Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 29 novembre 2019, n° 17/11713

  • Licenciement·
  • Poste·
  • Mise à pied·
  • Agent de sécurité·
  • Sociétés·
  • Titre·
  • Incendie·
  • Salarié·
  • Contrat de travail·
  • Menaces

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CA Aix-en-Provence, ch. 4-1, 29 nov. 2019, n° 17/11713
Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro(s) : 17/11713
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Marseille, 22 mai 2017, N° 16/00759
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 29 NOVEMBRE 2019

N° 2019/485

Rôle N° RG 17/11713 – N° Portalis DBVB-V-B7B-BAXYM

E X

C/

SARL GORON – GSL

Copie exécutoire délivrée

le :

29 NOVEMBRE 2019

à :

Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Caroline GRAS, avocat au barreau de MARSEILLE

+ 1 copie pôle emploi

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 23 Mai 2017 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 16/00759.

APPELANT

Monsieur E X

né le […] à BUGEAUD,

demeurant […], […]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/011882 du 31/10/2017 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

représenté par Me Stéphanie GARCIA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SARL GORON – GSL,

demeurant 6/8 Allée du Piémont – Parc Technoland – 69800 SAINT-PRIEST représentée par Me Caroline GRAS, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 785 et 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Nathalie FRENOY, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame M N, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Nathalie FRENOY, Conseiller

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Malika REZIG.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2019.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Novembre 2019

Signé par Madame M N, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Monsieur E X a été engagé par la société ALBA SECURITE par contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er janvier 2006. Son contrat de travail a été transféré à la société MONDIAL PROTECTION , puis à la société GORON-GSL à compter du 1er août 2014.

Il était affecté sur le site du Conseil Général (archives départementales) et avait les fonctions d’agent de sécurité incendie, coefficient 140, niveau 3 échelon 2, SSIAP 1 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Après un congé sans solde de deux mois, il a repris son poste le 6 octobre 2014.

Un télégramme lui a été adressé le 9 octobre suivant le mettant à pied à titre conservatoire et lui faisant interdiction de se rendre à son poste de travail.

Par courrier du même jour, il a été convoqué à un entretien préalable, la mise à pied conservatoire étant rappelée.

Par courrier recommandé du 14 novembre 2014, il a été licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement, Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille qui, par jugement du 23 mai 2017, a :

' dit le licenciement fondé sur une faute grave,

' débouté Monsieur X de l’ensemble de ses demandes,

' débouté la société GORON GSL de ses demandes reconventionnelles,

' condamné le demandeur aux dépens.

Par déclaration du 20 juin 2017, Monsieur X a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2017, l’appelant demande à la cour de :

' réformer le jugement en toutes ses dispositions,

' fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 1 520,72 €,

' dire le licenciement vexatoire et dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

' dire que le licenciement avait pour vocation de faire échec aux règles impératives de transfert des contrats de travail,

' condamner la société défenderesse au paiement des sommes suivantes :

*1 787,40 € à titre de rappel de salaire, avec intérêts de droit à compter de la saisine de la juridiction,

*178,74 € à titre d’incidence congés payés avec intérêts de droit à compter de la saisine de la juridiction,

*3 041,44 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts de droit à compter de la saisine de la juridiction,

*304,14 € à titre d’incidence congés payés, avec intérêts de droit à compter de la saisine de la juridiction,

*2 711,90 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

*5 000 € à titre de licenciement vexatoire,

*40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

*5 000 € à titre de dommages et intérêts pour détournement des règles de procédure relatives au transfert des contrats de travail,

*2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

' condamner la défenderesse aux entiers dépens.

