Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 2, 10 février 2021, n° 18/00358

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CA Paris, pôle 4 - ch. 2, 10 févr. 2021, n° 18/00358
Juridiction : Cour d'appel de Paris
Numéro(s) : 18/00358
Décision précédente : Tribunal d'instance de Palaiseau, 9 octobre 2017, N° 11-16-0004
Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Sur les parties

Texte intégral

Copies exécutoires

REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 2

ARRET DU 10 FEVRIER 2021

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/00358 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B4XLI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Octobre 2017 -Tribunal d’Instance de PALAISEAU – RG n° 11-16-0004

APPELANTE

Madame C-D Y

née le […] à Paris

[…]

[…]

Représentée par Me Nicolas UZAN de la SELARL CABINET D’AVOCATS JACQUIN UZAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0153

ayant pour avocat plaidant : Me Aurélie GONTHIER, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, toque : PN 373

INTIME

Monsieur Z X

né le […] à […]

[…]

50100 Cherbourg-Octeville

Représenté par Me Virginie BOGUSLAWSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : G0584

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

Mme Muriel PAGE, Conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Dominique CARMENT

ARRET :

— CONTRADICTOIRE

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

— signé par M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, Greffière présente lors du prononcé.


FAITS & PROCÉDURE

Mme C-D Y est propriétaire d’une parcelle de terrain située […] à […] sur laquelle est édifiée sa maison d’habitation qui est mitoyenne de celle de M. Z X située […] à […].

Se plaignant de troubles anormaux du voisinage en raison de l’empiètement de nombreuses branches d’arbres du fonds de M. X et des nuisances dues à la proximité des arbres du fonds voisin (chutes de feuilles et d’autres résidus végétaux sur sa propriété, perte d’ensoleillement, enconbrement des gouttières et de la toiture par des résidus d’arbre, humidité et présence de mousses) et de l’inertie de son voisin, Mme Y l’a fait assigner, par acte du 7 février 2014, devant le tribunal d’instance de Palaiseau afin de le voir condamné à faire cesser ces troubles. Elle demandait à ce titre et sous le bénéfice de l’exécution provisoire qu’il soit condamné à procéder, sous astreinte de 150 € par jour de retard, à l’élagage des végétaux débordant sur son fonds et à la taille des quatre bouleaux en les rabattant à une hauteur de 9 mètres et qu’il soit condamné au paiement de 5.000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive, de 1.500 € au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Après radiation puis réinscription de l’affaire au rôle, l’affaire a été renvoyée à une audience de plaidoiries du 20 juin 2017 au cours de laquelle Mme Y a limité ses demandes initiales et a sollicité avant dire droit une expertise judiciaire pour déterminer le préjudice qu’elle prétendait avoir subi.

Au soutien de sa défense, M. X a soulevé l’incompétence du tribunal pour statuer sur la mesure d’expertise et a sollicité à titre reconventionnel la condamnation de Mme Y à lui payer la somme de 5.000 € de dommages et intérêts pour résistance abusive, de 3.000 € au titre des frais irrépétibles et des dépens, outre une amende civile.

Par jugement rendu le 10 octobre 2017, le tribunal a :

— rejeté l’exception d’incompétence formée par M. X ;

— déclaré irrecevable la demande reconventionnelle formée par M. X au titre de l’amende civile ;

— débouté Mme Y de sa demande d’expertise ;

— rejeté la demande reconventionnelle de M. X au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

— rejeté les demandes de Mme Y et de M. X au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné Mme Y aux dépens ;

— rejeté les demandes aux fins de voir ordonner l’exécution provisoire.

Mme Y a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 22 décembre 2017.

La procédure devant la cour a été clôturée le 18 novembre 2020.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions du 12 novembre 2020 par lesquelles Mme Y, appelante, invite la cour, au visa des articles 673 et 1240 du code civil, à :

— infirmer le jugement entrepris ce qu’elle a été déboutée :

• de sa demande d’expertise judiciaire avant dire droit ;

• de sa demande de voir condamner M. X à faire cesser le trouble dont elle est victime en procédant à l’élagage des végétaux situés sur son fonds et débordant sur le sien, dans la huitaine de la signification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai, étant précisé que la période propice à un tel élagage est celle du 15 octobre au 15 février de l’année suivante ;

• de sa demande de voir condamner M. X, sous la même astreinte, à procéder à la taille des 7 bouleaux situés sur son fonds, en les rabattant et en les maintenant à une hauteur maximale de 9 m ;

• de sa demande de condamnation de M. X de la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

• de sa demande de condamnation de M. X au paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et en ce qu’elle a été condamnée aux dépens ;

Statuant à nouveau, avant dire droit :

— ordonner une expertise ;

