Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 18 octobre 2017, n° 15/10976

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 6 - ch. 10, 18 oct. 2017, n° 15/10976
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 15/10976
Décision précédente : Conseil de prud'hommes de Paris, 16 septembre 2015, N° 14/08793
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Sur les parties

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 10

ARRÊT DU 18 Octobre 2017

(n° , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 15/10976

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Septembre 2015 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 14/08793

APPELANTE

Madame A X

née le […] à […]

[…]

[…]

représentée par Me Frédéric CHHUM, avocat au barreau de PARIS, toque : A0929

INTIMEE

SA FRANCE TELEVISIONS

N° SIRET : 432 766 947

[…]

[…]

représentée par Me Aline JACQUET DUVAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E2080 substitué par Me Charles BOCQUILLON, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 mars 2017 et rappelée le 11 Septembre 2017, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme Stéphanie ARNAUD, Vice-président placé, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre

Madame Françoise AYMES-BELLADINA, conseiller

Madame Stéphanie ARNAUD, vice président placé faisant fonction de conseiller par ordonnance du Premier Président en date du 03 juillet 2017

Greffier : Mme C D, lors des débats

ARRET :

— contradictoire

— prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Madame Marie-Antoinette COLAS, président de chambre et par Madame C D, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Madame A X a été engagée par la société France Télévisions selon contrats à durée déterminée d’usage successifs à compter de juin 1984, en qualité de scripte.

Entre 1994 et 1999, la relation de travail a été interrompue. A compter de 2009, Madame X a, à nouveau travaillé pour la SA France Télévisions en qualité de gestionnaire d’antenne.

La société France Télévisions, spécialisée dans le secteur d’activité de l’édition de chaînes généralistes, emploie plus de 11 salariés et appliquait la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle, à laquelle s’est substitué depuis le 1er janvier 2013 l’accord d’entreprise du 28 mai 2013.

Le 30 juin 2014, Madame X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande en requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée ainsi que de demandes de rappels de salaires, de congés payés et d’indemnités afférentes.

Par jugement rendu le 17 septembre 2015, le Conseil des prud’hommes de Paris a requalifié les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter de 1999, a fixé le salaire mensuel à 2.266,97 euros et a condamné la société France Télévisions à payer à Madame X les sommes suivantes avec intérêts au taux légal :

—  17.461,81 euros à titre de rappel de salaire, outre les congés afférents,

—  9.331,20 euros au titre de la prime d’ancienneté,

—  2.266,97 euros au titre de l’indemnité de requalification,

—  4.524 euros au titre de l’indemnité de sujétion,

—  6.120 euros au titre de la prime de fin d’année,

—  1.000 euros au titre des frais de procédure.

Madame X a interjeté appel de cette décision et demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié les CDD en CDI et ordonné son intégration à l’emploi de gestionnaire d’antenne mais de l’infirmer pour le surplus.

En conséquence :

A titre principal,

— requalifier les CDD d’usage de Madame X avec la SA France Télévisions en contrat à durée indéterminée à temps plein avec un salaire annuel de 49.842 euros bruts, Groupe 8 S, spécialisée expert, niveau de placement 19 dans la Grille France Télévisions (hors prime d’ancienneté, hors prime de toute nature) avec reprise de l’ancienneté du 1er juin 1984 au 28 mars 2017,

— ordonner l’intégration en CDI à temps plein de Madame X avec un salaire annuel de 49.842 euros bruts, Groupe 8 S, spécialisée expert, niveau de placement 19 dans la Grille France Télévisions (hors prime d’ancienneté, hors prime de toute nature) avec reprise de l’ancienneté du 1er juin 1984 au 28 mars 2017,

— condamner la SA France Télévisions au paiement des sommes suivantes (base de salaire mensuel de 4.153,5 euros bruts hors prime de toute nature) :

* 175.234 euros bruts à titre de rappel de salaires du fait de la disposition permanente de Madame X durant les périodes intercalaires du 27 juin 2009 au 31 décembre 2016,

* 17.523,40 euros bruts à titre de congés payés afférents,

* 22.894,97 euros bruts à titre de rappel de prime d’ancienneté pour la période du 27 juin 2009 au 1er octobre 2015,

* 8.352 euros au titre de l’indemnité de sujétion pour la période du 27 juin 2009 à mai 2015,

* 30.000 euros bruts à titre d’indemnité de requalification (article L.1245-2 du Code du travail),

* 23.215,14 euros bruts au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé au titre de l’article L.8223-1 du Code du travail,

* 7.646,85 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les 45 jours de travail qui aurait dû être fournis à Madame X par la SA France Télévisions en 2014,

* 8.517,14 au titre des indemnités de voyage non payées pour la période du 27 juin 2009 à janvier 2014,

* 11.250 euros bruts au titre du rappel de prime de fin d’année correspondant à la période du 27 juin 2009 au 22 juin 2015,

* 5.700 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le supplément familial pour la période du 27 juin 2009 au 31 mai 2015.

