Cour d'appel d'Amiens, Chambre economique, 13 décembre 2016, n° 16/02244

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Amiens, ch. éco., 13 déc. 2016, n° 16/02244
Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro(s) : 16/02244
Décision précédente : Tribunal de commerce d'Amiens, 7 avril 2016
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

ARRET

SARL POMPES FUNÈBRES HANNEDOUCHE

C/

XXX

SARL ABBEVILLE FUNERAIRE

XXX

COUR D’APPEL D’AMIENS CHAMBRE ECONOMIQUE ARRET DU 13 DÉCEMBRE 2016 RG : 16/02244

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE D’AMIENS EN DATE DU 08 avril 2016

PARTIES EN CAUSE : APPELANTE La SARL POMPES FUNÈBRES HANNEDOUCHE, représentée par son gérant François-Xavier HANNEDOUCHE

XXX

XXX

Représentée et plaidant par Me Jérôme CREPIN de la SCP CREPIN FONTAINE, avocat au barreau d’AMIENS

ET : INTIMÉES La XXX DE LA LIBERTÉ MARBRERIE BRUSADELLI

XXX

XXX

XXX

XXX

Représentées par Me Franck DELAHOUSSE de la SELARL DELAHOUSSE ET ASSOCIES, avocat au barreau d’AMIENS, postulant et plaidant par Me Jacques STORELLI, avocat au barreau de PARIS

DEBATS : A l’audience publique du 06 Octobre 2016 devant :

Mme Marie-Thérèse GILIBERT, Présidente de chambre,

Mme Pascale PELISSERO, Conseiller,

et Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 01Décembre 2016.

Le délibéré de la décision initialement prévu au 01 décembre 2016 a été prorogé au 13 décembre 2016.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : M. Y Z

PRONONCE : Le 13 Décembre 2016 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; Mme Marie-Thérèse GILIBERT, Président de chambre a signé la minute avec Mme Marie-Estelle CHAPON, Greffière.

DÉCISION Vu l’ordonnance rendue contradictoirement le 8 avril 2016 par le président du tribunal de commerce d’Amiens, statuant en référé dans le litige opposant la SARL Longpré Funéraire et la SARL Abbeville Funéraire, d’une part, à la SARL Pompes Funèbres Hannedouche, d’autre part, qui a :

— au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront,

— mais dès à présent, et avec exécution provisoire, enjoint à la société SARL Pompes Funèbres Hannedouche, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par infraction constatée passé le délai de deux mois à compter de la signification de l’ordonnance de :

— cesser d’utiliser sur quelque support que ce soit (véhicules, bâtiments, Internet, presse, publicité, Pages Jaunes, support vocal, documents commerciaux, correspondances,') une enseigne associée ou non à un logo, incluant les mots juxtaposés « crématorium » « crémation » « funérarium » et «Hannedouche »

— cesser d’utiliser les mots « crématorium » et « crémation » sur quelque support que ce soit (véhicules, bâtiments, Internet, presse, publicité, Pages Jaunes, support vocal, documents commerciaux, correspondances,') à l’occasion de toute activité funéraire autre que celle exclusivement dédiée au service public de la crémation définie par convention avec la Municipalité d’Abbeville, ou sur tous les supports destinés à permettre aux familles de se renseigner sur le Service Extérieur des Pompes Funèbres,

— cesser de faire référence aux Pompes Funèbres Hannedouche et de faire des offres commerciales au profit de ces dernières, lorsque les familles communiquent téléphoniquement avec le crématorium Abbevillois en utilisant le numéro de téléphone qui lui est dédié,

— obligé par ailleurs la même société à déposer l’enseigne « crématorium Abbevillois » apposée sur le fronton du magasin des Pompes Funèbres Hannedouche situé XXX et à l’apposer sur le bâtiment du crématorium sous la même astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai de 15 jours à compter de la signification de l’ordonnance,

— débouté les requérantes du surplus de leurs demandes,

— condamné la SARL Pompes Funèbres Hannedouche à payer à chacune des sociétés SARL Longpré Funéraire et SARL Abbeville Funéraire la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens en ce compris le coût du procès-verbal de constat de Maître X, huissier de justice associé à Abbeville, du 23 novembre 2015.

