Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 14 juin 2018, n° 15/02811

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Chronologie de l’affaire

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Lettre de l'Immobilier · 7 février 2022

Cass. civ. 3ème, 12 décembre 2019, n°18-23.784 N'est pas une convention d'occupation précaire le contrat, expressément prévu comme étant dérogatoire au statut des baux commerciaux, qui autorise le locataire à occuper les locaux durant une période transitoire dans l'attente de la cession à un tiers de son fonds de commerce ou de son droit au bail. Un bailleur a consenti à son preneur le renouvellement d'un bail commercial. Suivant un accord ultérieur, les parties ont convenu de la rupture anticipée du bail et ont entendu autoriser le preneur à se maintenir dans les locaux, pour une durée …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Caen, 2e ch. civ., 14 juin 2018, n° 15/02811
Juridiction : Cour d'appel de Caen
Numéro(s) : 15/02811
Décision précédente : Tribunal de commerce de Le Havre, 24 janvier 2013
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

AFFAIRE :N° RG 15/02811 -

N° Portalis DBVC-V-B67-FKYQ

Code Aff. :

ARRET N° SB. JB.

ORIGINE : Jugement du Tribunal de Commerce du HAVRE en date du 25 Janvier 2013 -

RG n° 2010004405

Arrêt de la Cour d’Appel de ROUEN en date du 5 Décembre 2013 -

Arrêt de la Cour de Cassation en date du 7 Juillet 2015
-

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

RENVOI DE CASSATION

ARRET DU 14 JUIN 2018

APPELANTES :

LA SARL NC INVEST

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

LA SCI LE CRIQUET venant aux droits de la Société NC INVEST

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentées par Me G DELAPLACE, avocat au barreau de CAEN,

assistées de Me Renaud COURBON, avocat au barreau du HAVRE

INTIMEE :

LA SARL LES ARCADES

Chez Monsieur X

[…]

[…]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me E TESNIERE, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Olivier JOUGLA, avocat au barreau du HAVRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Mme BRIAND, Président de chambre, rédacteur,

Mme HEIJMEIJER, Conseiller,

Mme GOUARIN, Conseiller,

DEBATS : A l’audience publique du 12 Avril 2018

GREFFIER : Madame LE GALL, Greffier

ARRET prononcé publiquement le 14 juin 2018 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour et signé par Mme BRIAND, président, et Madame LE GALL, greffier

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 24 octobre 2005, monsieur E Y a conclu avec la SARL les arcades un bail commercial portant sur un local situé 171 avenue du 8 mai 1945 au Havre, dans lequel était exploité un fonds de commerce de charcuterie traiteur, pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2005, et moyennant un loyer annuel de 10.123 €.

Par acte sous seing privé du 29 juin 2007, la SARL les arcades et monsieur Y ont signé un accord ayant pour objet d’anticiper la rupture du bail en cours à effet du 31 décembre 2007, laissant le propriétaire bailleur libre de convenir d’un nouveau bail avec les éventuels successeurs de la SARL les arcades.

Par acte notarié du 18 mai 2009, monsieur Y et les consorts Y ont cédé à la SARL NC Invest l’ensemble des biens et droits immobiliers correspondant aux locaux affectés à l’exploitation du fonds occupé et exploité par la SARL les arcades.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 29 septembre 2010, la SARL NC Invest a mis en demeure la SARL les arcades de libérer les lieux sans délai exposant qu’à la suite de l’expiration de la convention précaire consentie le 29 juin 2007 d’une durée de 23 mois, elle était occupante sans droit ni titre.

Par exploit du 18 octobre 2010, la SARL NC Invest a fait assigner la SARL les arcades devant le tribunal de commerce du Havre aux fins d’expulsion et de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation.

Par acte notarié du 08 février 2011, la SARL NC Invest a vendu à la SCI le criquet les lots n°7 et n°16 de l’immeuble susvisé.

