Cour d'appel de Paris, 5 février 2015, n° 11/09260

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Chronologie de l’affaire

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www.grall-legal.fr · 1er février 2016

Depuis le 1er janvier 2016, les professionnels de tous les secteurs économiques ont l'obligation de permettre aux consommateurs d'avoir recours gratuitement, en cas de litiges, à un médiateur de la consommation. * * * Les règles relatives à la médiation des litiges de consommation, instaurées par l'ordonnance du 20 août 2015, ont été complétées par un décret d'application daté du 30 octobre 2015 et publié au Journal officiel le 31 octobre 2015. Ce décret achève la transposition de la directive 2013/11/UE du 21 mai 2013 « relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation …

 

www.nomosparis.com · 10 mars 2015

Dans un arrêt du 5 février 2015, la Cour d'appel de Paris a condamné la société Philips pour avoir commis des pratiques commerciales trompeuses et des actes de publicité comparative illicite au détriment de la société Seb. Philips avait lancé une friteuse qui revendiquait pouvoir faire « les frites les plus savoureuses sans huile » et « en seulement 12 minutes », allégations que Seb estimait mensongères. La Cour d'appel a fait droit aux demandes de Seb dès lors que, non seulement la notice d'utilisation préconisait 18 minutes de cuisson et non pas 12 comme allégué, mais en outre un …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 5 févr. 2015, n° 11/09260
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 11/09260
Décision précédente : Tribunal de commerce de Paris, 17 avril 2011, N° 2011002104

Texte intégral

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 05 FEVRIER 2015

(n° , 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 11/09260

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2011 – Tribunal de Commerce de PARIS – 15e chambre – RG n° 2011002104

APPELANTE :

SAS PHILIPS FRANCE

ayant son siège XXX

XXX

prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

représentée par : Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

ayant pour avocat plaidant : Me Jean-Daniel BRETZNER de l’AARPI BREDIN PRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : T12

INTIMEE :

SAS SEB

ayant son siège à XXX

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par : Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

ayant pour avocats plaidants : Me Frédérique DUPUIS-TOUBOL de l’AARPI BIRD & BIRD AARPI, avocat au barreau de PARIS, toque : R255 et Me Valérie NICOD, plaidant pour l’AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 06 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Y Z, Présidente de chambre

Monsieur Patrick BIROLLEAU, Président de chambre

Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller

qui en ont délibéré,

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Y Z dans les conditions prévues par l’article 785 du Code de procédure civile,

Greffier, lors des débats : Madame Violaine PERRET

ARRET :

— contradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Y Z, présidente et par Monsieur Bruno REITZER, greffier auquel la minute de la présente décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS ET PROCEDURE

La société Seb est une société du groupe Seb qui est un leader mondial dans le domaine de l’électroménager, exportant dans 120 pays. Elle a lancé fin 2006 la première friteuse dénommée Actifry, utilisant un mode de cuisson différent des friteuses dites en huile profonde et permettant de cuire un kilogramme de frites fraîches avec seulement 1,4 cl d’huile dont le dosage est facilité par une cuillère doseuse dédiée.

Elle détenait sur ce type d’appareil à quantité réduite d’huile dite à cuisson saine la quasi-totalité des parts de marché, son seul concurrent étant alors la friteuse dénommée Frifri de la marque Grill Frit dont la distribution était confidentielle sur le marché français.

En septembre 2010 la société Philips a lancé une friteuse dénommée Airfryer qui revendiquait de pouvoir faire « les frites les plus savoureuses sans huile » et « en seulement 12 minutes ».

La société SEB a mis en demeure la société Philips de justifier de ces qualités par des documents et notamment des rapports d’études et de tests, puis lui a fait délivrer le 8 novembre 2010 une sommation interpellative ; malgré les documents qui lui ont alors été communiqués, la société Seb a estimé que les informations communiquées par la société Philips étaient fausses et trompeuses pour le consommateur et destinées à capter une part importante du marché qu’elle-même détenait ; c’est dans ces conditions que la société Seb a saisi les autorités ou juridictions compétentes dans 7 pays européens ; elle a ainsi assigné la société Seb à bref délai par acte du 4 janvier 2011 devant le tribunal de commerce de commerce de Paris.

Par jugement en date du 18 avril 2011, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :

— dit la société Philips a commis des actes de concurrence déloyale en utilisant dans sa communication les termes «sans huile» et «cuisson en 12 minutes» ou «frites croustillantes en seulement 12 minutes» ;

— interdit à la société Philips d’utiliser les expressions «sans huile», «cuisson en 12 minutes»et «frites croustillantes en seulement 12 minutes» sur l’ensemble de ses supports de communication y compris pour les produits se trouvant chez les distributeurs et ce dans un délai de 60 jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 300€ par infraction constatée et ce pendant 6 mois :

— interdit à la société Philips de faire pointer vers son site un lien suite à une requête sur le mot clé «Actifry» à compter du troisième jour de la signification du présent jugement sous astreinte de 1 000€ par infraction constatée et ce, pendant 3 mois ;

— condamné la société Philips à payer à la société Seb la somme de 100 000€ à titre de dommages et intérêts ;

— condamné la société Philips à publier le dispositif du présent jugement sur un sixième de la page d’accueil du site internet accessible à l’adresse http://wwwphilips.fr, caractères «times new roman», de taille 12 dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement pendant une durée de 21 jours sans interruption, sans astreinte de 2 000€ par jour de retard et ce pendant 3 mois ;

Vu l’appel interjeté le 2012 par la société Philips contre cette décision.