Vu l’appel interjeté le 10 mai 2016 par la SARL Pompes Funèbres Hannedouche à l’encontre de cette décision,

Vu les conclusions déposées le 11 mai 2016, régulièrement communiquées le 5 juillet 2016, aux termes desquelles la SARL Pompes funèbres Hannedouche, appelante, demande à la Cour d’infirmer l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau,

à titre principal,

— de constater l’incompétence du juge des référés au motif qu’il existe une contestation sérieuse et qu’il n’est pas démontré que le juge des référés était saisi d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite et en conséquence, de renvoyer les sociétés Longpré Funéraire et Abbeville Funéraire à mieux se pourvoir,

subsidiairement, sur le fond,

— de dire et juger n’y avoir lieu à la dépose de l’enseigne « crématorium Abbevillois » figurant sur le bâtiment lui appartenant,

— de constater qu’elle a résilié le site Internet qu’elle possédait, cette résiliation prenant effet à compter du 1er juin 2016, quant au fait que ce site mentionnait le terme « crématorium »

— de constater que les termes employés par la société Pompes Funèbres Hannedouche à savoir « crémation », « funérarium » et « Hannedouche » ne constituent en rien une méconnaissance des principes de neutralité, de loyauté et de sincérité

en conséquence,

— d’infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle lui a fait interdiction d’utiliser les termes susvisées en les juxtaposant sur ses offres commerciales et sur l’ensemble des supports utilisés,

— de condamner les sociétés Longpré Funéraire et Abbeville Funéraire à lui payer chacune une somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens de première instance et d’appel, Vu les conclusions enregistrées le 26 septembre 2016, régulièrement communiquées, aux termes desquelles la SARL Longpré Funéraire et la SARL Abbeville Funéraire demandent à la Cour de confirmer l’ordonnance entreprise sauf en ce qui concerne le montant de l’astreinte qu’il convient de porter à hauteur de 500 euros et de déclarer leur appel incident recevable et bien-fondé, en conséquence,

— d’enjoindre à la SARL Pompes Funèbres Hannedouche sous astreinte de 500 euros par jour de retard ou par infraction constatée passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir de :

— cesser d’utiliser sur quelque support que ce soit (véhicules, bâtiments, Internet, presse, publicité, Pages Jaunes, support vocal, documents commerciaux, correspondances,') une enseigne, associée ou non à un logo, incluant les mots juxtaposés « crématorium », « crémation », « funérarium » et «Hannedouche »,

— cesser d’utiliser les mots « crématorium » et « crémation » sur quelque support que ce soit (véhicules, bâtiments, Internet, presse, publicité, Pages Jaunes, support vocal, documents commerciaux, correspondances,') à l’occasion de toute activité funéraire autre que celle exclusivement dédiée au service public de la crémation définie par convention avec la municipalité d’Abbeville ou sur tous les supports destinés à permettre aux familles de se renseigner sur le service extérieur des pompes funèbres,

— cesser de faire référence aux Pompes Funèbres Hannedouche et de faire des offres commerciales au profit de ces dernières lorsque les familles communiquent téléphoniquement avec le crématorium Abbevillois en utilisant le numéro de téléphone qui lui est dédié,

— de déposer l’enseigne « crématorium Abbevillois » apposée sur le fronton du magasin des Pompes Funèbres Hannedouche situé XXX à Abbeville et l’apposer sur le bâtiment du crématorium,

— d’organiser l’accès des familles (stationnement compris) aux bâtiments des Pompes Funèbres Hannedouche , du funérarium et du crématorium Abbevillois de manière distincte et clairement délimitée, à l’exclusion de toutes références visuelles ou de toutes sollicitations commerciales, actives ou passives, relatives aux Pompes Funèbres Hannedouche à l’égard des familles désireuses de se rendre au funérarium ou au crématorium,

— de cesser d’indiquer sur quelque support que ce soit (véhicules, bâtiments, Internet, presse, publicité, Pages Jaunes, support vocal, documents commerciaux, correspondances,'), que les Pompes Funèbres Hannedouche sont à votre service depuis 1982' pour plus de proximité nous avons 5 agences réparties sur l’ensemble de la Somme : Abbeville, Amiens, Ault, XXX,