Par jugement du 25 janvier 2013, le tribunal de commerce du Havre a :

— reçu la SCI le criquet, venant aux droits de la SARL NC Invest, en ses demandes et les a déclarées

mal-fondées,

— jugé nul et de nul effet l’accord intervenu le 29 juin 2007 entre monsieur Y et la SARL les arcades,

— en conséquence, dit mal-fondées les demandes de la SCI le criquet, venant aux droits de la SARL NC Invest,

— reçu la SARL les arcades en ses demandes reconventionnelles, les a dit partiellement fondées,

— condamné in solidum les sociétés NC Invest et le criquet à payer à la SARL les arcades la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

— débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

— condamné in solidum les sociétés NC Invest et le criquet à payer à la SARL les arcades la somme de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Sur appel de la SARL NC Invest et de la SCI LE CRIQUET la cour d’appel de Rouen a, par un arrêt du 05 décembre 2013 :

— débouté les sociétés NC Invest et le criquet de leur demande d’écarter des débats les pièces 11, 12 et 13 versées par la SARL les arcades,

— infirmé la décision entreprise, sauf en ce qu’elle a reçu la SARL NC Invest en ses demandes,

Et statuant à nouveau,

— constaté que la SARL les arcades est occupante sans droit ni titre,

— dit que dans le délai de deux mois à compter de la date de signification du présent arrêt, la SARL les arcades devra avoir libéré les lieux situés 171 avenue du 8 mai 1945 au Havre,

— dit qu’à défaut de libération des lieux dans ce délai, il pourra être procédé à l’expulsion de la SARL les arcades, et à celle de toutes personnes de son chef, et ce, au besoin avec le concours de la force publique,

— débouté la SARL les arcades de l’ensemble de ses demandes,

— condamné la SARL les arcades à payer à la SARL NC Invest et à la SCI le criquet la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d’appel.

Sur pourvoi de la SARL les arcades la cour de cassation a, par un arrêt du 07 juillet 2015 :

— cassé et annulé, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 5 décembre 2013, entre les parties, par la cour d’appel de Rouen ; remis, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d’appel de Caen,

— condamné la SCI le criquet et la SARL NC Invest aux dépens,

— vu l’article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande de la SCI le criquet et de la SARL NC Invest ; les a condamnées à payer la somme de 3.000 € à la SARL les arcades.

Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 25 avril 2016, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens développés la SARL les arcades demande à la cour, au visa des articles 1134, 1382 et suivants du code civil, L.145-1 et suivants du code de commerce,

L.111-10 alinéa 2 du code des procédures civiles d’exécution, de :

Réformer pour partie le jugement du tribunal de commerce du Havre du 25 janvier 2013,

Statuant à nouveau,

Dire et juger, en conséquence, que l’accord en date au Havre du 29 juin 2007 signé entre les époux Y d’une part, et la SARL les arcades, d’autre part, ne peut être qualifié de convention précaire par dérogation au statut des baux commerciaux d’ordre public prévu en application des dispositions légales précitées des articles L.145-1 et suivants du code de commerce,

Constater l’absence d’opposition du propriétaire bailleur, avant le 29 septembre 2010 au maintien dans les lieux de la SARL les arcades à l’expiration de la durée légale et/ou conventionnelle de l’accord signé le 29 juin 2007,

Dire et juger qu’il s’est opéré un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions des articles L.145-1 et suivants du code de commerce, à compter du 1er décembre 2009, subsidiairement à compter du 1er mai 2009 de la SARL les arcades et reprenant l’ensemble des stipulations non contraires au statut, contenues dans le bail commercial initial signé en date au Havre le 24 octobre 2005,

Dire et juger, en toute hypothèse, que la SARL les arcades n’était pas sans droit ni titre à compter du 1er décembre 2009 pour l’occupation du local commercial affecté à l’exploitation de son fonds sis 171 avenue du 8 mai 1945 – […], mais pouvait au contraire se prévaloir du bénéfice d’un droit à l’occupation des locaux à titre commercial et soumis au statut des dispositions légales prévues par les articles L.145-1 et suivants du code de commerce,