— désigner pour y procéder un expert spécialisé en horticulture et établi de préférence dans le département de l’Essonne, pour sa connaissance de l’écosystème local, avec pour mission de :

• se rendre sur place, convoquer et entendre les parties assistées le cas échéant de leurs conseils et recueillir leurs observations à l’occasion de l’exécution des opérations ou de la tenue des réunions d’expertise ;

• se faire remettre toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission et notamment les marchés des entreprises ;

• relever et décrire les désordres allégués dans les conclusions d’appelant ainsi que les dommages ;

• rechercher si ces désordres sont de nature à créer un trouble anormal de voisinage ;

• en détailler l’origine, les causes et l’étendue et fournir tous éléments techniques permettant de déterminer les responsabilités encourues et d’évaluer les préjudices subis ;

• indiquer et évaluer les travaux éventuellement nécessaires à la cessation du trouble et le cas échéant en chiffrer le coût ;

• en cas d’urgence ou de péril en la demeure reconnu par l’expert, autoriser le demandeur à

• faire exécuter à ses frais et pour le compte de qui il appartiendra les travaux estimés indispensables par l’expert, ces travaux étant dirigés par le maître d''uvre de la demanderesse et par des entreprises qualifiées de son choix, sous le constat de bonne fin de l’expert, lequel dans ce cas, déposera un pré-rapport précisant la nature et l’importance des travaux ; donner son avis sur les comptes présentés par les parties ;

• dire que l’expert accomplira sa mission conformément aux articles 263 du code de procédure civile et que sauf, conciliation des parties, il déposera son rapport au secrétariat greffe dans les 12 mois de sa saisine, étant précisé que ce délai doit correspondre à un cycle complet de végétation (l’hiver, pour examiner les désordres liés à la chute de branches, pendant la végétation, pour examiner les désordres liés à la privation d’ensoleillement, pendant la période estivale, pour examiner les désordres liés à la chute des fruits et graines qui dure plus de 3 mois, et après la chute des feuilles, soit au début du mois de décembre pour examiner les désordres qui en découlent) ;

• dire qu’il en sera référé en cas de difficultés ;

• fixer la provision à consigner au greffe à titre d’avance sur les honoraires de l’expert dans le délai qui sera imparti dans l’ordonnance à intervenir ;

Subsidiairement si la cour s’estimait suffisamment éclairée pour statuer au fond :

— condamner M. X à faire cesser le trouble dont elle est victime en procédant à l’élagage drastique des végétaux litigieux situés sur son fonds et débordant sur le sien, dans la huitaine de la signification de la décision à intervenir, sous réserve qu’elle intervienne au cours de la période de repos végétatif (mi-octobre à mi-février), et sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai ;

— condamner M. X, sous la même astreinte, à procéder à la taille des 7 bouleaux situés sur son fonds, en les rabattant à une hauteur maximale de 9 mètres et à les maintenir à cette hauteur maximale ;

— condamner M. X au paiement de la somme de 6.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

— condamner M. X à lui verser 2.500 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens dont distraction au profit de son conseil ;

Vu les conclusions du 15 juin 2018 par lesquelles M. Z X, intimé, demande à la cour, au visa des articles 32-1, 143, 144, 515, 564, 696, 699 et 700 du code de procédure civile, de l’article 1240 du code civil, de :

In limine litis :

— dire que la mesure d’expertise sollicitée par Mme Y devant le tribunal l’était à titre principal et exclusif, en l’absence de toute(s) demande(s) accessoire(s),

— dire au surplus qu’à hauteur de la cour d’appel de céans, la demande d’expertise demeure présentée à titre principal,

— dire que le juge du fond ne peut être saisi à titre principal d’une demande visant uniquement à ordonner une mesure d’expertise dès lors que cette possibilité n’appartient qu’au Juge statuant sur requête ou en référé,

En conséquence :

— réformer le jugement en ce qu’il a rejeté son exception d’incompétence,

Et, y faisant droit :

— se déclarer incompétente pour statuer sur la demande d’expertise présentée par Mme Y, et renvoyer Mme Y à mieux se pourvoir ;

Sur la demande d’expertise de Mme Y :

— dire qu’il n’existe aucun motif légitime justifiant la mesure d’expertise sollicitée par Mme Y,

— dire qu’il n’existe aucun élément de preuve venant justifier les prétendues demandes de Mme Y,

— dire que l’existence de troubles anormaux du voisinage n’est pas caractérisée,

— débouter purement et simplement Mme Y de sa demande d’expertise que rien ne justifie,

En conséquence :

— confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’expertise de Mme Y,

Sur les demandes nouvelles de Mme Y :