Par ses conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2017, la société GORON-GSL

demande à la cour de :

— constater que les faits reprochés à Monsieur X constituent une faute grave justifiant son licenciement rendant impossible son maintien pendant le temps du préavis,

— constater que la société n’a pas mis en oeuvre la procédure de licenciement de façon abusive et vexatoire,

— constater que la société n’a pas commis de détournement des règles relatives au transfert du contrat de travail de Monsieur X,

— confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a débouté E X de l’ensemble de ses demandes,

— condamner Monsieur X à lui payer la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 19 septembre 2019.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur le licenciement:

La lettre de licenciement adressée à E X le 14 novembre 2014 contient les motifs suivants :

« Lors de votre vacation du 06 Octobre 2014 sur le site des « Archives du Conseil Général des Bouches-du-Rhône », de 07H00 à 19H00, en qualité d’Agent des Services de Sécurité Incendie, Monsieur Y , Responsable des Services Techniques Sûreté Sécurité du Bâtiment vous a surpris vers 18H10 alors que vous deviez être en ronde, assis en pleine discussion personnelle avec Monsieur Z, dans la salle actualité.

Monsieur Y, notre client, avait constaté auparavant l’absence de tout agent au poste de sécurité.

En discutant avec Monsieur Z dans la salle d’actualité au lieu de réaliser votre ronde de sécurité, vous ne pouviez ignorer que l’Unité de Gestion des Issues de Secours (UGIS) et le Système de Sécurité Incendie (SSI) étaient sans aucune surveillance alors même que ces derniers avaient eu plusieurs anomalies au cours de votre vacation et qu’il avait fallu effectuer plusieurs réarmements !

Il est inadmissible que vous n’ayez pas pris l’initiative de retourner au Poste de sécurité afin d’assurer la surveillance des éventuelles alarmes sonores et visuelles.

De plus, nous vous rappelons que vous ne pouvez vous livrer pendant vos rondes de sécurité à des activités sans rapport avec le travail qui vous est dévolu. En effet, vos rondes de sécurité vous imposent d’être attentif et de ne pas vous livrer durant celles-ci à des discussions personnelles avec vos collègues de travail.

Par votre comportement vous avez laissé courir un véritable risque pour la sécurité du bâtiment, de ses archives et des personnes présentes sur le site. En effet, nous ne pouvons imaginer quelles auraient été les conséquences, si des alarmes s’étaient déclenchées au Poste de sécurité.

De plus, vous n’étiez pas sans ignorer qu’il est interdit par les consignes spécifiques de poste aux équipes de sécurité de s’installer dans la salle d’actualité.

Enfin, vos manquements ont particulièrement nui à l’image de marque de la société et à la réputation de nos équipes de sécurité, puisque notre client soucieux de la sécurité de son site et choqué par l’absence de tout agent dans le poste de sécurité n’a pas manqué de s’en plaindre officiellement auprès de nos services.

Par télégramme du 09 Octobre 2014, nous vous avons notifié votre mise à pied à titre conservatoire.

Lorsque vous vous êtes présenté sur le site le 10 octobre 2014, Monsieur A, Responsable d’exploitation, vous a confirmé votre mise à pied à titre conservatoire et vous a demandé de quitter le poste de travail.

Vous vous êtes alors mis en colère et avez jeté violemment votre briquet au sol en direction de Monsieur A.

Vous avez ensuite tenu devant témoins les propos menaçants suivants : « C’est la faute de cet enculé de Y. Ce pédé est raciste et facho. Avec mes amis, on va le crever, on va le fumer ! »

Ces propos insultants et ces menaces de mort à l’égard de notre client sont particulièrement inadmissibles. Nous vous rappelons que les consignes générales de travail vous obligent « à rester poli, courtois et discret et à ne jamais vous livrer à des excès de langage ou à des menaces ou violences physiques ».

Votre comportement est inqualifiable et nous sommes stupéfaits de votre déchaînement de violence. Cette attitude indigne est inadmissible de la part d’un agent chargé d’assurer des missions de sécurité des biens et des personnes. Nous ne pouvons accepter un tel comportement et a fortiori de la part d’un agent de sécurité chargé d’assurer la protection des personnes.

Notre client informé de vos menaces n’a d’ailleurs pas hésité à réclamer auprès de l’administration une protection.

Par courrier recommandé du même jour, nous vous avons confirmé votre mise à pied à titre conservatoire nous vous avons convoqué le 21 Octobre 2014 à un entretien préalable à un éventuel licenciement afin d’entendre vos explications sur les faits qui vous étaient reprochés. Au cours de cet entretien, vous avez reconnu avoir été surpris en grande discussion avec Monsieur Z dans la salle d’actualité et avez reconnu dans un euphémisme avoir « tenu des propos à l’encontre du client »' Vous n’avez cependant émis aucun regret.