Dire et juger, en conséquence, que la SARL les arcades était en mesure de pouvoir, au bénéfice du statut légal des baux commerciaux, se maintenir dans les lieux affectés à l’exploitation du fonds sis 171 avenue du 8 mai 1945 – […],

Condamner les sociétés NC Invest et le criquet in solidum, au paiement de la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en relation avec le comportement déloyal et malveillant, résistance abusive ayant pour objet de faire échec à la cession du fonds de la SARL les arcades, à l’occasion notamment des tentatives de cession aux consorts Z, à monsieur F C, et résistance abusive dans le cadre de la procédure de première instance,

Condamner les sociétés NC Invest et le criquet in solidum, au paiement de la somme de 167.005€ correspondant à l’indemnisation par équivalent de la perte du fonds de commerce de la SARL les arcades et des conséquences liées à la fermeture du fond, en suite et conséquence du rétablissement de la SARL les arcades dans ses droits en l’état antérieur à l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 05 décembre 2014, cassé et annulé dans toutes ses dispositions par arrêt de la Cour de cassation du 07 juillet 2015,

Condamner les sociétés NC Invest et le criquet in solidum, au paiement de la somme de 7.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement des entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions déposées au greffe le 10 mai 2017, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens développés la SARL NC Invest et la SCI le criquet, venant aux droits de la SARL NC Invest, demandent à la cour de :

Infirmer le jugement du tribunal de commerce du Havre en date du 25 janvier 2013,

Vu l’acte de cession en date du 08 février 2011 passé entre la SARL NC Invest et la SCI le criquet,

Mettre hors de cause la SARL NC Invest,

Vu la convention d’occupation précaire du 29 juin 2007,

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,

Vu les articles 515 et 700 du code de procédure civile,

Constater que la SARL les arcades était occupante sans droit ni titre à l’expiration de la convention du 29 juin 2007,

Constater que la demande indemnitaire résultant de la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen et de l’annulation subséquente de la mesure d’expulsion qui s’en est suivie est irrecevable pour être nouvelle en cause d’appel, et de surcroît mal-fondée,

Débouter la SARL les arcades de l’intégralité de ses demandes tant à l’endroit de la SARL NC Invest que de la SCI le criquet,

Condamner, en tout état de cause, la SARL les arcades à payer à la SARL NC Invest et la SCI le criquet une somme de 6.000 € au titre des frais irrépétibles qu’elles se voient contraintes d’exposer aux fins des présentes et de ses suites.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 7 juin 2017.

MOTIFS DE LA DECISION

— Sur la mise en cause de la société NC Invest

Pour conclure à sa mise hors de cause la société NC Invest fait valoir qu’elle n’est plus propriétaire des locaux occupés par la SARL les arcades qu’elle a vendus à la SCI le criquet le 8 février 2011.

Mais la responsabilité de la société NC Invest étant recherchée par la SARL les arcades qui lui reproche ainsi qu’à la SCI le criquet d’avoir fait échec à la cession de son fonds de commerce et demande à ces deux sociétés de réparer le préjudice qui en serait résulté, la société NC Invest ne peut être mise hors de cause et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il l’a déboutée de cette demande.

— Sur la qualification de la convention du 29 juin 2007 et ses conséquences

Le 29 juin 2007 les époux Y, bailleurs, et la SARL les arcades ont conclu la convention suivante :

'La SARL les arcades se trouve aux droits de la SA charcuterie Y par suite de la transmission universelle du patrimoine de la SA charcuterie Y à la SARL les arcades en date du 13 septembre 2000.

'Par convention en date du 24 octobre 2005 ce bail a été renouvelé pour une durée de neuf années entières et consécutives couvrant la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2013.

La SARL les arcades a notifié, ce qui a été accepté par le bailleur qui s’interdit d’invoquer à cet égard

une quelconque nullité, sa volonté de voir mettre un terme au dit bail à effet du 31 décembre 2007.

