Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 3 décembre 2020, n° 18/15699

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Chronologie de l’affaire

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TAoMA Partners · 27 janvier 2021

Il y a bientôt dix ans, la Cour de cassation faisait sensation en décidant, dans une célèbre décision « Ricard », que le partage, par des abonnés Facebook, de messages générés par une application pouvait constituer de la publicité en faveur de boissons alcooliques. Plus récemment, la cour d'appel de Paris est venue apporter des précisions sur ce qui doit être considéré comme entrant dans la définition de ces publicités, par ailleurs strictement encadrées par le Code de la santé publique. Une société exploitant des casinos a confié à une agence de publicité le soin de réaliser son …

 
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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 2 - ch. 2, 3 déc. 2020, n° 18/15699
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/15699
Décision précédente : Tribunal de grande instance de Paris, 21 mai 2018
Dispositif : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 2 – Chambre 2

ARRET DU 03 DÉCEMBRE 2020

(n° 2020 – 238 , 15 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/15699 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B55KD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n°

APPELANTE

ASSOCIATION NATIONALE DE PREVENTION EN ALCOOLOGIE ET ADDICTOLOGIE

prise en la personne de son Président M. Y Z

[…]

[…]

Représentée par Me François LAFFORGUE de la SELARL TEISSONNIERE TOPALOFF LAFFORGUE ANDREU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0268

Et pour avocat plaidant Me ITLA et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque :P0268

INTIMEES

SOCIETE GROUPE C D, SAS

[…]

[…]

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Pierre CUSSAC de la SELASU Société d’Exercice Liberal d’Avocats par Actions Simpliées, avocat au barreau de PARIS, toque : C0547

SAS MKTG FRANCE

[…]

[…]

N° SIRET : 447 614 355

Représentée et ayant pour avocat plaidant Me Nicolas AUCLAIR, avocat au barreau de PARIS, toque : C1175

[…]

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…]

[…]

N° SIRET : 348 49 4 9 15

ET

SA VRANKEN POMMERY PRODUCTION

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[…],

[…]

[…]

N° SIRET : 337 28 0 9 11

Représentées et ayant pour avocat plaidant Me Eric ANDRIEU de la SCP PECHENARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R047

SAS […]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège

[…]

[…]

N° SIRET : 485 374 128

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 22 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente

Madame A B, Conseillère

Madame Laurence CHAINTRON, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame A B dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Monsieur Armand KAZA

ARRET :

— Ccontradictoire

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et par Armand KAZA, Greffier présent lors du prononcé.

*****

La société Groupe C D est la holding du groupe éponyme qui exploite des hôtels et casinos au travers de ses filiales. Les sociétés Vranken Pommery produisent les vins de champagne Pommery et en assurent la diffusion et la vente. Elles fournissent en champagne le Groupe C D. La société Zone Franche (aux droits de laquelle vient désormais la société MKTG France suite à une fusion-absorption du 28 septembre 2016) est une agence de publicité. La société Bolloré Digital Média est l’éditeur du site internet www.directmatin.fr. et publie sur son site internet les versions PDF du journal quotidien Direct Matin.

Par contrat de collaboration en date du 14 août 2014, la société Groupe C D a confié à la société Zone Franche le soin de réaliser son programme de fidélité au sein de quatre de ses casinos ainsi que des actions de création de trafic et d’animation de ces établissements de jeu, contrat qui a été reconduit pour une année, à son terme du 31 janvier 2015. L’agence de publicité a proposé au Groupe C D, dans le but de créer du trafic dans les casinos, une opération dont elle a conçu le mécanisme promotionnel et a créé l’ensemble des visuels. Elle a organisé une loterie commerciale intitulée champagne à vie dont le lot principal était une bouteille par mois à vie de champagne de marque Pommery. L’agence a également conçu les différentes pages d’un site Internet www.champagneavie.com contenant l’annonce de la loterie commerciale et celle d’une opération promotionnelle concomitante 2 coupes de champagne + 10 euros de jetons pour 10 euros seulement.

L’Association nationale de prévention en alcoologie et en addictologie, (ANPAA), association reconnue d’utilité publique, a fait constater, le 29 septembre 2015, qu’un jeu concours intitulé Champagne à vie avait été organisé dans des casinos de la société Groupe C D du 19 au 27 septembre 2015, selon publicités diffusées dans la presse internet sur le site de la société Bolloré Média Digital, sur le site Champagne à vie et sur les sites de la société Groupe C D et que ce jeu était associé à une opération promotionnelle intitulée offre découverte qui s’est déroulée du 19 septembre au 11 octobre 2015 et qui permettait de bénéficier de deux coupes de champagne Pommery et de 10 euros de jetons de casino pour 10 euros, publiée sur le site http://www.champagneavie.com, sur les pages Facebook des casinos C D concernés éditées par le Groupe C D et sur le site www.directmatin.fr.

Faisant valoir que ces opérations et leur publicité constituaient de la publicité illicite en faveur de la boisson alcoolique Champagne Pommery et un parrainage illicite de jeu et de promotion, l’ANPAA a, par actes extra-judiciaires en date des 8, 9 et 13 octobre 2015, fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris les sociétés Vranken Pommery Monopole, Vranken Pommery Production, Groupe C D et Bollore Media Digital. Par acte extra-judiciaire du 8 décembre 2015, la société Groupe C D a appelé en garantie la société Zone franche. Ces deux procédures ont été jointes.

Par jugement en date du 22 mai 2018, le tribunal a débouté les sociétés Vranken-Pommery monopole, Vranken-Pommery production, Groupe C D et Mktg France de leur demande

de nullité du constat d’huissier du 29 septembre 2015, a mis hors de cause la société Vranken-Pommery monopole, a débouté l’ANPAA de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à payer aux sociétés Vranken-Pommery monopole et Vranken-Pommery production la somme de 1500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux sociétés Groupe C D et Mktg France et Bolloré média digital la somme de 1500 euros à chacune sur ce même fondement et aux dépens.