Vu les conclusions signifiées le 28 octobre 2014 par lesquelles la société Philips demande à la Cour de :

— dire et juger que les pièces de Seb 46,75 et 76 ont été obtenues dans des conditions irrégulières et doivent être écartées ;

Sur l’absence de fait générateur de responsabilité susceptible d’être allégué à l’encontre de Philips :

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré qu’un grief de «pratique commerciale déloyale trompeuse» pouvait être formulé à l’encontre de Philips à raison de l’usage dans des publicités conçues pour promouvoir sa friteuse Airfryer, des membres de phrases «sans huile» et «des frites croustillantes en seulement 12 minutes» ;

— confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fait échec au grief de publicité comparative illicite ;

— infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a imputé à la concluante l’achat du mot clé «Actifry» et considéré que ledit achat caractérisait de sa part un comportement parasitaire ;

II subsidiairement sur l’absence de préjudice indemnisable susceptible d’être revendiqué par Seb ;

— dire et juger qu’aucun des préjudices allégués par Seb n’est démontré ;

— dire et juger qu’aucun des dits préjudices ne peut être présumé ;

— rejeter en conséquence l’ensemble des demandes d’indemnisation formulées par Seb et infirmer le jugement entrepris ;

— ordonner aux frais de Seb la publication du dispositif du dispositif du jugement à intervenir dans La Tribune, Les Echos, le Figaro ainsi que sue la page d’accueil du site www.seb.fr ;

— débouter Seb de son appel incident ;

— débouter Seb de toutes demandes, fins ou conclusions contraires ;

— condamner Seb à lui payer la somme de 30 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions signifiées le 22 octobre 2014 par lesquelles la société Seb demande à la Cour de :

— confirmer partiellement le jugement en ce qu’il a :

* dit que la société Philips a commis des actes de concurrence déloyale en utilisant dans sa communication les termes «sans huile» et «cuisson en 12 minutes» ou «frites croustillantes en seulement 12 minutes» ;

* interdit à la société Philips d’utiliser les expressions «sans huile», «cuisson en 12 minutes»et «frites croustillantes en seulement 12 minutes»sur l’ensemble de ses supports de communication y compris pour les produits se trouvant chez les distributeurs ;

* interdit à la société Philips de faire pointer vers son site un lien suite à une requête sur le mot clé «Actifry» ;

* condamné la société Philips à publier le dispositif du présent jugement sur un sixième de la page d’accueil du site internet accessible à l’adresse http://wwwphilips.fr, caractères «times new roman», de taille 12 ;

— reformer le jugement et statuant à nouveau :

* dire et juger que la société Philips a commis des actes de publicité comparative illicite en faisant apparaître sur les supports de communication du produit Airfryer les mentions «des frites croustillantes en seulement 12 minutes», «les frites les plus savoureuses sans huile ! Technologie Rapid Air pour un résultat parfait», «Deux tiers des consommateurs préfèrent les frites croustillantes de Airfryer» constitutifs d’actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Seb.

En conséquence, y ajoutant :

* dire et juger que la société Philips, en faisant usage de la dénomination « Actifry » dans le cadre des services de référencement promotionnel sur le site wwwgoogle.fr et www.orange.fr/portail a commis un acte de parasitisme constitutif d’acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Seb ;

* condamner la société Philips à verser à la société Seb la somme de 505 270 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manque à gagner subi par celle-ci du fait des actes de concurrence déloyale résultant des pratiques commerciales trompeuses, actes de publicité comparative illicite et de parasitisme exercés au préjudice de la société Seb ;

* condamner la société Philips à verser à la société Seb la somme de 200 000 euros en réparation de l’atteinte à l’image de la société Seb ;

* condamner la société Philips à verser à la société Seb la somme de 500 000 euros en réparation des investissements supplémentaires que celle-ci a été contrainte de réaliser en raison de la communication illicite de Philips ;

* interdire à la société Philips d’utiliser la dénomination «Actifry» ou faire référence à ce produit, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit pour promouvoir le produit «Airfryer» ou tout autre produit similaire ;

* dire et juger que l’ensemble des mesures d’interdiction prononcées à l’encontre de la société Philips devront être exécutées par celle-ci sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;

* dire et juger que l’ensemble des mesures d’interdiction prononcées s’étendent à tous les produits litigieux qui se trouveraient déjà stockés chez des distributeurs ou clients de la société Philips en France, celle-ci faisant son affaire personnelle du retrait des dits produits ou de la modification des mentions y figurant, par la suppression des dites mentions ou l’apposition de stickers et de son devoir d’informer, dans un délai de 10 jours à compter de la décision à intervenir tout distributeur ou client des interdictions prononcées et du respect de la décision ;

* à défaut de s’y conformer, autoriser la société Seb à procéder au retrait et à la destruction par devant huissier de tous produits, emballages, modes d’emploi et publicités faisant état des mentions litigieuses jugées constitutives de publicité trompeuse ou comparative illicite aux frais avancés par la société Philips ;

* ordonner à la société Philips de justifier à la société Seb d’avoir sollicité et organisé auprès des distributeurs et revendeurs du produit «Actifryer» le retrait des produits litigieux, la suppression des mentions litigieuses et/ou l’apposition d’autocollants et ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

* ordonner la publication du jugement ou d’un extrait de l’arrêt à intervenir dans 5 quotidiens ou revues au choix de la demanderesse à hauteur de 15 000€ ht par insertion, aux frais avancés de la société Philips, à titre de dommages et intérêts complémentaires ;

* ordonner la publication d’un extrait de l’arrêt à intervenir sur le site de la société Philips dans un délai de 8 jours à compter de la signification, pour une durée d’un mois sans interruption et ce sous astreinte de 2 000€ par jour de retard, les autres modalités et conditions de cette mesure de publication restant fixés selon les termes du jugement entrepris ;

* dire et juger que chacune des condamnations portera intérêts au taux légal avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil à compter de L’assignation introductive ;

* dire et juger que la Cour se réservera expressément le pouvoir de liquider les astreintes ainsi prononcées ;

* condamner la société Philips à verser à la société Seb la somme de 182 515,60€ ht sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la demande tendant à ce que les pièces de Seb 46,75 et 76 de la société Seb soient écartées