A titre subsidiaire,

— requalifier les CDD d’usage de Madame X avec la SA France Télévisions en contrat à durée indéterminée à temps partiel avec un salaire annuel de 34.176 euros bruts, Groupe 8 S, spécialisée expert, niveau de placement 19 dans la Grille France Télévisions (hors prime d’ancienneté, hors prime de toute nature) avec reprise de l’ancienneté du 1er juin 1984 au 28 mars 2017,

— ordonner l’intégration en CDI à temps partiel de Madame X avec une durée hebdomadaire de travail de 24 heures conformément à la loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013,

— condamner la SA France Télévisions au paiement des sommes suivantes (base de salaire mensuel de 2.848 euros bruts hors prime de toute nature) :

* 68.252 euros bruts à titre de rappel de salaires du fait de la disposition permanente de Madame X durant les périodes intercalaires du 27 juin 2009 au 31 décembre 2016,

* 6.825,20 euros bruts à titre de congés payés afférents,

* 22.894,97 euros bruts à titre de rappel de prime d’ancienneté pour la période du 27 juin 2009 au 1er octobre 2015,

* 30.000 euros bruts à titre d’indemnité de requalification (article L.1245-2 du Code du travail),

* 23.215,14 euros bruts au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 8.352 euros au titre de l’indemnité de sujétions pour la période du 27 juin 2009 à mai 2015,

* 8.517,14 au titre des indemnités de voyage non payées pour la période du 27 juin 2009 à janvier 2014,

* 11.250 euros bruts au titre du rappel de prime de fin d’année correspondant à la période du 27 juin 2009 au 22 juin 2015,

* 7.646,85 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les 45 jours de travail qui aurait dû être fournis à Madame X par la SA France Télévisions en 2014,

* 5.700 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le supplément familial pour la période du 27 juin 2009 au 31 mai 2015.

A titre infiniment subsidiaire :

— requalifier les CDD d’usage de Madame X avec la SA France Télévisions en contrat à durée indéterminée à temps partiel avec un salaire annuel de 24.896 euros bruts, Groupe 8 S, spécialisée expert dans la Grille France Télévisions, niveau de placement 19 (hors prime d’ancienneté, hors prime de toute nature) avec reprise de l’ancienneté 1er juin 1984 au 28 mars 2017,

— ordonner l’intégration en CDI à temps partiel de Madame X avec une durée hebdomadaire de travail de 17,5 heures,

— condamner la SA France Télévisions au paiement des sommes suivantes (base de salaire mensuel de 2.074,66 euros bruts hors prime de toute nature) :

* 13.967 euros bruts à titre de rappel de salaires du fait de la disposition permanente de Madame X durant les périodes intercalaires du 27 juin 2009 au 31 décembre 2016,

* 1.396,70 euros bruts à titre de congés payés afférents,

* 22.894,97 euros bruts à titre de rappel de prime d’ancienneté pour la période du 27 juin 2009 au 1er octobre 2015,

* 330.000 euros bruts à titre d’indemnité de requalification (article L.1245-2 du Code du travail),

* 23.215,14 euros bruts au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 8.352 euros au titre de l’indemnité de sujétions pour la période du 27 juin 2009 à mai 2015,

* 8.517,14 au titre des indemnités de voyage non payées pour la période du 27 juin 2009 à janvier 2014,

* 11.250 euros bruts au titre du rappel de prime de fin d’année correspondant à la période du 27 juin 2009 au 22 juin 2015,

* 7.646,85 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les 45 jours de travail qui aurait dû être fournis à Madame X par la SA France Télévisions en 2014,

* 5.700 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le supplément familial pour la période du 27 juin 2009 au 31 mai 2015,

Sur le préjudice retraite de Madame X,

A titre principal :

— constater que Madame Y subi un préjudice retraite du fait du recours abusif de la SA France Télévisions au CDD d’usage,

— condamner la SA France Télévisions au paiement de la somme de 124.466,71 euros à titre de dommages et intérêts du préjudice de retraite en application de l’article L.1245-1 du Code du travail,

A titre subsidiaire :

— constater que Madame X a subi un préjudice retraite du fait du recours abusif de la SA France Télévisions au CDD d’usage,

— condamner la SA France Télévisions au paiement de la somme de 38.162,64 euros à titre de dommages et intérêts du préjudice de retraite en application de l’article L.1245-1 du Code du travail.

Elle réclame également la remise de bulletins de paie rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La SA France Télévisions demande à la cour :

A titre principal :

— Constater l’absence de requalification de la relation de travail en Contrat à durée indéterminée,

— Constater l’absence de tout préjudice de retraite indemnisable pour Madame X,

— Infirmer le Jugement rendu le 17 septembre 2015 le Conseil de prud’hommes de Paris en toutes ses dispositions, et notamment en ce qu’il a ordonné l’intégration de Madame X à l’emploi de gestionnaire d’antenne en CDI à mi-temps,

— Débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes,

— Condamner Madame X à la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, en cas de requalification :

— Constater que Madame X ne travaillait au mieux qu’à mi-temps pour France Télévisions,

— Constater que Madame X ne se tenait pas à la disposition permanente de France Télévisions durant les périodes intercalaires,

— Constater l’absence de tout préjudice de retraite indemnisable pour Madame X,

— Infirmer en toute ses dispositions le Jugement rendu le 17 septembre 2015 par Conseil de prud’hommes de Paris,

— Requalifier la relation de travail de Madame X en un CDI à temps partiel à concurrence de son taux de travail effectif, soit 49 % d’un temps plein et la positionner à l’échelon 6B, niveau 4 avec un salaire annuel de 16.199,89 € (49% de 33.061 euros),

— Fixer la reprise d’ancienneté à compter de 2009,

— Débouter Madame X de l’ensemble de ses demandes, et notamment : les rappels de salaire et congés payés afférents, la prime d’ancienneté, l’indemnité de sujétion, l’indemnité de requalification, l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, le rappel de salaires pour les 45 jours de travail qui auraient dû être fournis en 2014, le rappel de prime de fin d’année, le rappel de supplément familial,

— Ramener le rappel d’indemnités de voyage à 4.164,67 euros,

— Limiter l’indemnité de requalification à 1 mois de salaire, soit 1770,6 €.