L’ANPAA a interjeté appel le 22 juin 2018 et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique aux sociétés Vranken-Pommery monopole, Vranken-Pommery production, Groupe C D et Mktg France le 21 septembre 2018 et signifiées aux sociétés Bolloré Media Digital le 26 septembre 2018, elle demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a écarté l’exception de nullité du constat d’huissier du 29 septembre 2015 et l’infirmant pour le surplus de :

— juger illicites les publicités en faveur de la boisson alcoolique champagne Pommery publiées sur le site internet www.champagneavie.com, sur le site www.casinobarriere.com, sur les pages Facebook du Groupe C D associées au jeu concours champagne à vie et à l’opération commerciale deux coupes de champagne Pommery et 10€ de jetons de casino pour 10€ seulement ;

— juger illicite la publicité parue sur le site internet www.directmatin.fr, édition de Lille du 22 septembre 2015, mentionnant le jeu concours et l’opération commerciale sus-mentionnés et en conséquence,

— condamner la société Groupe C D à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamner in solidum les sociétés Vranken Pommery Monopole et Vranken Pommery Production à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts,

— condamner la société Bolloré média digital à lui payer la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts,

et ces sociétés au paiement de la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, comprenant, notamment, les frais de constat de la Scp Darricau X de septembre 2015 à hauteur de 641,16 euros .

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 décembre 2018, la société Groupe C D soutient, au visa des articles L 3323-2 et suivants du code de la santé publique et de l’article 1 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu’il n’a pas fait droit à la demande de nullité du procès verbal de Me X et demande à la cour d’annuler celui-ci. A titre subsidiaire, elle demande à la cour de débouter l’ANPAA de ses demandes indemnitaires, faute pour l’association de justifier du préjudice qu’elle prétend avoir subi, de ses demandes d’astreinte, devenues sans objet et de dire que la société Mktg France venant aux droits de la société Zone franche devra la garantir de toutes les conséquences du jugement à intervenir. Enfin, elle réclame la condamnation de l’ANPAA et à défaut de la société MKTG France à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 décembre 2018, la société Vranken Pommery Monopole et la société Vranken Pommery Production soutiennent, au visa de l’article 1 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu’il a écarté la nullité du procès-verbal de constat du 29 septembre 2015, dont elles réclament l’annulation ou à tout le moins, qu’il soit constaté l’absence de force probante, et en conséquence, que soient rejetées les demandes de l’appelante, faute d’en établir la matérialité. Subsidiairement, elles demandent à la cour de mettre hors de cause la société Vranken-Pommery Monopole et, jugeant

qu’aucune preuve n’étant rapportée de leur participation à la création et à la diffusion des visuels litigieux, de les mettre toutes deux hors de cause et de débouter l’ANPAA de ses demandes. Ce rejet est également poursuivi, au visa de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique et du constat que les visuels litigieux ne constituent pas une publicité illicite en faveur d’une boisson alcoolique. Enfin, elles réclament la condamnation de l’appelante à leur payer à chacune la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 décembre 2018, la société MKTG France soutient, au visa des articles L. 3323-2 et suivants du code de la santé publique, à titre principal, la confirmation du jugement entrepris, à titre subsidiaire, le rejet des prétentions de l’ANPAA, et à titre très subsidiaire, elle demande à la cour de juger que les demandes d’indemnisation de l’appelante sont manifestement excessives et d’évaluer ses préjudices totaux à un juste montant.

Sur l’appel en garantie de la société Groupe C D, elle prétend au visa de l’article 1131 du code civil a une garantie due à la mesure des honoraires qu’elle a perçus et, en toute hypothèse, elle réclame la condamnation de l’ANPAA à lui payer la somme de 15 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 décembre 2018, la société Bolloré média digital demande à la cour, au visa des articles L.3323-2 et suivants du code de la santé publique et de l’article 1382 du code civil, de confirmer le jugement déféré et de condamner l’ANPAA à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle soutient que le préjudice subi par l’appelante ne peut pas excéder la somme de 8 000 euros et que la demande de suppression du visuel est sans objet, puisque retiré de son site internet www.DirectMatin.fr, depuis le 15 octobre 2015.

En tout état de cause, elle demande à la cour de juger qu’en application de la garantie contractuelle donnée par le Groupe C D, celui-ci la garantira de toutes les conséquences de l’arrêt à intervenir s’agissant des dommages et intérêts ou des frais de justice et elle sollicite la condamnation de l’ANPAA à lui payer la somme de 12 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La clôture est intervenue le 23 septembre 2020.

SUR CE, LA COUR,

Considérant, à titre liminaire, que l’ANPAA ne reprend pas devant la cour les demandes tendant à voir constater le parrainage illicite du jeu concours champagne à vie et de l’opération commerciale associée et ses demandes d’interdictions et de condamnations des sociétés Vranken Pommery Production, Vranken Pommery Monopole et Bolloré média digital pour réparer le préjudice qu’elle a subi du fait de ce parrainage ; que la décision déférée sera, en conséquence, confirmée en ce qu’elle a rejeté les chefs de demande y afférents (points 4 et 5 des conclusions de l’ANPAA rappelés en page 4 et 5 du jugement entrepris) ;

Considérant que les sociétés Groupe C D, Vranken Pommery Production et Vranken Pommery Monopole prétendent, au visa de l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945, à l’annulation du procès-verbal de constat dressé le 29 septembre 2015 par Me X, huissier de justice ; qu’elles expliquent que la nullité peut être prononcée pour violation des prescriptions de l’article 648 du code de procédure civile, comme l’a retenu le tribunal et l’avance l’ANPAA mais également lorsque l’huissier outrepasse ses pouvoirs ou procède à un constat à charge ;

