Cour d'appel de Paris, 5 octobre 2016, n° 16/09363

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, 5 oct. 2016, n° 16/09363
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 16/09363
Décision précédente : Tribunal de grande instance d'Évry, JEX, 11 avril 2016, N° 16/01068

Texte intégral

Copies exécutoires délivrées

aux parties le

République française

Au nom du Peuple français

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 5

ORDONNANCE DU 05 OCTOBRE 2016

Numéro d’inscription au répertoire général : 16/09363

Décision déférée à la Cour :
Jugement du 12 Avril 2016 du Juge de l’exécution d’EVRY – RG

16/01068

Nature de la décision :
Contradictoire

NOUS, Mireille QUENTIN DE GROMARD, Conseillère, agissant par délégation du Premier

Président de cette Cour, assistée de Cécilie
MARTEL, Greffière.

Vu l’assignation en référé délivrée à la requête de :

SOCIÉTÉ VETERAN PETROLEUM LIMITED, société de droit chypriote

Spyrou Kyprianou 20A CHapo Central

Ist floor, office 3, 1075

NICOSIE (CHYPRE)

Représentée par la SELARL PELLERIN – DE MARIA -
GUERRE, avocats postulants au barreau de

PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Emmanuel GAILLARD et de Me Benjamin SIINO du Cabinet SHEARMAN &

STERLING LLP, avocats au barreau de PARIS, toque :
J006

DEMANDERESSE

à

ROSCOSMOS, Agence Spatiale Fédérale Russe en liquidation

Place Schepkina St 42

107996 MOSCOU RUSSIE

ROSCOSMOS CORPORATION D’ETAT venant aux droits de
Roscosmos Agence Spatiale

Fédérale Russe en liquidation

Représentées par la SELARL LEXAVOUE
PARIS-VERSAILLES, avocats postulants au barreau de

PARIS, toque : C2477

Assistées de Me Bruno BEDUIT, avocat au barreau de
PARIS, toque : D1923

SA ARIANESPACE

Boulevard de l’Europe

XXX

Représentée par Me Manuel BISE BLAINEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0780

DÉFENDERESSES

FÉDÉRATION DE RUSSIE, agissant par le
Ministère de la Justice de la Fédération de
Russie

XXX

MOSCOU – FÉDÉRATION DE RUSSIE

Représentée par la SELARL LEXAVOUE
PARIS-VERSAILLES, avocats postulants au barreau de

PARIS, toque : C2477

Assistée de Me Andrea PINNA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0035

PARTIE INTERVENANTE

MINISTÈRE PUBLIC

Représenté par M. Olivier AUFERIL, Avocat général près la cour d’appel

Et après avoir appelé les parties lors des débats de l’audience publique du 07 Septembre 2016 :

FAITS ET PROCÉDURE

La société de droit chypriote Veteran Petroleum
Limited a été actionnaire de la société pétrolière

russe Ioukos entre 1999 et 2007 date de son expropriation par la Fédération de Russie.

Le 18 juillet 2014 un tribunal arbitral situé à La
Haye a rendu une sentence finale, à l’issue d’une

procédure d’arbitrage, constatant le manquement par la
Fédération de Russie à ses obligations au titre

du Traité sur la Charte de l’Energie et condamnant celle-ci à verser à la société Veteran
Petroleum

Limited une indemnisation de 8 203 032 751 USD ainsi que 695 327 euros au titre du

remboursement des frais d’arbitrage et 9 839 533 USD au titre des frais d’avocat exposés par la

société Veteran Petroleum
Limited.

Par ordonnance d’exequatur du 1er décembre 2014 le président du tribunal de grande instance de

Paris a rendu exécutoire la sentence finale.

Le 18 janvier 2016 la société Veteran Petroleum
Limited a fait procéder à une saisie-attribution de

créances entre les mains de la SA Arianespace rendant indisponible les obligations de cette dernière

envers la Fédération de Russie en ce compris ses agences fédérales dont notamment
Roscosmos

agence fédérale spatiale russe. Cette saisie-attribution a été dénoncée à la
Fédération de Russie par

acte remis au parquet du tribunal de grande instance d’Evry le 26 janvier 2016 aux fins de

signification par voie diplomatique.

