ne contestent plus dans leurs dernières écritures.

-R3 : Dès lors que la société PRO DIETIC oppose la contrefaçon de la revendication 4 qui est

dans la dépendance de la revendication 3, la validité de cette dernière doit être examinée. La revendication 3 se lit comme suit : " complément protéique selon l’une des revendications 1 ou 2, caractérisé en ce qu’il est choisi parmi :

- les protéines du lactosérum dont le ratio Trp/ANN est compris entre environ 0,06 et environ 0,08 ;

- les protéines extraites du lactosérum comme l’alpha-lactalbumine dont le ratio Trp/ANN est compris entre environ 0,10 et 0,18, ou un mélange de ceux-ci « . Le tribunal relève que D1 divulgue un complément protéique dit » qualité mélange " dont le ratio égal à 0,0658 est compris entre 0,06 et 0,08 et D2 un produits riches en alpha- lactalbumine avec un ratio Trp/ANN de 0,115 et 0,132 donc compris entre 0,10 et 0,18. Dans ces conditions, la revendication 3 dans ses deux premières branches est nulle pour défaut de nouveauté. S’agissant du mélange, le brevet PRODIETIC ne précise pas quel effet technique particulier il procure. Cette dernière branche de la revendication 3 est donc nulle pour défaut d’activité inventive. Il y a lieu de relever que les sociétés demanderesses n’opposent plus dans leurs dernières écritures cette revendication, reconnaissant ainsi implicitement sa nullité.

-R4 : Cette revendication est libellée comme suit : « Composition alimentaire du type comprenant des fractions protéique, glucidique et lipidique caractérisée en ce que ladite fraction protéique est constituée essentiellement du complément protéique défini à l’une quelconque des revendications 1 à 3 ». Cette revendication protège des compositions alimentaires comprenant des fractions protéique, glucidique et lipidique parmi lesquelles le complément protéique des revendications 1 à 3. Le tribunal interprète cette revendication comme signifiant que la composition alimentaire n’est pas limitée aux fractions énumérées mais peut comporter d’autres éléments tels qu’un acide aminé pris à l’état libre qui n’est pas, contrairement à la position des demanderesses, une protéine. En effet une protéine est constituée d’une chaîne d’acides aminés reliés chimiquement entre eux par des liaisons peptidiques (cf. pièce 12 des sociétés demanderesses). Certes, les acides aminés sous forme de polypeptides comme les acides aminés à l’état libre font partie du groupe des protides mais les caractéristiques de ces deux sous-groupes sont différentes (cf. enseignement de D1 sur l’acide aminé L-tryptophane à l’état libre et sur ces caractéristiques sous forme polypeptidiques). Aussi, il y a lieu de constater que D1 qui indique dans sa page 8 (lignes 1 à 18) que les compositions de l’invention comprennent avantageusement des lipides (lignes 5 à 15) et des glucides (lignes 15 à 18) et qui comportent des exemples de composition comprenant des compléments protéiques dont le ratio Trp/ANN est compris entre 0,06 et 0,2 ainsi que des fractions glucidique et lipidique et plus particulièrement un exemple IAI mettant en oeuvre le « qualité mélange » dont le ratio Trp/ANN est compris entre 0,06 et 0,08, enseigne les caractéristiques de la revendication 4 prise dans la dépendance de la 1(ère) branche de la revendication 3. Si les exemples précités donnés par D1 comportent également de l’arginine ou de l’ornithine, cela n’ôte pas à D1 le caractère d’antériorité destructrice de nouveauté de la R4

