Cour d'appel de Colmar, 16 mai 2014, n° 85/00374

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

OD

MINUTE N° 274/2014

Copies exécutoires à :

XXX

Maître SPIESER

Le 16 mai 2014

Le Greffier

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRÊT DU 16 mai 2014

Numéro d’inscription au répertoire général : 2 A 12/05454

Décision déférée à la Cour : jugement du 01 août 2012 du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MULHOUSE

APPELANTE et demanderesse :

Madame A X

XXX

XXX

représentée par XXX, avocats à COLMAR

plaidant : Maître MOR, avocat au barreau du VAL D’OISE

INTIMÉE et défenderesse :

La S.A.S. LABORATOIRE GLAXOSMITHKLINE

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège XXX

XXX

représentée par Maître SPIESER, avocat à COLMAR

plaidant : Maître ROBERT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 mars 2014, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Adrien LEIBER, Président, et Monsieur Olivier DAESCHLER, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Adrien LEIBER, Président

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Conseiller

Monsieur Olivier DAESCHLER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Nathalie NEFF

ARRÊT Contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

— signé par Monsieur Adrien LEIBER, Président et Madame Nathalie NEFF, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Ouï Monsieur Olivier DAESCHLER, Conseiller en son rapport,

Sur prescription médicale, Mme X était vaccinée contre l’hépatite B par trois injections les 9 avril, 10 mai et 14 octobre 1996 au moyen du vaccin Engerix B, produit fabriqué par la société Smithkline Beecham, aux droits de laquelle vient la société GlaxoSmithKline (GSK). À compter de 1997, M. X présentait des sensations de dérobement du membre inférieur droit, dont la persistance l’amenait à consulter divers spécialistes, qui devaient finalement poser un diagnostic d’une probable sclérose en plaques fin 1997, confirmé en 2000.

Par ordonnance du 22 octobre 2002, le juge des référés a ordonné une expertise médicale confiée à un collège d’expert, qui a déposé le rapport le 18 février 2005.

Sur saisine de Mme X, en date du 7 décembre 2009, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie de Mulhouse, le tribunal de grande instance de Mulhouse, statuant contradictoirement le 1er août 2012, a déclaré prescrite l’action de la demanderesse tendant au principal à ordonner une expertise et à condamner le laboratoire fabricant à lui payer la somme de 912 091.34 € à titre de provision sur ses préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux, l’a rejetée, a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens et dit n’y avoir à application de l’article 700 du code de procédure civile, a débouté les parties pour le surplus.

Par déclaration électronique reçue le 13 novembre 2012, A X a interjeté appel général de cette décision.

Vu l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions de Mme X, enregistrées le 31 mai 2013, tendant à infirmer le jugement déféré, à dire la société Laboratoire GlaxoSmithKline entièrement responsable des conséquences dommageables de la vaccination Engerix B administrée à Mme X, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, subsidiairement sur celui de l’article 1382 du code civil, à condamner le laboratoire à réparer l’entier dommage subi, avant dire droit, à ordonner une expertise médicale pour l’évaluation des préjudices, à condamner l’intimé à lui payer une indemnité provisionnelle de 700 000 € au titre des préjudices patrimoniaux et de 220 000 € au titre des préjudices extra-patrimoniaux, avec les intérêts 'de droit’ à compter de la première demande devant le tribunal, à débouter l’intimé de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles, subsidiairement à saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne de la question préjudicielle suivante : 'l’interprétation faite de l’article 4 de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 par les juges français en ce que qu’ils considèrent que la directive, 'particulièrement exigeante’ s’agissant de la preuve qui repose sur les demandeurs, suppose que soit rapportée 'préalablement’ la preuve du 'défaut et du lien de causalité entre défaut et dommage', la preuve de 'l’imputabilité', 'causalité scientifique’ ou 'causalité générale’ de la maladie au produit est-elle conforme à la lettre de la directive '', à condamner Glaxosmithkline à lui payer 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d’appel ;