Qu’elles estiment caractériser une telle situation, puisqu’en page 7 du procès-verbal, l’huissier écrit : Je constate que cette page présente des flûtes pleines de boissons avec en partie centrale le terme « D » et la mention en gros caractère «tout pétille encore plus dans les casinos D » et sans qu’il me soit demandé mon âge et sans mention sanitaire or le visuel comprend cette mention, ainsi qu’il apparaît sur la capture d’écran commentée par l’officier ministériel ;

Qu’elles lui font également grief, alors qu’il note qu’en page 17 A la date du 21 septembre, apparaissent diverses bouteilles de champagne Pommery sans aucune mention sanitaire de ne pas avoir, ainsi qu’il y était invité par l’onglet Afficher la suite, cliqué sur celui-ci afin de consulter la suite de la page et affirmer objectivement, après avoir consulté l’ensemble du visuel, que la mention sanitaire était absente ; qu’en dernier lieu, elles relèvent que le procès-verbal comprend une partie : 3.3 : Facebook C D alors qu’il y est relaté des constations sur le site www.directmatin.fr. ;

Que la société Groupe C D ajoute qu’en page 13 de son constat, l’huissier constate l’existence d’une vidéo Offre découverte jusqu’au 27/09/2015 qu’il n’a pas ouvert, la privant de l’opportunité d’établir que cette publicité comportait le message sanitaire et elle soutient le même grief, s’agissant de la page 15 de son constat, faute de description du contenu des colonnes de droite et de gauche de cette page ni du reste de page ;

Que l’ANPAA objecte que seules les mentions prévues à l’article 648 du code de procédure civile (date, identification du requérant, celle de l’huissier instrumentaire et sa signature) sont prescrites à peine de nullité et que la valeur et la portée des constats d’huissier sont soumises à la libre discussion des parties lors du débat contradictoire devant la juridiction ;

Considérant sur l’exception de nullité, qu’en application de l’article 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 (dans sa version applicable à la date du constat), les huissiers de justice peuvent en outre (…), commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu’à preuve contraire ;

Que la mention, en page 7 du procès-verbal du 29 septembre 2015, que le document reproduit juste au-dessus ne comporte pas de mention sanitaire relève de l’erreur de plume, certes regrettable, mais elle est impropre à établir la violation par l’huissier instrumentaire de l’obligation de neutralité et d’impartialité que lui impose le texte susmentionné ; qu’il en est de même du titre donné (3-3 Facebook C D) aux constatations sur le site http : //www.direct matin.fr et dont la première phrase est : je lance le navigateur Mouilla Firefox et je me connecte sur le site e http : //www.direct matin.fr ;

Qu’est tout aussi inopérant, d’une part, le fait que l’huissier instrumentaire n’ait pas ouvert la vidéo offre découverte, en l’absence d’allégation et encore moins de démonstration qu’il aurait ainsi occulté des éléments à décharge, et d’autre part, le fait que l’huissier n’aie pas après la capture d’écran de deux photographies de bouteilles de champagne (page 15 et 17), cliqué sur la mention afficher la suite ou, décrit à supposer qu’elles comportent des mentions pertinentes, le reste de la page, puisqu’il n’a fait que constater que les visuels reproduits ne comportaient pas la mention du message sanitaire prévu à l’article L. 3323-4 du code de la santé publique ;

Que le jugement critiqué sera confirmé en ce qu’il a écarté l’exception de nullité soutenue par les sociétés Groupe C D, Vranken Pommery Production et Vranken Pommery Monopole ;

Considérant que sur le fond que l’ANPAA soutient, en premier lieu, l’illicéité du visuel paru dans le journal directmatin et le site internet www.directmatin.fr édition de Lille du 22 septembre 2015, décrit au constat de Me X du 29 septembre 2015 ; qu’elle affirme qu’il contrevient aux dispositions légales encadrant la publicité pour les boissons alcooliques puisqu’il contient des mentions qui ne sont pas expressément autorisées par l’article L. 3323-4 du code de la santé publique (la présence de jetons de casino, les mentions 10 euros de jetons et pour 10 euros seulement, Casino D et grand jeu Champagne à vie) ; qu’elle critique ce qu’elle qualifie d’une invitation à la pratique du jeu sous l’emprise de l’alcool, de nature à susciter une perte de contrôle ; qu’elle prétend que la jurisprudence sanctionne l’association d’éléments liés au hasard et à la pratique du jeu aux boissons alcooliques et elle conteste que la mention ' deux coupes de champagne POMMERY + 10 euros de jetons pour 10 euros énonce les modalités de vente de deux coupes qui sont en réalité offertes ; qu’enfin, elle critique la position de verres qui trinquent utilisant le ressort du boire et non une simple présentation du vin ; qu’en second lieu, l’ANPAA prétend que la jurisprudence a systématiquement condamné les jeux concours organisés en faveur de la promotion de boissons alcooliques et en déduit que le jeu concours champagne à vie comme support d’une publicité pour une boisson alcoolique est illicite puisqu’une telle loterie constitue à minima une publicité indirecte pour cette boisson qui doit alors respecter les dispositions des articles L. 3323-2 et L. 3323-4 du code la santé publique ; qu’elle ajoute que le lot lui-même, le champagne à vie, contribue à banaliser une consommation déraisonnée et excessive d’alcool ; qu’elle critique, en troisième lieu, les pages publicitaires du site internet www.champagneavie.com éditées par la société Groupe C D dans le cadre de son opération commerciale et du jeu concours qui reprend les visuels illicites accompagnés du slogan tout pétille encore plus dans les Casinos D et en dernier, les pages Facebook de la société et de son casino de Lille qui contiennent des publicités illicites pour une boisson alcoolique, le champagne en raison de l’utilisation de la marque de champagne Pommery et de l’évocation de cette boisson ;