IL A ETE CONVENU ET ARRETE CE QUI SUIT :

'Par les présentes le bailleur autorise le preneur à se maintenir dans les lieux à compter du 1er janvier 2008, aux conditions de paiement de loyer et de charges figurant dans le bail en date du 24 octobre 2005, pour la durée qui lui sera nécessaire afin d’un commun accord de favoriser les intérêts des parties en présence et notamment pour le preneur, la cession de son fonds de commerce ou de son droit au bail.

Cette autorisation est librement consentie et sans limitation de durée avec un maximum de 23 mois à compter du 1er janvier 2008.

Toutefois le preneur devra aviser le bailleur de son éventuel départ avec un préavis de trois mois qui sera notifié par lettre recommandée avec accusé de réception.

A l’occasion d’une cession de fonds de commerce ou de droit au bail, un nouveau bail sera établi directement avec le successeur de la SARL les arcades, quelque soit le mode de transmission du bail.

Les présentes sont expressément dérogatoires aux articles L 145 et suivants du code de commerce, de la volonté commune des parties.

Pour le surplus les relations contractuelles et notamment les charges et conditions du bail précédemment signé, restent toutes de vigueur'.

Les appelantes soutiennent que cette convention est une convention d’occupation précaire, ce que conteste la SARL les arcades qui prétend qu’il s’agit d’un bail dérogatoire à l’issue duquel elle s’est maintenue dans les locaux sans opposition de la bailleresse de sorte qu’elle bénéficiait à nouveau d’un bail soumis au statut des baux commerciaux.

La convention d’occupation précaire se caractérise, quelque soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée qu’à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d’autres causes que la seule volonté des parties.

Si la précarité doit procéder de l’intention des parties cette intention ne suffit pas et la preuve de l’existence, au moment de la signature de la convention, de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties justifiant le recours à une convention d’occupation précaire doit être rapportée.

En l’espèce la SARL les arcades a entendu mettre un terme au bail commercial dont elle bénéficiait le 31 décembre 2007 au terme de la première période triennale.

Elle confirme dans ses conclusions qu’elle souhaitait vendre son fonds de commerce dans la perspective du départ à la retraite de son gérant, lequel a effectivement fait valoir ses droits à la retraite au début de l’année 2010.

Les parties ont entendu limiter à 23 mois à compter du 1er janvier 2008 la durée du droit d’occupation concédé par le bailleur à la SARL les arcades afin de lui permettre de céder son fonds de commerce, celle-ci disposant de la faculté de mettre fin à la convention à tout moment moyennant un bref préavis de trois mois.

Ces éléments conjugués démontrent que la précarité du droit de la SARL les arcades à occuper les lieux procède bien de l’intention des parties.

L’occupation a été consentie pour régler les relations des parties pendant la période transitoire née de la dénonciation de son bail par la SARL les arcades avec effet au 31 décembre 2007 dans l’attente 'de la cession de son fonds de commerce ou de son droit au bail’ par cette dernière dans le délai de 23 mois.

C’est cet événement incertain et extérieur à la volonté des parties puisqu’impliquant l’intervention d’un tiers se portant acquéreur du fonds, qui en constituait le terme dans la limite maximale fixée.

Il est ainsi justifié de l’existence de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties constituant un motif légitime de précarité.

La précarité s’appréciant au moment de la signature de la convention le 29 juin 2007 l’attestation établie postérieurement par monsieur Y qui déclare désormais qu’ 'il n’a jamais été question de rendre précaire l’occupation du local’ est sans incidence.

Il en est de même de la mention dans l’acte de vente des locaux litigieux par les consorts Y à la société NC Invest en date du 18 mai 2009 que 'le bien est actuellement loué au profit de la SARL les arcades pour un usage de charcuterie traiteur aux termes d’un bail commercial demeuré ci-joint et annexé après mention', cette mention étant en toute hypothèse formellement contredite par celle figurant dans l’attestation de vente établie le même jour par le notaire instrumentaire, aux termes de laquelle 'l’acquéreur est propriétaire des biens vendus à compter du jour de la signature. Il en a la jouissance à compter du même jour par la prise de possession réelle, les biens vendus étant entièrement libres de location ou occupation'.