Vu les conclusions dernières conclusions de la SAS Laboratoire Glaxosmithkline, enregistrées le 17 septembre 2013, aux fins de confirmer le jugement entrepris, subsidiairement de débouter Mme X de toutes ses demandes, très subsidiairement, de saisir la Cour de Justice de l’Union Européenne de la question préjudicielle suivante 'les délais de prescription et d’extinction prévus par les article 10 et 11 de la directive n° 85/374 s’appliquent-ils à des actions engagées au titre des dommages survenus entre l’expiration du délai de transposition de la directive (1988) et l’entrée en vigueur de ladite loi de transposition dans l’Etat membre dont relève la juridiction saisie '', encore plus subsidiairement à la saisir de la question suivante : 'dans la mesure où l’article 6 de la directive 85/374/CEE dispose que le produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre compte-tenu de toutes les circonstances, et notamment de la présentation du produit, de l’usage du produit qui peut être raisonnablement attendu et du moment de la mise en circulation du produit, et alors que le défaut doit être apprécié à la lumière de l’attente légitime du grand public (considérant 6 de la directive), le juge national peut-il caractériser le défaut d’un produit au regard des seules circonstances propres à chaque demandeur '', de surseoir à statuer dans l’attente, à titre plus subsidiaire, d’ordonner un complément d’expertise confié aux experts précédemment désignés pour faire le point sur le lien existant entre le vaccin en cause et la pathologie de la patiente, de condamner Mme X à lui payer 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l’incident et de l’instance au fond ;

Vu l’ordonnance de clôture du 7 janvier 2014 ;

Sur ce

Vu les pièces de la procédure et les documents joints

Sur la recevabilité

Attendu que les droits fiscaux légalement applicables ont été effectivement régularisés, l’appel comme la défense seront déclarés recevables.

Sur la prescription

Attendu que pour critiquer la décision entreprise, en ce que le premier juge a déclaré sa demande irrecevable comme prescrite, en retenant que selon les articles 10 et 11 de la directive du 28 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, non encore transposée mais directement invocable depuis le 30 juillet 1988, la prescription applicable était de trois ans à compter de la date à laquelle la victime avait eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut ou de l’identité du producteur dans la limite du délai butoir de 10 ans après mise en circulation du produit et que, le droit interne devant pour le moins être interprété à la lueur du texte européen, l’action était prescrite depuis le 7 mars 2008 pour le moins, la victime ayant eu connaissance au plus tard du dommage, du défaut ou de l’identité du producteur au 7 mars 2005, date de notification du rapport d’expertise, l’appelante fait valoir que le juge doit interpréter le droit interne à la lumière de la lettre et de la finalité de la directive ; qu’elle est fondée à se référer à l’article 1147 du code civil, le fabricant étant tenu à une obligation de sécurité résultat ; que le but de la directive étant d’assurer une meilleure protection des consommateurs, l’application de cette directive ne peut aboutir qu’à plus d’exigence qu’en droit commun, la victime conservant le droit de se prévaloir des dispositions de droit interne plus favorable au titre de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle, comme le prévoit l’article 13 ; qu’en matière de prescription est applicable le délai en vigueur entre l’expiration du délai de transposition et l’entrée en vigueur de la loi de transposition, de telle sorte que le premier juge ne pouvait appliquer directement la directive, dès lors qu’elle vient en contradiction avec le droit interne, qui ignore la notion d’extinction de l’action et dont la prescription de droit commun est incompatible avec la règle posée par la directive ; qu’en matière de dommage corporel, la prescription est de 10 ans et ne court qu’à compter de la consolidation, même après la réforme de 2008 ; qu’en l’occurrence, le diagnostic remontant au 30 juin 2000, la prescription a été interrompue par la saisine du juge des référés en 2002 et suspendu jusqu’au dépôt du rapport le 18 février 2005, puis de nouveau interrompue par l’assignation au fond en novembre 2009 ; que la loi de transposition de 1998 ne s’applique pas rétroactivement et que la Cour de cassation a récemment décidé, dans un tel cas de figure, qu’il convenait d’appliquer le texte de droit interne ; que subsidiairement la directive lui permet de se prévaloir de la faute délictuelle du fabricant et de la règle de prescription édictée par l’article 2226 du code civil ;