Considérant que la société la société Groupe C D objecte que devant la résistance des juridictions du fond, la Cour de cassation a admis que le législateur n’avait jamais entendu sanctionner toute évocation en termes positifs d’une boisson alcoolique et que la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a introduit un nouvel article L 3323-3-1 au code de la santé publique qui exclut de la limitation des supports et des mentions, certains contenus en précisant qu’ils ne sont pas de la publicité ou de la propagande en faveur du vin ; qu’elle en déduit un assouplissement du régime d’encadrement de la promotion du vin ; qu’elle conclut que ces dispositions légales sont pénalement sanctionnées et, en conséquence, d’application rétroactive, conformément à l’article 112-1 aliéna 3 du code pénal, y compris en matière de responsabilité délictuelle ; qu’elle demande à la cour d’apprécier la licéité de son visuel, à la lumière de cette jurisprudence et de l’assouplissement de la législation ; qu’elle retient principalement pour affirmer qu’il ne souffre d’aucune critique, que conformément à l’article L 410-2 du code de commerce, les prix des biens, produits et services sont librement déterminés par le libre jeu de la concurrence et qu’en conséquence, elle est libre d’offrir à la vente deux coupes de champagne et des jetons de jeu d’une valeur de 10 euros pour un prix de 10 euros , qu’il ne s’agit pas de consommation d’alcool gratuite mais une vente au sens de l’article 1582 du code civil dont la finalité est d’inciter le consommateur non à s’alcooliser mais à fréquenter ses établissements et faire l’expérience du jeu ; qu’elle avance que la publicité en faveur d’un vin est licite, dès lors qu’elle emploie l’une des mentions visées à l’article L 3323-4 au nombre desquelles figurent les modalités de vente, qui est certes particulière, en l’espèce, mais qui est licite au même titre que celle d’une réduction de prix ; que s’agissant de sa loterie, elle fait valoir que cette pratique commerciale est légale dès lors qu’elle n’est pas déloyale au sens de l’article L. 120-1 du code de la consommation et elle conteste l’interprétation que fait l’ANPAA de la jurisprudence pour avancer que le régime de la publicité des boissons alcooliques interdirait toute loterie dont le lot serait une telle boisson ; qu’en dernier lieu, elle avance que l’organisation d’une loterie n’est pas une publicité, dont elle rappelle qu’elle est seule interdite par L’article L 3323-4 du code de la santé publique ; qu’en dernier lieu, elle nie que le dessin de coupes qui trinquent soit prohibé par l’article L 3323-4 code de la santé publique puisque toute évocation en termes positifs de la consommation de vin ne tombe pas sous le coup de la loi et qu’il peut être fait référence au patrimoine culturel et à un mode de consommation ; qu’enfin, elle fait le constat que l’absence des mentions sanitaires sur les pages Facebook n’est pas rapportée ;

Considérant que la société la société Bolloré digital média conteste la publication sur son site d’une publicité en faveur d’une boisson alcoolisée et fait valoir qu’il s’agit de promouvoir le casino D de Lille et que ce n’est pas l’usage, à des fins informatives, du logo de la marque Pommery, placé sous la mention 2 coupes de champagne et occupant moins d'1/100ème de l’annonce qui pourrait permettre de qualifier ce visuel de publicité en faveur d’une boisson alcoolisée ; qu’elle ajoute que comme l’a d’ailleurs retenu le tribunal, c’est un visuel licite puisqu’il se réfère à une modalité de vente et qu’il comprend la mention sanitaire légale ;

Considérant que l’agence de publicité, la société MKTG France reprend les arguments développés par les autres intimés et conteste l’existence d’un parrainage (qui n’est plus soutenu) ;

Considérant l’article L. 3323-2 du livre III lutte contre alcoolisme du titre III lutte contre les maladies et dépendances du code de la santé publique énonce :

La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques dont la fabrication et la vente ne sont pas interdites sont autorisées exclusivement :

1° Dans la presse écrite à l’exclusion des publications destinées à la jeunesse (…)

2° Par voie de radiodiffusion sonore (…)

3° Sous forme d’affiches et d’enseignes, sous réserve de l’article L. 3323-5-1 ; sous forme d’affichettes et d’objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat (…)

4° Sous forme d’envoi (…) de messages, de circulaires commerciales, de catalogues et de brochures, dès lors que ces documents ne comportent que les mentions prévues à l’article L. 3323-4 et les conditions de vente des produits qu’ils proposent ;

5° Par inscription sur les véhicules utilisés pour les opérations normales de livraison des boissons (…)

6° En faveur des fêtes et foires traditionnelles consacrées à des boissons alcooliques locales et à l’intérieur de celles-ci, dans des conditions définies par décret ;

7° En faveur des musées, universités, confréries ou stages d’initiation oenologique à caractère traditionnel ainsi qu’en faveur de présentations et de dégustations, dans des conditions définies par décret ;

8° Sous forme d’offre, à titre gratuit ou onéreux, d’objets strictement réservés à la consommation de boissons contenant de l’alcool, marqués à leurs noms (…)

9° Sur les services de communications en ligne à l’exclusion de ceux qui, par leur caractère, leur présentation ou leur objet, apparaissent comme principalement destinés à la jeunesse, ainsi que ceux édités par des associations, sociétés et fédérations sportives ou des ligues professionnelles au sens du code du sport, sous réserve que la propagande ou la publicité ne soit ni intrusive ni interstitielle.

Toute opération de parrainage est interdite lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcooliques.

Que l’article L. 3323-3 définit la publicité indirecte comme la propagande ou publicité en faveur d’un organisme, d’un service, d’une activité, d’un produit ou d’un article autre qu’une boisson alcoolique qui, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une dénomination, d’une marque, d’un emblème publicitaire ou d’un autre signe distinctif, rappelle une boisson alcoolique ; .

Que l’article L. 3323-4 du code de la santé publique précise :

La publicité autorisée pour les boissons alcooliques est limitée à l’indication du degré volumique d’alcool, de l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi que du mode d’élaboration, des modalités de vente et du mode de consommation du produit.