Il en est encore de même des quittances délivrées postérieurement par monsieur Y qui ne sauraient en tout état de cause être utilement opposées comme preuve de la persistance d’un bail au motif qu’elles portent la mention 'loyer', celle-ci co-existant avec la mention 'indemnité d’occupation'.

Ayant volontairement mis un terme au bail commercial dont elle était titulaire et aux droits s’y rattachant pour conclure une convention visant néanmoins à lui permettre de céder 'son fonds de commerce ou son droit au bail’ dans le délai de 23 mois à compter du 1er janvier 2008 et prévoyant l’établissement d’un nouveau bail entre le bailleur et le tiers acquéreur, la SARL les arcades ne peut valablement soutenir que la convention du 29 juin 2007 serait nulle et en tous les cas lui serait inopposable comme compromettant les droits qu’elle tient du statut des baux commerciaux, les mêmes éléments excluant toute fraude à ces dispositions d’ordre public.

Dès lors qu’elle se caractérise, quelque soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’était autorisée qu’à raison de circonstances exceptionnelles et pour une durée dont le terme est marqué par d’autres causes que la seule volonté des parties la convention litigieuse doit être qualifiée de convention d’occupation précaire et le jugement déféré doit être infirmé en ce qu’il a statué en sens contraire et déclaré 'nul et de nul effet l’accord intervenu le 29 juin 2007 entre monsieur Y et la SARL les arcades', cette dernière étant déboutée de ses demandes contraires.

Cette convention licite et opposable à la SARL les arcades exclut explicitement l’application des dispositions des 'articles L 145 et suivants du code de commerce’ que l’intimée ne peut utilement invoquer pour se prévaloir de l’existence d’un bail dérogatoire et du statut des baux commerciaux.

La SARL les arcades ne pouvait se maintenir dans les lieux que jusqu’au 30 novembre 2009. A compter du 1er décembre 2009 elle avait la qualité d’occupante sans droit ni titre, ce qui autorisait le propriétaire des locaux à lui demander de les libérer.

Il ressort des courriers échangés par leurs conseils respectifs que la SCI le criquet se prévalant de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 4 décembre 2013 ultérieurement cassé, a imparti à la SARL les arcades un délai expirant le 16 février 2014 pour quitter les locaux litigieux.

Il n’est pas discuté qu’à cette date la SARL les arcades a effectivement libéré les lieux.

Par conséquent s’il y a lieu de dire que la SARL les arcades était occupante sans droit ni titre des locaux à compter du 1er janvier 2009 il doit être constaté qu’à la date à laquelle la cour statue elle les a libérés.

— Sur les demandes de dommages et intérêts de la SARL les arcades

La SARL les arcades a saisi la cour d’une première demande en paiement solidaire par les sociétés appelantes d’une somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts 'en réparation du préjudice subi en relation avec le comportement déloyal et malveillant, résistance abusive ayant pour objet de faire échec à la cession du fonds de la SARL les arcades, à l’occasion notamment des tentatives de cession aux consorts Z,à monsieur F C et résistance abusive dans le cadre de la procédure de première instance'.

Pour caractériser le comportement déloyal prêté aux appelantes la SARL les arcades fait valoir d’abord que celles-ci 'ont tout mis en oeuvre pour retarder l’issue de la procédure qu’elles avaient initiée et contraindre, par tout moyen, de guerre lasse, la société les arcades ou plus précisément son gérant, soit à leur consentir des indemnisations qui n’avaient pas lieu d’être à l’occasion de la cession du fonds de commerce envisagée de la société les arcades soit, mieux encore à quitter les lieux sans pouvoir céder légitimement le fonds fruit du travail de longue date de monsieur X, son gérant'.

La SARL les arcades en veut pour preuve les attestations de messieurs Z, B et C et le contenu d’un mail adressé par monsieur G D, représentant successif des deux appelantes, à monsieur C le 24 février 2012.