Attendu que pour conclure au rejet de l’appel et à la confirmation, l’intimé soutient que sa responsabilité doit être appréciée par rapport aux articles 1147 et 1382 du code civil, interprétés à la lumière la directive ; qu’il s’ensuit que les délais de prescription de trois ans et d’extinction de 10 ans sont applicables ; qu’en l’occurrence, le délai de prescription est expiré, le diagnostic de sclérose en plaques datant de l’année 2000 et le rapport du collège d’expert ayant été notifié le 7 mars 2005, alors que l’assignation ne date que de novembre 2009 ; que le délai préfix de 10 ans a également expiré compte-tenu des dates d’injection en 1996 et de l’absence d’interruption de ce type de délai ; que les juridictions nationales sont tenues d’appliquer la directive de 1985 dans toute la mesure du possible pour éviter des différences de niveau de protection du consommateur, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) ayant estimé que la marge d’appréciation de chaque Etat était entièrement déterminée par la directive elle-même et devait être déduite du libellé, de l’objectif et de l’économie de celle-ci, ce qui la conduisait à censurer les législations nationales qui protégeaient le consommateur au-delà des prescriptions contenues dans la directive ; que, subsidiairement, il y a lieu de saisir la CJUE d’une question préjudicielle sur ce point ;

Mais attendu qu’il est admis que l’action en responsabilité dirigée contre le fabricant d’un produit défectueux mis en circulation avant la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 transposant la directive du 24 juillet 1985 en raison d’un dommage survenu entre l’expiration du délai de transposition de cette directive et l’entrée en vigueur de la dite loi de transposition se prescrit selon les dispositions de droit interne alors en vigueur (Cass. 1re Civ. 26 septembre 2012 n° 11-18 117) ;

Attendu, il est vrai, qu’en matière de directive non encore transposée en droit interne, il est de principe que la législation nationale doit être interprétée à la lumière de la directive; dès lors que le délai de transposition n’a pas été respecté ;

Attendu, toutefois, qu’il sera relevé que les délais de prescription de droit commun résultent de textes clairs et qu’il n’y a pas lieu à les soumettre à une quelconque interprétation du droit national à la lumière de la directive ;

Attendu, par ailleurs, que la CJUE a eu l’occasion d’énoncer qu’une directive ne pouvait pas par elle-même créer d’obligations dans le chef d’un particulier, ni être invoquée en tant que telle à son encontre (CJCE 14 juillet 1994, aff. C 91/92, pt 20, XXX), en l’absence d’effet direct horizontal ;

Attendu, enfin, qu’il est de jurisprudence constante de cette même cour que 'l’obligation pour le juge national de se référer au contenu d’une directive lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne trouve ses limites dans les principes généraux du droit et notamment dans ceux de sécurité juridique et de non-rétroactivité’ et qu’elle 'ne peut pas servir de fondement à une interprétation contra-legem du droit national (CJCE, 23 avril 2009, aff. C-378/07 et C-380/07, Y Z et a., pt 199) ;

Attendu qu’il s’ensuit que doit être appliqué sur ce point le droit interne sans restriction ;

Attendu, en l’espèce, que l’action a été introduite sur le fondement de l’obligation de sécurité résultat, tirée de l’article 1147 du code civil, subsidiairement sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour faute ;

Attendu qu’il est constant et reconnu par le laboratoire que le diagnostic de sclérose en plaque au cours de l’année 2000, suite à une ponction lombaire pratiquée sur l’intéressée le 21 juillet ;

Attendu qu’à l’époque, les actions se prescrivaient par trente ans en application du droit commun (ancien article 2262 du code civil), notamment en matière contractuelle, ou par dix ans en matière de responsabilité civile extra contractuelle à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation (article 2270-1 du code civil) ;

Attendu que suite à la loi du 17 juin 2008, ces délais ont été unifiés à dix ans par l’article 2226 nouveau du code civil qui s’applique indifféremment à toutes actions de la victime directe ou indirecte à raison d’un événement ayant entraîné un dommage corporel pour la réparation des dommages qui en résultent à compter de la date de consolidation du dommage initial ou aggravé ;