A titre infiniment subsidiaire, sur le quantum des demandes :

— Allouer à Madame X un rappel de salaires de 491 euros tenant compte des rémunérations perçues par Madame X (salaires France Télévision + indemnités chômage) par rapport au salaire de référence d’un salarié en CDI à temps plein (6B niveau 4 de la convention collective),

— Limiter le rappel de prime d’ancienneté à 1.898,17 euros

— Très subsidiairement, limiter le rappel de prime d’ancienneté à 6.296 euros,

En tout état de cause,

— Débouter intégralement Madame X de sa demande relative au préjudice retraite,

— Débouter Madame X du surplus de ses demandes.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l’audience des débats.

MOTIFS

Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée

Madame X indique que la société France Télévisions n’a pas respecté les règles de forme de conclusion d’un CDD et notamment et qu’elle ne justifie pas de l’établissement d’un contrat écrit remis au salarié dans le délai légal de deux jours de l’embauche (contrats des 14/12/2010, 18/01/2013, 30/01/2013, 18/03/2013, 11/04/2013, 23/05/2013, 4/07/2014, 22/12/2014, 30/12/2014, 27/04/2015).

Elle constate par ailleurs l’absence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné. Elle explique que depuis 30 ans elle était en charge d’abord des missions de scripte puis de celles de gestionnaire d’antenne. Or les films, séries télévisées et émissions diffusées par la SA France Télévisions sont en permanence renouvelés, afin de fidéliser l’audience.

Les fonctions de gestionnaire d’antenne (en charge de l’élaboration de la grille de programme de la chaîne et la coordination de sa mise en 'uvre) sont des fonctions support car elle sont inhérentes au fonctionnement d’une chaîne télévisée. Elle estime que le recours à cet emploi n’est pas nécessité par des évènements occasionnels au bon fonctionnement permanent des chaînes télévisées et relève de l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Par ailleurs, elle constate que le caractère permanent de l’emploi de scripte qu’elle a occupé de 1984 à 2009 est reconnu par l’employeur lui-même qui a publié une offre d’emploi de scripte en octobre 2003 en CDI, offre à laquelle elle avait postulé.

Madame X ajoute que dans la convention collective de la production audiovisuelle ainsi que dans l’accord collectif de branche instaurant un barème des salaires minimum des salariés employés en CDDU, l’emploi de gestionnaire d’antenne n’est pas listé.

Elle rappelle le nombre de jours travaillés pour le compte de la SA France Télévisions :

1984 : 2 jours;

1985 : 26 jours,

1986 : 44 jours,

1987 : 116 jours,

1988 : 68 jours,

1989 : 110 jours,

1990 : 36 jours,

1991 : 36 jours,

1992 : 12 jours,

1993 : 2 jours,

aucune collaboration en 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998,

1999 : 91 jours,

2000 : 44 jours,

2001 : 52 jours,

2002 : 71 jours,

2003 : 64 jours,

2004 : 25 jours,

2005 : 25 jours,

2006 : 37 jours,

2007 : 32 jours,

2008 : 49 jours,

2009 : 126 jours,

2010 : 112 jours,

2011 : 102 jours,

2012 : 111 jours,

2013 : 133 jours,

2014 : 88 jours,

2015 : 56 jusqu’au 26 octobre 2015,

2016 : CDI à temps partiel.

La SA France Télévisions relève en premier lieu que la relation contractuelle doit être divisée en deux périodes : 1984-1993 et 1999-2014. Elle souligne qu’il n’y a eu aucune relation contractuelle pendant 6 ans et que le dernier jour travaillé de 1993, suivi d’une absence de collaboration pendant 6 ans, marque la fin de la relation de travail.

La SA France Télévisions explique que le code du travail, la cour de cassation mais également le droit communautaire autorisent le recours au contrat à durée déterminée au seul motif qu’il est d’usage constant dans le secteur de l’audiovisuel de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée. Selon, elle, Madame X ne peut donc pas tirer argument du nombre de contrats conclus ou encore du temps écoulé entre le premier et le dernier de ses contrats, dès lors que le code du travail autorise expressément la succession de CDD d’usage sans limitation de durée. De même on ne peut déduire automatiquement de la succession de CDD qu’un emploi permanent est occupé.

Elle estime que les emplois de scripte et de gestionnaire d’antenne sont des emplois temporaires par nature. Ainsi la convention collective audiovisuel secteur public, l’accord interbranche 1998 et l’accord du 20 décembre 2006 visent expressément le métier de scripte comme étant un de ceux pour lesquels il est d’usage de ne pas recourir au CDI. Elle explique par ailleurs que le métier de gestionnaire d’antenne occupée par la salariée à compter de 2009 est un métier nouveau qui n’existait pas au moment de la rédaction de la convention collective ni de l’accord CDDU de 2006. Elle précise que les missions et les responsabilités du gestionnaire d’antenne sont les mêmes que celles des scriptes avec des périmètres différents. Elle conteste toute volonté de détourner la législation sur les CDD.

La SA France Télévisions ajoute qu’au sein de l’établissement, si certains scriptes et gestionnaires d’antenne sont recrutés en CDI, l’usage reste de recruter des scriptes en CDD. Elle constate par ailleurs que Madame X exerçaient parallèlement d’autres activités et que depuis 1984 elle n’a jamais envisagé de travailler pour elle à temps plein.

S’agissant des conditions de forme, la SA France Télévisions constate que la salariée ne rapporte pas la preuve que les 7 contrats visés dans ses écritures aient été remis en dehors du délai de deux jours ouvrables suivant l’embauche. Elle estime que la signature tardive de ces contrats ne relève que de sa propre négligence, les dates d’établissement des contrats étant toutes antérieures ou concomitantes aux dates de début des CDD. Madame X ne peut donc se prévaloir de sa propre négligence.

Si les parties s’accordent sur le fait que Madame X a commencé à travailler pour la SA France Télévisions à compter du 16 juin 1984, la cour relève toutefois qu’aucun des contrats de travail couvrant la période 1984-1993 n’est versé aux débats.