Dans des attestations non datées messieurs Z et B déclarent en termes identiques qu’en juin 2009 'à deux jours de signer le compromis (de vente du fonds de commerce) les propriétaires des murs nous en ont dissuadé en nous proposant un loyer très élevé soit 1050 € mensuels. Après réflexion nous avions accepté le loyer et de nouveau le propriétaire nous a annoncé un prix exorbitant de ce loyer, le faisant passer de 1050 € à 1 500 €. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas donné suite'.

Mais la société NC invest, alors propriétaire des locaux depuis le 18 mai 2009, affirme sans être utilement contredite qu’elle n’a jamais rencontré ni eu de contact avec les auteurs de ces attestations.

Si la SARL les arcades verse aux débats le projet de compromis de vente non daté et non signé qui aurait été rédigé en 2009 sans autre précision elle ne produit aucun document probant de sa communication à cette date à la propriétaire des lieux et de la réalité des échanges entre celle-ci et les acquéreurs potentiels.

Ces pièces sont dès lors insuffisantes à établir les manoeuvres prêtées à la société NC invest pour faire échouer le projet de vente allégué.

Dans son attestation du 1er avril 2012 monsieur C déclare 'j’avais pour projet l’ouverture d’un coccimarket dans le local de la SARL les arcades, propriétaire actuellement du fond, mais contenu (sic) de la lenteur de la procédure créée volontairement par la SCI le criquet j’ai du renoncer au projet'.

Un témoignage n’a de force probante qu’autant que les faits qu’il relate ont été personnellement constatés par son auteur. Monsieur C n’ayant jamais été partie aux procédures opposant les sociétés en cause, n’a jamais été en mesure de constater personnellement la lenteur alléguée et a fortiori d’en identifier le responsable et ne fait manifestement que restituer les propos en ce sens

tenus par le gérant de la SARL les arcades, ce qui suffit à ôter toute valeur probante à son attestation.

C’est par une dénaturation de son contenu que la SARL les arcades voit dans le mail adressé le 24 février 2002 par monsieur D à monsieur C la preuve d’un agissement fautif visant à décourager un acquéreur potentiel.

Dans ce mail monsieur D pour le compte du propriétaire des locaux, la SCI le criquet, informe monsieur C qu’ 'une procédure est en cours contre la SARL Arcade visant à contester son droit d’occupation ou plus précisément l’existence d’un bail commercial. L’audience vient d’être reportée à mi-mars et nous n’avons aucune visibilité sur la date où sera réellement rendu un jugement, de plus notre client nous a confirmé son intention de faire appel si le jugement ne lui était pas favorable. J’ai donc le regret de vous confirmer que cette affaire a peu de chance de se régler à court ou moyen terme sauf accord amiable. Cependant notre client est tout à fait disposé à envisager un accord amiable visant l’arrêt de la procédure en cours en contrepartie de la signature d’un nouveau bail commercial à l’activité d’épicerie avec votre client sous l’enseigne Coccimarket au prix de 1 500 € mensuel plus provision de foncier de 310 € et provision charges 15 €, indemnité (sous forme de droit d’entrée ou indemnité de déspécialisation) d’un montant de 15 000 €. Cette proposition d’accord est valable jusqu’au 11 mars'.

Rendre compte de l’état de la procédure et de l’absence de perspective de règlement à brève échéance ne vaut pas preuve d’une quelconque responsabilité dans cette situation.

Formuler dans ce contexte une proposition d’accord amiable n’est pas assimilable à une contrainte exercée sur l’acquéreur potentiel pour l’amener à conclure un bail aux conditions proposées dont rien n’établit au surplus qu’elles relevaient du 'racket contractuel’allégué.

Faute de rapporter la preuve du comportement déloyal et malveillant et de la résistance abusive ayant pour objet de faire échec à la cession du fonds imputés aux sociétés appelantes, la SARL les arcades doit être déboutée de sa demande en paiement d’une somme de 20 000 € de dommages et intérêts à ce titre, le jugement déféré étant infirmé en conséquence.