— dire que les prétendus chefs de jugement qui sont critiqués par Mme Y, savoir :

« ' Infirmer le jugement en ce que Mme Y a été déboutée de sa demande de voir condamner M. X à faire cesser le trouble dont elle est victime en procédant à l’élagage des végétaux situés sur son fonds et débordant sur le fonds de la requérante, dans la huitaine de la signification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai, étant précisé que la période propice à un demande de

voir condamner M. X , sous la même astreinte, à procéder à la taille des 7 bouleaux situés sur son fonds, en les rabattant et en les maintenant à une hauteur maximale de 9 mètres ;

' Infirmer le jugement en ce que Mme Y a été déboutée de sa demande de condamnation de M. X de la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

' infirmer le jugement en ce que Mme Y a été déboutée de sa demande de condamnation de M. X au paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; »

n’existent pas, le tribunal n’ayant pas statué sur ces demandes que Mme Y avait incontestablement abandonnées,

— déclarer en conséquence Mme Y irrecevable à soutenir lesdites demandes pour la première fois devant la cour d’appel,

— dire que sont nouvelles les demandes de Mme Y tendant à :

« ' condamner M. X à faire cesser le trouble dont Mme Y est victime en procédant à l’élagage drastique des végétaux litigieux situés sur son fonds et débordant sur le fonds de la concluante, dans la huitaine de la signification de la décision à intervenir, sous réserve qu’elle intervienne au cours de la période de repos végétatif (mi-octobre à mi-février), et sous astreinte de 150 € par jour de retard passé ce délai ;

' condamner M. X, sous la même astreinte, à procéder à la taille des 7 bouleaux situés sur son fonds, en les rabattant à une hauteur maximale de 9 mètres et à les maintenir à cette hauteur maximale ;

' condamner M. X au paiement de la somme de 6.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;

' condamner M. X à verser 2.500 euros à Mme Y au titre des frais irrépétibles ;

' condamner M. X aux dépens de première instance et de l’instance d’appel dont distraction au profit de Me Uzan. »

— déclarer en conséquence irrecevables lesdites demandes sur le fondement de l’article 564

du code de procédure civile ;

Sur ses demandes reconventionnelles :

D’une part :

— dire qu’il n’existe aucun fondement, tant factuel que juridique, au soutien de l’action de Mme Y à son encontre,

— dire que l’intention de nuire de Mme Y à son encontre, ou à tout le moins son intention malveillante, est caractérisée,

— dire que l’abus d’ester en justice est caractérisé en l’espèce et lui donner acte qu’il s’en rapporte à justice quant à l’opportunité de condamner Mme Y à une amende civile pour procédure abusive, sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile,

En conséquence :

— réformer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de condamnation à l’encontre de Mme Y pour procédure abusive,

Et, y faisant droit :

— condamner Mme Y à lui verser àla somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l’article 1240 du code civil,

D’autre part et en toutes hypothèses :

— condamner Mme Y à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

— condamner Mme Y aux entiers dépens en application de l’article 696 du code procédure civile.

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;

En application de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;

Sur l’exception d’incompétence

Mme Y forme une demande de désignation d’un expert, avant dire droit, aux fins de déterminer le préjudice qu’elle subit et les moyens d’y remédier ;

Des lors que l’action de Mme Y vise in fine à faire condamner l’intimé sur le fondement du trouble anormal de voisinage, la cour reste saisie de sa demande principale formée au fond destinée à faire cesser le trouble dont elle se prétend victime et de versement d’une indemnité en réparation de son préjudice ;

La cour rejette donc l’exception d’incompétence et confirme en ce sens la décision du premier juge ;

Pour les mêmes motifs, la cour retient que la demande de dommages et intérêts et de condamnation à faire cesser le trouble sous astreinte sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage n’est pas nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile qui dispose qu’à peine d’irrecevabilité, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions ;

Sur la demande d’expertise

Mme Y verse à l’appui de sa demande des constats d’huissier des 19 décembre 2017, 9 et 16 octobre 2018, 28 mars 2019, 24 avril 2019, 19 et 26 juin 2018 et 24 février 2020 ;

À l’examen de l’ensemble de ces procès-verbaux, bien que non-contradictoires et dès lors qu’ils sont corroborés par d’autres éléments, la cour s’estime suffisamment éclairée pour apprécier si les inconvénients allégués excèdent les troubles normaux du voisinage et statuer sur les demandes principales ;

Il y a par conséquent lieu de débouter l’appelante de sa demande d’expertise et, partant, de confirmer le jugement critiqué ;

Sur les troubles anormaux du voisinage

Mme Y soutient que le trouble de voisinage qu’elle subit est caractérisé par :