Considérant que la société Philips soutient que ces trois pièces doivent être écartées par la Cour en ce qu’elles ont été obtenues irrégulièrement ;

Considérant que la pièce 46 est un procès verbal de constat dressé le 6 juillet 2011 par Me Soulard dans le magasin Planet Saturn de Dijon, la pièce 75 et la pièce 76 des procès verbaux de constat établis respectivement le 30 janvier et le 6 juillet 2012 par la SCP Dodo Joo Beldon dans un magasin Darty de Lyon ;

Considérant que le constat du 6 juillet 2011 a été établi dans le cadre d’une ordonnance du 27 juillet 201I qui a fait l’objet d’un jugement de rétractation du 27 septembre 2011 qui a constaté «l’absence de valeur probante du constat d’huissier dressé» ; que cette décision ayant acquis force de chose jugée il y a lieu d’écarter la pièce 46 ;

Considérant que les deux autres constats ont été dressés dans le cadre de deux ordonnances en date des 25 janvier et 6 juillet 2012 qui ont été rétractées par arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 17 décembre 2013 ; qu’il y a lieu d’écarter les pièces 75 et 76 ;

Sur le grief de pratique commerciale déloyale trompeuse allégué par la société Seb

Considérant qu’en septembre 2010, soit trois ans après la mise sur le marché de la friteuse Actyfry par la société Seb, la société Philips a lancé une friteuse dénommée Airfryer à un prix équivalent mais qui a revendiqué des qualités supérieures en ce qu’elle pouvait faire «les frites les plus savoureuses sans huile» et «en seulement douze minutes» ;

Considérant que la société Seb prétend que ces deux affirmations sont fausses et qu’elles ont trompé le consommateur, ayant été avancées par la société Philips pour capter une part de marché importante sans pour autant différencier son produit par un prix significativement inférieur pour entrer sur ce marché dans des conditions loyales ;

Considérant que les articles 5 et 6 de la directive européenne n°2005/29 du 11 mai 2005 disposent que :

XXX

Une pratique commerciale est déloyale si :

a) …

b) elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs» ;

Que l’article L121-1 du code de la consommation qui a transposé l’article 6 de cette directive dispose :

«Une pratique commerciale est réputée trompeuse si elle contient des informations fausses et qu’elle est donc mensongère ou que, d’une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, elle induit ou est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen, même si les informations présentées sont factuellement correctes, en ce qui concerne un ou plusieurs des aspects ci-après et que, dans un cas comme dans l’autre, elle l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement :

a) l’existence du produit,

b) les caractéristiques principales du produit telles que sa disponibilité, ses avantages, les risques qu’il présente, son exécution, sa composition, ses accessoires, le service après -vente et le traitement des réclamations, le mode et la date de fabrication…»

Considérant que pour qu’il y ait pratique commerciale trompeuse deux critères doivent être satisfaits, d’une part l’existence d’une allégation fausse, d’un mensonge, d’une information erronée, d’autre part, que cette allégation ait été susceptible d’amener le consommateur moyen à prendre une décision qu’il n’aurait pas prise autrement ;

Considérant que comme il a été vu précédemment la société Philips a axé sa publicité et sa présentation de sa friteuse comme permettant d’obtenir « les frites les plus savoureuses sans huile » ;

Considérant que la société Philips fait valoir quelle a tempéré cette affirmation par un astérisque qui renvoie à la précision suivante «Pour les frites fraîches, une cuillère d’huile d’olive pour plus de goût. Les frites surgelées sont généralement précuites dans l’huile» ;

Considérant toutefois que cette mention ne constitue pas une restriction de son slogan publicitaire «sans huile», bien au contraire, puisqu’elle présente l’utilisation d’une cuillère d’huile d’olive comme destinée seulement à donner une saveur particulière aux frites et non comme une nécessité de cuisson ; que le fait d’ajouter que les frites surgelées sont précuites dans l’huile ne tempère pas davantage son affirmation première qui est celle d’une cuisson sans huile ; que, si le mode d’emploi préconise pour la réalisation de frites fraîches en son étape 3 «verser une ½ cuillère d’huile d’olive dans un saladier puis ajoutez y les pommes de terre coupées et mélangez jusqu’à ce qu’elles soient enrobées d’huile», présentant alors contrairement à sa publicité cette étape comme indispensable à la préparation des frites fraîches, celui-ci n’est accessible qu’après l’achat de la friteuse et n’était donc pas de nature à informer le consommateur moyen avant son achat ;

Que la société Philips ne saurait se prévaloir de ce que la quantité nécessaire d’huile était faible par comparaison aux friteuses avec huile ce qui l’aurait autorisée à une certaine emphase, alors même qu’elle insiste dans sa notice sur la nécessité de l’huile pour les friches fraîches en soulignant la nécessité d’un enrobage des frites fraîches avec de l’huile ;

Considérant que la société Seb justifie que l’huile a plusieurs fonctions dans la préparation des frites en faisant un ingrédient nécessaire à leur cuisson à savoir :

— être un conducteur thermique permettant à la chaleur de pénétrer rapidement l’intérieur de la frite et former rapidement une croute croustillante qui préserve l’eau le temps à la frite de cuite intérieurement ;

— apporter à la frite un goût particulier ;

— entrainer une réaction chimique dénommée Lipo-oxydation libérant des arômes spécifiques ;

— préserver les arômes ainsi libérés ;

Considérant que la société Philips ne conteste pas ce rôle de l’huile, quelle que soit la nature des pommes de terre utilisées, fraîches ou surgelées, indiquant que sa friteuse permet d’obtenir des frites sans aucun ajout d’huile lorsque les pommes de terre utilisées sont surgelées car elles ont été préalablement cuites dans l’huile et avec l’ajout d’une cuillère d’huile en présence de pommes de terre fraîches, peu importe que l’ajout se fasse alors sur les frites elles-mêmes avant leur introduction dans la friteuse ;