Par assignations signifiées respectivement les 5 et 12 février 2016 la SA Arianespace, Roscosmos

agence spatiale fédérale russe (ci-après
Roscosmos), en liquidation, et Roscosmos Corporation d’Etat

ont saisi le juge de l’exécution d’Evry en contestation de la saisie-attribution. Les affaires ont été

jointes en cours de procédure.

Par jugement contradictoire du 12 avril 2016 (n° RG 16/01068) ce juge de l’exécution a :

— ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 18 janvier 2016 entre les mains de la
SA

Arianespace à l’encontre de l’agence spatiale fédérale russe Roscosmos,

— rejeté le surplus des demandes plus amples ou contraires,

— dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamné la société Veteran Petroleum
Limited aux dépens.

La société Veteran Petroleum Limited a interjeté appel de cette décision le 12 avril 2016.

Par actes du 25 et 28 avril 2016, la société
Veteran Petroleum Limited a fait assigner la SA

Arianespace, l’agence spatiale fédérale russe
Roscosmos prise en la personne de son directeur du

comité de liquidation et Roscosmos Corporation d’Etat devant le premier président de la cour d’appel

de Paris pour l’audience du 26 octobre 2016, sur le fondement des articles L. 111-5 du code de

l’organisation judiciaire, R 121-22 du code des procédures civiles d’exécution, 455 et 700 du code de

procédure civile, aux fins de voir ordonner le sursis à l’exécution des mesures prises par le juge de

l’exécution et condamner la SA Arianespace, Roscosmos agence spatiale fédérale russe et

Roscosmos Corporation d’Etat aux dépens et à lui payer la somme de 15 000 euros en application de

l’article 700 du code de procédure civile.

A la demande de toutes les parties, l’audience a été avancée au 7 septembre 2016, à laquelle elles ont

comparu volontairement.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience la société Veteran Petroleum
Limited

maintient sa demande de sursis à l’exécution du jugement querellé tout en sollicitant le rejet des

prétentions formulées à titre reconventionnel par les parties adverses et en augmentant l’indemnité au

titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 30 000 euros.

Elle fait valoir que :

— à titre liminaire, la décision de mainlevée n’ayant pas été mise à exécution, la prétention de la SA

Arianespace et de Roscosmos selon laquelle la demande de sursis à exécution serait dépourvue

d’objet, n’est pas fondée,

— la cour d’appel de Paris statuant en matière de voies d’exécution n’est pas compétente et/ou ne

dispose pas du pouvoir pour connaître des demandes de la
Fédération de Russie tendant à remettre en

cause le titre exécutoire sur la base duquel elle
-société Veteran Petroleum Limited – est en droit de

pratiquer des mesures d’exécution forcée à son encontre, et en outre que les demandes de nullité et de

caducité de la saisie-attribution ne sont pas fondées,

— le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Evry a violé ses obligations de motivation et

d’impartialité en rendant le 12 avril 2016 un jugement non motivé qui a été complété par la suite,

— les créances saisies le 18 janvier 2016, issues des contrats conclus par Roscosmos en tant que la

Fédération de Russie, sont des biens appartenant à son débiteur la Fédération de
Russie,

— Roscosmos est une émanation de l’Etat russe.

Par écritures déposées et soutenues oralement à l’audience, Roscosmos agence spatiale fédérale

russe, « en liquidation », et Roscosmos Corporation d’Etat concluent sur le fondement des articles R.

121-15, R.121-18, R. 121-22 et suivants du code des procédures civiles d’exécution, des articles 452,

453, 455, 458, 649, 693, 694 et 700 du code de procédure civile, au débouté des prétentions adverses

et à la condamnation de la société Veteran
Petroleum Limited à leur verser 1 000 000 euros à titre de

dommages-intérêts pour procédure abusive outre 20 000 euros chacune en application de l’article 700

du code de procédure civile, la société
Veteran Petroleum Limited étant par ailleurs condamnée au

paiement d’une amende civile sur le fondement de l’article R.
121-22 du code des procédures civiles

d’exécution ainsi qu’aux dépens.