Même lorsqu’il est conclu dans le cadre de l’un des secteurs d’activité visés par les articles L1242-2.3° et D1242-1 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir d’autre objet que de pourvoir un emploi présentant par nature un caractère temporaire.

Il n’est pas contesté que la SA France Télévisions intervient dans un secteur d’activité dans lequel il est possible de conclure des contrats à durée déterminée d’usage.

Il convient donc de rechercher si, pour l’emploi considéré il est effectivement d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée et de vérifier si le recours à un ou plusieurs contrats à durée déterminée est justifié par des raisons objectives, qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

Ainsi, il appartient à la cour de vérifier si l’interdiction de recourir à un CDD pour pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, était bien respectée.

Si la répétition de missions semblables pendant plusieurs années ne suffit pas à caractériser la nature permanente de l’emploi occupé par la salariée, dans un premier temps en qualité de scripte puis dans un deuxième temps en qualité de gestionnaire d’antenne, force est de constater que la SA France Télévisions ne produit aucun élément relatif aux fonctions exercées par la salariée au cours de la relation contractuelle et ne met ainsi pas en mesure la cour d’apprécier le caractère temporaire ou non des fonctions ainsi exercées.

Dès lors il y a lieu de considérer que la succession de contrats à durée déterminée à laquelle la salariée a été soumise était destinée à pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise et qu’aucune raison objective n’établit le caractère par nature temporaire de l’emploi de scripte et de gestionnaire d’antenne. Il convient de faire droit à sa demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée sans qu’il soit besoin d’étudier les autres moyens soulevés par les parties.

Il n’est pas contesté qu’entre le 6 février 1993 et le 18 février 1999, Madame X n’a pas travaillé pour la SA France Télévisions pour des raisons personnelles.

Dès lors c’est à juste titre que la SA France Télévisions soutient que la relation contractuelle s’est interrompue à compter du 6 février 1993, la salariée n’étant plus à disposition de son employeur qui dans le même temps ne lui a plus proposé de prestations de travail.

Il s’en suit que l’ancienneté de Madame X ne peut remonter à 1984 mais à compter de la reprise de la prestation de travail soit le 18 février 1999.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire

Madame X fait valoir que son contrat de travail est un contrat à durée indéterminée à temps plein au motif que durant toute la durée de la relation contractuelle, elle s’est tenue à disposition de l’employeur.

Elle précise qu’elle n’a jamais refusé une date de travail et qu’elle avait pour seul et unique employeur la SA France Télévisions.

La salariée explique qu’elle disposait de ses dates de travail très tardivement comme en attestent les échanges de mails avec l’employeur relatifs aux réservations de ses billets d’avion pour la Corse où elle était affectée. Elle ajoute que ses plannings étaient au surplus très souvent changés au dernier moment ce qui la contraignait à se tenir en permanence à la disposition de la SA France Télévisions entre deux contrats.

Madame X rappelle également que le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou le cas échéant mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois. Elle estime dès lors que l’absence d’écrit mentionnant la durée du travail et sa répartition fait présumer que l’emploi est à temps complet. Elle rappelle que c’est à l’employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve de la durée exacte de travail convenue et que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoit à quel rythme il devait travailler. Elle souligne que sa durée de travail variait d’un mois sur l’autre et qu’en conséquence les CDD ne prévoyaient pas la répartition des horaires ni les modalités de modification de ces horaires, de sorte que la relation contractuelle doit être requalifiée à temps plein.

Elle estime enfin que la SA France Télévisions a violé la priorité d’emploi sur un temps plein en CDI prévu par l’article L3123-3 du code du travail, à compter du 26 octobre 2016. En effet, de nombreuses offres d’emploi au poste de chargé de programmation (juin, octobre et novembre 2016) ont été diffusées par l’employeur, offres auxquelles elle a systématiquement postulé sans que la SA France Télévisions ne donne de suite à ses demandes. Elle ajoute qu’il existe au sein de l’antenne France 3 Corse un poste de gestionnaire d’antenne vacant et qu’il ressort de l’organigramme de France 3 que 5 postes de gestionnaire d’antenne à temps plein sont disponibles. Madame X considère qu’elle est donc fondée à solliciter des rappels de salaires au titre de cette période.

La SA France Télévisions estime que la demande de salaire formée par Madame X au titre des périodes interstitielles est en partie prescrite (avant le 27 juin 2011).

Elle rappelle également que c’est au salarié de rapporter la preuve qu’il se tenait à disposition de l’employeur ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Elle souligne le caractère sporadique et irrégulier des collaborations avec la salariée qui n’a travaillé en moyenne depuis juin 2011 que 111 jours par an soit 9,25 jours par mois. En tout état de cause elle rappelle que la requalification de la relation contractuelle ne porte que sur le terme du contrat et ne change pas les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail. Or les CDD conclus avec Madame X comportent selon elle les mentions exigées par l’article L3123-14 du code du travail.

La SA France Télévisions estime par ailleurs que Madame X avait nécessairement d’autres employeurs au regard des avis d’imposition versés aux débats.

Sur la prescription, la cour relève qu’avant l’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013 réformant les délais de prescription, l’action en paiement des salaires était soumise au délai de prescription de cinq ans prévu par les anciens articles L3245-1 du code du travail et 2224 du code civil.

Par suite, l’article 2222 du code civil prévoit qu’en cas de réduction du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Dès lors, au regard de ces dispositions, le nouveau délai de prescription de 3 ans prévu par l’article L3245-1 du code du travail commence à courir à compter de son entrée en vigueur.