Attendu qu’en application de l’article 26 de la loi du 17 juin 2008, qui régit le droit transitoire applicable au régime des prescriptions, le délai rappelé ci-dessus n’était manifestement pas expiré à la date de l’introduction de l’action en décembre 2009, contrairement à ce qu’a considéré le premier juge, d’autant que le délai a été interrompu et suspendu par l’action en référé expertise engagée en

2002 pour le moins jusqu’à la survenance de l’ordonnance du 22 octobre 2002, dans les conditions de l’ancien article 2244 du code civil, date à laquelle de nouveaux délais ont couru ;

Attendu, en conséquence, sans qu’il apparaisse nécessaire de recourir à un renvoi préjudiciel, qu’il y a lieu d’infirmer la décision entreprise de ce chef, de rejeter la fin de non recevoir tirée de la prescription et de déclarer l’action recevable.

Sur la responsabilité contractuelle

Attendu qu’au soutien de sa demande en paiement d’une provision et en fixation d’une demande d’expertise médicale, l’appelante soutient que son action est engagée sur le fondement de l’article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive non encore transposée, impliquant une obligation de sécurité résultat à la charge du fabricant ; qu’elle est affectée d’une sclérose en plaques apparue un mois après la dernière injection inclinant les experts à considérer une imputabilité dans le cas d’un anticorps apparu sous l’effet de cette vaccination ; que le fait générateur, soit le défaut résultant du caractère anormalement dangereux du produit, est lié au risque de danger mis en évidence par le résumé des caractéristiques du produit, par une enquête de pharmaco vigilance, ainsi que par diverses études ; que ce risque présente un caractère illégitime au regard de l’usage raisonnablement attendu d’immunisation contre une pathologie hypothétique à l’exclusion du développement d’une pathologie invalidante voire potentiellement mortelle, d’autant qu’il n’y a pas eu d’information sur le risque auprès de la patiente, aucune mention ne figurant sur la notice, alors que le risque était connu ; qu’ainsi, le défaut existait lors de la mise en circulation, soit au moment des trois injections ; que le lien de causalité découle, en présence d’incertitudes scientifiques, d’un faisceau d’éléments, soit le risque sériel mis en évidence par l’enquête de pharmacovigilance, par diverses études et par l’avis même des experts, qui indiquent ne pas pouvoir écarter tout lien causal, ainsi que par la chronologie des faits et l’absence d’état antérieur ; que la circonstance qu’il y ait un antécédent familial ne contredit pas le caractère déclenchant du vaccin en l’absence d’autre cause identifiée et en présence d’un développement atypique de la maladie sur un sujet jeune par développement progressif ; qu’il y aurait lieu, le cas échéant, d’opérer un renvoi préjudiciel à la CJUE aux fins de savoir si le fait pour le juge français d’imposer à la victime de rapporter préalablement à la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité, celle de la preuve de l’imputabilité, de la causalité scientifique ou de la causalité générale de la maladie au produit est conforme à la lettre de la directive sur les produits défectueux ;