— de cesser d’indiquer sur quelque support que ce soit (véhicules, bâtiments, Internet, presse, publicité, Pages Jaunes, support vocal, documents commerciaux, correspondances,') que les Pompes Funèbres Hannedouche ont « ouvert une chambre funéraire à Sorel en Vimeu »,

— de condamner l’appelante au paiement à chacune des intimées de la somme de 15 000 euros à titre de provision sur le préjudice définitif,

— de condamner l’appelante au paiement à chacune des intimées de la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, par moitié à chacune, comprenant le coût du procès verbal de constat du 23 novembre 2015, dont distraction au bénéfice de Maître Delahousse, avocat aux offres de droit, en vertu de l’article 699 du code de procédure civile, Pour l’exposé des moyens des parties, examinés dans les motifs de l’arrêt, il est expressément renvoyé aux conclusions susvisées,

Vu l’ordonnance rendue le 11 mai 2016 au visa des dispositions de l’article 905 du code de procédure civile organisant calendrier de procédure et fixant l’affaire à l’audience de plaidoiries du 7 juillet 2016 et la clôture à cette audience,

Vu le renvoi de l’affaire et le report de la clôture à l’audience de plaidoiries du 6 octobre 2016,

Vu l’ordonnance de clôture du 6 octobre 2016 sans observation des parties,

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

La SARL Longpré Funéraire et la SARL Abbeville Funéraire sont deux opérateurs funéraires habilités par la Préfecture de la Somme notamment pour l’organisation des obsèques et la gestion de chambre funéraire respectivement à Longpré les Corps Saints et à Abbeville.

La SARL Pompes Funèbres Hannedouche est un opérateur funéraire, habilité par la Préfecture de la Somme, notamment pour l’organisation des obsèques et la gestion de deux chambres funéraires l’une à Saint Valéry sur Somme l’autre à Abbeville ainsi que pour la gestion d’un crématorium à Abbeville.

L’exploitation de ce crématorium s’agissant d’un service public communal délégué, a fait l’objet d’une convention le 17 janvier 2001 avec la municipalité d’Abbeville, exclusivement compétente selon le code général des collectivités territoriales (CGCT) en suite d’une délibération du conseil municipal du 18 décembre 2000.

L’enseigne du crématorium fut celle associant le nom du gérant des pompes funèbres Hannedouche « crématorium Hannedouche » et non « crématorium Abbevillois » jusqu’à un rappel à la loi en octobre 2015 par la Préfecture de la Somme qui rappelait en outre que la liste des opérateurs de pompes funèbres du département devait être affichée à l’intérieur du crématorium.

La SARL Longpré Funéraire et la SARL Abbeville Funéraire, estimant que les principes de neutralité, de loyauté et de sincérité sont restés systématiquement bafoués ont fait dresser procès-verbal de constat le 23 novembre 2015 par Maître X, huissier de justice.

I l a été constaté par l’huissier mandé que :

— les pompes funèbres Hannedouche utilisent sur de nombreux supports (véhicules, bâtiments, Internet, Pages Jaunes, documents commerciaux') une enseigne, associée ou non à un logo, incluant les mots « crématorium », « crémation », « funérarium » et « Hannedouche »,

— l’enseigne « crématorium Abbevillois » se trouve non sur le bâtiment du crématorium mais sur le magasin de pompes funèbres,

— les bâtiments du magasin de pompes funèbres, du funérarium et du crématorium sont imbriqués à ce point que les familles appelées à se rendre au crématorium ou au funérarium se voient imposer un cheminement excluant toute neutralité,

— lorsque les familles appellent le crématorium au numéro qui lui est dédié, l’interlocuteur répond : « pompes funèbres Hannedouche » et non « crématorium Abbevillois »,

— lorsqu’une famille recherche sur Internet un crématorium à Abbeville, elle est dirigée sur un site PF Hannedouche.fr sur lequel il est indiqué « crématorium Abbeville » « Venez découvrir notre magasin Pompes funèbres Hannedouche situé XXX » sans que ne soit indiqué le numéro de téléphone du crématorium mais seulement celui des Pompes funèbres Hannedouche 03 22 31 20 45,