Elles font valoir que :

— l’action de la société Veteran Petroleum Limited devant le premier président est sans objet dès lors

que l’indisponibilité des fonds a cessé avant que le recours de la demanderesse ne soit intervenu,

— il n’existe aucun moyen sérieux d’annulation ou de réformation du jugement du 12 avril 2016

puisque :

— la saisie-attribution est nulle dès lors que Roscosmos n’est pas la Fédération de Russie et ne peut

pas y être assimilée, et pour défaut des mentions requises par le code de procédure civile d’exécution,

— la saisie-attribution est caduque en application de l’article R 211-3 du code de procédure civile,

— le juge de l’exécution a motivé sa décision et a respecté le principe de la contradiction,

— Roscosmos a une autonomie de gestion et de patrimoine et n’est pas une émanation de la
Fédération

de Russie,

— la société Veteran Petroleum Limited n’aucun droit de saisir les créances dues par la
SA

Arianespace à Roscosmos

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience la SA Arianespace demande à la

présente juridiction, sur le fondement des articles R.
121-15, R. 121-18 et R. 121-22 du code des

procédures civiles d’exécution, des articles 452, 453, 455, 458, 649, 693, 694 et 700 du code de

procédure civile, de :

— à titre principal, débouter la société
Veteran Petroleum Limited de sa demande de sursis à exécution

pour défaut d’objet,

— à titre subsidiaire, débouter la société Veteran Petroleum Limited de sa demande de sursis à

exécution pour défaut de moyens sérieux d’annulation et/ou de réformation de ladite décision,

— à titre reconventionnel, condamner la société Veteran Petroleum Limited à lui verser la somme de

100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

— condamner la société Veteran Petroleum Limited aux dépens et à lui régler une somme de 20 000

euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

— la demande de sursis à exécution du jugement du 12 avril 2016 n’a pas d’objet dès lors que

l’indisponibilité des fonds saisis a définitivement cessé avant que ne soit sollicité le sursis à

exécution de la décision ayant ordonné la mainlevée de la saisie-attribution du 18 janvier 2016 et ce

en raison d’une part de la renonciation à notification régularisée auprès du greffe du juge de

l’exécution par la SA Arianespace le 22 avril 2016,

— il n’existe aucun moyen sérieux d’annulation et/ou de réformation du jugement du 19 janvier 2016 :

— dès lors d’une part que le juge de l’exécution a respecté les dispositions des articles 452 et 453 du

code de procédure civile relatives au prononcé et à la mise à disposition de sa décision laquelle est,

en outre, motivée et circonstanciée conformément à l’article 458 du code de procédure civile,

— dès lors d’autre part que Roscosmos est une entité propre et autonome, n’est pas une émanation de

la Fédération de Russie, n’a pas agi au nom et pour le compte de cette dernière lors de ses relations

contractuelles avec la SA Arianespace, et que les dettes de la SA Arianespace ne sont pas affectées à

la Fédération de Russie, que Roscosmos n’est pas responsable des dettes de la Fédération de
Russie,

que les créances saisies entre les mains de la SA
Arianespace ne peuvent servir de gage à la société

Veteran Petroleum Limited au sens des articles 2285 du code civil et L. 112-1 du code des

procédures civiles d’exécution, que la SA
Arianespace n’est pas débiteur de la Fédération de
Russie.

Par conclusions en « intervention volontaire accessoire » déposées et soutenues à l’audience la

Fédération de Russie demande, sur le fondement des articles 328, 330, 1504, 1514, 1516 et 1520 du

code de procédure civile, de l’article L. 111-2 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

de la recevoir en son intervention volontaire accessoire et de "juger recevables et bien fondées

l’ensemble des prétentions de Roscosmos agence spatiale fédérale russe, de Roscosmos
Corporation

et de la SA Arianespace, tirées de l’irrégularité des saisies pratiquées par la société Veteran

Petroleum Limited ".

Elle soutient que le titre sur lequel s’est fondée la société Veteran Petroleum Limited pour opérer sa

saisie-attribution est devenue caduque en raison de l’annulation de la sentence arbitrale.

Le Procureur général a conclu oralement au bien fondé de la demande de sursis à statuer.