En raison des faits décrits ci-dessus, votre attitude rendant impossible le maintien de votre contrat de travail, nous nous vous notifions par la présente votre licenciement en faute grave. »

Monsieur X rappelle que la société GORON-GSL, entreprise entrante ayant obtenu le marché au mois d’août 2014, a repris contrainte et forcée les salariés mais l’a fait de très mauvaise grâce, que le jour des faits était le jour de sa reprise de son poste après plus de deux mois de congé sans solde, qu’il était agent de sécurité incendie SSIAP 1 et non chef de poste.

Il conteste le premier grief, indiquant que les agents SSIAP 1 travaillent en binôme, qu’il devait effectuer sa ronde du soir de 17h45 à 18h33 et qu’en cours de ronde, ayant constaté que la salle d’actualité ou salle de lecture était ouverte, il s’y était rendu et y avait rencontré le chef de poste Monsieur Z avec lequel il s’était entretenu et assis quelques minutes, moins de cinq. Il conteste tout manquement dans cet épiphénomène, souligne qu’il arrive aux agents de sécurité de s’asseoir quelque minutes dans une journée, d’autant que lui-même est diabétique et peut avoir ce besoin, que le poste de sécurité qui se trouve juste à côté de la porte de la salle d’actualité restait

visible de l’endroit où il se trouvait, qu’enfin c’était au chef de poste de se trouver au poste de sécurité puisque lui-même était en ronde. Il indique avoir réparé, avec son co-équipier, les anomalies graves du week-end et respecté ses obligations.

Il conteste le contenu du « compte rendu d’entretien préalable » qui n’en est pas un puisqu’il a été rédigé par l’employeur lui-même et signé sur-le-champ à sa demande, le contenu du schéma des lieux versé au dossier par la société, établi à la main sans échelle et n’ayant pas de valeur ainsi que l’assertion selon laquelle il aurait fait courir un risque considérable à la société.

En ce qui concerne le second grief, Monsieur X relate que n’ayant pas pris connaissance du télégramme du 9 octobre 2014 prononçant sa mise à pied, il s’est rendu sur son lieu de travail le 10 octobre pour prendre son poste et que l’accès au site lui a été interdit d’une façon vexatoire. Il indique avoir, sous le coup de la stupeur, jeté son briquet par terre, se contentant de dire à propos de Monsieur Y qu’il était un « raciste » et un « facho » et ayant fait un malaise, avoir été évacué par les pompiers vers le service des urgences. Il réfute avoir prononcé une quelconque menace de mort, ce qui n’est pas indiqué dans la main courante et considère que les explications données en défense ne sont pas convaincantes, les attestations émanant de salariés nouvellement embauchés par l’entreprise et toutes rédigées le jour du 10 octobre 2014 étant pour certaines contradictoires et en tout état de cause non probantes. Ayant été inapte au travail de nuit en raison de son diabète, ayant refusé un changement de lieu de travail et ayant pris un mois de congé sans solde, Monsieur X affirme avoir été gênant pour l’entreprise; il indique que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et réclame un rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois, ainsi qu’une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts tenant compte de l’état de dépression grave subie depuis, de sa situation de demandeur d’emploi et de ses difficultés financières.

La société GORON-GSL fait valoir que Monsieur X a saisi le conseil des prud’hommes de Marseille plus de 17 mois après la rupture de son contrat de travail, alors que son licenciement est fondé sur des manquements incontestables à ses obligations contractuelles, non seulement le 6 octobre, comme relaté dans la main courante par Monsieur Y '18h10 : le PC était sans agent, Monsieur Z et Monsieur X étaient en grande discussion dans la salle d’actualité', dans le courrier écrit le 7 octobre 2014, fait reconnu sans réserve lors de l’entretien préalable et dans un document signé par l’intéressé. Ayant abandonné son poste pendant ses heures de travail sans autorisation et sans avertir quiconque préalablement, ne serait-ce que pour assurer éventuellement son remplacement, Monsieur X, selon elle, ne pouvait voir le poste de sécurité, ni les alarmes visuelles et faisait courir un risque considérable à la société et à son client institutionnel.