— lorsqu’une famille s’intéresse sur la page Internet précitée aux prestations, une autre page affiche les données commerciales suivantes : « les Pompes funèbres Hannedouche à Abbeville, Amiens, Ault dans la Somme mettent à votre service différentes prestations : marbrerie, article funéraire, funérarium, crématorium,

— lorsqu’une famille souhaite se renseigner à partir de cette page sur l’item crématorium, une nouvelle page s’affiche : « Venez découvrir notre magasin Pompes funèbres Hannedouche situé XXX à XXX »,

— lorsqu’une famille revient sur la page accueil, elle se voit indiquer que les pompes funèbres Hannedouche sont « à votre service depuis 1982' pour plus de proximité nous avons cinq agences réparties sur l’ensemble de la Somme : Abbeville, Amiens, Ault, XXX,

— lorsqu’une famille entend se renseigner sur l’item crématorium, il lui est indiqué : « crématorium 80 Airaines. Venez découvrir notre magasin Pompes funèbres Hannedouche situé XXX à XXX »,

— sur ces sites et autres supports, figure systématiquement le logo des pompes funèbres Hannedouche incluant la mention « crématorium »,

— sur les documents commerciaux, Internet, Pages Jaunes, publicités, notamment une publicité parue dans le courrier Picard du 26 octobre 2015, procès-verbaux de crémation et cartes de visite les mots « crématorium » et « crémation » sont associés aux Pompes funèbres Hannedouche.

Considérant que ces pratiques créaient une situation de concurrence déloyale et contrevenaient aux dispositions du code général des collectivités territoriales comme au principe de neutralité des chambres funéraires selon l’Autorité de la concurrence (décision du 24 février 2011) et au principe de neutralité des crématoriums selon la même autorité (décision du 20 octobre 2011), la SARL Longpré funéraire et la SARL Abbeville funéraire ont saisi en référé le président du tribunal de commerce d’Amiens.

Le premier juge a :

— mis au passif d’une erreur de plume le visa allégué de l’article 809 du code de procédure civile au lieu de l’article 873 du même code sans que l’absence de référence du visa de cet article puisse sérieusement l’empêcher, alors qu’il est saisi sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, d’accorder une provision pour dommages et intérêts, pourvu que ceux ci résultent d’une obligation non sérieusement contestable,

— estimé qu’il n’existait pas de contestation sérieuse tirée des griefs formulés et qu’il importait peu que la société pompe funèbres Hannedouche soit par son dirigeant associé minoritaire d’une des sociétés requérantes

— constaté que la société assignée ne contestait pas avoir fait l’objet d’un rappel à la loi de la part de la Préfecture de la Somme quant à l’utilisation confusionnelle pour les familles de l’enseigne du crématorium de nature à laisser entendre que ce crématorium était réservé à la clientèle des pompes funèbres Hannedouche,

— considéré qu’en dépit des mesures demandées par la Préfecture et exécutées, il subsiste toujours un risque de confusion préjudiciable au respect des règles de la concurrence imputable au comportement de la société pompe funèbres Hannedouche du fait : – de la position de l’enseigne placée sur le magasin des pompes funèbres

— du site Internet faisant l’objet d’une résiliation mars 2016 mais encore active

jusqu’en juin et dont les modalités de nettoyage ne sont pas prévues

— de l’accueil téléphonique où il est avéré que les pompes funèbres Hannedouche répondent aux numéros de téléphone du crématorium.

Pour l’exposé des moyens des parties, examinés dans les motifs de l’arrêt, il est expressément renvoyé aux conclusions susvisées par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile,

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 octobre 2016, sur demande conjointe des parties.

CECI ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

À hauteur d’appel, la SARL Pompes Funèbres Hannedouche fait valoir :

— qu’elle bénéficie, selon correspondance de la Préfecture de la Somme du 17 avril 2014, de l’autorisation d’exercer les activités funéraires suivantes : fourniture de personnel et des objets et prestations nécessaires aux obsèques, inhumation, exhumation et crémation, gestion d’une chambre funéraire et gestion d’un crématorium, qu’ainsi, le terme crémation fait partie intégrante de son activité,

— que les sociétés intimées juxtaposent dans les Pages Jaunes de l’annuaire elles-mêmes les mots « crématorium », « crémation » et « funérarium »,

— qu’en fait, les sociétés intimées, alors que le père de l’actuel gérant de Pompes Funèbres Hannedouche et ancien gérant de cette entreprise est associé minoritaire de la société Abbeville Funéraire, n’ont jamais admis que la concession du crématorium Abbevillois soit accordée à la société Pompes Funèbres Hannedouche encore qu’elles n’aient jamais formé un quelconque recours à l’encontre de la décision du conseil municipal d’Abbeville.