La SARL les arcades a saisi la cour d’une deuxième demande en paiement solidaire par les sociétés appelantes d’une somme de 167 000 € 'correspondant à l’indemnisation par équivalent de la perte du fonds de commerce de la SARL les arcades et des conséquences liées à la fermeture du fond, en suite et conséquence du rétablissement de la SARL les arcades dans ses droits en l’état antérieur à l’exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Rouen du 5 décembre 2013 (et non 2014), cassé et annulé dans toutes ses dispositions par arrêt de la cour de cassation du 7 juillet 2015".

Les appelantes soulèvent l’irrecevabilité de cette demande au motif qu’il s’agit d’une demande nouvelle.

Mais l’article 564 du code de procédure civile sur lequel elles se fondent, admet la recevabilité des nouvelles prétentions visant à faire juger les questions nées de la survenance ou de la révélation d’un fait.

Cette demande indemnitaire tend précisément à la réparation du préjudice que la SARL les arcades prétend avoir subi du fait de la survenance du fait nouveau constitué par son éviction postérieurement à l’arrêt rendu le 4 décembre 2013 par la cour d’appel de Rouen.

Elle est donc recevable par application des dispositions de l’article 564 du code de procédure civile.

Les appelantes font ensuite valoir que cette demande est soumise au double degré de juridiction et relève de la compétence du juge de l’exécution.

Mais dès lors que c’est à la suite de l’arrêt du 4 décembre 2013 ultérieurement cassé le 7 juillet 2015 que la SARL les arcades a quitté volontairement les locaux le 16 février 2014 sans mise en oeuvre d’aucune mesure d’exécution forcée justifiant la compétence du juge de l’exécution la cour d’appel de renvoi est compétente pour connaître de cette demande indemnitaire.

La SARL les arcades étant occupante sans droit ni titre des locaux litigieux depuis le 1er décembre 2009, terme de la convention d’occupation précaire, la SCI le criquet, propriétaire des locaux depuis le 8 février 2011, était en droit d’en exiger la libération et n’a commis aucune faute en demandant à l’intimée de partir dans le délai imparti qui expirait le 16 février 2014.

La perte de la valeur du fonds de commerce qui en serait résultée selon l’intimée n’est donc la conséquence d’aucune faute imputable aux sociétés appelantes et la SARL les arcades doit être déboutée de sa demande en paiement d’une somme de 167 000 €.

Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance doivent être réformées.

Partie perdante la SARL les arcades doit être déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Il serait inéquitable de laisser la charge de leurs frais irrépétibles aux sociétés NC invest et le criquet unies d’intérêts auxquelles la SARL les arcades doit être condamnée à payer la somme de 6 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement rendu le 25 janvier 2013 par le tribunal de commerce du Havre sauf en ce qu’il a reçu la société NC Invest en ses demandes,

Statuant à nouveau sur les dispositions réformées et y ajoutant,

Dit que la convention conclue le 29 juin 2007 par monsieur Y et la SARL les arcades est une convention d’occupation précaire,

Dit que la SARL les arcades était occupante sans droit ni titre des locaux, objets de la convention, à compter du 1er décembre 2009,

Déboute la SARL les arcades de ses demandes contraires,

Constate qu’à la date du présent arrêt la SARL les arcades a libéré les locaux,

Déboute la SARL les arcades de sa demande en paiement d’une somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts,

Déclare recevable la demande de la SARL les arcades tendant au paiement par les sociétés appelantes d’une somme de 167 000 € à titre de dommages et intérêts,

Déboute la SARL les arcades de sa demande en paiement de la somme de 167 000 € à titre de dommages et intérêts,

Condamne la SARL les arcades aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la SARL les arcades à payer aux sociétés NC Invest et le criquet unies d’intérêts la somme de 6 000 € au titre des frais irrépétibles,

Déboute la SARL les arcades de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

[…]

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Cour d'appel de Caen, 2ème chambre civile, 14 juin 2018, n° 15/02811