Cette publicité peut comporter, en outre, des références relatives aux terroirs de production et aux distinctions obtenues, aux appellations d’origine telles que définies à l’article L. 115-1 du code de la consommation ou aux indications géographiques telles que définies dans les conventions et traités internationaux régulièrement ratifiés. Elle peut également comporter des références objectives relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit.

Le conditionnement ne peut être reproduit que s’il est conforme aux dispositions précédentes.

Toute publicité en faveur de boissons alcooliques, à l’exception des circulaires commerciales destinées aux personnes agissant à titre professionnel ou faisant l’objet d’envois nominatifs ainsi que les affichettes, tarifs, menus ou objets à l’intérieur des lieux de vente à caractère spécialisé, doit être assortie d’un message de caractère sanitaire précisant que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé ;

Qu’il en ressort que la publicité, lorsqu’elle est faite en faveur de boissons alcoolisées, est autorisée sous les conditions énoncées ci-dessus ;

Considérant que l’article L3323-3-1 du code de la santé publique énonce que ne sont pas considérés comme une publicité ou une propagande, au sens du présent chapitre, les contenus, images, représentations, descriptions, commentaires ou références relatifs à une région de production, à une toponymie, à une référence ou à une indication géographique, à un terroir, à un itinéraire, à une zone de production, au savoir-faire, à l’histoire ou au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine, ou protégée au titre de l’article L. 665-6 du code rural et de la pêche maritime ;

Que ces dispositions légales sont entrées en vigueur, le 28 janvier 2016, soit postérieurement aux publications critiquées, et surtout elles font échapper aux limites posées par le code de la santé publique, les contenus d’action d’information et de promotion relatifs à une région de production, une référence ou une indication géographique ou un terroir à l’histoire et au patrimoine culturel, gastronomique ou paysager liés à une boisson alcoolique disposant d’une identification de la qualité ou de l’origine, ou protégée sans pour autant autoriser le recours à ces éléments pour promouvoir une boisson alcoolique, publicité toujours soumise au régime restrictif des articles susmentionnés ;

Considérant qu’en pages 20 et suivantes et en annexe 14 de son procès-verbal du 29 septembre 2018, l’huissier instrumentaire écrit qu’il procède à la capture de l’écran de la page des éditions du site internet www.directmatin.fr puis à l’édition lilloise de ce magazine dont il reproduit la page 5 ; qu’il apparaît sous un titre B Casino D, l’annonce d’une offre : 2 coupes de champagne + 10 euros de jetons et en dessous pour 10 euros seulement !** ;

Que ces indications sont surmontées à gauche, par le dessin de deux coupes de champagne avec en dessous, le logo de la marque Pommery et à droite des jetons de casino rouges et blancs ; qu’elles sont suivies de la phrase Offre valable jusqu’au 11 octobre 2015 sur présentation de cette annonce ;

Que les deux astérisques renvoient au texte suivant : Prix de vente public : entre 32 euros et 40 euros . Offre valable une seule fois par jour dans la limite de deux personnes par offre du 19 /09/2015 au 11/10/2015 sur présentation de ce support à l’accueil de votre casino. Hors événements spéciaux et non cumulables avec toutes autres offres en cours. Jetons non échangeables, non remboursables, valables uniquement en salle machines à sous. Les tickets de jeu sont émis sous forme de coupon à échanger en caisse, en cas de perte, aucun duplicata ne pourra être délivré. Le casino se réserve le droit de suspendre à tout moment et sans préavis cette offre. L’accès au casino est réservé aux personnes majeures et non interdites de jeu, sur présentation d’une pièce d’identité ou d’une carte de fidélité D en cours de validité ;

Que dans un encart de forme ronde, en bas et à droite du visuel, est ainsi annoncée une loterie : jusqu’au 27 septembre 2015, GRAND JEU « CHAMPAGNE A VIE ». Tentez de gagner une bouteille de champagne par mois à vie* ; que l’astérisque renvoie au texte suivant écrit en petits caractères : jeu gratuit sans obligation d’achat valable dans les casinos participants du 19 septembre au 27 septembre 2015. Une seule participation par jour et par personne, voir conditions dans le règlement. Règlement complet disponible gratuitement à l’accueil de votre Casino ;

Qu’enfin, au-dessus du nom, de l’adresse, des jours et heures d’ouverture du casino D de Lille et de l’adresse internet de son site, sont inscrites la mention sanitaire prévue à l’article L.3323-4 du code de la santé publique (l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération) et celle relative au jeu (18+ Jouer comporte des risques : endettement, dépendance’ appelez le 097475131 – appel non surtaxé) ;

Considérant, ainsi que le soutiennent les intimées et en conformité avec la convention de collaboration du 14 août 2014 conclue entre la société Groupe C D et la société Zone France, que cette campagne promotionnelle a pour finalité de promouvoir les établissements de jeu exploités par les sociétés du groupe D et de créer un courant de clientèle qu’il s’agit d’attirer par une offre de vente incluant jetons et boissons à un prix promotionnel attractif inhérent à la démarche publicitaire ; qu’il ne s’agit pas de l’offre de consommation d’alcool gratuite ;

Mais considérant que ce visuel comprend, sous le dessin des deux verres de champagne, qui inclinées l’une vers l’autre, 'trinquent', le logo de la marque Pommery ainsi que l’invitation à tenter de gagner une bouteille de champagne par mois à vie ; que cette publicité constitue une incitation à la consommation d’une boisson alcoolique ; qu’elle est soumise aux dispositions restrictives du code de la santé publique, ce qu’avait d’ailleurs indéniablement admis le concepteur de ce visuel et son mandant, puisque l’encart publicitaire reproduit l’avertissement sanitaire imposé par l’article 3323-4 du code de la santé publique ;