Elle soutient que les intimées ont saisi le juge des référés sur un fondement juridique erroné en visant les dispositions de l’article 809 du code de procédure civile qui ne concerne que le tribunal de Grande instance et les dispositions de l’article 1382 du Code civil alors que le juge des référés ne détient la possibilité d’allouer une provision que sur le fondement de l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile ; que l’article 872 permet au président du tribunal de commerce d’ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse et que justifie l’existence d’un différend ; que l’article 873 permet, même en présence d’une contestation sérieuse, au président de prescrire des mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Elle conteste l’existence d’un trouble illicite, soutient s’être conformée aux prescriptions préfectorales après rappel à la loi par courrier du 13 février 2015 et constate que le juge des référés n’a été saisi qu’en février 2016, que dès lors, le dommage imminent n’est pas caractérisé.

Elle s’étonne que le juge des référés ait fait droit à la demande de déplacement de l’enseigne alors que le préfet avait uniquement fait injonction de modifier les termes de l’enseigne et non pas son emplacement et prétend que s’il y a litige sur ce point, il relève de la compétence du juge du fond.

Elle fait valoir qu’elle s’est conformée aux prescriptions préfectorales, dépourvues d’ambiguïté, et prétend qu’au regard de la configuration des lieux et de l’immeuble, si la mention crématorium Abbevillois était apposée sur le mur du crématorium elle ne serait pas visible de la clientèle en raison de la configuration des lieux.

S’agissant du site Internet qu’elle avait ouvert, elle précise que le contrat a fait l’objet d’une résiliation avec le prestataire le 10 décembre 2015 mais affirme qu’il n’est pas contraire aux règles de la concurrence que les mots crémation comme funérarium, également utilisés par les sociétés intimées qui au surplus utilisent le crématorium à des fins publicitaires, soient associés au nom Hannedouche. Elle admet devoir retirer le seul terme crématorium de l’ensemble de ses annonces.

Les sociétés intimées indiquent que l’article 873 du code de procédure civile et l’article 1382 du Code civil ont bien fondé leur demande en dépit d’une erreur de plume dans l’acte introductif d’instance et soutiennent que si le juge du fond est compétent s’agissant de l’évaluation du préjudice, le juge des référés reste compétent pour ce qui concerne un dommage imminent et un trouble manifestement illicite.

Elles sollicitent la confirmation de l’ordonnance entreprise, outre le prononcé de mesures sollicitées auxquelles le premier juge n’a pas fait droit (points 5 à 7 des demandes), s’agissant de l’organisation de l’accès des familles, stationnement compris, aux bâtiments des Pompes funèbres Hannedouche, du funérarium et du crématorium Abbevillois de manière distincte et clairement délimitée, relatives aux faits que les pompes funèbres Hannedouche se présentent comme une entreprise au service des usagers depuis 1982 alors qu’elle a été créée en 1991, que soient évoquées cinq agences alors qu’il n’en existe que trois comme l’existence d’une chambre funéraire à Sorel en Vimeu qui n’a jamais été ouverte.

Elles rappellent les dispositions du code général des collectivités territoriales organisant le régime juridique des funérariums et des crématoriums, le principe de neutralité des chambres funéraires et des crématoriums affirmé par l’Autorité de la concurrence pour protéger les familles et veiller à préserver leur libre choix, outre la libre concurrence.

Aux termes des dispositions de l’article 873 du code de procédure civile, « le président peut, dans les mêmes limites (s’agissant des limites de la compétence du tribunal) et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. ».

Au regard de la nature des demandes dont le premier juge était saisi, c’est à juste titre qu’il a considéré que les demandes de la société SARL Longpré funéraire et de la société SARL Abbeville funéraire étaient fondées juridiquement sur ce texte, qu’il a mis au passif d’une erreur de plume le visa allégué de l’article 809 du code de procédure civile et qu’il s’est déclaré compétent pour statuer.