SUR CE,

1 – sur la recevabilité de la demande de sursis à exécution

* sur l’appréciation de la validité du titre exécutoire

Attendu qu’en application de l’article L. 111-3 du code des procédures civiles d’exécution une

sentence arbitrale déclarée exécutoire par une décision non susceptible d’un recours suspensif

d’exécution, constitue un titre exécutoire ;

Que par ailleurs l’article 1526 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que le recours en

annulation formé contre la sentence et l’appel de l’ordonnance ayant accordé l’exequatur ne sont pas

suspensifs ;

Attendu que par ordonnance du 1er décembre 2014 le président du tribunal de grande instance de

Paris a accordé l’exequatur à la sentence finale du 18 juillet 2014 rendue par un tribunal arbitral

étranger ; que bien que la Fédération de
Russie ait formé un recours à l’encontre de cette ordonnance

le 3 juin 2015 en application des dispositions de l’article 1525 du code de procédure civile, ce recours

n’est pas suspensif en application des dispositions précitées ;

Qu’il est constant que la saisie-conservatoire contestée a été pratiquée sur la base de la sentence

finale du 18 juillet 2014 rendue par un tribunal arbitral étranger et devenue exécutoire par

ordonnance d’exequatur du 1er décembre 2014 du président du tribunal de grande instance de Paris ;

Attendu que la Fédération de Russie demande à la cour statuant en matière de voies d’exécution de

constater « la caducité » du titre sur le fondement duquel la mesure d’exécution a été pratiquée au

motif que la sentence finale du 18 juillet 2014 a été annulée par le Tribunal de District de la Haye le

20 avril 2016 ;

Attendu cependant que la contestation de la validité de la sentence finale exequaturée relève de

l’appréciation de la seule cour d’appel déjà saisie par la Fédération de Russie le 3 juin 2015 du

recours contre l’ordonnance d’exequatur et à qui il appartient de connaître des griefs relatifs à cette

décision et de l’incidence de l’annulation de la sentence finale rendue par un tribunal arbitral étranger

sur l’ordonnance ayant accordé l’exequatur ;

Que le moyen développé par la Fédération de Russie doit donc être écarté ;

* sur l’existence d’un objet à la demande de la société Veteran Petroleum Limited et l’indisponibilité

des fonds

Attendu que l’article R. 121-8 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que la décision de

mainlevée des mesures d’exécution forcée ou des mesures conservatoires emporte, dans la limite de

son objet, suspension des poursuites dès son prononcé et suppression de tout effet d’indisponibilité

dès sa notification ;

Qu’en application des dispositions de l’article R. 121-15 de ce même code chacune des parties peut

faire connaître au greffe qu’elle renonce à ce que la décision lui soit notifiée par lettre recommandée

avec demande d’avis de réception et dans ce cas elle est réputée notifiée à la date de son prononcé ;

Attendu que la SA Arianespace, Roscomos et Roscosmos
Corporation d’Etat soutiennent que la SA

Arianespace ayant renoncé par courrier du 22 avril 2016 adressé au juge de l’exécution du tribunal de

grande instance d’Evry à ce que lui soit notifié le jugement ayant ordonné la saisie, ce dernier a

supprimé dès son prononcé et ce de manière rétroactive -et à l’égard de la SA
Arianespace- tout effet

d’indisponibilité des fonds saisis et qu’en conséquence l’assignation aux fins de sursis à l’exécution du

jugement ayant été délivrée le 25 avril 2016 soit postérieurement à la date à laquelle cette décision a

emporté ses effets délibératoires, la demande de la société Veteran Petroleum Limited serait sans

objet ;

Attendu cependant que la renonciation unilatérale à notification de la SA Arianespace ne peut avoir

d’effet qu’à son égard ;

Qu’en outre en application de l’article 503 du code de procédure civile les jugements ne peuvent être

exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés à moins que

l’exécution n’en soit volontaire ;

Qu’en l’espèce le greffe du juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Evry a notifié le

jugement à la société Veteran Petroleum
Limited le 2 mai 2016 selon les modalités prévues à l’alinéa

1er de l’article R.121-15 du code précité ;

Que dès lors la société Veteran Petroleum
Limited n’a pu être privée de son droit à demander un

sursis à exécution du jugement avant même que celui-ci ne lui soit notifié ;