Considérant, comme l’énonce l’article 3323-4 du code de la santé publique, que la publicité autorisée pour les boissons alcooliques peut comporter notamment des mentions relatives à l’origine, de la dénomination, de la composition du produit, du nom et de l’adresse du fabricant, des agents et des dépositaires ainsi qu’à son mode d’élaboration, ses modalités de vente et du mode de consommation et des références objectives relatives à sa couleur et à ses caractéristiques olfactives et gustatives du produit ; qu’une présentation flatteuse du produit par la mise en valeur de sa couleur et de sa pétillance comme la référence à son mode de consommation par l’inclinaison des coupes qui miment le geste de trinquer ne peuvent pas être critiquées puisqu’elles renvoient, d’une part, aux caractéristiques objectives du produit, et d’autre part, à un mode de consommation coutumier ; qu’il en est de même des mentions relatives aux conditions (prix notamment) et au lieu de vente ;

Qu’en revanche, le visuel associe à la boisson alcoolique, le dessin de jetons de jeux du casino et donc l’univers des jeux de hasard dont le déroulement est partiellement ou totalement soumis à la chance ; que cette référence excède les prévisions des textes susmentionnés qui limitent la communication au produit et à son environnement ;

Que les sociétés MKTG France et Bolloré digital média ne peuvent pas utilement se prévaloir du courrier du juriste conseil de l’ARPP, organisme d’autodiscipline publicitaire, improprement qualifié d’avis et dans lequel son rédacteur se contente prudemment d’indiquer que le projet est selon nous, conforme aux dispositions déontologiques et juridiques en vigueur ; que l’auteur de ce courrier occulte, de surcroît, les recommandations de l’organisme dont il dépend qui prohibe d' associer la consommation de boissons alcoolisées à des situations de chance (pièce 13 de l’appelante) ;

Que le visuel publié dans le journal directmatin édition de Lille du 29 septembre 2014 et sur le site internet www.directmatin.fr constitue une publicité illicite et sa publication engage la responsabilité de l’annonceur et de l’éditeur du support soit la société Groupe C D et la société Bolloré digital média ;

Considérant que l’ANPAA recherche également la responsabilité des sociétés Vranken Pommery Production et Vranken Pommery Monopole ; que ses sociétés expliquent qu’en vertu d’un contrat de commissionnaire, la Vranken Pommery Production est chargée de la promotion et du respect des lois et règlements relatifs à la publicité, ce qui exclut toute poursuite à l’encontre de Vranken Pommery Monopole, laquelle doit être mise hors de cause, ce d’autant qu’aucune d’elles n’est intervenue dans la conception ou la diffusion du visuel litigieux ;

Considérant que pour solliciter que la cour retienne la responsabilité de ces deux entreprises, l’ANPAA ne peut pas se contenter d’alléguer qu’elles auraient, eu égard à leur activité, profité de la publicité dénoncée, et ce, à la seule lecture de leurs extraits Kbis dont de surcroît elle dénature les termes ; qu’en effet, il ressort de ces documents qu’elle produit, que la société Vranken Pommery Production a pour activité le pressurage, l’élaboration de vins de champagne et le stockage de ces produits et la société Vranken Pommery Monopole, la prise de participation et d’intérêts sous quelle que forme que ce soit et par tout moyen ;

Que le contrat de commissionnaire en date du 31 octobre 2003 (la pièce 3 des intimées) tacitement reconductible d’année en année, est opposable à l’ANPAA en tant que fait juridique, vient établir que Vranken Pommery Monopole est le commissionnaire de la société productrice qui lui a confié l’organisation de son réseau de distribution et de la promotion de ses produits ; que dès lors, une faute (à la supposer établie) peut engager aussi bien la responsabilité du commissionnaire – qualifié au contrat d’intermédiaire opaque – que son mandant ; que dès lors, la société Vranken Pommery monopole doit être maintenue dans la cause ;

Qu’en revanche, et ainsi que le concluent les deux sociétés Vranken Pommery, aucune démonstration n’est faite d’une faute de nature à engager leur responsabilité extra-contractuelle ; que l’ANPAA ne soutient d’ailleurs pas leur participation à l’élaboration ou à la diffusion du visuel illicite et n’évoque que l’usage de la marque Pommery ; or, l’annonceur pouvait faire usage de cette marque pour désigner le produit qu’il vendait ou donnait, sans en référer au titulaire du droit de marque, droit épuisé par la (première) commercialisation du produit ainsi que l’énonce l’article L. 713-4 du code de la propriété industrielle cité par les intimées ;

Que dès lors, en l’absence de toute allégation, démonstration et justification d’une faute des sociétés Vranken Pommery, leur responsabilité ne sera pas retenue ;

Considérant que l’ANPAA prétend, en second lieu, qu’un jeu concours soit en l’espèce, la loterie champagne à vie ne peut pas constituer le support d’une publicité pour une boisson alcoolique ;

Or, l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, lorsqu’il liste les supports autorisés énumère les supports matériels des publicités et non la nature de la communication promotionnelle ; que le jeu concours, dont le ou les lots seraient des boissons alcooliques est soumis aux dispositions de l’article L.121-36 du code de la consommation qui n’interdit nullement de tels lots ; que seule la communication de l’entreprise autour de cette loterie, dans la mesure où elle répond à la définition de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, est soumise au régime légal des publicités en faveur des boissons alcooliques ;

Que la demande de l’ANPAA, à ce stade de son raisonnement, qui critique l’organisation d’une

loterie et la nature du lot, ne peut pas prospérer ;

Considérant que l’ANPAA analyse, en troisième lieu, la communication de la société Groupe C D sur son site http://www.champagneavie.com dédiée à sa promotion commerciale 'deux coupes de champagne POMMERY + 10 euros de jetons pour 10 euros et à sa loterie ;