C’est également par une exacte appréciation des faits que le premier juge a estimé qu’il subsistait un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle préjudiciable au respect des règles de la concurrence et imputable au comportement de la SARL Pompes funèbres Hannedouche et qu’il y avait lieu de prendre toutes les mesures conservatoires utiles qui s’imposaient pour faire cesser le trouble manifestement illicite, comme contraire aux règles et usages d’une concurrence loyale, orchestré et entretenu délibérément par cette entreprise et susceptible de causer un dommage aux entreprises concurrentes demanderesses alors qu’il était indifférent que l’ancien gérant de la SARL Pompes funèbres Hannedouche se trouve être associé minoritaire de l’une d’elles ou qu’elles auraient prétendument tardé à agir.

Au vu du constat dressé par huissier de justice le 23 novembre 2015, le premier juge a pertinemment imposé, par application du contrat de concession faisant obligation au concessionnaire une stricte neutralité à l’égard des entreprises funéraires mandataires des familles , que l’enseigne « crématorium Abbevillois » soit déposée du fronton du magasin des pompes funèbres Hannedouche et apposée sur le mur du crématorium, sous astreinte, sans que les prétendues difficultés de visualisation évoquées par la société appelante, qui peuvent être aisément palliées au moyen d’une signalétique adéquate, puissent être considérées.

C’est également à bon droit que le premier juge a interdit, par une disposition qui n’est d’ailleurs pas contestée à hauteur d’appel, la juxtaposition sur quelque support que ce soit et sous astreinte des termes « crématorium » et , dont la société appelante n’est que le concessionnaire de la gestion et qui peut être utilisé par d’autres opérateurs, et « Hannedouche ».

Il ressort de l’attestation du préfet de la Somme du 17 avril 2014 que l’entreprise de pompes funèbres Hannedouche est habilitée notamment pour la gestion d’une chambre funéraire (ou funérarium). Le respect du principe de neutralité des chambres funéraires impose qu’un opérateur de pompes funèbres possédant une chambre funéraire, détenant par rapport aux autres opérateurs un atout concurrentiel qui résulte notamment de la proximité immédiate entre la chambre funéraire et ses locaux commerciaux, se soumette à certaines obligations dont particulièrement l’affichage dans les locaux d’accueil des chambres funéraires de la liste des régies, entreprises et associations et leurs établissements de pompes funèbres établie par le préfet du département. Pour autant, il n’apparaît pas contraire au respect du principe de neutralité ou attentatoire aux règles de la concurrence, que la SARL Hannedouche indique qu’elle dispose d’une chambre funéraire, comme procèdent d’ailleurs les sociétés intimées, et pas davantage qu’elle peut offrir à ses clients le service de la crémation. En conséquence, l’ordonnance entreprise sera partiellement infirmée en ce qu’elle a interdit à la SARL Pompes funèbres Hannedouche l’utilisation sur quelque support que ce soit, d’une enseigne, associée ou non à un logo, incluant les mots juxtaposés « crémation », « funérarium » et « Hannedouche » et l’utilisation du mot « crémation » sur quelque support que ce soit.

Il y a lieu par ailleurs de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a enjoint à la société pompe funèbres Hannedouche de cesser de faire référence aux pompes funèbres Hannedouche et de faire des offres commerciales au profit de cette dernière lorsque les familles communiquent téléphoniquement avec le crématorium Abbevillois en utilisant le numéro de téléphone qui lui est dédié.

Considération prise de la distribution des locaux à l’intérieur desquels se trouve le crématorium Abbevillois, dont il n’est pas établi ni même soutenu qu’elle ait été modifiée postérieurement à la délibération du conseil municipal d’Abbeville du 18 décembre 2000, qui n’a pas été contestée, et de l’importance des travaux d’aménagement qui seraient nécessaires, il n’y a pas lieu, au stade du référé, les parties étant sur ce point renvoyées à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, d’ordonner l’organisation de l’accès des familles, stationnement compris, aux bâtiments de la SARL Pompes funèbres Hannedouche, du funérarium et du crématorium Abbevillois de manière distincte et clairement délimitée à l’égard des familles désireuses de se rendre au funérarium ou au crématorium.