Relativement aux faits du 10 octobre 2014, l’intimée explique que non seulement le salarié malgré sa mise à pied conservatoire, a tenté de s’introduire sur son lieu de travail, mais a également insulté et menacé devant témoin Monsieur Y , après avoir jeté violemment son briquet au sol en direction de Monsieur A responsable d’exploitation.

Elle considère que les faits commis étant constitutifs d’une faute grave, le licenciement est légitime.

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise; il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve

.

Pour démontrer la réalité, l’imputabilité au salarié et la gravité des faits commis et reprochés dans la lettre de licenciement, la société GORON-GSL verse au débat notamment les consignes générales données aux agents, le code de déontologie des personnes exerçant des activités privées de sécurité, le règlement intérieur de la société, la main courante du 6 octobre 2014, le courriel de Frank

Y du Conseil Général des Bouches-du-Rhône en date du 7 octobre 2014 indiquant « le lundi 6 octobre 2014 à 18h10, je me suis rendu sur le site des Archives et Bibliothèque départementale F G, j’ai trouvé le PC sûreté -sécurité vide, sans chef de poste ni agent ASQ-SSIAP 1. Le chef de poste Mr M B et Mr M X étaient dans la salle d’actualité ce qui est interdit, assis autour de la table en grande discussion. Je vous demande de bien vouloir rappeler à votre personnel, que la présence 24 h/24 h d’un agent dans le PC est obligatoire, et que la salle d’actualité reste formellement interdite à toute présence d’agents de la Sûreté-Sécurité, sauf pour des raisons de ronde (ronde d’incendie ou incident dans cette salle) », un compte rendu d’entretien préalable signé le 21 octobre 2014 par le salarié, le compte rendu d’entretien préalable de Monsieur Z, la lettre de ce licenciement adressée à ce dernier, l’attestation de H A, le courrier du Conseil Général des Bouches-du-Rhône en date du 3 décembre 2014 informant Monsieur X de l’absence de crédit accordé à ses allégations à l’encontre de Monsieur Y ainsi que différentes offres d’emploi d’agent de sécurité sur la région marseillaise.

En ce qui concerne le premier grief reproché à l’appelant, il résulte des mentions apposées sur la main courante du 6 octobre 2014 que Monsieur X est parti pour faire sa ronde générale à 17h45, qu’à 18 heures a eu lieu la ' fermeture des accès du jardin de lecture ainsi que des entrées principales des ABD au public'et qu’à 18h10 Monsieur Y est passé constatant que 'le PC était sans agent, Mr C et Mr X étaient en grande discution dans la salle d’actualité et l’agent à l’entrée principale idem mais avec l’hôtesse d’accueil'.

Il ne résulte pas de ces pièces que Monsieur Y ait constaté la nature 'personnelle’ ou non professionnelle de la discussion, dont la preuve n’est pas autrement rapportée, d’autant que les déclarations de Monsieur X et celles de son chef de poste lors de leur entretien préalable respectif , le 21 octobre 2014, au vu du procès-verbal établi par l’employeur, montrent que les deux salariés échangeaient verbalement sur un sujet professionnel, l’appelant disant recevoir 'des consignes quant aux vérifications des issues de secours de l’établissement. Je précise que le système de sécurité incendie était en défaillance depuis le samedi 04/10/2014'et son supérieur indiquant lui donner 'des consignes suite aux différents incidents et anomalies du système de sécurité incendie relevés dans la journée'.

Il n’est par ailleurs aucunement justifié par des éléments objectifs que la salle d’actualité soit un espace interdit aux agents de sécurité. En tout état de cause, le positionnement de Monsieur X à 18h10 dans ladite salle d’actualité est explicité par le fait qu’il était en ronde et que dans cette zone, il avait remarqué une 'porte d’accès de cette salle laissée ouverte', circonstance reconnue par Monsieur Y lui-même comme rendant possible la présence d’agents de sécurité (' la salle d’actualité reste formellement interdite à toute présence d’agents de la Sûreté-Sécurité, sauf pour des raisons de ronde (ronde d’incendie ou incident dans cette salle)' .