Qu’en conséquence la renonciation unilatérale à notification la SA Arianespace n’a eu aucun effet

libératoire ni n’a emporté mise à exécution du jugement de mainlevée ;

Que la demande de sursis formée par la société
Veteran Petroleum Limited n’est, par conséquent, pas

dépourvue d’objet ; que le moyen allégué par la SA Arianespace, Roscosmos et Roscosmos

Corporation d’Etat doit donc être écarté ;

2 – sur le bien fondé de la demande de sursis à exécution

Attendu que l’article R 121-22 du code des procédures civiles d’exécution dispose qu'«en cas d’appel,

un sursis à l’exécution des décisions prises par le juge de l’exécution peut être demandé au premier

président de la cour d’appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie

adverse et dénoncée, s’il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée. Jusqu’au jour

du prononcé de l’ordonnance par le premier président, la demande de sursis à exécution suspend les

poursuites si la décision attaquée n’a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets

attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la

mesure. Le sursis à exécution n’est accordé que s’il existe des moyens sérieux d’annulation ou de

réformation de la décision déférée à la cour. L’auteur d’une demande de sursis à exécution

manifestement abusive peut être condamné par le premier président à une amende civile d’un

montant maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui pourraient être

réclamés » ;

* sur le défaut de motivation et d’impartialité du juge de l’exécution

Attendu qu’en application de l’article 454 du code de procédure civile le jugement rendu au nom du

peuple français, comporte notamment l’indication de sa date, du nom des juges qui en ont délibéré,

des parties et des avocats qui le cas échéant les ont représentées ou assistées ;

Que l’article 455 du code de procédure civile prévoit également que le jugement doit être motivé et

qu’il énonce la décision sous forme de dispositif ;

Attendu qu’au soutien de sa demande de sursis à exécution la société Veteran Petroleum
Limited

conclut à l’annulation du jugement du 12 avril 2016 en ce qu’il aurait été rendu en violation de

l’obligation de motivation des décisions de justice et de l’obligation d’impartialité des magistrats du

siège arguant de la mise à disposition au greffe le 12 avril 2016 d’un jugement non daté et non signé

se limitant à un dispositif dans lequel le juge de l’exécution d’Evry a tranché le litige sans motiver sa

décision, laquelle n’aurait été complétée que le 27 avril 2016 lorsque le jugement a été remis aux

parties dans son intégralité et dont le dispositif serait différent du dispositif remis le 12 avril 2016 ;

qu’elle fait valoir que le jugement du juge de l’exécution n’a pu "procéder que d’une appréciation

personnelle et découle nécessairement d’une opinion préconçue que les moyens des parties n’étaient

pas susceptibles d’influencer" ;

Attendu qu’il est constant que la société Veteran
Petroleum Limited a fait appel d’un jugement RG

16/01068 rendu le 12 avril 2016 par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Evry, sur

le fondement duquel elle a saisi la présente juridiction afin qu’il soit sursis à son exécution ;

Que cette décision qui comporte un exposé des faits et des prétentions des parties comprend

également une motivation sur « la validité de la saisie », et ce sur deux pages, ainsi que sur "les

dommages-intérêts« et »sur les dépens" ;
qu’ainsi motivée cette décision est conforme aux

dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ; que le grief d’une appréciation personnelle

du juge de l’exécution que les moyens des parties n’auraient pas été susceptibles d’influencer n’est dès

lors pas établi ;

Que l’existence d’un « jugement non daté et non signé limité à un dispositif » dont les parties auraient

pu prendre connaissance le 12 avril 2016 n’est pas rapportée en l’espèce alors que la société
Veteran

Petroleum Limited communique le jugement n° RG 16/01068 du 12 avril 2016 dont elle a interjeté

appel et qui comporte les mentions prévues à l’article 454 du code de procédure civile et est rédigé

conformément à l’article 455 du code de procédure civile ainsi que la présente juridiction l’a

précédemment établi ;

Qu’au surplus la société Veteran Petroleum Limited n’a formé aucune inscription de faux à l’encontre

du jugement querellé ;