(branche 1) dès lors qu’elle enseigne à titre principal une composition comportant essentiellement un polypeptide à teneur élevée en tryptophane pour augmenter le taux de sérotonine cérébral. L’ajout d’argiline ou d’ornithine est nécessaire d’après le breveté pour corriger un inconvénient passé sous silence par le brevet PRO DIETIC à savoir que l’ingestion des protéines à teneur élevée en tryptophane provoque une augmentation du taux de cholestérol sérique ce qui est défavorable dans le domaine de l’obésité et de l’athérosclérose. Il apparaît ainsi que cet acide aminé pourrait comme dans le brevet PRO DIETIC être supprimé mais avec des effets secondaires néfastes sur l’obésité et l’athérosclérose. Ainsi D1 est une antériorité destructrice de nouveauté ; elle constitue un ensemble de moyens plus complexe dans lesquels les moyens de l’invention se retrouvent dans leur individualité matérielle et fonctionnelle, le moyen ajouté à savoir l’arginine ou l’ornithine ne constituant qu’un perfectionnement visant à supprimer l’effet secondaire passé sous silence par l’invention attaquée et ne modifiant ni la forme du polypeptide, ni sa fonction ni le résultat qu’il procure, l’arginie et l’ornithine ne faisant pas partie des acides aminés neutres listés par le brevet PRO DIETIC et susceptible d’entrer en compétition avec le tryptophane. S’agissant de la revendication 4 prise en combinaison avec la 2(éme) branche de la revendication 3, elle est également nulle pour défaut de nouveauté au regard des enseignements de D2. S’agissant de la revendication 4 prise en combinaison avec la 3(ème) branche de la revendication 3, elle est nulle pour défaut d’activité inventive, le composé de cette branche formé d’un mélange ne provoquant aucun effet technique autre que celui de chacun de ses composants déjà connu comme indiqué précédemment. Dans ces conditions, la revendication 4 est nulle.

- sur R5 : La revendication 5 est libellée comme suit : « composition alimentaire selon la revendication 4 caractérisée en ce qu’elle comprend en outre des fractions minérales et/ou vitaminiques ». Cette revendication est nulle pour défaut de nouveauté, D1 et D2 divulguant de telles compositions (D1 page 8 lignes 6 à 18, page 13 ligne 18, page 15 ligne 24, D2 page 23 lignes 24 et 31, page 24 lignes 32 et suivantes, page 25 ligne 1 et suivantes, lignes 28 et suivantes).

- sur R7 : La revendication se lit comme suit : « composition alimentaire selon l’une quelconque des revendication 4 à 6 caractérisée en ce qu’elle se présente sous la forme d’une formulation sèche ou liquide telles que des soupes déshydratées, des crèmes dessert aromatisées, des laits sans caséine, des barres chocolatées ou des biscuits ». Le tribunal relève que dès lors que la composition de l’invention était destinée à constituer un complément alimentaire, il n’y a aucune activité inventive pour l’homme du métier à savoir le pharmacien de laboratoire, bien en fait des laits infantiles et desautres formes de compléments alimentaires de présenter celle-ci sous les formes habituelles : forme sèche ou liquide dans des soupes déshydratées, les crèmes dessert aromatisées, les laits sans caséine, les barres chocolatées ou les biscuits, l’art antérieur D1 faisant état d’incorporation de la composition d’alpha-lactalbumine « qualité mélange » dans des substituts de repas et D2 mentionnant la possibilité de mélanger la composition avec

l’alimentation habituelle. Dès lors, la R5 est nulle pour défaut d’activité inventive.

- sur R8 : Cette revendication s’énonce comme suit : « utilisation d’un complément protéique tel que défini dans l’une quelconque des revendications 1 à 3, pour la préparation d’une composition alimentaire pour augmenter le niveau de sérotonine cérébrale chez un sujet présentant un déficit en cette substance ». Cette revendication est nulle pour défaut de nouveauté, la composition alimentaire protéique telle que définie par les R1 à R3 étant antériorisée par les compositions alimentaires de D1 ou D2 destinées à augmenter chez l’homme le niveau de sérotonine cérébral.

- sur R11 : Cette revendication est libellée comme suit : « utilisation selon l’une des revendications 8 ou 9, pour la préparation d’une composition alimentaire utile pour augmenter le rapport Trp/AAN plasmatique chez un individu soumis à un régime alimentaire journalier où le ratio de glucides assimilables et les protéines totales absorbées est supérieur à environ 4 ». Eu égard à la nullité des revendications 8 et des revendications 1 à 3, la seule caractéristique nouvelle apportée par cette revendication concerne un régime alimentaire approprié pour assurer l’effet optimal de l’utilisation du complément alimentaire protéique et des compositions alimentaires de l’invention (régime alimentaire journalier où le ratio de glucides assimilables et les protéines totales absorbées est supérieur à environ 4). Or, il est constant qu’un régime alimentaire constitué de règles au caractère abstrait étant dépourvu de caractère technique, n’est pas susceptible d’application industrielle, au sens de l’article L. 611-15 du Code de Propriété Intellectuelle. Aussi, la R11 est nulle pour défaut d’application industrielle.