Considérant qu’en conséquence le slogan sans huile apposé systématiquement par la société Philips sur ses emballages et dans ses publicités a délibérément nié cette nécessité d’un minimum d’huile, puisqu’au contraire il faisait état de la mise au point d’une technologie particulière dont le résultat était présenté comme permettant une cuisson des frites sans huile, la mention d’une cuillère d’huile étant présentée comme une option destinée seulement à apporter un goût particulier, celui de l’huile d’olive étant d’ailleurs seul préconisé ;

Considérant que, si la société Philips soutient que la majorité des français utilisent des frites surgelées donc ayant déjà un enrobage d’huile, elle n’en fait pas la démonstration ; qu’au demeurant aucun élément de sa publicité ne visait précisément des frites surgelées et l’astérisque de renvoi indiquant «Les frites surgelées sont généralement précuites dans l’huile»» ne constituant pas une indication pour la cuisson des frites dans son appareil selon la nature des frites ;

Considérant que le slogan «sans huile» est suffisamment clair pour être compris par un consommateur moyen sans donner lieu à des interprétations variables ; que, si certains aliments se présentent avec ce terme «sans», comme par exemple «sans alcool» pour la bière alors que tel n’est pas le cas, il s’agit de produits réglementés par des textes quant à leur composition ce qui ne saurait être comparé avec les modalités de fonctionnement d’un appareil ;

Considérant qu’il résulte de ces éléments que l’argument sans huile a été utilisé de façon mensongère par la société Philips ;

Considérant que la société Philips produit un sondage de l’institut Ipsos qui a interrogé les consommateurs sur le point de savoir s’ils seraient disposés à faire l’acquisition d’une friteuse Airfryer nonobstant la circonstance qu’il faille ajouter une cuillère à soupe d’huile pour la cuisson de frites fraîches et dont il résulte que 65% des consommateurs interrogés ont répondu positivement et même 95% des consommateurs désireux de procéder à un achat au cours des 12 prochains mois ; que toutefois ce sondage n’est pas pertinent dans la mesure où la question ne fait que mettre en évidence le choix des consommateurs pour une friteuse utilisant peu d’huile et qui ne pouvaient qu’être séduits par une friteuse 'sans huile’ ;

Considérant que le consommateur moyen est particulièrement sensible, d’une part aux innovations technologiques, d’autre part à la nécessité de manger sainement et avec le moins de graisse possible ; qu’il ne pouvait qu’être attiré par le slogan 'sans huile’ de la société Philips et amené à privilégier sa friteuse d’autant que la société Philips ne lui fournissait aucun moyen de vérifier la véracité de celui-ci avant d’avoir procédé à l’achat et de lire alors la notice d’utilisation ;

Considérant que la société Seb verse aux débats les témoignages de consommateurs sur internet qui expriment leur déception par rapport au message «sans huile» ;

Considérant que la société Philips invoque le fait que certains distributeurs ont eux-mêmes mis en avant sa friteuse et celle de la société Seb comme étant toutes deux des friteuses sans huile ; qu’elle ne démontre aucune intervention de la société Seb à cette fin ; que cette classification par les distributeurs met seulement en évidence que l’expression «sans huile» était particulièrement porteuse et a été utilisée par les distributeurs auprès des consommateurs en incluant la friteuse de Seb, nonobstant son emballage imagé et clair mettant en évidence la nécessité de la présence d’huile à raison minimum d’une cuillère ;

Considérant que la société Seb ajoute que le temps de cuisson revendiqué par la société Philips dans ses publicités est également mensonger ; qu’elle produit une étude du Centre Technique industriel des professions de corps gras qui a utilisé la friteuse Airfryer et qui indique qu’une cuisson sans huile en 12 minutes «ne désigne pas des frites cuites» et ne conduit jamais à «des frites croustillantes» et qu’une cuisson en 21 minutes est très insatisfaisante ;

Considérant que la notice d’utilisation de la friteuse Airfryer de Philips mentionne que c’est en moyenne 18 minutes qui sont nécessaires pour faire cuire des frites fraîches et ajoute un temps de préchauffage de 3 minutes ; que les temps de cuisson figurant sur le site internet sont différents ; que toutefois il convient de constater que la société Philips distingue d’une part les frites surgelées, d’autre part les frites maison et dans chacune des deux catégories les frites fines et les frites épaisses ; que pour les frites surgelées elle indique des temps de cuisson respectifs de 9 à 16 minutes pour les fines et de 11 à 20 minutes pour les frites épaisses ; que le livre de recettes la société Philips indique encore des temps différents ;

Considérant que la société Philips reconnaît que ces temps ne sont qu’indicatifs ; que dès lors son slogan affirmant en temps de 12 minutes n’était pas fiable ;

Considérant que l’étude du Centre Technique industriel des professions de corps gras conclut que :

— concernant les frites fraîches, seule «une cuisson de 30 minutes cuisait convenablement des frites fraîches avec huile dans la proportion recommandée par Philips» ;

— concernant les frites surgelées fines «le temps de 12 minutes… conduit à des frites non croustillantes, peu cuites» et que s’agissant des frites épaisses «la cuisson en 19 minutes donne une coloration et un fondant moyen qui contribuent à définir un niveau acceptable de cuisson sans atteindre le niveau optimal» ;

Considérant que la société Philips a remis en cause les conclusions de ce laboratoire, faisant état de l’absence d’un huissier, sur les lieux de l’étude réalisée ; qu’il y a lieu de relever qu’il s’agit d’un laboratoire indépendant rattaché au ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, qui bénéficie d’accréditations dont la société Seb fournit la liste et qui est reconnu comme étant l’expert scientifique et technologique du secteur industriel des corps gras ; que l’absence d’un huissier qui au demeurant n’aurai eu aucune compétence technique, ne remet pas en cause ses conclusions qui ont été soumises au contradictoire ;