Attendu que pour s’en défendre et conclure au débouté, l’intimée soutient qu’en la matière pas plus qu’en droit commun, il n’existe de présomption de responsabilité, en dehors d’une causalité admise par le consensus au sein de la communauté scientifique ; qu’il n’existe aucune présomption grave, précise et concordante d’un tel lien de causalité, alors qu’il n’est pas scientifiquement démontré que le vaccin peut provoquer ou aggraver la sclérose et alors que l’ensemble des causes de survenue de la sclérose n’est pas connu ; qu’en particulier, n’établissent aucune présomption, la proximité temporelle, l’absence d’antécédents familiaux ou personnels ou l’absence d’autres causes possibles ; que la question préjudicielle proposée par l’appelante manque de pertinence, la preuve de l’imputabilité de la pathologie au produit étant une condition nécessaire et implicite pour caractériser un lien de causalité ; que la preuve d’un tel lien n’est pas faite, les experts judiciaires ayant conclu à l’absence de lien de causalité établi, ce que confirment les dernières données scientifiques, à l’exception d’une seule étude fortement critiquée ; que les autorités sanitaires se prononcent d’ailleurs en faveur de cette vaccination ; que le faisceau d’indices invoqué par la plaignante n’est pas convaincant : la proximité chronologique relève de la coïncidence, ne repose que sur les déclarations de la victime et n’établit aucun lien de cause à effet ; que dans le dictionnaire Vidal, la sclérose en plaques est un effet indésirable rapporté mais non démontré et que cette mention ne constitue pas un indice de causalité ; que l’indemnisation des accidents vaccinaux au titre de régime légaux dérogatoires ou du droit des accidents de travail n’est pas opposable car elle déroge aux principes de responsabilité de droit commun ; que d’autres causes ne peuvent être exclues en raison d’antécédents familiaux et de l’absence de démonstration de tout trouble neurologique ; que la preuve d’un défaut n’est pas plus rapportée, l’existence d’effets indésirables ne suffisant pas, en l’absence de caractère anormalement dangereux au regard de ce que peut légitimement attendre en terme de sécurité un consommateur moyen dans une appréciation in abstracto, sauf à interroger la CJUE aux fins de savoir si la défectuosité du produit peut être caractérisée au regard des seules circonstances propres à chaque demandeur ; qu’aucun défaut du vaccin n’est démontré, puisqu’il offrait la sécurité à laquelle on pouvait s’attendre compte-tenu du rapport bénéfice risque sur le plan collectif, qui est considéré comme positif par les autorités sanitaires et que le laboratoire a satisfait à son obligation d’information, dès lors qu’aucune preuve scientifique ne révèle que le vaccin est une cause de sclérose en plaques, même si un effet indésirable rapporté a été indiqué dans le Vidal ; que subsidiairement, il y aurait lieu à expertise complémentaire pour apprécier la situation au vu de l’évolution des connaissances scientifiques depuis la première expertise ;

Attendu que l’obligation de sécurité résultat interprétée à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 suppose que le demandeur établisse le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre ce dommage et le défaut ;

Attendu que l’existence d’un dommage n’est pas contestée, le développement d’une sclérose en plaque depuis 1997 sur la personne de Mme X apparaissant établi par les constatations médicales diverses depuis 2000, ainsi que par les conclusions du rapport d’expertise judiciaire ;

Attendu que la défectuosité du produit s’apprécie, non pas à partir de l’inaptitude du produit à l’usage mais en fonction du défaut de sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, compte-tenu notamment de sa présentation et de l’usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ;

Attendu, s’agissant plus particulièrement d’un vaccin, que cette attente légitime doit s’apprécier en fonction du bilan coût/avantages, en comparant les avantages aux effets indésirables, lesquelles ne se confondent pas avec l’absence de sécurité à laquelle on peut légitiment s’attendre, sauf à considérer tous les médicaments comme défectueux ;

Attendu, en l’espèce, qu’il ne résulte pas des conclusions du rapport d’expertise judiciaire que l’existence d’un défaut et d’un lien de causalité avec le dommage, au sens des dispositions précitées, ait pu être mis en évidence ;

Attendu, en particulier, que les experts ont indiqué que les études épidémiologiques ne permettaient pas de faire ressortir une augmentation de l’incidence de la sclérose en plaques après la mise en place de la vaccination ; qu’en l’absence de risque démontré la question de l’évaluation du rapport bénéfice risque attendu de la vaccination chez l’intéressée et de sa justification était sans objet ; que les notes d’information relatives au vaccin étaient suffisamment précises, complexes et circonstanciées et que les précautions d’emploi mentionnées ne s’appuyaient pas sur la démonstration scientifique d’un quelconque risque et qu’en ce qui concernait les éléments mis à disposition du médecin prescripteur, les diverses modifications figurant dans le 'Vidal’ sur les effets indésirables, en particulier le fait que des poussées de sclérose en plaque auraient été rapportées dans les suites de la vaccination, ne reposait sur aucune démonstration publiée d’une augmentation du risque au décours d’une vaccination ; que s’agissant particulièrement de la patiente, la vaccination avait été pratiquée dans les règles de l’art et que l’intéressée ne présentait aucune contre-indication ;