S’agissant de la date de création de la SARL Pompes funèbres Hannedouche, du nombre d’agences ouvertes par cette entreprise et de la mention de l’ouverture prochaine d’une chambre funéraire à Sorel en Vimeu, la Cour considère, comme le premier juge dont la décision sera de ces chefs confirmée, qu’à supposer ces allégations mensongères, ce qui n’est établi par aucune pièce, elles ne sont pas de nature à justifier l’intervention du juge dans le cadre de la procédure de référé.

En conséquence, la Cour confirmera l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions à l’exception de celles enjoignant à la SARL pompe funèbres Hannedouche de cesser d’utiliser une enseigne, associée ou non à un logo, sur quelque support que ce soit, incluant les mots juxtaposés « crémation » « funérarium » et « Hannedouche » et de cesser d’utiliser le mot « crémation » sur quelque support que ce soit, sans qu’il y ait lieu de modifier ni les conditions ni le montant de l’astreinte fixés par le premier juge, suffisamment comminatoires. À défaut de pièces produites aux débats permettant d’évaluer le montant du préjudice subi par la SARL Longpré funéraire pompes funèbres et la SARL Abbeville funéraire du fait des agissements de la SARL Pompes funèbres Hannedouche, il convient de confirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté les deux sociétés intimées de leur demande de condamnation de la société appelante à leur verser une provision à valoir sur l’indemnisation de leur préjudice.

Sur les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :

L’ordonnance querellée sera confirmée en ce qu’elle a condamné, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la SARL Pompes Funèbres Hannedouche, partie perdante, à payer à chacune des deux sociétés intimées une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par elles devant le premier juge non compris dans les dépens.

Ajoutant à l’ordonnance entreprise, en équité et au regard de la situation économique de chacune des parties, la Cour déboutera la SARL pompe funèbres Hannedouche, qui pour l’essentiel succombe en l’exercice de sa voie de recours, de sa demande sur ce fondement et la condamnera à payer à chacune des deux sociétés intimées une somme complémentaire de 1000 euros au titre des frais exposés par elles à hauteur d’appel.

L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a condamné la SARL Pompes funèbres Hannedouche aux dépens de référé, lesquels comprendront le coût du procès-verbal de constat de Maître X, huissier de justice à Abbeville du 23 novembre 2015, et ajoutant à la décision critiquée, la Cour condamnera la SARL Pompes funèbres Hannedouche aux dépens d’appel dont distraction sera ordonnée, par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, au bénéfice de Maître Franck Delahousse.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort, par arrêt mis à disposition,

Confirme l’ordonnance rendue le 8 avril 2016 par le président du tribunal de commerce d’Amiens en toutes ses dispositions à l’exception de celles enjoignant à la société Pompes funèbres Hannedouche de cesser d’utiliser sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par infraction constatée passé le délai de deux mois à compter de la signification de ladite ordonnance :

— sur quelque support que ce soit (véhicules, bâtiments, Internet, presse, publicité, Pages Jaunes, support vocal, documents commerciaux, correspondances,') une enseigne associée ou non à un logo incluant les mots juxtaposés « crémation » « funérarium » et « Hannedouche »,

— le mot « crémation » sur quelque support que ce soit (véhicules, bâtiments, Internet, presse, publicité, Pages Jaunes, support vocal, documents commerciaux, correspondances,') à l’occasion de toute activité funéraire autre que celle exclusivement dédiée au service public de la crémation définie par convention avec la municipalité d’Abbeville ou sur tous les supports destinés à permettre aux familles de se renseigner sur le service extérieur des pompes funèbres,

Déboute les parties, justement renvoyées à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront au principal, de leurs autres ou plus amples demandes,

Ajoutant à l’ordonnance critiquée,

Condamne la SARL Pompes funèbres Hannedouche à payer à chacune des deux sociétés intimées une somme de 1000 euros au titre des frais par elles exposés à hauteur d’appel non compris dans les dépens, Condamne la SARL Pompes funèbres Hannedouche aux dépens d’appel qui seront recouvrés, par application de l’article 699 du code de procédure civile, au profit de Maître Franck Delahousse.

La Greffière La Présidente

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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Cour d'appel d'Amiens, Chambre economique, 13 décembre 2016, n° 16/02244