Madame X ayant saisi le conseil de prud’hommes le 27 juin 2014, elle peut solliciter un rappel de salaire à compter du 27 juin 2009.

La requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

En l’espèce, il ressort des contrats de travail versés aux débats pour la période concernée que ces derniers étaient conclus pour un ou plusieurs jours, et que la durée normale de travail était fixée à 8 heures par jour pour les contrats conclus pour une durée inférieure à la semaine, ou à 35 heures pour les contrats d’une semaine ou plus.

Dès lors, force est de constater que ces contrats n’étaient pas des contrats de travail à temps partiel mais à temps plein. Il convient par conséquent de faire droit à la demande de Madame X et d’ordonner la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.

La cour rappelle que le salarié engagé sur plusieurs contrats à durée déterminée non successifs, ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat sauf à démontrer qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur durant ces périodes.

Or, force est de constater que Madame X ne justifie pas s’être tenue à la disposition permanente de la société France Télévisions entre les mois de juin 2009 et octobre 2015. En effet, il ressort des pièces versées aux débats et notamment de ses avis d’imposition que même si la salariée tirait le principal de ses revenus de la société France Télévisions, elle a tout de même pu travailler pour d’autres employeurs comme elle le reconnaît elle même dans ses écritures notamment en juin 2015. Il apparaît également que les revenus déclarés aux services fiscaux ne correspondent pas pour leur totalité aux salaires versés par la SA France Télévisions, sans que cette différence ne soit justifiée par la salariée.

Ses bulletins de paie font également apparaître que le nombre de jours travaillés était variable d’une année sur l’autre :

2009 : 126 jours,

2010 : 112 jours,

2011 : 102 jours,

2012 : 111 jours,

2013 : 133 jours,

2014 : 88 jours,

2015 : 56 jusqu’au 26 octobre 2015,

De même, les périodes d’interruption pouvaient durer plusieurs semaines voire plusieurs mois, ainsi à titre d’exemple, Madame X n’a pas travaillé :

entre le 20 août et le 13 septembre 2009,

entre le 19 décembre 2009 et le 10 janvier 2010,

entre le 16 janvier et le 7 février 2010, entre le 17 avril et le 4 mai 2010,

entre le 30 juin et le 5 août 2010,

entre le 28 mai et le 27 juin 2011,

entre le 1er juillet et le 5 septembre 2011,

entre le 19 décembre 2011 et le 2 février 2012,

entre le 13 avril et le 10 mai 2012,

entre le 8 juillet et le 2 août 2012,

entre le 10 août et le 10 septembre 2012,

entre le 14 décembre 2012 et le 14 janvier 2013,

entre le 19 avril et le 21 mai 2013,

entre le 10 juillet et le 1er août 2013,

entre le 15 janvier et le 14 février 2014,

entre le 4 avril et le 12 mai 2014,

entre le 6 juin et le 30 juin 2014,

entre le 18 juillet et le 1er septembre 2014.

Il ressort également des échanges de mails versés aux débats par la SA France Télévisions que Madame X a refusé certaines missions au motif qu’elle n’était pas disponible (mail du 29 septembre 2014 «'Je ne suis pas disponible cette semaine là, pour des motifs personnels, par contre je suis libre toutes les autres semaines'», mail du 5 novembre 2014 «'la semaine du 24 novembre il n’y a que le mercredi 26 novembre où je ne suis pas dispo'»).

Il en résulte que l’activité de Madame X au sein de la société France Télévisions était peu importante et que le rythme selon lequel les contrats étaient conclus avec la société appelante lui permettait d’exercer d’autres activités au profit d’autres employeurs.

Dans ces conditions, Madame X ne justifie pas s’être tenue en permanence à la disposition de la société France Télévisions durant les périodes interstitielles ni qu’elle était dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait travailler pour cette société.

Sa demande de rappel de salaire pour les périodes interstitielles comprises entre le 27 juin 2009 et le 16 octobre 2015, date du dernier contrat de travail à durée déterminée signé par les parties, sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Pour la période postérieure au 16 octobre 2015 et à la notification du jugement du conseil de prud’hommes (le 17 octobre 2015), les parties reconnaissent que la relation contractuelle s’est poursuivie selon les modalités prévues par le jugement à savoir sur la base d’un contrat de travail à durée indéterminée à mi-temps. Pourtant, la SA France Télévisions ne justifie pas que la salariée n’était pas placée dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail.

En effet, en l’absence d’écrit, le contrat de travail est présumé à temps plein. Il s’agit d’une présomption simple que l’employeur peut renverser à la condition qu’il réussisse à établir que la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle était convenue d’autre part, et que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition.

En l’espèce, la cour constate qu’aucun contrat de travail n’a été signé par les parties, la salariée ayant refusé de signer le projet daté du 15 octobre 2015. Sont également produits les courriers adressés à la SA France Télévisions dans lesquels Madame X exprime son désaccord quant au projet de contrat de travail notamment en ce qui concerne le durée du travail et la répartition de ses horaires de travail.

Il est également constant que Madame X conteste les termes du jugement dont elle a relevé appel, sollicitant à titre principal la requalification de la relation contractuelle à temps plein.

Or la SA France Télévisions ne justifie ni même n’explique comment les horaires de travail de Madame X étaient fixés, ni à quelle date ses plannings lui étaient envoyés, ce qui implique que la salariée ne pouvait absolument pas prévoir à quel rythme elle allait travailler.

Au regard de ces éléments, il convient de faire droit à la demande de Madame X de rappel de salaire sur la base d’un temps complet pour la période postérieure au 17 octobre 2015.

Sur le salaire de référence

Madame X demande à la cour de fixer sa rémunération mensuelle brute, sur la base de laquelle le rappel de salaire doit être calculé, à hauteur de 4.153 euros (soit un salaire annuel de 49.842 euros).