Attendu, il est vrai, que les mêmes experts indiquent expressément que compte-tenu des biais méthodologiques, de la rareté d’une éventuelle susceptibilité génétique particulière de certains sujets, de l’absence d’étude réalisée sur un effectif suffisant dans la population française, il ne pouvait être répondu de façon formelle qu’il n’existait aucun lien entre la vaccination, même s’ils ajoutent que les causes de cette affection étant inconnues, il est impossible de les éliminer pour retenir un rôle par défaut de la vaccination et encore moins établir un lien de causalité direct, certain et exclusif ;

Attendu que compte-tenu de cette incertitude d’ordre général et scientifique, il est loisible pour se convaincre de recourir à des présomptions graves, précises et concordantes au sens de l’article 1353 du code civil ;

Attendu, sur ce plan, qu’il sera relevé dès l’abord que la seule proximité temporelle entre la dernière injection et la survenance des troubles ne saurait à elle seule établir un défaut du produit et un lien de causalité avec le dommage, alors que les troubles datés par Mme X de novembre 1996, soit environ un mois après la dernière injection, n’ont en fait été constatés objectivement et médicalement que dans le cadre d’une consultation chez un médecin homéopathe, le 24 mars 1997, puis les 8 et 23 juillet 1997 chez l’un de ses confrères ;

Attendu, par ailleurs, qu’il ne saurait être retenu qu’il n’existe aucune autre cause possible à la maladie que cette vaccination ou que la victime était antérieurement à la vaccination indemne de tout trouble neurologique, alors qu’il a été relevé dans l’expertise que l’analyse du dossier médical montrait qu’avant la vaccination, l’intéressée avait déjà consulté pour l’hypoesthésie des membres inférieurs (page 9) et qu’il est également établi que la mère de Mme X souffre elle-même de sclérose en plaques (page 10) ;

Attendu, par ailleurs, que le prétendu développement atypique de la maladie, chez un sujet jeune par développement progressif, n’apparaît pas non plus un élément dirimant en faveur d’un lien avec la vaccination, en l’absence de données médicales convaincantes ;

Attendu, sur le plan de l’information, qu’il ne saurait être reproché au laboratoire d’avoir manqué à ses obligations et d’avoir de ce fait engagé sa responsabilité, alors qu’il est avéré que depuis 1994, la monographie 'Vidal’ du vaccin couramment utilisé par les médecins prescripteurs fait état de cas rapportés de scléroses en plaques au titre des effets indésirables sans qu’aucune relation causale ait pu être pour autant établie ;

Attendu que la circonstance que la notice destinée aux patients, contrairement à la notice Vidal, n’ait pas comporté mention de ces cas au titre des contre-indications n’apparaît pas constituer un défaut, alors qu’à l’époque, tout comme maintenant, il n’est pas démontré que l’état des connaissances scientifiques commandait une information du public sur des cas très rares et seulement rapportés, en sus de l’information délivrée au médecin prescripteur, étant observé au demeurant que le choix de ne pas faire figurer cette information n’est pas imputable à GSK, qui avait pris l’initiative de faire modifier le résumé des caractéristiques du produit (RCP), mais résulte d’une proposition faite par la commission de pharmaco-vigilance indiquant qu’elle n’était justifiée pour aucun des produits mis sur le marché (annexe D 45 de Me Wetzel page 52), selon les procédures impératives en vigueur aux termes de la législation et de la réglementation en matière de santé publique;

Attendu qu’il s’ensuit, sans qu’il apparaisse nécessaire ou opportun de recourir sur l’un ou l’autre point à un renvoi préjudiciel devant la juridiction européenne, que la responsabilité du laboratoire du chef d’un manquement à une obligation de sécurité résultat tiré de la mise sur le marché d’un produit défectueux du fait de son caractère anormalement dangereux ou d’une absence ou d’un déficit d’information ne saurait être retenue.