Considérant d’ailleurs que la société Philips a également fait procéder à des études et constats pour démonter la réalité des temps de cuisson qu’elle revendique sur ses supports publicitaires à savoir :

— un test d’un institut allemand, l’IPI ;

— un test réalisé par un laboratoire privé (TNO Triskelion) ;

— deux constats d’huissier ;

Que le rapport de l’IPI a retenu des temps de cuisson moyens de 18 minutes environ pour des frites surgelées, incluant le temps de préchauffage et de 19 minutes pour des frites fraîches mais qu’il s’est fondé sur le degré de coloration de la frite ce qui ne démontre pas qu’elles étaient parfaitement cuites ;

Que le rapport TNO Triskelion, outre qu’il est rédigé en anglais et non traduit, s’il retient un temps de cuisson de 12 minutes, n’inclut pas le préchauffage et ne concerne que des frites surgelées ;

Que le constat d’huissier dressé le 8 février 2011 indique qu’ont été utilisées une friteuse neuve et une friteuse ayant déjà servi sans qu’il soit précisé l’origine de l’une comme de l’autre ; que l’huissier indique avoir acheté lui-même les frites utilisées, puis avoir procédé au test consistant à les faire cuire ; qu’il n’est pas précisé la chronologie de ces opérations de sorte qu’il n’est pas démontré que les frites étaient encore congelées lorsqu’elles ont été placées dans la friteuse ce qui est de nature à fausser le temps de cuisson ; que le temps de préchauffage n’est pas pris en compte ; qu’enfin le test a porté sur des frites surgelées dites allumettes donc les plus fines et sur 350 grammes ce qui représente un peu plus qu’une portion individuelle ; qu’en conséquence la Cour ne saurait retenir les constations ainsi réalisées comme probantes du temps de cuisson de 12 minutes revendiqué par la société Philips ;

Que le constat d’huissier en date du 4 juillet 2011 a porté sur une quantité de frites surgelées du plus petit diamètre existant de seulement 300 grammes ce qui correspond à un tiers de la capacité de la friteuse ; que l’opération de cuisson préchauffage compris a duré 17 minutes dont 15 minutes de temps effectif de préchauffage et de cuisson, 2 minutes s’étant écoulées entre le préchauffage et l’introduction des frites ; que la Cour observe que la société Philips a fait procéder aux deux constats d’huissier avec des frites spécifiques, le paquet photographié par l’huissier portant «just au four» ; que dès lors ce deuxième contrat pas plus que le premier ne permet de retenir un temps de cuisson de 12 minutes ;

Considérant qu’il résulte des éléments produits à savoir le mode d’emploi à disposition du consommateur après son achat et les tests effectués par un laboratoire indépendant que le temps de cuisson de 12 minutes est mensonger quel que soit le type de frites ; que la société Philips ne rapporte pas la preuve contraire à travers les rapports et constats auxquels elle a fait procéder et qui concernent au demeurant l’hypothèse de cuisson la plus rapide à savoir une portion pour une personne soit 300 ou 350 grammes, les seules frites surgelées et les plus fines ; que le tribunal de La HAYE qui a eu à connaître du même contentieux a indiqué « Sur la base de la démonstration (test comparatif à l’audience ) de Seb, le juge délégué a pu constater que «la préparation d’une portion de 300 grammes de frites surgelées aboutit à des frites de couleur très claire, peu croustillantes mais ayant l’apparence de frites cuites dans une friteuse traditionnelle ; cependant ce résultat est insuffisant pour rapporter la preuve que 12 minutes est un temps suffisant pour préparer 300 grammes de frites dans l’Airfryer» ;

Considérant que le facteur temps dans la réalisation de tâches quotidiennes comme la préparation de repas et un facteur essentiel pour le consommateur moyen ; que la société Philips a d’ailleurs axé sa publicité sur une famille, son film publicitaire mettant en scène une mère de famille qui s’apprête à placer des frites dans l’appareil et comportant en haut de l’écran un minuteur réglé sur 12 minutes ; qu’il s’agissait donc d’un argument publicitaire déterminant pour un consommateur moyen français ;

Considérant que la société Philips a également fait procéder à un sondage par la société Ipsos auprès des consommateurs, afin de savoir s’ils seraient prêts a acheter le produit Airfryer nonobstant la circonstance que le temps de cuisson serait pour des frites fraîches non pas de 12 minutes mais de 18 minutes et fait état de réponses positives à 60% et même de 90% des consommateurs désireux d’acheter une friteuse dans les douze prochains mois ; que toutefois la question n’est pas pertinente car il s’agit d’apprécier si, pour un consommateur moyen, cette durée de 12 minutes aurait été déterminante ; que, si une durée de 18 minutes emporte leur adhésion, il est évident qu’une durée moindre était d’autant plus attractive ;

Considérant que la publicité «cuisson en 12 minutes» était donc trompeuse pour le consommateur et de nature à motiver son achat ;

Considérant en conséquence que les deux slogans mensongers utilisés cumulativement par la société Philips à savoir sans huile et en douze minutes étaient des messages de nature à déterminer le consommateur moyen à privilégier l’achat de la friteuse Airfryer ; que l’utilisation de ces slogans constituent une pratique commerciale déloyale contraire aux exigences de la diligence professionnelle de nature à déterminer un achat par un consommateur moyen ;

Sur la demande de la société Seb au titre d’une publicité comparative illicite

Considérant que la société Seb soutient qu’il existe un marché spécifique des friteuses à cuisson saine sur lequel elle a été le premier intervenant, suivi par la société Philips de sorte que les publicités de la société Philips identifiant explicitement ou non l’appareil Actifry étaient comparatives et illicites faute de respecter les conditions légales ;

Considérant que la société Philips affirme que les consommateurs n’ont pas perçu ses messages publicitaires comme opérant une comparaison avec la friteuse de la société Seb dans la mesure où il existe un seul marché, celui des friteuses, sur lequel interviennent d’autres fabricants d’électroménagers ainsi que des marques de distributeur ;