En effet, elle estime qu’elle est fondée à obtenir la classification 8S niveau expert de son groupe, dès lors qu’au regard de son expérience et de son ancienneté, elle dispose de la capacité d’utiliser ses compétences nécessaires au regard des dispositions de l’accord collectif.

Elle estime également qu’elle est nécessairement fondée à obtenir le niveau d’expert compte tenu de ses 32 ans d’expérience professionnelle en qualité de scripte et de gestionnaire d’antenne.

Elle ajoute que Madame Z, employée dans le même service qu’elle en CDI et en qualité de gestionnaire d’antenne, bénéficie d’un salaire annuel de base de 51.376 euros tel que cela ressort des pièces versées par la SA France Télévisions. Si cette salariée justifie d’une expérience plus importante qu’elle, elle considère que leurs situations restent comparables.

La SA France Télévisions rappelle que la salariée ne peut prétendre à un rappel de salaire sur la base de son taux contractuel journalier qui tenait compte de son statut d’intermittente, mais sur celle d’un gestionnaire d’antenne en CDI.

Elle estime que compte tenu de son expérience, Madame X doit être positionnée en 6B niveau 4, soit un salaire annuel à temps plein s’élevant à 33.061 euros.

Au préalable, la cour rappelle que la requalification de la relation contractuelle qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

La cour constate que le contrat de travail à durée indéterminée signé par la SA France Télévisions le 15 octobre 2015 prévoit que Madame X exerce les fonctions de gestionnaire d’antenne et qu’à ce titre, elle relève du groupe de classification 7, au niveau de classification Maîtrise (niveau C) au niveau de placement 9.

L’employeur reconnaissant lui-même ce positionnement à la salariée, il ne peut être fait droit à sa demande de la positionner à un niveau inférieur.

Il ressort de l’accord d’entreprise que les fonctions de gestionnaire d’antennes relèvent de la famille professionnelle «'Programmes-métier Programmation'».

Madame X revendique sa classification au groupe 8. Or, il ressort des dispositions de l’accord collectif que pour la famille professionnelle «'Programmes-métier Programmation'», ce sont les chefs de chaîne qui relèvent du groupe 8.

L’accord d’entreprise prévoit également que les salariés issus de la grille C et/ou disposant déjà d’une pleine maîtrise de l’exercice de leur emploi peuvent évoluer sans changer d’emploi sur le groupe de classification immédiatement supérieur relevant de la classification «'spécialisé'», sous réserve de disposer d’une expertise reconnue dans leur emploi. L’expertise s’entend comme la capacité pour un collaborateur disposant d’une grande expérience d’utiliser ses compétences techniques et son jugement professionnel pour :

— opérer des constats, évaluer et faire des recommandations sur son champ d’action professionnel,

— assurer des missions élargies dans le champ de son emploi,

— assurer des actions de tutorat et de formation.

On ne peut déduire de la seule ancienneté de Madame X qu’elle dispose effectivement des capacités prévues par l’accord collectif. Or la cour constate que la salariée ne produit aucun élément relatif à son expérience, sa formation ou ses capacités professionnelles afin de justifier l’application du statut qu’elle revendique.

Par ailleurs, c’est en vain que Madame X compare sa situation à celle de Madame Z dont elle reconnaît elle-même qu’elle a été engagée en décembre 1982 et qu’elle bénéficie donc d’une ancienneté supérieure à la sienne. En outre, il ressort des écritures de l’employeur qui ne sont pas contestées par la salariée, que Madame Z bénéficie de la classification 7S et non 8S comme revendiquée par la salariée.

La cour constate enfin que les parties sont taisantes sur le niveau de placement à appliquer à la salariée, il conviendra par conséquent de lui appliquer le niveau 9 tel que prévu dans le projet de contrat de travail.

Dès lors au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour fixe la classification de Madame X au groupe 7C niveau de placement 9 à compter du 17 octobre 2015.

L’accord d’entreprise prévoit que le salaire annuel brut minimal hors prime d’ancienneté s’élève à 38.928 euros. La SA France Télévisions a toutefois retenu dans le projet de contrat de travail qu’elle a signé le 15 octobre 2015, un salaire annuel brut s’élevant à 43.793,04 euros et se décomposant comme suit :

—  3.322,82 euros au titre du salaire de base,

—  326,60 euros au titre de la prime d’ancienneté mensuelle.

Le salaire mensuel brut de Madame X sera par conséquent fixé à 3.322,82 euros, hors prime d’ancienneté.

Il sera en conséquence fait droit à la demande de rappel de salaire de Madame X à hauteur des sommes suivantes :

— du 17 octobre au 31 décembre 2015 : salaire versé 3.655,13 euros bruts soit un rappel s’élevant à 4.651,92 euros,

—  2016 et 2017 : la salariée ne produit ses bulletins de paie que jusqu’au 29 février 2016.

A défaut pour la salariée de produire l’ensemble de ses bulletins de salaire postérieurs au 29 février 2016, la SA France Télévisions sera condamnée à lui verser ces rappels sur la base d’un temps plein et du salaire mensuel brut fixé précédemment, hors prime d’ancienneté, sous déduction du salaire de base déjà versé.

Sur la demande de rappel d’accessoires de salaire

La cour rappelle que la requalification de la relation contractuelle qui confère au salarié le statut de travailleur permanent de l’entreprise a pour effet de replacer ce dernier dans la situation qui aurait été la sienne s’il avait été recruté depuis l’origine dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée. Il peut donc prétendre au paiement des éléments de salaire qui en sont l’accessoire. En l’occurrence, Madame X a droit au paiement d’un rappel sur prime d’ancienneté, d’un rappel d’indemnités de sujétions, de prime de fin d’année et de supplément familial.