Qu’en conséquence le moyen tiré d’une violation par le juge de l’exécution de ses obligations de

motivation et d’impartialité est dénué du caractère sérieux exigé par l’article R 121-22 du code des

procédures civiles d’exécution et doit être écarté ;

* sur la propriété des créances saisies

Attendu qu’en application de l’article L 211-1 du code des procédures civiles d’exécution "Tout

créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le

paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme

d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code

du travail." ;

Attendu que les conditions de validité d’une mesure d’exécution sont exclusivement déterminées par

la loi française ; que dès lors les parties défenderesses ne sont pas fondées à invoquer l’application de

la loi étrangère pour déterminer les biens pouvant être saisis ;

Attendu qu’en l’espèce pour ordonner la mainlevée de la saisie-attribution, le juge de l’exécution

relevant qu’il n’était pas établi que les créances saisies appartenaient "exclusivement à la
Fédération

de Russie", a considéré que la saisie-attribution pratiquée était affectée d’une irrégularité faute pour

la société Veteran Petroleum Limited d’avoir saisi les biens appartenant à la Fédération de
Russie

débiteur de l’obligation ;

Attendu que la sentence finale du 18 juillet 2014 a condamné la Fédération de Russie à verser à la

société Veteran Petroleum Limited une indemnisation de 8 203 032 751 USD ainsi que 695 327

euros au titre du remboursement des frais d’arbitrage et 9 839 533 USD au titre des frais d’avocat

exposés par la société ;

Que le 18 janvier 2016 la société Veteran Petroleum
Limited a fait pratiquer une saisie-attribution

entre les mains de la SA Arianespace visant la
Fédération de Russie "y compris ses subdivisions

politiques, territoriales, ministérielles ou administratives, ses agences, et ses entités et/ou structures

de gestion d’actifs, et ce quelle que soit leur dénomination antérieure ou actuelle, dont notamment

(…) Roscosmos » ;

Que suite à cette saisie la SA Arianespace a transmis le 22 janvier 2016 à l’huissier instrumentaire un

« état des créances détenues par Roscosmos sur
SA Arianespace conformément aux dispositions

contractuelles en vigueur gouvernant (ses) rapports avec cette entité" ;

Que ces créances semblent issues des mêmes contrats que ceux qui ont donné naissance aux créances

rendues indisponibles par l’effet de la saisie du 30 juin 2015 pratiquée par la société
Hulley

Enterprises Limited, autre ancien actionnaire également créancier de la Fédération de Russie en vertu

d’une sentence arbitrale du 18 juillet 2014 ;

Que ces contrats indiquent qu’ils ont été conclus entre la SA Arianespace d’une part et "l’AGENCE

FEDERALE SPATIALE organe fédéral du pouvoir exécutif de la Fédération de Russie (…) ci-après

dénommée Roscosmos" notamment d’autre part ;

Attendu qu’au jour de la saisie du 18 janvier 2016 Roscosmos agence spatiale fédérale était régie par

un arrêté du gouvernement russe, acte constitutif définissant son statut (Règlement de Roscosmos) ;

que ce document détermine à quel moment Roscosmos, organe d’état, agit en tant que la
Fédération

de Russie dans le cadre des mandats qui lui sont attribués par l’Etat russe ou bien en tant que

personne morale de droit russe distinct ;

Que le chapitre I relatif aux « dispositions générales » de ce Règlement dispose en son article 1er que

« l’Agence Spatiale Fédérale (Roscosmos) est un organe fédéral mandaté du pouvoir exécutif exerçant

les fonctions de maîtrise de la réalisation de la politique nationale et de réglementation normative et

en matière de droit, de prestation des services publics et de gestion des biens publics dans le domaine

des activités spatiales, de la coopération internationale lors de la réalisation des projets et

programmes mixtes dans le domaine spatial (…)" ;

Que son article 2 prévoit que "Les activités de l’Agence Spatiale Fédérale sont gérées par le

Gouvernement de la Fédération de Russie" ;

Que le chapitre II relatif aux « Mandats » précise à l’article 5 que "L’Agence Spatiale Fédérale effectue

les mandats suivants dans le domaine d’activités établi :

(…)