Considérant que l’article L121-8 du code de commerce dispose que :

«Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant implicitement ou explicitement un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent n’est licite que si :

1°Elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur Toute publicité qui met en comparaison des biens ou services en identifiant implicitement ou explicitement un concurrent ou des biens ou services offerts par un concurrent» ;

Considérant qu’il n’est pas contesté que les deux sociétés Seb et Philips se partagent l’essentiel de ce segment de marché que constitue la friteuse à quantité réduite en huile, même s’il existe un autre opérateur, la société Grill Frit qui propose un produit semblable ;

Considérant que les deux catégories de friteuses répondent au même besoin du consommateur à savoir préparer des frites, quand bien même le carnet de recettes accompagnant tant l’Actifry que l’Airfryer mentionne d’autres préparations ; qu’en conséquence les friteuses avec peu d’huile en ce qu’elles mettent en oeuvre une modalité de cuisson ne constituent pas des produits spécifiques non substituables ;

Considérant que la publicité diffusée par la société Philips se fonde notamment sur deux accroches à savoir d’une part «les frites les plus savoureuses, sans huile», d’autre part «des frites croustillantes en seulement 12 minutes» ; qu’avec l’emploi de la locution «plus», la société Philips a introduit un élément de comparaison en se plaçant sur le terrain de la cuisson «sans huile» ; que toutefois cet élément ne démontre pas une comparaison avec le seul produit de la société Seb, la société Philips s’opposant par ces caractéristiques à l’ensemble des friteuses notamment les friteuses traditionnelles et non pas spécialement celle de la société Seb ; que, toutefois la société Philips a produit une étude dont il résulte que les frites cuites avec l’Airfryer sont globalement moins appréciées que celles cuites avec une friteuse traditionnelle et que s’agissant des frites cuites avec l’Actifry de Seb, seuls 55,19%des consommateurs français auraient préféré celles cuites avec l’Airfryer en raison de leur croustillant ; que le terme «plus savoureuses», quoique éminemment subjectif, n’avait donc pas lieu de s’appliquer au regard des friteuses traditionnelles ; qu’il ne pouvait donc avoir été avancé par la société Philips qu’au vu des résultats obtenus auprès des consommateurs quant à l’appréciation de la qualités des frites cuites avec la friteuse Airfryer par rapport à la friteuse Actifryer ; qu’il s’agit donc d’une analyse comparative, la société Philips ayant utilisé des résultats peu significatifs à l’appui de sa publicité ;

Considérant de plus que la société Philips a diffusé en France et dans les DOM TOM une brochure dans laquelle elle indique «frites surgelées ; Des frites croustillantes en seulement 12 minutes. Il est deux fois plus rapide de préparer des frites surgelées avec Airfryer qu’avec une autre friteuse cuisson saine» ; que la mention «une autre friteuse» est au singulier ; qu’elle est caractérisée comme étant à cuisson saine alors que sur le marché des friteuses, le seul véritable concurrent de la société Philips était la société Seb avec sa friteuse Actifryer ; qu’il est enfin indiqué la référence de cette friteuse comme étant FZ7002» qui est la référence de la friteuse Actifry ce que ne conteste pas la société Philips ; qu’il s’agit bien d’une étude comparative entre les deux appareil ;

Considérant que la société Seb produit une étude de comportement des consommateurs effectuée le 21 mai 2014 sur un panel de 300 personnes par la société House of commun knowledge qui met en évidence que 79% des consommateurs indiquent avoir entendu parler d’une friteuse innovante permettant de cuire des frites avec une seule cuillère d’huile et que 42% des consommateurs désignent la société Seb comme la marque de commercialisation de cette friteuse ;

Considérant que ces éléments démontrent que le consommateur moyen connaissait le marché des friteuses et était à même d’identifier la friteuse de la société Seb, d’autant que celle-ci avait occupé quasiment seule le marché depuis 2006, qu’en conséquence cette publicité réalisait bien une publicité comparative, la société Seb étant parfaitement identifiable avec sa friteuse Actifryer ;

Considérant que, comme il a été vu précédemment cette publicité était trompeuse en ce qu’elle prétendait parvenir à un résultat de frites croustillantes en seulement 12 minutes soit un temps de cuisson moitié moindre que celui de la friteuse Actifryer ; qu’il y a lieu de réformer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société Seb de sa demande au titre d’une publicité comparative mensongère ;

Sur les agissements parasitaires allégués

Considérant que la société Seb soutient que la société Philips a commis des actes parasitaires à l’occasion de la réservation du mot clé «Actifryer», relatant qu’à partir d’une recherche effectuée à partir de celui-ci sur les moteurs de recherche google et orange, un lien promotionnel s’affiche et dirige les internautes vers les pages de son propre site,

Considérant que la société Philips fait valoir, d’une part, que la société Seb ne fait pas la démonstration de ce qu’elle aurait réservé ou acquis elle-même le mot clé auprès d’un moteur de recherche, d’autre part, que l’achat du mot clé litigieux ne caractérise pas un comportement parasitaire ;

Considérant que la société Philips affirme qu’elle ne saurait être concernée par l’achat du mot clé effectué par une société du groupe, quand bien même elle a pu bénéficier de celui-ci, aucune facture n’étant libellée à son nom pour les mois de septembre et octobre 2010 et la société Google attestant de ce qu’elle n’est pas l’acheteur ; que, pour autant la présentation de factures au nom d’une autre filiale ne démontre pas que la société Philips France n’a pas également réservé ce mot clé ; que de plus les factures produites concernent seulement la période de la fête des pères 2009 ; que le courriel de la société Google indique seulement qu’aucune activité n’a été constatée sur le compte de Philips France en octobre 2010 ; que l’ensemble de ces éléments ne permettent pas d’écarter la société Philips comme ayant acquis ce mot clé ;