La société GORON-GSL ne démontre pas non plus que le principe, ni l’horaire de la ronde de Monsieur X ait été contestable, que la discussion intervenue entre les salariés formant un binôme était interdite, qu’enfin la position assise du salarié à 18h10 précises, soit ponctuellement, à l’instant de l’intervention de Monsieur Y, était contraire au code de déontologie.

Les faits reprochés en premier lieu dans la lettre de licenciement ne sont donc pas démontrés comme fautifs, au vu des pièces produites.

En ce qui concerne le second grief, la preuve de la connaissance par le salarié de sa mise à pied conservatoire, et partant, de son impossibilité de se rendre sur son poste de travail, n’est pas rapportée en l’espèce, en l’absence de tout accusé de réception du document adressé le 9 octobre 2014, comportant le nom et l’adresse de Monsieur X mais commençant par :« Monsieur Z I, NOUS VOUS NOTIFIONS VOTRE MISE A PIED A TITRE CONSERVATOIRE'. D’ailleurs, dans son attestation Monsieur A a confirmé avoir dû lui

expliquer la mesure conservatoire décidée à son encontre la veille.

Ce témoignage par ailleurs fait état d’insultes et de menaces à l’encontre de Monsieur Y ainsi que de la posture de l’appelant affirmant qu’il ne partirait de là ' qu’en ambulance’ 'et joignant le geste à la parole, il se tient la poitrine et s’effondre, dos à la rambarde, geint et me dit qu’il est diabétique et qu’il va mourir.'

Cet élément seul, corroboré par aucune donnée objective, les documents établis par J D et K L ne répondant pas aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile, ne saurait suffire à établir la menace alléguée, d’autant que dans un courriel accompagné de son document d’identité, Monsieur O-P , agent cynophile en poste le 10 octobre 2014, a constaté le malaise de Monsieur X, qui a 'toujours été courtois et poli et n’a aucun moment proféré des menaces envers qui que ce soit'.

Par conséquent, ni la situation telle que décrite par Monsieur Y, ni la présentation du salarié sur son lieu de travail le 10 octobre, ni même les termes de « raciste » et « facho » reconnus comme utilisés à l’encontre de ce dernier , prononcés en réaction à la nouvelle de sa mise en pied ne sont de nature à justifier le licenciement pour faute grave intervenu après seulement quelques jours de collaboration avec la société entrante GORON-GSL.

Tenant compte de l’âge du salarié (52 ans ) au moment de la rupture, de son ancienneté ( 8 ans et 10 mois puisque remontant à son embauche par la société ALBA SECURITE ), de son salaire moyen mensuel brut (soit 1507,22 €), des justificatifs de sa situation de demandeur d’emploi après la rupture, il y a lieu de lui allouer 12 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il convient également d’accueillir les demandes de rappel de salaire au titre de la mise à pied et de congés payés afférents, respectivement de de 178,40 € et de 178,74 € , la demande d’indemnité légale de licenciement à hauteur de 2711,90 euros, et d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents à hauteur respectivement de 3041,44 euros et 304,14 euros, montants correspondant aux droits du salarié, et non strictement contestés par la société intimée.

Sur le caractère vexatoire du licenciement :

Monsieur X considère l’attitude de son employeur fautive à plusieurs titres, n’ayant pas été informé de sa mise à pied conservatoire le 10 octobre alors que tous ses collègues l’étaient, n’ayant pas été bénéficiaire d’une enquête interne pour vérifier s’il était véritablement fautif et pour connaître les circonstances des faits, n’ayant pas vu sa parole préférée par rapport à celle d’un agent extérieur. Il sollicite la somme de 5000 € à titre de réparation du préjudice en résultant.