Qu’il ressort des pages 7 et 8 du constat de Me. X, que le site de la société Groupe C D s’ouvre sur une page publicitaire qui reproduit un visuel quasi-identique à celui publié sur le site direct matin ; qu’est uniquement absent l’encart relatif à la loterie et qu’y est ajouté, d’une part la mention, en partie centrale sous le terme D la mention en gros caractère tout pétille encore plus dans les Casinos D et d’autre part, l’indication que l’offre découverte est valable du 19 septembre au 11 octobre 2015 ; qu’enfin, figure au bas du message, le message sanitaire d’usage ;

Considérant que l’offre découverte sus mentionnée est une vente promotionnelle, certes de boissons et de jetons de jeu, mais incite à la consommation des premières et sa publication est, par conséquent, encadrée par les dispositions légales susmentionnées auxquelles elle contrevient ainsi qu’il est dit ci-dessus, compte tenu de la présence d’un dessin de jetons de jeux du casino ; que l’association de la vente de l’alcool à l’univers des jeux de hasard est accentuée par le slogan qui prête à l’établissement de jeux, l’une des qualités du vin vendu – son pétillement ;

Que ce visuel est illicite ;

Qu’il en est de même du coupon, auquel accède l’internaute en cliquant sur l’onglet j’en profite et qui n’est que la publicité publiée sur direct matin (sans la mention relative à la loterie) auquel est ajouté, que l’offre est valable sur présentation ce coupon ;

Que ces publications, pour les motifs retenus ci-dessus pour écarter la responsabilité des sociétés Vranken Pommery, engage la responsabilité de la seule société Groupe C D, éditeur du site ;

Considérant que l’ANPAA incrimine en quatrième lieu, des publications sur des pages Facebook du Groupe C D et du casino de Lille pour la période du 17 septembre 2015 au 29 septembre 2015 reproduite au constat de Me X ;

Qu’il ressort de ce constat, qu’à la date du 18 septembre 2015, est annoncée sur la page Facebook du groupe, l’opération champagne à vie ; que sous le texte : Préparez-vous à pétiller. Rendez-vous dans votre casino D pour tenter de remporter du champagne offert chaque mois à vie. Pour en savoir plus et trouver votre casino, cliquez ici : http://goo.gl/M69GZZ figure un visuel présentant plusieurs flûtes remplies d’une boisson jaune, des bulles, l’indication champagne à vie avec inscrit en dessous, Votre bouteille de champagne offerte chaque mois à vie, le tout sans la moindre référence à une marque de commerce d’une boisson alcoolisée ; que le texte constitue seulement l’invitation à participer à la loterie, ce qui est licite comme le visuel décrit ci-dessus, qui ses éléments figuratifs ne fait l’objet d’aucune critique argumentée de l’ANPAA ;

Que le lien hypertexte renvoie à la page du site Champagne à vie.com sur laquelle figure le visuel illicite décrit ci-dessus et qui comporte le slogan tout pétille encore plus dans les casinos D ;

Que l’ANPAA retient également comme illicite la mention à la page Facebook du casino de Lille du 25 septembre 2015, de l’opération champagne à vie avec des flûtes de champagne et la mention du 19 au 27 septembre 2015 à gagner Champagne à vie, votre bouteille offerte chaque mois à vie ;

Que s’agissant des autres pages Facebook du casino de Lille, il y est visible, une offre découverte valable jusqu’au 27 septembre 2015, qui, ainsi qu’il ressort de l’annexe 7 du constat, est rédigée comme suit :

Bénéficier de notre offre découverte !

(dans un losange) =

  20% sur la 2e place pour le même spectacle

(dans un losange) +

5 euros de jetons

(dans un losange) +

2 coupes de champagne, le tout encadré à gauche du dessin de jeton et à droite de 2 verres de champagne (qui trinquent), sans la moindre mention de marque de commerce de boissons alcooliques ;

Que cette publicité a pour finalité d’inciter l’internaute à acquérir une place pour un spectacle proposé par le casino à un prix promotionnel et ne constitue nullement une publicité pour le vin de champagne qu’y voit l’ANPAA ; qu’elle n’avait donc pas à être accompagnée de la mention sanitaire de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique;

Que sur les quatre photographies reproduites en page 13, 14, 15 et 17 pour la première à la suite de la phrase, notre grand jeu « champagne à vie » est désormais terminé. Merci à tous et à toutes pour votre participation. A très bientôt figurent des bouteilles de champagne de marque Pommery sur un présentoir à étage (page 13 et 17), quatre gagnants posant à côté d’une bouteille et d’un carton, lesquels portent la dite marque (page 14) et un jéroboam de champagne Pop de marque Pommery entouré de deux bouteilles de ce même produit d’une contenance moindre (page 15) ; que chacune de ses photographies sur lesquelles figure le conditionnement de ces boissons, constitue une publicité pour celles-ci;

Que le fait que l’huissier instrumentaire n’ait pas cliqué sur l’onglet, à la suite, de la page Facebook du 21 septembre est indifférent dans la mesure où ainsi qu’il ressort de l’annexe 7 de son constat qui reproduit, l’intégralité des pages consultées, les photographies litigieuses publiées pour certaines à des dates différentes, sont séparées par des commentaires, textes, visuels divers ; qu’elles devaient dès lors, chacune, comporter le message sanitaire de l’article L. 3323-4 du code de la santé publique ;

Considérant que dès lors que la loterie ne constitue pas en elle-même le support interdit que dénonce l’ANPAA, l’usage des termes suivants sur les pages Facebook pour certains à distance des visuels critiqués et non sur les photographies qu’il l’illustre n’est pas illicite : félicitations aux heureux gagnants de notre grand jeu concours Champagne à vie, merci à toutes et à tous pour votre participation. A très bientôt, dimanche, ne ratez pas le tirage au sort de notre jeu champagne à vie. Gagnez en exclusivité ce Jéroboam Silver Pop produit en édition limitée, plus que 3 jours pour tenter de remporter du champagne offert à vie. Rendez-vous dimanche dans votre Casino D pour découvrir si vous avez gagné. Pour en savoir plus et trouver votre casino, cliquez ici http://goo.gl/M69GZZ, et si vous remportiez du champagne à vie, tentez votre chance dans notre casino jusqu’au 27 septembre 2015 ;