Considérant que, si la société Philips produit la charte qu’elle communique à tous les prestataires qui travaillent avec elle dans le domaine Internet et qui dispose «Nous ne modifierons pas notre politique commerciale au sujet de l’utilisation de mots clés et nous ne soumettrons pas d’offre d’achat (de mots clés) sur des marques de nos concurrents afin de promouvoir nos propres produits», celle-ci concerne sa politique vis à vis de ses distributeurs et non sa politique personnelle en termes d’achats de mots clés ; qu’aucun élément ne permet d’ailleurs de retenir que l’achat aurait été réalisé par un tiers en raison même de l’existence de cette charte ;

Considérant qu’en toute hypothèse la société Philips produit un constat d’huissier dont il résulte que les liens promotionnels renvoyaient vers le site accessible à l’adresse www.philips.fr, le nom de domaine «Philips.fr» étant la propriété de la société Philips France, partie à l’instance ; que dès lors et quand bien même la société Philips France n’aurait pas acquis personnellement le mot clé «Actifry », elle en est l’utilisatrice en ce qu’elle a créé un lien avec son propre site ;

Considérant que l’achat d’un mot clé et son utilisation ne sont pas illicites sauf en cas de confusion auprès du consommateur moyen ;

Considérant que, si la société Philips affirme qu’il n’existe aucun risque de confusion entre les sites des deux sociétés qui par ailleurs bénéficient chacune d’une notoriété telle que le consommateur moyen ne peut les confondre, il n’en demeure pas moins que le mot clé Actifry correspond à un produit spécifique de la société Seb jouissant d’une notoriété certaine du fait de son ancienneté sur le marché ; que la société Philips a introduit un modèle similaire sous la dénomination Airfryer, de sorte que la confusion portait non pas sur les sociétés mais sur un de leur produit respectif en raison des similitudes existant entre ceux-ci, le mot clé Actifryer conduisant vers les pages du site Philips consacré à ce produit concurrent ; que cette confusion a été accompagnée par des man’uvres trompeuses sur les qualités de ce produit et parfaitement déloyales ; que ces faits constituent un détournement de clientèle et une utilisation parasitaire des investissements réalisés par la société Seb pour la promotion de sa friteuse ;

Sur le préjudice indemnitaire de la société Seb

Considérant que la société Seb fait état de trois préjudices, un manque à gagner, un préjudice d’image enfin un préjudice résultant des frais engagés dans une campagne publicitaire destinée à compenser les effets négatifs de la publicité illicite de la société Philips ;

Considérant que la société Philips soutient que les pièces produites par la société Seb à l’appui de ses demandes ne sont pas pertinentes ;

Sur le manque à gagner :

Considérant que la société produit une étude de l’expert A B qui expose que, pour concurrencer le produit Seb, la société Philips a écarté une politique de prix moindre et s’est placée sur le terrain de prétendues qualités de son produit, qualités qui étaient mensongères ; qu’elle a profité de la notoriété de la société Seb pour capter de manière fautive la clientèle potentielle de celle-ci en redirigeant les internautes en quête d’informations vers les pages de son site consacrées à son produit concurrent ;

Considérant que la société Seb fait valoir que la part de marché de la société Philips sur le créneau des friteuses saines est de 5% alors que cette part a atteint 12% au cours de la période de diffusion de la publicité illicite et ce jusqu’en juin 2011, date imposée par le tribunal pour se mettre en conformité ; qu’elle fait état d’un chiffre d’affaires perdu de 814 636€ au cours de cette période ;

Considérant que la perte de la société Seb correspond à la perte de marge qu’elle a subie au cours de cette période ; qu’elle produit une attestation de M. X, son directeur du Controlling, faisant état d’un taux de marge de 55,4%, soit une perte de marge de 385 270€ ;

Considérant que la société Seb affirme que ce montant doit être augmenté à raison des ventes encore réalisées illicitement par la société Philips malgré le jugement rendu soit un montant global de 120 000€ pour 24 mois depuis juin 2011 ;

Considérant que la société Philips soutient que la part de marché de la friteuse Actifry a continué de progresser entre les mois d’octobre et de décembre 2010 et entre février 2010 et février 2011 ;

Considérant que la société Philips ne critique pas le taux de marge invoqué par la société Seb ; que, si elle fait état de parts de marchés gagnés par la société Seb, elle ne conteste pas avoir elle-même pris des parts de ce marché et ce sur le fondement d’une publicité illicite et déloyale, de sorte que ses prises de parts l’ont été nécessairement au préjudice de la société Seb puisque leurs deux produits étaient similaires ; qu’en conséquence la société Seb est fondée à chiffrer son préjudice au regard de ce gain réalisé par la société Philips et qui permet d’apprécier son gain manqué ; que les deux sociétés se partageant un même créneau avec un produit similaire, la société Philips pouvait légitimement escompter gagner des parts de marché ; que ses agissements déloyaux sont nécessairement pour partie à l’origine de son gain dès lors que les deux friteuses présentaient des qualités et un prix semblables ; que la société Seb est fondée à chiffrer son préjudice à partir du gain réalisé par la société Philips ; que la Cour, en raison du partage de marché qui aurait pu intervenir dans un contexte de loyauté, alloue en réparation de son préjudice la somme de 200 000€ à la société Seb ;

Considérant que la société Seb ne justifie pas des profits qu’aurait réalisés la société Philips après juin 2011 ;

Sur le préjudice d’image :

Considérant que la société Seb fait valoir que la friteuse Actifry est son produit phare depuis 2006 et qu’elle a dépensé la somme de 7 862 671€ en frais de publicité plurimédia en France ;

Considérant que la société Philips indique avoir déboursé la somme de 2 400 000€ pour la promotion de sa friteuse ;