Sur la responsabilité pour faute délictuelle

Attendu qu’au soutien de ses prétentions subsidiaires du chef de la responsabilité délictuelle, l’appelante pointe plusieurs fautes du fabricant : l’insuffisance de développement, qui a empêché l’évaluation correcte des risques de survenue de pathologies, un élargissement de la population cible du vaccin au mépris d’une alerte sur les risques et au mépris de l’autorisation de mise sur le marché ; le lancement très tardif d’enquêtes épidémiologiques et un défaut d’information par le fait d’avoir dissimulé au public l’information sur les risques du vaccin ;

Attendu que l’intimé n’a pas pris spécifiquement position sur ce terrain ;

Attendu qu’il n’est pas contesté que l’article 13 de la directive laisse, en tout état de cause, toute latitude à une victime d’agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle, sauf pour elle a établir une faute, un dommage et le lien de causalité dans les termes du droit commun ;

Attendu, sur ce terrain, qu’il sera relevé que faute d’établir l’imputabilité de l’affection à l’administration du vaccin, qui n’est pas faite en l’occurrence ni en termes scientifiques généraux ni du fait de présomptions particulières à son cas, ainsi qu’il ressort des motivations précédentes auxquelles il est expressément et plus amplement fait référence, il n’apparaît pas possible d’identifier un lien de causalité entre le dommage et les prétendues fautes tirées de l’insuffisance de développement, de l’élargissement exagéré de la population cible ou du lancement très tardif d’enquêtes épidémiologiques à les supposer démontrées ;

Attendu, concernant le défaut d’information, qu’il a déjà a été relevé qu’il ne saurait être reproché au laboratoire d’avoir manqué à ses obligations sur ce terrain et d’avoir de ce fait engagé sa responsabilité délictuelle, alors qu’il est avéré que depuis 1995 et suite à la modification du résumé des caractéristiques des produits, la monographie 'Vidal’ du vaccin couramment utilisé par les médecins prescripteurs fait état de cas rapportés de scléroses en plaques au titre des effets indésirables sans qu’aucune relation causale ait pu être pour autant établie (annexe n° 72 de Me Spieser), ce que confirme d’ailleurs l’annexe III d’une décision d’harmonisation de la Commission européenne du 28 août 2000 (annexe n° 190 de Me Spieser) ;

Attendu, au demeurant, que les experts ont relevé que les notes d’information étaient suffisamment précises complexes et circonstanciées et que les précautions d’emploi mentionnées ne s’appuyaient pas sur la démonstration scientifique d’un quelconque risque ;

Attendu, enfin, qu’il a déjà été énoncé que la circonstance que la notice destinée aux patients, contrairement à la notice Vidal, n’ait pas comporté mention de ces cas au titre des contre-indications n’apparaît pas constituer une faute, alors qu’à l’époque, tout comme maintenant, il n’est pas démontré que l’état des connaissances scientifiques commandait une information du public sur des cas très rares et seulement rapportés, en sus de l’information délivrée au médecin prescripteur, étant observé au demeurant que le choix de ne pas faire figurer cette information n’est pas imputable à GSK, qui avait pris l’initiative de faire modifier le résumé des caractéristiques du produit (RCP), mais résulte d’une proposition faite par la commission de pharmaco-vigilance indiquant qu’elle n’était justifiée pour aucun des produits mis sur le marché (annexe D 45 de Me Wetzel page 52), selon les procédures impératives en vigueur aux termes de la législation et de la réglementation en matière de santé publique;

Attendu, au bénéfice de ces motivations, qu’il y a lieu de débouter purement et simplement Mme X de son action en responsabilité pour faute.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Attendu qu’il apparaît équitable de ne pas faire application des dispositions sur l’indemnisation des frais irrépétibles à hauteur d’appel.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l’appel et la défense recevables ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi préjudiciel devant la CJUE ou à expertise ;

INFIRME le jugement entrepris uniquement en ce qu’il a déclaré l’action de Mme X prescrite et l’a rejeté comme telle ;

Statuant de nouveau de ce chef :

DÉCLARE la demande d’A X recevable mais non fondée ;

La DÉBOUTE en toutes ses fins et conclusions ;

CONFIRME pour le surplus ;

REJETTE toutes conclusions plus amples ou contraires ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE A X aux dépens.

Le Greffier Le Président

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Cour d'appel de Colmar, 16 mai 2014, n° 85/00374