Qu’il s’ensuit que seule la publication de quatre photographies constitue des actes de publicité illicite, en l’absence de mention de l’avertissement sanitaire, ce qui engage la responsabilité de la seule société Groupe C D, aucune démonstration n’étant faite d’une intervention ou d’un investissement des sociétés Vranken Pommery dans la conception ou la diffusion de ces photographies ;

Considérant que la décision déférée sera confirmée uniquement en ce qu’elle a débouté l’ANPAA de

ses demandes à l’encontre des sociétés Vranken Pommery ;

Considérant que la diffusion d’une publicité illicite constitue une atteinte à l’objet social de l’ANPAA et donc à ses intérêts moraux indépendamment des frais engagés pour obtenir gains de cause et dès lors, les sociétés intimées ne peuvent pas lui dénier son droit à indemnisation ;

Que le préjudice de l’ANPAA trouve sa mesure dans l’atteinte apportée aux intérêts qu’elle défend par la diffusion de messages interdits, dont il convient de rappeler qu’il s’agit, d’une part, d’une publicité dans l’édition du 25 septembre 2015 du journal numérique direct matin dont doit répondre l’éditeur du site et de ce journal et la société Groupe C D et d’une publicité similaire sur le site Champagneavie du groupe sus-mentionné et de quatre photographies sur ses pages Facebook ; qu’il n’est pas contesté que l’édition numérique de direct matin du 22 septembre 2015 a été retirée le 13 octobre suivant ; que dès lors, le préjudice de l’ANPAA ne présente pas l’ampleur alléguée et il sera réparé par l’allocation de la somme de 9 000 euros à la charge de la société Groupe C D et de celle de 3 000 euros à la charge de la société Bolloré digital média;

Considérant que la société Groupe C D réclame la garantie de la société MKTG France qui vient aux droits et obligations de sa cocontractante, la société Zone Franche ; que la société MKTG France ne conteste pas devoir la garantie prévue à l’article 2-3 de la convention de collaboration du 14 août 2014 mais prétend que la demande ne pourrait pas être accueillie au-delà de 21 305,25 euros, montant de ses prestations, au motif qu’à défaut, son engagement de garantie serait dépourvu de cause ;

Que cet argument est inopérant dans la mesure où si la garantie donnée trouve sa cause dans le prix payé par le donneur d’ordre, il n’est pas exigé que la cause et l’objet du contrat soit, en valeur, proportionnés ; qu’il sera fait droit à la garantie sollicitée ;

Considérant que la société Bolloré digital média réclame également la garantie de sa cliente, la société Groupe C D en application de l’article 8 de ses conditions générales de vente ; que cette société ne réplique pas ;

Considérant qu’il ressort de l’indication des parties, que la société Bolloré digital média est immatriculée au registre du commerce sous le n°485 374 128 ; qu’elle sollicite le bénéfice d’une garantie contractuelle contenue à l’article 8 des conditions générales de vente des espaces publicitaires direct matin qui précisent à leur article 1 qu’elles sont celles de la régie publicitaire Bolloré média régie et il ressort que c’est cette dernière société, immatriculée au registre du commerce sous le n°538 601 105, qui a facturé ses prestations au Groupe C D (les pièces 3 et 4 de Bolloré digital média) ;

Que faute de développer la moindre argumentation explicitant une demande de garantie fondée sur une convention à laquelle elle n’est pas partie, la société Bolloré digital média éditeur du site direct matin.fr en sera déboutée ;

Considérant que la condamnation de l’ANPAA aux dépens de première instance sera infirmée comme celles fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés Groupe C D, Bolloré digital média et MKTG France ;

Que les sociétés Groupe C D et Bolloré digital média seront condamnées aux dépens de première instance et d’appel et à payer à l’ANPAA la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ; que l’ANPAA qui succombe dans ses demandes à l’encontre des sociétés Vranken Pommery sera condamnée à payer à chacune la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles qu’elles ont exposés à hauteur d’appel ;

Qu’enfin, la société MKTG France sera condamnée à payer à la société Groupe C D la

somme de 2000 euros sur ce même fondement ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe

Infirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, le 22 mai 2018 sauf en ce qu’il a débouté l’ANPAA de ses demandes à l’encontre de la société Vranken Pommery Production et qu’il a condamné l’ANPAA à payer à cette société et à la société Vranken Pommery Monopole la somme de 1 500 euros à chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Bolloré digital média à payer à l’ANPAA la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du dommage consécutifs à des actes de publicité illicite dans l’édition numérique de son journal direct matin édition Lille du 22 septembre 2015 et sur son site directmatin.com ;

Condamne la société Groupe C D à payer à l’ANPAA la somme de 9 000 euros en réparation du dommage consécutif à des actes de publicité illicite dans l’édition numérique de son journal direct matin édition Lille du 22 septembre 2015 et sur son site directmatin.com et sur son site Champagneavie et sur les pages Facebook de son site et du site de son casino de Lille ;

Déboute l’ANPAA du surplus de ses demandes ;

Condamne la société Groupe C D et la société MKTG France à payer à l’ANPAA la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la société MKTG France doit garantir la société Groupe C D des condamnations prononcées par la présente décision et la condamne à payer à la société Groupe C D la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Bolloré digital média de sa demande de garantie dirigée contre la société Groupe C D ;

Condamne l’ANPAA à payer à la société Vranken Pommery Monopole et à la société Vranken Pommery Production la somme de 1 500 euros à chacune en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Groupe C D et la société MKTG France aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris le coût du constat du 29 septembre 2015 (641,16 euros) et dit que les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 2, 3 décembre 2020, n° 18/15699