5.3. Sur la base et selon les modalités établies par les lois fédérales, les actes du Président de la

Russie et du Gouvernement russe, l’Agence Spatiale
Fédérale exerce les fonctions suivantes dans le

domaine de gestion des biens publics et de prestation de services publics dans le domaine d’activités

établi :

(…)

5.3.19 : conclut selon les modalités en vigueur les accords (contrats) avec les partenaires étrangers, y

compris les contrats concernant la réalisation des programmes et projets spatiaux internationaux

commerciaux" ;

Qu’ainsi de part son Règlement l’agence fédérale spatiale (Roscosmos) dispose d’un mandat du

pouvoir exécutif, la Fédération de Russie, de conclure des contrats concernant la réalisation des

programmes et projets spatiaux internationaux commerciaux ;

Attendu par ailleurs au vu du rapport d’audit indépendant communiqué par la société
Veteran

Petroleum Limited (sa pièce 46) retraçant les opérations de paiement ayant lieu entre les différentes

banques lorsque la SA Arianespace exécute un paiement au bénéfice de Roscosmos en vertu des

contrats, que ces fonds sont entreposés au crédit d’un compte bancaire -la "Direction interrégionale

des opérations du Trésor Fédéral"- ouvert à la Banque de Russie et constituent des moyens du

« budget fédéral » ;

Que les créances nées des contrats conclus par
Roscosmos mandaté par la Fédération de Russie font

donc partie du budget de cette Fédération ;

Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces constatations et énonciations que le grief développé par la

société Veteran Petroleum Limited tiré de l’absence de prise en considération du mandat confié par la

Fédération de Russie à Roscosmos dans le cadre des contrats conclus avec la SA Arianespace et ce

alors que les créances résultant de ces contrats font partie du budget fédéral et du Trésor fédéral de

l’Etat russe et qu’ainsi les créances saisies sont la propriété de la Fédération de Russie, constitue un

moyen sérieux d’infirmation de la décision n°
RG 16/ 01068 rendue le 12 avril 2016 par le juge de

l’exécution du tribunal de grande instance de Paris ;

Qu’il convient en conséquence de surseoir à l’exécution de cette décision ;

3 – sur les autres demandes

Attendu que la SA Arianespace, Roscosmos et Roscosmos
Corporation d’Etat ne caractérisant pas

une faute de la société Veteran Petroleum Limited, dont la prétention est accueillie, faisant dégénérer

en abus le droit d’agir en justice, leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive doit

être rejetée ;

Attendu que Roscosmos et Roscosmos Corporation d’Etat sont irrecevables à solliciter la

condamnation de la société Veteran Petroleum
Limited au paiement d’une amende civile, cette

demande relevant de l’office du juge ;

Attendu qu’il y a lieu de faire droit à la demande de la société Veteran Petroleum Limited présentée

sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; que SA Arianespace, Roscosmos et

Roscosmos Corporation d’Etat sont condamnés à lui verser à ce titre la somme visée au dispositif de

la présente décision ;

Que la SA Arianespace, Roscosmos et Roscosmos Corporation d’Etat parties perdantes, supporteront

la charge des dépens.

PAR CES MOTIFS

Ordonnons le sursis à l’exécution du jugement n° RG 16/01068 rendu le 12 avril 2016 par le juge de

l’exécution du tribunal de grande instance d’Evry,

Condamnons la SA Arianespace, Roscosmos agence spatiale fédérale russe et Roscosmos

Corporation d’Etat à verser à la société
Veteran Petroleum Limited la somme de 10 000 euros au titre

de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboutons la SA Arianespace, Roscosmos agence spatiale fédérale russe et Roscosmos
Corporation

d’Etat de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive et d’indemnité au titre de

l’article 700 du code de procédure civile,

Déclarons Roscosmos agence spatiale fédérale russe et Roscosmos Corporation d’Etat irrecevables

en leur demande de condamnation de la société
Veteran Petroleum Limited au paiement d’une

amende civile,

Condamnons la SA Arianespace, Roscosmos agence spatiale fédérale russe et Roscosmos

Corporation d’Etat aux dépens de la présente instance.

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la
Cour, les parties en ayant été

préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de

procédure civile.

La Greffière

La Conseillère

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Cour d'appel de Paris, 5 octobre 2016, n° 16/09363