- sur R16 : Cette revendication s’énonce comme suit : « utilisation selon l’une quelconque des revendications 8 à 15 pour la préparation d’une composition alimentaire utile pour le traitement de la boulimie, l’instabilité, l’anxiété, les états dépressifs, les syndromes prémenstruels, l’irritabilité et les troubles du sommeil ». Cette revendication liste les troubles que permettent de traiter les compositions alimentaires visés à la revendication 8 associées pour la revendication 11 au régime alimentaire revendiqué. Dès lors que les traitements sont divulgués dans D1 et D2 de telles compositions alimentaires pour augmenter le taux de sérotonine cérébrale dont il est connu qu’il influe sur les troubles de l’alimentation, des états dépressifs et du sommeil etc… (cf. description du brevet PRO DIETIC), cette revendication est nulle pour défaut de nouveauté.

- sur R17 à 21 : Ces revendications couvrent les packs alimentaires qui comprennent au moins une composition selon les revendications 4 à 7, une notice décrivant un régime alimentaire auquel le patient doit être soumis. Dès lors que les compositions alimentaires de l’invention ne sont pas protégeables et que les notices sont exclues de la brevetabilité par application de l’article L. 611-10 2° d) qui excluent les présentations d’informations, les revendications 17 à 21 sont nulles.

IV – Sur la contrefaçon : Dès lors que les revendications opposées au titre de la contrefaçon ont été annulées, les demandes de ce chef sont devenues sans objet. V – Sur la demande reconventionnelle : Il est constant que l’exercice d’une action en justice ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une demande en dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol. En l’espèce, si la société PRO DIETIC ne pouvait pas ignorer que les premières revendications de son brevet français était faibles au regard des remarques formulées par l’examinateur européen, il n’en demeure pas moins qu’un brevet européen lui a été délivré et qu’elle pouvait se méprendre sur l’étendue du brevet français correspondant. Dans ces conditions, le tribunal considère que l’introduction de l’action n’est pas fautive. En revanche, il serait inéquitable de laisser aux sociétés défenderesses la charge des frais irrépétibles qu’elles ont supportés pour leur défense. Compte tenu de l’absence de justification des frais effectivement supportés par elles, le tribunal alloue aux sociétés défenderesses une indemnité de 30.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement, par décision en premier ressort et remise au greffe, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, Déclare recevable l’intervention volontaire de la société LR BEVA au lieu et place de la société NUTRINOV, Dit que le contrat de licence du 11 octobre 2001 intervenu entre les sociétés PILEJE et PRO DIETIC est nul en application de l’article L. 614-14 du Code de Propriété Intellectuelle et en conséquence déclare irrecevables les demandes de la société PILEJE, Déclare nulles les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 7, 8, 11, 16 à 21 du brevet français n° 99 04752 dont la société PRO DIETIC est titulaire, pour défaut de nouveauté, d’activité inventive ou d’application industrielle ; Dit que la présente décision devenue définitive sera transmise à l’INPI pour inscription sur le registre national des brevets, par la présente greffière préalablement requise par la partie la plus diligente, Dit que l’action en contrefaçon de la société PRO DIETIC est devenue sans objet, Déboute les sociétés PROTEIKA et LR BEVA de leurs demandes en procédure abusive, Condamne in solidum les sociétés PRO DIETIC et PILEJE à payer aux sociétés PROTEIKA et LR BEVA une indemnité de 30.000 euros en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux dépens ; Fait application des dispositions de l’article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile au profit de Maître Patricia G, avocate, pour la part des dépens dont elle a fait l’avance sans en avoir reçu préalablement provision.

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Tribunal de grande instance de Paris, 3e chambre 3e section, 20 février 2008