Considérant que par cette publicité la société Philips a contribué à détruire de manière indirecte l’image d’innovation et de qualité développée par la société Seb tant auprès de ses distributeurs que de ces clients mettant ainsi à néant partie des investissements publicitaires qu’elle avait engagés ; qu’il y a lieu d’allouer la somme de 100 000€ à la société Seb en réparation de son préjudice d’image ;

Sur les investissements supplémentaires

Considérant que la société Seb expose avoir dû investir du temps de ses collaborateurs pour répondre aux interrogations posées par les consommateurs sur les qualités alléguées de la friteuse de la société Philips et avoir dû organiser une contre campagne publicitaire alors même qu’ayant investi massivement en 2009 à hauteur de 3 909 497€, elle aurait pu revenir à des dépenses moindres de l’ordre de 1 500 000 à 2 000 000€ par an ; qu’ainsi alors qu’elle avait investi 7,8 millions d’euros pour lancer son produit sur une période de 3 ans, elle a encore investi 6,1 million d’euros entre septembre 2010 et fin décembre 2011 soit sur une période de 18 mois ;

Considérant que si dès lors qu’un produit concurrent entrait sur un marché marqué par la dualité des produits, cette situation était de nature à contraindre la société Seb à maintenir un budget de publicité élevée, il est néanmoins certain que la publicité illicite de la société Philips a contraint la société Seb à des investissements plus élevés que ceux qui auraient été induits par une concurrence loyale ; qu’il y a lieu de condamner la société Philips à payer à la société Seb la somme de 300 000€ ;

Sur les mesures d’interdiction et de publicité

Considérant que la société Seb demande à la Cour d’interdire à la société Philips l’usage du mot clé Actifryer ;

Considérant que comme il a été vu précédemment ce n’est ni l’acquisition, ni l’usage d’un mot clé qui sont illicites mais les modalités de cet usage en ce qu’il peut constituer une faute ; qu’il n’y a donc pas lieu d’interdire pour l’avenir à la société Philips l’usage du mot clé Actifryer ;

Considérant qu’il y a lieu de confirmer les mesures d’interdiction faite par le jugement de faire usage sur tout support de communication y compris pour les produits se trouvant chez les distributeurs des mentions «sans huile», «cuisson en douze minutes et «frites croustillantes en seulement 12 minutes» et ce sous astreinte ;

Considérant que les agissements de la société Philips ayant gravement porté atteinte à la société Seb, il y a lieu de faire droit à sa demande de publicité dans 5 quotidiens ou revues de son choix à hauteur de 10 000€ HT par insertion ; qu’il y a lieu de confirmer la mesure de publication sur son site pour une durée d’un mois sous astreinte ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Considérant que la société Seb a dû engager des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge, qu’il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif ; qu’il convient de relever que la société Seb justifie de frais importants notamment des tests en laboratoires ; qu’il n’y a pas lieu toutefois de prendre en compte dans ces frais les constats établis à l’occasion des ordonnances qui ont donné lieu à rétractation ; que les frais seront retenus à hauteur de 80 000€.

PAR CES MOTIFS

Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

ECARTE les pièces 46,75 et 76 de la société Seb ;

REFORME le jugement déféré en ce qu’il a débouté la société Seb de sa demande sur le fondement d’une publicité comparative illicite ;

et statuant à nouveau de ce chef,

DIT et JUGE que la société Philips a commis des actes de publicité comparative illicite en faisant apparaître sur les supports de communication du produit Airfryer les mentions «les frites les plus savoureuses, sans huile » et «des frites croustillantes en seulement 12 minutes» constitutives d’actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Seb ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus sauf à y ajouter ;

DIT et JUGE que la société Philips, en faisant usage de la dénomination «Actifry» dans le cadre des services de référencement promotionnel sur le site wwwgoogle.fr et www.orange.fr/portail a commis un acte de parasitisme constitutif d’acte de concurrence déloyale au préjudice de la société Seb ;

CONDAMNE la société Philips à payer à la société Seb les sommes suivantes :

* 200 000€ au titre du manque à gagner,

* 100 000€au titre du préjudice d’image,

* 300 000€au titre des investissements supplémentaires.

DIT et JUGE que chacune des condamnations portera intérêts au taux légal avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du code civil à compter de L’assignation introductive ;

DIT et JUGE que l’ensemble des mesures d’interdiction prononcées à l’encontre de la société Philips devront être exécutées par celle-ci sous astreinte de 1 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ;

DIT et JUGE que l’ensemble des mesures d’interdiction prononcées s’étendent à tous les produits litigieux qui se trouveraient déjà stockés chez des distributeurs ou clients de la société Philips en France, celle-ci faisant son affaire personnelle du retrait des dits produits ou de la modification des mentions y figurant, par la suppression des dites mentions ou l’apposition de stickers et de son devoir d’informer, dans un délai de 10 jours à compter de la décision à intervenir tout distributeur ou client des interdictions prononcées ;

ORDONNE à la société Philips de justifier à la société Seb d’avoir sollicité et organisé auprès des distributeurs et revendeurs du produit «Actifryer» le retrait des produits litigieux, la suppression des mentions litigieuses et/ou l’apposition d’autocollants et ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard passé un délai de 10 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

ORDONNE la publication du jugement ou d’un extrait de l’arrêt à intervenir dans 5 quotidiens ou revues au choix de la demanderesse à hauteur de 10 000€ HT par insertion, aux frais avancés de la société Philips, à titre de dommages et intérêts complémentaires ;

ORDONNE la publication d’un extrait de l’arrêt à intervenir sur le site de la société Philips dans un délai de 8 jours à compter de la signification, pour une durée d’un mois sans interruption et ce sous astreinte de 2 000€ par jour de retard, les autres modalités et conditions de cette mesure de publication restant fixés selon les termes du jugement entrepris ;

CONDAMNE la société à payer Philips à la société Seb la somme de 80 000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire ;

CONDAMNE la société Philips aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente

B. Reitzer C. Z

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Cour d'appel de Paris, 5 février 2015, n° 11/09260