— le fait qu’elle se trouve dans l’obligation de multiplier les prestations d’entretien de ses gouttières depuis l’origine des nuisances pour limiter les difficultés d’écoulement de ses eaux pluviales et le risque de débordements de ses gouttières ; elle expose que le pignon sud est constamment sali par les dépôts de déchets qui finissent par tomber ;

— le surcroît d’entretien causé par la surabondance de déchets qui tombent toute l’année des

arbres voisins, en particulier les travaux pénibles de ramassage, tels qu’ils sont illustrés par

le constat d’huissier du 20 août 2020, et d’évacuation des branches et rameaux enchevêtrés

dans les massifs qui entravent aussi la marche, et la tonte de la pelouse ;

— l’obligation pour elle de procéder aux travaux de réfection de sa toiture en raison de la multiplication des mousses en toiture du fait de la présence de végétaux ;

Elle ajoute que le trouble est également caractérisé par la privation d’ensoleillement de son fonds, ainsi que par l’existence d’un risque d’atteinte à la sécurité ;

Aux termes du principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage, il

est institué une responsabilité objective – sans faute – fondée sur la preuve du trouble anormal qui s’apprécie en fonction des circonstances de temps et de lieu ; il s’ensuit que l’auteur du trouble ne peut s’exonérer en prouvant son absence de faute ;

Tout occupant des lieux titulaire d’un droit de jouissance, locataire ou simple occupant, auteur des nuisances, est donc responsable de plein droit vis-à-vis des voisins victimes, sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage, quand bien même le trouble serait inhérent à une activité licite et qu’aucun manquement à une disposition législative, réglementaire ou contractuelle n’aurait été observé ;

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats, en particulier des nombreux constats d’huissier, que le fonds de Mme Y recueille les feuilles mortes, les brindilles et, parfois, les petits branchages secs des arbres (bouleaux, sequoia, pin sylvestre et sapin de hauteur pouvant atteindre 25 mètres) du fonds de son voisin, M. X, et que cet inconvénient est plus prégnant en période de grand vent voire durant les tempêtes ; il est également établi que des débris végétaux engendrant la prolifération de mousse viennent se déposer sur les gouttières de sa toiture pouvant entraîner, en cas d’absence d’entretien, un vieillissement des tuiles ;

M. X démontre pour sa part qu’il a fait procéder à la taille de deux bouleaux situés à proximité du fonds de l’appelante en juin 2014, à l’abattage d’un épicéa et d’un noisetier en septembre 2020 et la taille et la réduction d’arbres et arbustes à cette même date ;

En outre, il est constant que les arbres de M. X contribuent à une diminution d’ensoleillement pour Mme Y, sans toutefois qu’ils puissent représenter un danger pour son habitation autre que le risque de chute normal de tout arbre en période de tempête ;

Par conséquent, dès lors que les terrains des deux parties se trouvent dans un milieu volontairement arboré contribuant au charme de l’habitat dans la commune de Bièvres où l’appelante a choisi de s’installer, les désagréments provoqués par la chute des feuilles mortes et autres résidus végétaux et par la diminution de l’ensoleillement sont le corollaire prévisible et ordinaire de la présence de ces grands arbres préexistants ; la gêne occasionnée dans ce contexte tel que rapporté par les parties ne peut être considérée comme un trouble anormal du voisinage de Mme Y à qui incombe l’entretien de son jardin et de sa toiture ; cet inconvénient est donc insuffisant pour justifier une demande de dommages et intérêts ;

Il convient dès lors de confirmer le jugement critiqué en ce qu’il a débouté Mme Y de l’intégralité de ses demandes formées au titre du trouble anormal de voisinage ;

Sur la demande de dommages et intérêts formée à titre reconventionnel

En application des dispositions de l’article 32-1 du code de procédure civile, l’exercice d’une action en justice ne dégénère en abus que s’il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s’il s’agit d’une erreur grave équipollente au dol ; l’appréciation inexacte qu’une partie se fait de ses droits n’est pas constitutive en soi d’une faute ;

M. X ne rapporte pas ici la preuve de ce que l’action de Mme Y aurait dégénéré en abus ; il doit par conséquent être débouté de sa demande de dommages-intérêts ;

La cour retient ainsi que le premier juge a justement rejeté la demande formée à ce titre ;

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l’application qui y a été équitablement faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Mme Y, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d’appel ; enfin, au regard de la nature du litige, chaque partie conservera la charge de ses propres frais non compris dans les dépens par application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Déclare recevable les demandes de Mme C-D Y ;

Confirme le jugement ;

Y ajoutant,

Condamne Mme C-D Y aux dépens d’appel ;

Dit que chaque partie conservera en cause d’appel la charge de ses propres frais non compris dans les dépens prévus à l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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