Sur la demande au titre de la prime d’ancienneté

Il a été précédemment constaté que Madame X ne pouvait prétendre à une ancienneté remontant à juin 1984 mais à compter de la reprise de la prestation de travail soit le 18 février 1999.

Madame X n’étant pas fondé à percevoir de rémunération pendant les périodes interstitielles, il ne sera pas tenu compte des périodes non travaillées dans le calcul des primes sollicitées.

L’accord d’entreprise, dont les parties ne contestent à aucun moment qu’il peut être appliqué à l’espèce, prévoit que la prime d’ancienneté est égale à «'0,8% du salaire minimal garanti du groupe de classification 6 (cadre 2) par année d’ancienneté entreprise jusqu’à 20 ans, puis 0,5% par année de 21 à 36 années'».

Compte tenu de la classification retenue et des calculs effectués par la société qui ne sont pas contestés par la salariée, Madame X est fondée à obtenir la somme de 2.636,26 euros au titre des rappels de prime d’ancienneté pour la période comprise entre juin 2009 et juin 2015.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de la prime de sujétions

Madame X explique que la convention collective de l’audiovisuel public(article V.7) prévoit le versement d’une indemnité de sujétion pour les cadres. Elle ajoute que l’accord collectif de France Télévisions prévoit également une indemnité de sujétion de 116 euros par mois pour les cadres.

La SA France Télévisions constate que la salariée ne justifie d’aucune disposition précise de l’accord d’entreprise applicable depuis le 1er janvier 2013 qui lui ouvrirait droit à une telle indemnité. Elle précise que l’accord d’entreprise de 2013 intègre effectivement l’indemnité de sujétion au salaire pour les personnels de France 3.

Il ressort des termes de l’accord d’entreprise applicable à compter du 1er janvier 2013, que la prime de sujétion versée aux cadre a été intégré au salaire de base et n’est donc plus spécifiquement versée. La demande de rappel de Madame X à ce titre à compter de l’entrée en vigueur de cet accord sera donc rejetée.

Pour la période antérieure au 1er janvier 2013, la cour constate que la salariée ne fournit pas les éléments susceptibles de déterminer qu’elle faisait partie de la catégorie des cadres pouvant prétendre au paiement de cette prime. Elle en sera par conséquent déboutée.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de la prime de fin d’année

Madame X fait valoir que la SA France Télévisions verse une prime de fin d’année à ses salariés permanents d’un montant de 2.550 euros bruts.

La SA France Télévisions rappelle que du fait de son statut d’intermittent, le salaire versé à Madame X était bien supérieur à celui qu’elle aurait perçu si elle avait été engagée en CDI. Elle estime dès lors que ses cachets englobent l’ensemble des éléments de rémunération, prime comprise.

Les primes ont le caractère d’élément de salaire constant si elles correspondent aux trois critères cumulatifs qui sont la constance, la généralité et la fixité. En l’absence de ces critères ou de l’un d’entre eux, la somme versée correspond à une gratification ou à une libéralité de l’employeur qui peut en supprimer le versement.

La constance, c’est-à-dire le versement régulier et répété, s’apprécie en fonction de la périodicité de la prime. Le seul fait pour l’employeur d’avoir qualifié la prime d’exceptionnelle ne suffit pas à écarter le critère de constance si son paiement est effectivement répété dans le temps.

On entend par généralité, le versement à l’ensemble du personnel ou à une catégorie de salariés identifiée par opposition à un versement individuel.

Enfin, il y a fixité quand le montant de la prime résulte de l’application de modalités de calcul connues et invariables.

C’est au salarié qui invoque un usage d’apporter par tous moyens la preuve tant de son existence que de son étendue.

En l’espèce si la SA France Télévisions ne conteste pas la réalité du versement d’une prime de fin d’année aux salariés permanents, Madame X faillit en son obligation de justifier de son étendue soit de son montant.

Sa demande ne peut donc prospérer. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de supplément familial

Madame X explique que le montant de cette prime est égale à 38 euros par mois et par enfant à charge. Elle précise avoir deux enfants à charge et produit leurs certificats de scolarité.

Au regard des éléments versés aux débats et notamment de la fiche interne à la SA France Télévisions rappelant les modalités de versement du supplément familial, il y a lieu de faire droit à la demande de Madame X.

Il convient toutefois de ne tenir compte que des périodes travaillées, de telle sorte que le montant dû s’élève à la somme de 2.665,32 euros.

Le jugement sera infirmé.

Sur la demande au titre de l’indemnité de requalification

Madame X explique que le recours aux CDD était érigé en système par la SA France Télévisions. Elle estime que la collaboration sur une durée de plus de 30 ans justifie l’octroi d’une indemnité à hauteur de 30.000 euros.

Aux termes de l’article L.1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

L’indemnité de requalification ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel perçu avant la saisine de la juridiction. En cas de rémunération variable, le montant minimum de cette indemnité est calculé selon la dernière moyenne de salaire mensuel.

En l’espèce, au regard des bulletins de paie versés aux débats, il y a lieu de tenir comme salaire mensuel moyen la somme de 1.770,60 euros.

Dès lors au regard de ces éléments, il convient d’accorder à Madame X la somme de 1.800 euros au titre de l’indemnité de requalification.

Le jugement sera infirmé sur le quantum alloué.

Sur la demande de paiement des indemnités de voyage

Madame X estime que la SA France Télévisions ne lui a pas payé l’intégralité des indemnités de voyage qui lui étaient dues. En effet, l’employeur lui a versé une indemnité de voyage correspondant à seulement 4 heures pour ses trajets en Corse. Or selon elle, l’article 6.3.3 de l’accord national de branche de la télédiffusion du 22 décembre 2006 concernant les frais de voyage prévoit que pour les voyages d’une durée de plus de 4 heures une journée de salaire doit être payée.