La société GORON-GSL indique que seul Monsieur D, agent au poste d’entrée, avait reçu des instructions sur les personnes autorisées à pénétrer sur le site, fort logiquement compte tenu des fonctions occupées par ce dernier, que Monsieur A, en sa qualité de responsable d’exploitation, était informé de la mesure prise à l’encontre de Monsieur X, que le choix de la sanction disciplinaire appartient à l’employeur, qu’il a été laissé du temps au salarié pour s’expliquer, que le licenciement est intervenu alors que certains des propos tenus ont été avoués et que par conséquent, aucune enquête n’était nécessaire. En l’absence de preuve d’un préjudice distinct de celui résultant de la rupture, la société intimée conclut au rejet de la demande, manifestement excessive qui plus est.

À titre subsidiaire, elle conclut à ce que le montant alloué soit ramené à de plus justes proportions.

Le caractère vexatoire de la rupture ne saurait résider dans le fait que l’agent de sécurité à l’entrée du site et le responsable d’exploitation étaient informés de la mise à pied conservatoire, notifiée à

l’intéressé la veille, pas plus que de l’absence d’enquête interne.

Au surplus, aucun élément de préjudice n’est démontré distinct de celui résultant de la rupture du contrat de travail.

La demande doit donc être rejetée.

Sur le détournement des règles relatives au transfert des contrats de travail :

Monsieur X, invoquant le contexte de son licenciement et la durée très faible pendant laquelle il a été au service de la société GORON-GSL , soutient que son licenciement avait pour objet ou pour effet de faire échec aux règles impératives de transfert des contrats de travail. Il sollicite la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts pour détournement des dispositions de l’article L1224 -1 du code du travail et de l’accord du 5 mars 2002 spécifique aux entreprises de sécurité.

La société GORON-GSL rappelle que Monsieur X a été repris par elle sans réserve sur le fondement de l’avenant à l’accord conventionnel du 5 mars 2002 et qu’il n’a été licencié qu’en raison des fautes graves commises par la suite. N’ayant jamais cherché à faire échec à l’application de cet accord, elle sollicite le rejet de la demande totalement infondée et injustifiée selon elle.

Si un laps de temps très réduit a effectivement séparé le transfert du contrat de travail de Monsieur X et son licenciement, force est de constater que ce transfert a été effectif. Il n’est pas démontré, les éléments de contexte ne pouvant suffire à cet effet, que le licenciement ait été destiné à faire échec à la reprise intervenue.

La demande d’indemnisation à ce titre doit être rejetée.

Sur les intérêts:

Conformément aux dispositions de l’article 1231-7 du Code civil, les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil, courent sur les créances salariales ( rappel de salaires, indemnités compensatrices de préavis et de congés payés sur préavis) à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation ( soit le 1er avril 2016 ), et sur les autres sommes à compter du présent arrêt.

Sur le remboursement des indemnités de chômage:

Les dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail permettent, dans le cas d’espèce, le licenciement de E X étant sans cause réelle et sérieuse, d’ordonner le remboursement par la société GORON-GSL des indemnités chômage perçues par l’intéressé, dans la limite de six mois d’indemnités.

Le présent arrêt devra, pour assurer son effectivité, être porté à la connaissance de Pôle Emploi, conformément aux dispositions de l’article R 1235-2 alinéas 2 et 3 du code du travail.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et d’allouer à ce titre la somme de 1 000 € à Monsieur X. Il y a lieu de constater l’absence de toute demande à ce titre pour l’instance d’appel.

L’employeur, qui succombe, doit être tenu aux dépens de première instance, par infirmation du jugement entrepris, et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions rejetant la demande de réparation pour détournement des règles relatives au transfert du contrat de travail,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement de Monsieur X par la société GORON-GSL dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société GORON-GSL à payer à E X les sommes de

—  1 787,40 € à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire,

—  178,74 € au titre des congés payés y afférents,

—  3 041,44 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

—  304,14 € au titre des congés payés y afférents,

—  2 711,90 € à titre d’indemnité légale de licenciement,

—  12 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  1 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du Code civil, sont dus à compter du 1er avril 2016 pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Ordonne le remboursement par la société GORON-GSL aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage payées à E X dans la limite de six mois,

Ordonne l’envoi par le greffe d’une copie certifiée conforme du présent arrêt, par lettre simple, à la Direction Générale de Pôle Emploi,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne la société GORON-GSL aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M N faisant fonction

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-1, 29 novembre 2019, n° 17/11713