La SA France Télévisions précise que lorsque les contrats s’enchaînaient, il n’y avait aucun temps de trajet. Elle ajoute que s’il y avait un weekend entre deux contrats, Madame X était indemnisée en frais de mission afin de pouvoir rester en Corse.

Elle ajoute que si certaines indemnités voyage pourraient ne pas avoir été réglées à la salariée à hauteur de 4.164,67 euros, elle constate toutefois que la salariée ne fournit aucun justificatif permettant de démontrer la réalité de ces déplacements.

La cour relève que la salariée produit un tableau listant les indemnités voyages qui ne lui auraient pas été réglées mais ne verse aucun autre élément à l’appui de sa demande. Pourtant dans la mesure où l’employeur ne conteste pas utilement lui en devoir une partie, la cour fera droit à la demande de Madame X dans la limite de cette somme soit 4.164,67 euros.

Sur la demande de rappel de salaire à la suite de la diminution du nombre de jours travaillés

Madame X fait valoir qu’à compter de la saisine du conseil de prud’hommes, elle a subi une baisse brutale de la quantité de travail qui lui était fourni sans que la SA France Télévisions ne justifie d’une baisse des besoins en emplois de gestionnaire d’antenne.

Elle estime que cette baisse correspond à 45 jours de travail en 2014 et 22 jours en 2015 au regard du nombre de jours travaillés en 2013.

La SA France Télévisions explique que l’ensemble des intermittents gestionnaires d’antenne ont subi une baisse de leur volume de travail entre l’année 2013 et l’année 2014.

Cette demande correspond en réalité à une demande de rappel de salaire pour les périodes interstitielles à laquelle il n’a pas été fait droit. Cette demande, faisant double emploi, ne peut davantage prospérer.

Sur le travail dissimulé

Madame X estime que la SA France Télévisions a sciemment détourné le régime spécifique des intermittents du spectacle afin de ne pas l’employer en qualité de gestionnaire d’antenne en CDI.

L’article L8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l’article L8221-3 du même code relatif à la dissimulation d’activité ou exercé dans les conditions de l’article L8221-5 du même code relatif à la dissimulation d’emploi salarié.

Aux termes de l’article L8223-1 du code du travail, le salarié auquel l’employeur a recours dans les conditions de l’article L8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Aucun élément produit aux débats ne démontre la réalité de l’intention frauduleuse de l’employeur de recourir au travail dissimulé et ce d’autant plus que le travail de Madame X était déclaré qu’il s’agisse de ses fonctions de scripte que de gestionnaire d’antenne.

Madame X ne peut, en conséquence, qu’être débouté de sa demande de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le préjudice lié à la perte de droits à la retraite

Madame X explique qu’elle a subi un véritable préjudice affectant ses droits à la retraite en raison du recours abusif aux CDD d’usage.

La SA France Télévisions estime qu’en application des règles de prescription, la salariée ne peut revendiquer la moindre somme au titre du préjudice subi qui soit antérieur au 24 juin 2009.

Elle ajoute que la salariée surestime son niveau de salaire et base ses demandes sur la base d’un contrat à temps plein.

La cour rappelle que la prescription d’une action en responsabilité contractuelle ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.

Dès lors, le point de départ du délai de prescription d’une telle demande n’intervient qu’au jour de la liquidation des droits à la retraite qui est l’espèce n’est pas encore intervenue.

En conséquence, le moyen tiré de la prescription est inopérant.

En l’espèce, aucune perte de chance de bénéficier d’une retraite plus favorable n’est démontrée dès lors d’une part, que des cotisations seront réglées sur les rappels de salaire accordés, et d’autre part que des cotisations ont d’ores et déjà été réglées dans le cadre du régime spécifique de l’intermittence.

En conséquence cette demande sera rejetée et le jugement confirmé.

Sur la remise de documents sociaux

Compte tenu des développements qui précèdent, il convient de faire droit à la demande de remise de documents sociaux conformes, dans les termes du dispositif sans qu’il n’y ait lieu d’assortir cette remise d’une astreinte.

Sur les frais de procédure

Il n’est pas inéquitable que chacune des parties conserve la charge des frais non compris dans les dépens qu’elle a pu exposer, il n’y a donc pas lieu à indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en ce qu’il a requalifié les contrats de travail les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter de 1999, en ce qu’il a rejeté les demandes au titre du travail dissimulé, du préjudice lié à la perte de droit à la retraite, de rappel de salaire à la suite de la diminution du nombre de jours travaillés et en ce qu’il a alloué une indemnité de 1.000 euros au titre des frais de procédure,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe le salaire mensuel brut hors prime d’ancienneté de Madame X à la somme de 3.322,92 euros,

Condamne la SA France Télévisions à verser à Madame X les sommes suivantes :

—  4.651,92 euros au titre du rappel de salaire pour la période du 17 octobre au 31 décembre 2015,

— pour la période postérieure au 1er janvier 2016, la SA France Télévisions sera condamnée à lui verser ces rappels sur la base d’un temps plein et du salaire mensuel brut fixé précédemment, hors prime d’ancienneté, sous déduction du salaire de base déjà versé,

—  2.636,26 euros au titre des rappels de prime d’ancienneté pour la période comprise entre juin 2009 et juin 2015,

—  1.800 euros au titre de l’indemnité de requalification,

—  4.164,67 euros au titre des indemnités de voyage,

Ordonne la remise des documents sociaux conformes à la présente décision dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt,

Rejette le surplus des demandes,

Condamne la SA France Télévisions aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 18 octobre 2017, n° 15/10976